Croissance : la reprise en 2021,2022 ou plus tard ! (Christine Lagarde )
Une nouvelle fois Christine Lagarde ne se mouille pas en indiquant que la reprise devrait intervenir en 2021, en 2022 en 2023. Bref, elle instille un léger vent d’optimisme face au pessimisme des acteurs économiques qui ne voient guère le bout du tunnel du virus et ses conséquences. On notera comme d’habitude que pas une aspérité ne dépasse d’un discours préparé par les experts de la BCE et que comme d’habitude elle se contente de lire les notes de ses collaborateurs. (Interview dans le JDD)
Les mauvaises nouvelles s’accumulent en Europe. Comment maintenir les prévisions de conjoncture?
Les incertitudes, en effet, se multiplient. De mémoire d’économistes de la BCE, il n’y en a jamais eu autant. Nos projections sont publiées tous les trois mois. L’une des façons de conserver un certain optimisme en dépit des conditions actuelles consiste simplement à se souvenir des projections de la BCE rendues publiques en septembre 2020 et des multiples incertitudes qu’elles prenaient en compte. Quels en étaient alors les faits saillants? Les modalités de la conclusion du Brexit n’étaient pas connues. Les risques d’une sortie sans accord demeuraient intacts, tant pour l’Union européenne que pour le Royaume-Uni. Sur le front de la pandémie, aucun vaccin n’existait. Aucun pronostic n’était possible sur la date de leur éventuelle apparition. Les élections américaines, déterminantes pour l’ensemble du monde, n’avaient pas eu lieu. Aujourd’hui, ces incertitudes majeures ont toutes été dissipées. Notamment la plus cruciale d’entre elles, la mise à disposition de vaccins fiables, puisque plusieurs ont été validés depuis par les autorités de santé internationales compétentes. C’est une nouvelle donne. Et un facteur indéniable d’optimisme.
Est-ce suffisant pour espérer que 2021 soit une meilleure année?
Nous demeurons convaincus, à la BCE, que 2021 sera une année de reprise. La reprise économique a été retardée, mais non battue en brèche. Elle est évidemment attendue avec impatience. Nous anticipons une montée en puissance autour du milieu de l’année, même si des incertitudes persistent. Nous ne sommes pas à l’abri de risques encore inconnus. Soyons lucides : nous ne retrouverons pas les niveaux d’activité économique d’avant la pandémie avant mi-2022.
Quel niveau de croissance prévoyez-vous pour la zone euro cette année?
Aux alentours de 4%. Peut-être un peu en dessous. Cela représenterait déjà une hausse très significative par rapport à la chute du PIB de 6,8% enregistrée dans la zone euro en 2020. Tout dépendra de la politique de vaccination et du déroulement des campagnes. Ainsi que des mesures économiques prises par les gouvernements en réponse aux conditions sanitaires.
Le 21 juillet 2020, les chefs d’Etat et de gouvernement européens ont décidé un plan de relance de 750 milliards d’euros. Avez-vous des inquiétudes sur sa concrétisation?
Il ne fait aucun doute que la crise actuelle a renforcé l’Union européenne. La décision prise par les Etats membres d’emprunter pour la première fois en commun a constitué un moment de cohésion exceptionnel dans l’histoire de la construction européenne. Mais il faut à tout prix maintenir le rythme. La pandémie a un effet accélérateur sur tout : nous devons donc accélérer, nous aussi, en conséquence. On combat le feu par le feu. Il est préférable d’agir vite, quitte à revenir en arrière pour rectifier d’éventuelles erreurs le cas échéant. Ce plan doit être ratifié à temps pour que la Commission puisse emprunter comme prévu en juin, pour répartir ensuite les fonds entre les Etats membres de l’Union européenne. Pour ce faire, il est nécessaire que l’ensemble des plans de relance nationaux, comprenant des actions en faveur de la transition climatique et de la numérisation, soit présenté à la Commission très bientôt.
Comment la BCE va-t-elle continuer à agir?
Elle soutient les ménages, les entreprises et les économies des Etats membres depuis le tout début de la crise. Elle a agi très rapidement, avec un premier plan de 750 milliards d’euros annoncé dès le 18 mars 2020, suivi par deux augmentations de notre enveloppe d’achat de titres qui atteint aujourd’hui 1.850 milliards d’euros. Il fallait éviter une fragmentation des conditions de financement des Etats de la zone euro face à l’expansion du virus. Nous nous sommes engagés à rester actifs sur les marchés au moins jusqu’en mars 2022, pour soutenir et préserver les conditions financières en Europe. Notre outil privilégié est le PEPP [Pandemic Emergency Purchase Programme], qui diffère des autres programmes d’achat de la BCE pour deux raisons : son caractère d’urgence absolue et la possibilité qu’il confère de nous écarter des limites habituelles, dès lors qu’elles constitueraient un obstacle au soutien que nous devrions fournir aux économies de la zone euro. C’est un outil exceptionnel et temporaire. Comme je l’ai dit dès le mois de mars 2020, notre engagement vis-à-vis de l’euro est sans limites. Nous agirons aussi longtemps que la pandémie mettra la zone euro en situation de crise. Nous pensons que l’échéance de mars 2022 est un délai raisonnable et que l’enveloppe du PEPP est la bonne. Mais si le Conseil des gouverneurs estime d’ici là qu’il y a besoin de faire plus, plus longtemps, nous ferons plus. En revanche, si on n’a pas besoin de toute l’enveloppe, on ne l’utilisera pas. C’est le principe de la flexibilité.
Cette politique monétaire accommodante ne comporte-t-elle pas des risques?
Nous n’observons pas de phénomène inquiétant. Nous ne voyons pas de bulles immobilières à l’échelle de la zone euro mais des indicateurs de prix surévalués localement, dans des grandes villes, en France, en Allemagne au Luxembourg ou en Belgique. Cela étant dit, il est crucial de continuer à soutenir le crédit dans l’ensemble du système économique. Les banques apportent des actifs en collatéral à la BCE et se financent en retour à des taux très bas, de façon à financer ensuite les entreprises. La priorité consiste à donner à ces dernières l’accès aux financements dont elles ont besoin. Nous n’avons pas le choix : quand l’économie est ainsi mise sous cloche, le rôle de la BCE n’est pas d’effectuer un tri entre les entreprises. Il faut privilégier la croissance, la concurrence et l’innovation. La sélection s’opérera d’elle-même.
Comment faudra-t-il agir une fois la crise terminée?
Une fois la pandémie passée et la crise économique derrière nous, nous ferons face à une situation délicate. Il va falloir s’organiser. Et ne pas commettre les erreurs d’autrefois, comme serrer d’un coup tous les robinets des politiques budgétaires et de politique monétaire. Il faudra, à l’inverse, apporter aux économies un accompagnement souple et graduellement diminué, au fur et à mesure que la pandémie s’éloignera et que la reprise se manifestera. L’économie devra alors réapprendre à fonctionner sans les aides exceptionnelles rendues nécessaires par la crise. Je ne suis pas inquiète, car la capacité de rebond est forte. Nos économies sont résilientes. Il suffit de voir le formidable rebond de l’économie française au troisième trimestre de 2020, avec une croissance trimestrielle de 18,5%, pour s’en convaincre.
Les écarts entre Etats de la zone euro compliquent-ils l’élaboration d’une politique monétaire commune?
La crise de la Covid-19 a surtout accentué les différences antérieures. Dans ce contexte, le plan de relance européen, Next Generation EU, n’en est que plus fondamental, notamment par le volet des subventions qui seront accordées à chaque Etat en fonction justement des spécificités des situations nationales. L’Italie recevra par exemple environ 200 milliards d’euros sous forme de prêts et de subventions. C’est pourquoi il est crucial de ne pas gâcher cette solution exceptionnelle et de la déployer dès que possible.
Les inquiétudes au sujet des niveaux très élevés d’endettement des Etats sont-elles fondées?
Il est indéniable que notre politique monétaire serait plus efficace si la convergence entre les politiques économiques des Etats membres était plus grande. Tous les pays de la zone euro émergeront de cette crise avec des niveaux de dette élevés. Il ne fait aucun doute qu’ils parviendront à la rembourser. Les dettes se gèrent dans le temps long. Les investissements réalisés dans des secteurs déterminants pour l’avenir engendreront une croissance plus forte. La reprise sera créatrice d’emplois, et donc fédératrice. Nous allons vers une autre économie, plus numérique, plus verte, plus engagée face au changement climatique et pour le maintien de la biodiversité. Elle sera aussi portée par de nouvelles valeurs, que les jeunes expriment déjà par leurs exigences en matière de carrière et d’emploi, qui obéiront à des paramètres différents. La santé, notamment, fait partie de leurs références.
Une pétition signée par cent économistes réclame l’effacement des dettes publiques détenues par la BCE. Que leur répondez-vous?
L’annulation de cette dette est inenvisageable. Ce serait une violation du traité européen qui interdit strictement le financement monétaire des Etats. Cette règle constitue l’un des piliers fondamentaux de l’euro. Le traité européen a été accepté et ratifié librement et volontairement par les Etats membres de l’Union européenne. Si l’énergie dépensée à réclamer une annulation de la dette par la BCE était consacrée à un débat sur l’utilisation de cette dette, ce serait beaucoup plus utile! A quoi sera affectée la dépense publique? Sur quels secteurs d’avenir investir? Voilà le sujet essentiel aujourd’hui.
Votre prédécesseur, Mario Draghi a été chargé de former un gouvernement en Italie. Que vous inspire cette nomination?
C’est une chance pour l’Italie, et une chance pour l’Europe, que Mario Draghi ait accepté de relever ce défi : sortir son pays de la crise économique, et sociale, alors que l’Italie est le pays de la zone euro le plus touché par la pandémie. J’ai toute confiance en Mario Draghi pour accomplir cette tâche. Il a toutes les qualités requises, la compétence, le courage, et l’humilité pour réussir dans sa nouvelle mission : relancer l’économie italienne, avec le soutien de l’Europe.
Janet Yellen, l’ancienne présidente de la Banque centrale américaine, la Fed, devient secrétaire du Trésor. Est-ce une bonne nouvelle?
Une femme pour la première fois à ce poste est une excellente nouvelle! Janet Yellen présente un profil idéal compte tenu des circonstances, puisque c’est une économiste spécialiste du marché du travail. Or l’emploi sera déterminant pour le redémarrage de l’économie. C’est une femme chaleureuse et agréable. Humble dans son excellence. Sa nomination fluidifiera les relations économiques transatlantiques. Nous allons retrouver une logique de coopération dans des domaines clés, comme les échanges internationaux et les enjeux climatiques.
Vous défendez un « verdissement » de la politique monétaire. Est-ce du ressort d’une banque centrale?
Absolument. Dans la lutte contre le changement climatique, chacun doit prendre sa part. La BCE est dans le cadre de son mandat de stabilité des prix, car le changement climatique comporte des risques en la matière, en exerçant une influence sur la croissance, le niveau des prix et l’économie en général. La base juridique est légitime. L’opinion publique est en faveur de la prise en compte de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance.
Bref, comme d’habitude, quand on a écouté Christine Lagarde on a un peu de mal à déceler qu’il est exactement l’intérêt est la nature du message Avec des propos aussi lisses, l’intéressée est assurée de rester une bonne vingtaine d’années dans son poste. (NDLR).