Hopitaux: : non à la culture du chiffre
Dans une lettre adressée au chef de l’Etat, un collectif de 670 professeurs et médecins de toutes disciplines alerte sur la déliquescence de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris. Ils appellent à des mesures urgentes et profondes, permettant de restaurer la capacité des services médicaux à assurer leur mission de soin.
Monsieur le président de la République, l’état moral, organisationnel et budgétaire de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) est au plus bas. Les personnels sont découragés et beaucoup démissionnent, y compris certains des meilleurs responsables médicaux. D’attractif, le CHU [centre hospitalier et universitaire] francilien est devenu répulsif. Il ne remplit plus sa mission de façon satisfaisante, malgré le dévouement et la qualité scientifique de notre communauté hospitalière.
En 2019, la « nouvelle AP-HP » a été mise en place. Pour faire face à ses mauvais résultats budgétaires, la direction générale a instauré un nouveau découpage des structures intermédiaires. Les pôles, rebaptisés « départements médico-universitaires » (DMU), sont passés de 128 à 76, les groupes hospitaliers, rebaptisés « groupes hospitalo-universitaires » (GHU), de douze à six. La création de ces mastodontes ingouvernables a entraîné les effets que les plus lucides d’entre nous avaient prévus : des dysfonctionnements et un désordre supplémentaire dans une institution qui en comptait déjà beaucoup.
Comme anticipé, cette réorganisation, qui n’a fait que créer des strates supplémentaires inutiles, n’a pas amélioré les résultats financiers. Les prévisions budgétaires optimistes effectuées par le siège de l’AP-HP ne se sont pas réalisées. Le gouvernement a été contraint de renflouer les caisses du CHU francilien, comme il doit le faire au niveau national.
La seconde réforme de la direction de l’AP-HP a été la réduction du temps de travail quotidien des équipes soignantes, dans le but de diminuer le nombre de jours de réduction du temps de travail (RTT) et d’économiser du personnel. La conséquence en a été de raccourcir les phases de transmission entre les équipes, de perdre le sentiment d’appartenance à un service et de dégrader les conditions de travail.
Une politique de recrutement archaïque visant à retarder au maximum les embauches, ainsi que des conditions de travail de plus en plus difficiles font qu’actuellement, des centaines de postes de soignants ne sont pas pourvus. En conséquence, des lits sont fermés dans une proportion jamais vue, jusqu’à près de 20 %. Les soignants sont de plus en plus souvent contraints de refuser des soins médicaux et chirurgicaux, dont certains sont pourtant urgents et vitaux.
La bureaucratie est en perpétuelle extension. C’est un mal ancien, systémique. Il ne sera pas combattu par ceux qui le répandent. Se multipliant un peu plus chaque année, les exigences réglementaires tatillonnes, voire absurdes, ainsi que les injonctions paradoxales ruissellent des ministères vers les agences régionales de santé (ARS), puis inondent tous les recoins de l’hôpital. Les « managers » présents dans toutes les strates inutiles multiplient tracasseries, réunions, rapports sans intérêt, procédures irrationnelles, demandes abusives, commissions et sous-commissions à propos de n’importe quel sujet.