Pour un nouveau concept de la citoyenneté (Jean-François Chantaraud)
Pour un nouveau concept de la citoyenneté par Jean-François Chantaraud, délégué général de l’Odissée (*).( La tribune »
« Depuis toujours, se faire comprendre suppose de rendre acceptable son expérience et ses idées par autrui. Il faut pour cela se connaître, mais aussi connaître ses interlocuteurs, tous uniques. Gérer ses relations interpersonnelles représente donc en soi une énorme difficulté, qui croît de façon exponentielle avec la quantité de protagonistes.
A cela s’ajoute la disparition des sas spatio-temporels : le digital convoque la réactivité immédiate au flux continu d’informations et la mobilité des personnes nous place face à la diversité des cultures. La gestion de la complexité devient inaccessible et les manquements à appréhender la multitude de signaux faibles deviennent criants.
Chacun peut désormais constater l’insuffisance des dispositifs de décision. Dans l’entreprise, nombre d’alertes et idées quotidiennes ne sont pas prises en compte. Pire encore, la société mondiale se voit comme impuissante sur les terrains aussi variés de la transition énergétique et écologique, de l’équité économique et sociale, de la transparence financière et géopolitique. Le respect pour les décideurs et experts de toutes les sphères s’en trouve écorné a priori.
En termes de performance globale, neuf pays d’Europe de l’Ouest se classent parmi les vingt premiers mondiaux tandis que la France se range désormais à la… 55e place[1] ! Pour n’évoquer que le PIB par habitant, elle était à parité avec l’Allemagne voici vingt ans alors que le pouvoir d’achat d’un Allemand est désormais plus d’un quart supérieur à celui d’un Français ! La France s’est fait déborder par le mouvement du monde. Si nos voisins s’en sortent, le mal n’est pas dans la mondialisation, mais dans la façon dont elle est gérée : le système socio-éco-politique monopolistique français. Paris est le siège de tous les pouvoirs : politique, économique, social, culturel, éducatif, médiatique. De plus, à Paris, l’Etat est l’acteur principal : régulateur expansif (multiplication des codes), formateur omniscient (toutes les grandes écoles sont publiques), géant économique (les grandes entreprises sont presque toutes liées à l’Etat), médiateur social (souverain du paritarisme). Dans l’Etat, le pouvoir exécutif s’impose sur les pouvoirs législatif et judiciaire. Au sein de l’exécutif, la Présidence de la République omniprésente écrase Matignon. Ainsi, un acteur unique procède seul à presque tous les arbitrages. Attendu sur tous les terrains, la tête de l’Etat est sur responsabilisée tandis que les citoyens, démunis de marges de manœuvre, baignent dans l’irresponsabilité. Ils ne sont pas en situation de contribuer à la maîtrise de leur destin collectif. Cet excès de centralisme ne permet pas à la France d’impliquer tous les français dans le débat. Le système politique ne sait pas entendre les signaux d’alerte ni les idées nouvelles. Il finit toujours par commettre et enchaîner les erreurs, ce qui aboutit à son renversement. Voilà pourquoi 16 constitutions se sont enchaînées depuis 1789. Cette fois-ci, nous devons éviter d’attendre la révolution de la rue, mère de tous les excès. L’alternative consiste à inventer un nouveau mode de gouvernance qui applique enfin l’article 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen La Loi est l’expression de la volonté générale. Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa formation. Nul besoin de VIe République : il faut installer le Débat citoyen comme le préalable systémique au débat parlementaire afin d’activer les intelligences et les énergies de tous ! Plus aucune grande Loi ne doit être soumise au Législateur sans avoir été précédée d’un processus en trois phases : consultation nationale pour réaliser une Carte des faits et des idées (recueil exhaustif, synthétique et ordonné des contributions) et une Carte des acteurs (positionnement des participants dans la carte des faits et idées) ; remise du kit de Débat citoyen aux 36.000 communes – ainsi qu’à tous ceux qui le souhaitent (associations, organisations sociales, entreprises, médias…) – pour tenue d’une réunion ouverte à tous ; remise des comptes rendus au député et au sénateur de la circonscription, qui bénéficient alors d’un niveau augmenté de vigilance, d’innovation et de conscience de leurs citoyens. Alors, seulement, la France sera en situation de réformer dans la sérénité ses systèmes fiscal, éducatif, sanitaire, social, écologiques, politique, administratif tout en prenant en compte le climat, la biodiversité, la pollution, le dialogue interreligieux, les crises financières… Et alors aussi, elle sera en situation de ré-éclairer le monde en mettant à disposition ses kits de Débat citoyen à la communauté européenne et mondiale pour que tous entrent dans une nouvelle ère démocratique. Et alors seulement, elle sera en mesure d’accomplir sa vocation universelle.
[1] Classement de la performance mondiale - L’état social du monde – 2015, L’Odis, La Documentation française