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>Empreinte carbone : Les trois méthodes à prendre en compte pour calculer

Empreinte carbone : Les trois méthodes à prendre en compte pour calculer

Christian de Perthuis, Professeur d’économie, fondateur de la chaire « Économie du climat », Université Paris Dauphine – PSL, explique qu’il faut prendre en compte la production nationale, la consommation mais aussi l’empreinte extérieure.

Pour chaque pays, il existe trois façons de mesurer les rejets de gaz à effet de serre : l’empreinte territoriale calcule les rejets de gaz à effet de serre à l’intérieur des frontières d’un pays ; l’empreinte de consommation, ceux résultant des usages finaux de biens et services ; et l’empreinte d’extraction, ceux issus de l’énergie fossile extraite du pays. Ces trois empreintes ne s’additionnent pas. Elles constituent trois thermomètres bien distincts, donnant des images complémentaires : d’après les dernières estimations portant sur l’année 2019, l’empreinte territoriale de la France était, tous gaz à effet de serre confondus, de 6.5 tonnes de CO2eq par habitant, pour une empreinte de consommation de 9 tonnes et une empreinte d’extraction de 0,03 tonne.

A l’amont de la COP de Glasgow, ces trois thermomètres ont été remis à jour. Leur examen permet de mieux comprendre la difficulté de rehausser l’ambition des contributions nationales des différents pays en matière de réduction des émissions.

L’empreinte territoriale

Le thermomètre communément utilisé pour mesurer les émissions de gaz à effet de serre d’un pays est l’inventaire national, réalisé en France par le Centre interprofessionnel technique de la pollution atmosphérique (Citepa). Lors des COP, c’est lui qu’on utilise pour négocier les engagements des différents pays et qu’on retrouve dans les « contributions nationales déterminées » déposées auprès des Nations unies. Chaque Etat est souverain sur son territoire et donc directement responsable de son empreinte territoriale. Un système de « monitoring, reporting, verification » (MRV) qui devrait être renforcé dans le cadre de l’application de l’accord de Paris permet leur suivi.

Ces inventaires sont calculés à partir de méthodes harmonisées par le GIEC. La partie la plus robuste est celle concernant le CO2 d’origine énergétique ou résultant de procédés industriels. Les marges d’incertitude sont bien plus élevées pour les émissions et les absorptions liées aux changements d’usage des sols et aux rejets de gaz à effet de serre hors CO2 dont l’agriculture est la première source. Il reste beaucoup de progrès à faire pour fiabiliser et standardiser les méthodes de calcul de cette partie des inventaires.

La récente édition du Global Carbon Budget donne une image complète de ces empreintes territoriales pour le CO2 jusqu’en 2020. Cette année-là, les rejets de CO2 dans l’atmosphère résultant de l’usage d’énergie fossile et de procédés industriels ont atteint 34,8 gigatonnes de CO2, soit 4,5 tonnes par habitant : ce qu’on émet en produisant 3 tonnes d’acier ou en roulant 20.000 km dans une voiture de moyenne gamme. En 2021, les émissions mondiales devraient remonter à 36,4 Gt, pratiquement le niveau prévalant en 2019, avant le déclenchement de la pandémie du Covid.

Les quatre premiers émetteurs – Chine, Etats-Unis, Union européenne, Inde – contribuent pour 60% à ces rejets. Les émissions sont en recul en Europe et aux Etats-Unis. En Chine, elles sont reparties en hausse depuis 2018 après s’être stabilisées au début de la décennie 2010. Elles sont en accélération en Inde qui est sur le point de dépasser les émissions de l’Union européenne. Le « reste du monde » demeure le premier émetteur mondial de CO2. Les émissions y augmentent rapidement dans les pays producteurs et exportateurs d’énergie fossile, dans les pays moins avancés qui parviennent à décoller et, avant la crise du Covid-19, dans les transports internationaux.

Hausse des émissions dans les pays émergents, recul dans les pays industrialisés. Ne s’agirait-il pas d’un phénomène de vases communicants, les émissions économisées dans les pays riches étant simplement transférées dans les autres pays via les délocalisations et le commerce international? Pour répondre à la question, il convient d’examiner l’empreinte de consommation, notre deuxième thermomètre.

L’empreinte de consommation

Avec la globalisation des économies, les chaînes de valeur se sont allongées. Ceci a pour effet de dissocier le lieu où sont utilisés les biens et services de celui où apparaissent les émissions : si le véhicule que j’achète est d’origine étrangère, les émissions associées à sa fabrication apparaîtront dans l’inventaire du pays d’origine. S’il est monté en Europe à partir de tôles importées, les émissions se partageront entre pays d’origine pour la fabrication des tôles et le pays européen où se trouve l’usine de montage.

L’empreinte de consommation recense les émissions résultant de l’usage des biens et services dans une économie. Pour la calculer, il convient de corriger les émissions observées sur le territoire des effets du commerce extérieur : celles incluses dans les importations doivent être ajoutées ; celles incluses dans les exportations doivent être retranchées.

Au niveau micro-économique, l’empreinte de consommation se calcule à partir des bases de données comme celle de l’Ademe qui fournit les facteurs d’émission de l’ensemble des biens et services consommés. Les méthodes pour reconstituer l’empreinte carbone d’un ménage ou d’une organisation sont standardisées et permettent l’établissement de bilans carbone.

Ces bilans ne peuvent pas s’agréger, car cela conduirait à compter plusieurs fois les mêmes émissions. Pour passer à l’échelle macro-économique, les méthodologies sont plus compliquées. On utilise des matrices entrées-sorties issues de la comptabilité nationale, avec des coefficients techniques moyens par secteur réestimés à intervalles périodiques. Avec l’accélération de la transition énergétique, les hypothèses de fixité de ces coefficients techniques sont hardies, surtout quand il s’agit de se projeter dans l’avenir.

Deux bases de données permettent de comparer l’empreinte territoriale des pays avec leur empreinte de consommation pour le CO2 d’origine énergétique : celle de l’OCDE et celle du Global Carbon Budget qui a été utilisée pour construire le graphique figurant le niveau de l’empreinte de Consommation en 2019 (abscisse) et son évolution depuis 2005 (ordonnée). A noter que les données n’intègrent pas les émissions de CO2 résultant de l’usage des sols, notamment celles résultant des échanges de produit ayant un impact sur la déforestation tropicale.

Sans surprise, l’empreinte de consommation des pays émergents du G20 est généralement plus faible que leurs émissions territoriales. Ces pays exportent plus d’émission de CO2 qu’ils n’en importent via le commerce international. C’est le cas de l’Inde, de la Russie, de l’Afrique du Sud et surtout de la Chine, de loin le premier exportateur mondial d’émissions de CO2 incorporées dans les biens manufacturés. Symétriquement, l’Union européenne est le premier importateur net d’émissions de CO2, avec une empreinte de consommation qui dépasse de 18% les émissions de son territoire (16% au Japon et 6% aux Etats-Unis).

Depuis 2005, l’empreinte de consommation augmente cependant dans tous les pays émergents du G20, exception faite de l’Afrique du Sud et du Mexique. La hausse est particulièrement marquée en Chine où l’empreinte de consommation a progressé de plus de 80%, soit nettement plus que les émissions territoriales. Cela reflète la stratégie de réorientation de l’économie sur le marché intérieur afin de satisfaire une demande domestique très dynamique.

Symétriquement, l’empreinte de consommation a baissé dans l’ensemble des pays industrialisés membres du G20. Elle a été particulièrement marquée dans l’Union européenne et aux États-Unis. En France, l’empreinte de chaque habitant a été réduite de 27% sur la période, soit pratiquement au même rythme que les émissions territoriales par tête (29%).

Le constat d’ensemble se dégageant du tableau est clair : depuis 2005, le commerce international ne semble pas avoir joué le rôle de vases communicants entre pays riches et pays émergents pour les émissions de CO2 hors usage des terres. Le dynamisme des émissions dans les pays émergents a reposé sur celui de leur demande domestique. L’enjeu primordial de la transition bas carbone y sera de la satisfaire demain en réduisant leurs émissions. Dans les pays riches, les réductions des émissions territoriales se sont traduites par des baisses de l’empreinte de consommation.

L’empreinte d’extraction

Tout à l’amont des chaînes de valeur, l’empreinte carbone d’extraction constitue le miroir de l’empreinte de consommation. Elle calcule les émissions de CO2 qui résulteront de l’extraction des énergies fossiles, que ces énergies soient utilisées dans les pays exploitant les gisements ou à l’étranger. Techniquement, l’empreinte carbone des producteurs d’énergies fossiles est plus facile à calculer que l’empreinte de consommation, car il n’y a que trois produits à considérer dont les facteurs d’émission sont bien connus : le charbon, le pétrole et le gaz d’origine fossile.

Dans son rapport « Production Gap », le programme des Nations unies pour l’environnement (UNEP) a calculé l’empreinte carbone de production pour l’année 2019. Avec ce troisième thermomètre, se dessine une nouvelle cartographie des émissions mondiales de CO2. Deux nouveaux venus figurent dans le top-6 des émetteurs de CO2 : l’Arabie saoudite et l’Australie, pays moyennement peuplés, mais gros exportateurs d’énergie fossile. L’Europe et le Japon disparaissent de la liste des principaux émetteurs, car ils importent la plus grande partie de leur énergie fossile.

En Europe de l’Ouest, le pays à l’empreinte d’extraction la plus élevée est la Norvège, devenue le troisième exportateur mondial de gaz naturel. Le Royaume-Uni, qui fut le premier producteur mondial d’énergie fossile, pointe à la 23e place. Quant à la France, son empreinte d’extraction est devenue symbolique à la suite de la fermeture des houillères et de l’épuisement du gisement de gaz de Lacq.

Dans son rapport sur l’empreinte d’extraction, l’UNEP pointe du doigt l’enjeu de la sortie des énergies fossiles. Les pays exportateurs d’énergie fossile peuvent en effet baisser leurs émissions territoriales tout en alimentant la hausse des émissions à l’extérieur de leurs frontières via ces exportations.

Il convient donc de s’assurer que l’évolution des empreintes d’extraction est compatible avec les trajectoires conduisant à limiter le réchauffement bien en dessous de 2°C. Cette discussion a été amorcée à la COP26 récemment tenue à Glasgow. Elle n’est pas prête de s’achever. Il subsiste un écart béant entre, d’un côté les objectifs déclarés sur le climat d’un côté, et de l’autre les plans de production et d’exportation d’énergie fossile.

La complémentarité des trois thermomètres

Pour guider les politiques climatiques, les inventaires nationaux rapportant l’ensemble des émissions territoriales de chaque pays restent l’outil pivot. Avec le « cadre de transparence renforcé » de l’Accord de Paris (article 13), les différents pays seront soumis en la matière à des exigences accrues à partir de 2024. C’est un volet important de la négociation climatique, aux dimensions géopolitiques généralement sous-estimées. Mais l’inventaire national ne dit pas tout des émissions d’un pays. Il convient de le compléter avec les deux autres thermomètres.

L’empreinte de production est d’une grande utilité pour guider l’action climatique de la vingtaine de producteurs et/ou exportateurs d’énergie fossile comptant pour plus de 80 % des émissions mondiales. Ce sont également les pays qui auront à opérer les reconversions du tissu économique et social les plus complexes vu leur degré de dépendance aux fossiles.

Dans les pays d’Europe de l’Ouest, l’empreinte de consommation apporte un éclairage précieux. Elle permet de surveiller les risques de « fuites de carbone » qui pourraient résulter de l’accélération des actions de réduction des émissions territoriales. Pour parer à tous risques, la Commission européenne travaille sur deux instruments importants : un mécanisme à la frontière mettant sur un pied d’égalité les producteurs européens qui payent les quotas de CO2 et les importateurs qui en sont exonérés ; un renforcement de la régulation sur la déforestation importée.

En France, la question de l’utilisation de l’empreinte de consommation a fait l’objet d’un rapport très complet du Haut Conseil pour le climat (HCC). Ce rapport fournit une masse d’information très précieuse pour la conduite de l’action climatique. Il se base malheureusement sur des données qui ont fait l’objet de révisions conséquentes. Il serait judicieux de revisiter ses conclusions à la lumière des informations plus récentes aujourd’hui disponibles grâce au travail conduit depuis sa publication par la statistique publique.

L’une des conclusions parfois tirées du rapport du HCC serait de substituer l’empreinte de consommation aux données de l’inventaire pour mieux guider la politique climatique. Sans aucun doute, l’empreinte climatique des Français reste bien trop élevée. Sa baisse depuis 2005 est beaucoup trop lente. Mais quand une transition n’est pas assez rapide, c’est rarement en changeant de thermomètre qu’on peut l’accélérer!

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

Pollution -Pourquoi une « valeur » carbone ?

Pollution -Pourquoi une « valeur » carbone ?

 

Simon Létourneau, spécialiste de l’environnement, critique dans une tribune au « Monde » la notion de « valeur carbone », qui transforme en abstraction la réalité matérielle des émissions de CO₂.

 

Une critique très justifiée depuis que les écolos marxistes  et les économistes néolibéraux se sont entendus pour en quelque sorte marchandiser un facteur central de la qualité de l’environnement. Ces mêmes économistes longtemps opposés à toute approche environnementale ont récupéré la thématique pour l’intégrer dans une logique de prix et de marché. Quant aux écolos marxistes c’est un moyen supplémentaire de s’attaquer au capitalisme. Monétiser le carbone est une approche très réductrice de l’enjeu que cela représente pour l’environnement NDLR

 

 

Crédit carbone, dépense carbone, taxe carbone… Impossible de ne pas constater que le champ lexical de la finance envahit progressivement la littérature écologique. Cette démocratisation d’un vocabulaire a priori technique est en apparence bienvenue, mais elle a de quoi questionner.

En effet, user et abuser de tels vocables autour d’un sujet qui doit impérativement devenir bien plus précieux que l’immatérialité induite par la référence à l’argent ne nous éloigne-t-il finalement pas de l’enjeu concret souligné récemment par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) ?

Ainsi, le carbone se taxe, se dépense, se crédite, se compense. A l’instar de sa grande – et vieille – sœur, la monnaie. Ce choix de vocabulaire et de méthode est finalement peu étonnant, si l’on considère que les citoyens, les entreprises et les Etats peuvent et doivent se responsabiliser sur ce sujet, et conférer enfin une échelle de valeur environnementale à chacun de leurs gestes ou décisions.

On peut a priori s’en réjouir, mais il faut, je crois, aller encore plus loin et prendre de la hauteur. Sans aller (encore) jusqu’à imaginer un monde où nous serions en partie rémunérés en « unités carbone », pourquoi ne pas faire figurer cette valeur carbone de manière très explicite sur chacun des biens ou services que nous consommons ?

Il a fallu quelques années de pédagogie et de lobbying pour imposer aux acteurs de l’alimentaire de la transparence sur les valeurs nutritives ; combien en faudra-t-il pour convaincre les marques d’informer leurs consommateurs sur l’empreinte environnementale générée par leur achat ?

Car, demain, la valeur carbone devra impérativement conditionner nos prises de décision, individuelles et collectives, et bénéficier d’un arbitrage au moins équivalent à celui du prix. Autant nous y préparer dès à présent. Là où le parallèle entre valeur carbone et valeur monétaire est faillible en revanche, c’est que nous misons une fois de plus sur une approche capitaliste d’un enjeu qui ne l’est pourtant absolument pas.

Un changement radical de paradigme

Car soyons réalistes : la monnaie est une (belle ?) histoire que l’on se raconte pour fonder, organiser et réguler nos sociétés modernes capitalistes, mais sa valeur demeure en réalité un concept flou. Que vaut-elle en effet dès lors qu’il est possible de créer semble-t-il indéfiniment de la dette publique… mais aussi de l’annuler ?

A contrario, le dioxyde de carbone (CO₂) est un élément tangible, mesurable, dont nous ne pourrons jamais annuler les effets. Le lier ainsi, voire le conditionner, aux éléments budgétaires et financiers paraît donc à cet égard un oxymore, une simplification qu’il est crucial d’éviter.

Prix interne du carbone: quel intérêt ?

Prix interne du carbone: quel intérêt ?

 

Pour satisfaire à la pression environnementale, nombre d’entreprises évaluent leur impact carbone en termes financiers. Mais une évaluation souvent de façade qui ne change pas beaucoup une orientation des investissements visant à réduire cet impact. De ce point de vue de la monétisation des conséquences carbone paraît réductrice des enjeux de cette question.NDLR

 

Raphaël Olivier, chercheur en gestion, s’interroge, dans une tribune au « Monde », sur l’usage réel du « prix interne » du carbone par les entreprises, rarement décisif dans les choix d’investissement.

 

Alors que la planification publique de la décarbonation est au cœur des débats économiques, les entreprises tentent d’anticiper. Bien qu’elles n’y soient pas formellement obligées, la plupart des firmes du CAC 40 considèrent par exemple aujourd’hui leurs émissions de gaz à effet de serre comme des coûts. Elles attribuent par conséquent un « prix interne », fictif, à tout ou partie des tonnes de carbone qu’elles émettent.

L’idée est que les émissions, ainsi transformées en données financières, les inciteront à favoriser les options d’investissement relativement moins carbonées. L’Etat utilise du reste un outil similaire pour se motiver à agir : le « jaune » budgétaire, intitulé « impact environnemental du budget », annexé aux projets de loi de finances. Cette tarification volontaire du carbone fait écho à l’obligation réglementaire qu’ont certaines entreprises de payer, cette fois pour de vrai, pour leurs émissions.

En Europe mais aussi aux Etats-Unis ou en Chine, par exemple, de nombreuses firmes, appartenant à certains secteurs d’activité doivent s’acquitter de taxes ou acheter des quotas d’émissions. Historiquement, les prix du carbone internes aux entreprises ont souvent précédé cette tarification par les autorités publiques.

Au-delà du fait qu’ils peuvent préparer les entreprises à devoir payer pour les pollutions causées, quelle est l’utilité de ces prix internes fictifs, de cet outillage comptable et financier fortement valorisé par les agences de notation extra-financière ? Une recherche menée en immersion dans une grande entreprise française du secteur de l’énergie (« Gouverner par le signal prix ? Sur la performativité des prix du carbone internes aux entreprises », thèse de doctorat en sciences de gestion, université Paris-Dauphine-PSL) montre que disposer de cet instrument ne signifie pas pour autant que l’on s’en serve pour diminuer les émissions.

Dans cette grande firme, le calcul du prix interne du carbone, utilisé depuis quinze ans, a certes sensibilisé progressivement les salariés au risque climat, mais il n’a eu qu’une seule fois un impact concret sur les choix d’investissement, et encore, le projet concerné comportait de nombreux défauts qui rendaient son approbation illusoire.

Sur cette période, la relative décarbonation de l’entreprise a en fait découlé d’une planification, avec des prises de décision volontaristes comme la fin des investissements dans le charbon, la mise en place de normes internes, notamment des objectifs d’efficacité énergétique, ou des acquisitions de sociétés spécialisées dans les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique.

Pourquoi une « valeur » carbone ?

Pourquoi une « valeur » carbone ?

 

Simon Létourneau, spécialiste de l’environnement, critique dans une tribune au « Monde » la notion de « valeur carbone », qui transforme en abstraction la réalité matérielle des émissions de CO₂.

 

Une critique très justifiée depuis que les écolos marxistes  et les économistes néolibéraux se sont entendus pour en quelque sorte marchandiser un facteur central de la qualité de l’environnement. Ces mêmes économistes longtemps opposés à toute approche environnementale ont récupéré la thématique pour l’intégrer dans une logique de prix et de marché. Quant aux écolos marxistes c’est un moyen supplémentaire de s’attaquer au capitalisme. Monétiser le carbone est une approche très réductrice de l’enjeu que cela représente pour l’environnement NDLR

 

 

Crédit carbone, dépense carbone, taxe carbone… Impossible de ne pas constater que le champ lexical de la finance envahit progressivement la littérature écologique. Cette démocratisation d’un vocabulaire a priori technique est en apparence bienvenue, mais elle a de quoi questionner.

En effet, user et abuser de tels vocables autour d’un sujet qui doit impérativement devenir bien plus précieux que l’immatérialité induite par la référence à l’argent ne nous éloigne-t-il finalement pas de l’enjeu concret souligné récemment par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) ?

Ainsi, le carbone se taxe, se dépense, se crédite, se compense. A l’instar de sa grande – et vieille – sœur, la monnaie. Ce choix de vocabulaire et de méthode est finalement peu étonnant, si l’on considère que les citoyens, les entreprises et les Etats peuvent et doivent se responsabiliser sur ce sujet, et conférer enfin une échelle de valeur environnementale à chacun de leurs gestes ou décisions.

On peut a priori s’en réjouir, mais il faut, je crois, aller encore plus loin et prendre de la hauteur. Sans aller (encore) jusqu’à imaginer un monde où nous serions en partie rémunérés en « unités carbone », pourquoi ne pas faire figurer cette valeur carbone de manière très explicite sur chacun des biens ou services que nous consommons ?

Il a fallu quelques années de pédagogie et de lobbying pour imposer aux acteurs de l’alimentaire de la transparence sur les valeurs nutritives ; combien en faudra-t-il pour convaincre les marques d’informer leurs consommateurs sur l’empreinte environnementale générée par leur achat ?

Car, demain, la valeur carbone devra impérativement conditionner nos prises de décision, individuelles et collectives, et bénéficier d’un arbitrage au moins équivalent à celui du prix. Autant nous y préparer dès à présent. Là où le parallèle entre valeur carbone et valeur monétaire est faillible en revanche, c’est que nous misons une fois de plus sur une approche capitaliste d’un enjeu qui ne l’est pourtant absolument pas.

Un changement radical de paradigme

Car soyons réalistes : la monnaie est une (belle ?) histoire que l’on se raconte pour fonder, organiser et réguler nos sociétés modernes capitalistes, mais sa valeur demeure en réalité un concept flou. Que vaut-elle en effet dès lors qu’il est possible de créer semble-t-il indéfiniment de la dette publique… mais aussi de l’annuler ?

A contrario, le dioxyde de carbone (CO₂) est un élément tangible, mesurable, dont nous ne pourrons jamais annuler les effets. Le lier ainsi, voire le conditionner, aux éléments budgétaires et financiers paraît donc à cet égard un oxymore, une simplification qu’il est crucial d’éviter.

Empreinte carbone Europe: Les importations aussi largement responsables

Empreinte carbone Europe. Les importations aussi responsables

 

Un nouveau rapport de l’Insee pointe que les Européens émettent 1,5 fois plus de gaz à effet de serre par habitant que la moyenne mondiale indique le Figaro. 

Une part importante des gaz à effet de serre émis pour la consommation des Européens est émise sur d’autres continents. D’après la dernière étude de l’Insee sur le sujet, un tiers de l’empreinte carbone de l’Union européenne est dû à ses importations.

L’empreinte carbone a pour objectif de mesurer la quantité de gaz à effet de serre émise pour répondre à la consommation des habitants en additionnant, par pays, les émissions liées à la production intérieure, les émissions directes des ménages mais aussi celles liées aux importations. Un calcul qui permet de ne pas se focaliser seulement sur la production sur le territoire national.

En 2018, cette empreinte carbone européenne a atteint 4095 millions de tonnes équivalent CO2, ce qui équivaut 11 tonnes par Européen, contre 21 aux États-Unis et 8 tonnes en Chine. C’est plus d’une fois et demi la moyenne mondiale. Cependant, «rapportées à leur PIB, leurs émissions de GES européennes sont inférieures à la moyenne mondiale», nuance l’Insee. Le poids économique de l’Union européenne sur la scène mondiale, en parité de pouvoir d’achat, est de l’ordre de 16% alors que son empreinte carbone représente 10,5% des émissions mondiales.

La France se caractérise, elle«par un mix énergétique, et, par ricochet, une production dans son ensemble mois carbonée que ses partenaires, notamment l’Allemagne », précise l’Insee. Cependant, malgré cette particularité, pour atteindre la neutralité carbone en 2050 avec une réduction de ses gaz à effet de serre de 55% en 2030, une baisse de ses émissions de 5,5% sera nécessaire chaque année de 2031 à 2050. «La marche est haute», prévient le rapport en précisant que le rythme de baisse a été de 1,7% entre 2005 et 2021.

De manière générale, l’Insee rappelle qu’au niveau mondial, les émissions de gaz à effets de serre ont augmenté de moitié (+49%) entre 2000 et 2018. Mais cette hausse est inégalement répartie puisqu’elles ont diminué de 6% sur le territoire européen tandis qu’elles ont triplé en Chine. Un fort écart qui s’explique notamment par le fait que les pays occidentaux sont davantage tournés vers une économie de service, moins émettrice de gaz à effet de serre.

La neutralité carbone remise en cause par la crise économique

La   neutralité carbone Remise en cause par la crise économique

La neutralité carbone visée notamment en France pour 2050 pourrait bien être fortement remise en cause par la crise économique actuelle caractérisée par un retour à des énergies polluantes pour compenser le manque de gaz et d’électricité. En octobre 2021, bien avant la guerre en Ukraine, le gestionnaire du réseau national de transport d’électricité RTE avait en effet publié une vaste étude intitulée « Futurs Energétiques 2050 », qui dégageait six voies possibles pour atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050. Un papier de la tribune c’est le point de la question. (Extraits)

 

 

En octobre 2021, bien avant la guerre en Ukraine, le gestionnaire du réseau national de transport d’électricité RTE avait en effet publié une vaste étude intitulée « Futurs Energétiques 2050 », qui dégageait six voies possibles pour atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050. Celle-ci fait désormais référence au sein de l’exécutif. Seulement voilà : la nouvelle configuration géopolitique pourrait bien remettre en cause ses conclusions, et par-là même les décisions politiques qui s’appuient sur celles-ci.

De fait, l’étude, qui affirme que le coût complet du système électrique devrait passer de 45 milliards d’euros par an à 60 à 80 milliards d’ici à la moitié du siècle, retient des paramètres aujourd’hui incertains. En effet, son cadrage se fonde sur un « contexte mondial relativement favorable », avec des hypothèses de croissance continue de l’économie (+1,4% par an entre 2021 et 2050) et une « absence de tensions particulières sur les approvisionnements en matières et composants nécessaires au développement de nouvelles infrastructures énergétiques », peut-on lire dans l’épais rapport.

Or, ces derniers mois, les perspectives de la Banque mondiale se sont assombries, les cours des hydrocarbures ont bondi (entraînant dans leur sillage celui de l’électricité), et les coûts de production des énergies renouvelables sont repartis à la hausse, après des années de baisse continue. Autant d’imprévus qui ont pris de court les gouvernements du monde entier, y compris en France, où la majorité a changé de braquet : de sa stigmatisation en 2020 des « Amish » et « Khmers verts » prônant un retour à la « lampe à huile », Emmanuel Macron a appelé l’ensemble des Français à la « sobriété énergétique » dans son entretien du 14 juillet.

Dans ces conditions, l’éventuelle persistance ou aggravation de ces tensions pourraient remettre en cause les conditions de financement pour assurer la transition énergétique, la disponibilité des matières premières et l’importation de certains composants à bas coûts considérées dans le cadre de « Futurs Energétiques 2050 ».

« Il est nécessaire de s’interroger de sa robustesse vis-à-vis de ce contexte global plus adverse, qui ne peut pas être exclu vu d’aujourd’hui », notait RTE début 2022.

Et pour cause, un tel contexte macroéconomique « peut changer les coûts complets annualisés [par rapport à l'étude de référence, ndlr], en fonction de l’évolution des prix des pylônes, des câbles ou des raccordements », explique une source en interne. Autrement dit, en fonction de l’amplitude de l’effet des hausses de prix des combustibles et matières premières, les projections de coûts des technologies pourraient s’éloigner de la fourchette initialement considérée.

De fait, au niveau mondial, « des batteries aux panneaux solaires et aux éoliennes, les tendances rapides de réduction des coûts observées au cours de la dernière décennie se sont pour la plupart inversées en 2021, avec des prix des éoliennes en hausse de 9% », soulignait l’Agence internationale de l’énergie (AIE) le 18 mai dans une note intitulée « Les minéraux critiques menacent une tendance de plusieurs décennies à la baisse des coûts des technologies énergétiques propres ». Récemment, les développeurs de champs éoliens ou solaires ont d’ailleurs alerté sur cette hausse, affirmant subir des tarifs d’achat d’électricité fixes désormais beaucoup trop éloignés de leurs coûts de production réels.

Pour mieux comprendre les implications, le gestionnaire du réseau prépare ainsi une variante à son étude, appelée « Mondialisation contrariée ». Celle-ci ne devrait voir le jour que d’ici à 2023, mais RTE envisage d’ores et déjà deux types d’issues en cas de situation mondiale dégradée.

La  transition énergétique pourrait rester possible « au prix de répercussions négatives » sur le « pouvoir d’achat des ménages, avec une baisse des consommations d’énergie sous la contrainte » et « possiblement de sécurité d’approvisionnement électrique », explique le gestionnaire.

 

La taxe carbone aux frontières: Une taxe contre la compétitivité

La taxe carbone aux frontières: Une taxe contre la compétitivité

 

Les présidents de trois grandes fédérations industrielles, Guillaume de Goÿs (aluminium), Henri Morel (industries mécaniques) et Laurent Tardif (industries électriques) alertent, dans une tribune au « Monde », sur les dangers de la mise en œuvre d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières par l’Union européenne.

 

Une taxe carbone contestée par les industriels et d’une manière générale par ceux qui importent. Une taxe fondée sur la fameux théorie du signal prix qui serait un  fiscalité verte mais qui demeure tout simplement une taxe qui viendra affecter la compétitivité. Une manière de se tirer une balle dans le pied pour réduire la régulation du champ environnemental à un impôt. Ou le piège d’une seule vision fiscaliste dans lequel sont tombés cerains  écolos et économistes  récupérateurs.NDLR

 

Le Conseil européen est parvenu le 15 mars à un accord sur le règlement établissant un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF). Il examine maintenant le projet de réforme du système d’échange de quotas d’émission (SEQE).

Le Parlement européen doit, quant à lui, se prononcer sur ces textes les 7, 8 et 9 juin. Ces deux textes sont clés pour permettre à l’Union européenne d’atteindre la neutralité climatique d’ici à 2050.

 

Quand ce dispositif entrera en vigueur, les industries européennes des secteurs concernés (acier, aluminium, électricité, engrais et ciment) ne bénéficieront plus de la gratuité de quotas carbone. Parallèlement, afin d’éviter les « fuites de carbone », c’est-à-dire le risque de délocalisation d’activités fortement émettrices de CO2 vers des pays tiers, le MACF imposera aux importateurs de ces mêmes produits d’acheter des quotas carbone.

En l’état, si ce nouveau dispositif permet de donner un « signal prix » pour stimuler les investissements bas carbone dans les secteurs concernés, il transfère de fait aux industries aval le risque de fuite de carbone. A titre d’exemple, les fabricants européens de pièces mécaniques, de compresseurs, de batteries, de robots de cuisine ou de matériaux de construction, verront leur coût de production augmenter au sein de l’Union européenne du fait de la réforme du SEQE et de l’introduction du MACF.

Mais ces mêmes produits fabriqués dans des pays tiers et ensuite importés en Europe ne seront pas impactés par le dispositif puisque le MACF et le SEQE ne prennent en compte que les matières premières brutes. La taxe carbone aux frontières présente des risques ignorés de délocalisation.

Une perte de compétitivité

Si nous saluons l’initiative d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières comme nouvelle étape de la transition écologique de l’Union européenne, nous pensons que cette transition ne doit pas se faire au prix de nouvelles délocalisations ni au détriment de la compétitivité de nos industries.

Or, le dispositif, dans son état actuel, risque d’avoir des effets à l’opposé de l’objectif recherché : au lieu d’inciter à décarboner la production des pays tiers et à se fournir en matières premières moins carbonées pour les secteurs aval, ce mécanisme va inciter les clients européens à acquérir des produits manufacturés en dehors de l’Union à moindre coût et entraînera une perte de compétitivité des industriels européens à l’exportation.

La perte de compétitivité des entreprises européennes utilisatrices des produits couverts entraînera d’importantes fuites de carbone et des délocalisations. A court terme, c’est une large partie de la chaîne de production européenne qui sera fragilisée, mettant à mal l’ambition de reconquête de notre souveraineté économique et industrielle, dont la crise ukrainienne et la pandémie nous ont rappelé l’urgence capitale.

Energies- Gaz et bilan carbone

Energies- Gaz et  bilan carbone

 

 

Comme l’Europe, la France consomme beaucoup de gaz… mais en produit peu. Or, les importations massives ont un coût environnemental important. Pourtant, il existe des gisements en France. Par Jacques Pironon, Université de Lorraine et Philippe de Donato, Université de Lorraine.

Tribune 

L’invasion russe en Ukraine et les tensions internationales qui en découlent nous rappellent qu’un quart de l’énergie mondiale est assurée par la combustion du gaz naturel. Une part qui reste à peu près constante dans les projections mondiales à l’échéance 2040, même pour des scénarios de transition énergétique optimistes.

Le gaz est d’ailleurs considéré comme une énergie de transition indispensable pour pallier l’intermittence du renouvelable, même si le contexte international actuel met en évidence les besoins de diversification d’approvisionnement en gaz naturel et la réduction de la consommation (-30 % en 2030). En effet, le gaz est une énergie fossile dont l’Europe veut se débarrasser pour atteindre la fin des émissions nettes de gaz à effet de serre d’ici à 2050 dans le cadre du « pacte vert pour l’Europe ».

Cet objectif de réduction se trouve néanmoins confronté à la réalité du marché. D’une part, par sa forte consommation : en 2019, l’Europe a consommé 123 Gigajoules d’énergie par habitant, alors que la moyenne mondiale est de 75 Gigajoules par habitant. D’autre part, l’Europe est un acteur mineur en termes de production d’énergie fossile (1,7 % des réserves mondiales).

La situation de l’UE s’applique également à la France. La production de gaz en France (gaz de mine et biogaz) était de 2,4 TWh PCS (milliards de kWh en pouvoir calorifique supérieur) en 2020, ce qui ne représente qu’environ 1 % de sa consommation. La majeure partie du gaz consommé par la France est donc importé, et provient de Norvège (36 %), de Russie (17 %), d’Algérie (8 %), du reste de l’UE (8 %), du Nigeria (7 %), du Qatar (2 %) mais également de sources dont l’état français ne précise pas la provenance (22 %).

Une situation qui ne va pas s’arranger. La France a en effet adopté en 2017 une loi mettant fin à la recherche et à la production de pétrole et de gaz d’ici 2040… sans pour autant interdire sa consommation.

La France se retrouve dès lors en pleine contradiction. Elle s’interdit depuis 2017 de produire des gaz de schistes, mais est devenue la première destination mondiale du gaz naturel liquéfié (ou GNL) américain.

Cette contradiction se retrouve aussi dans les mouvements associatifs, qui s’opposent fortement aux projets de production de gaz sur le territoire, mais sont très discrets sur nos importations. Ainsi, en Lorraine, un projet d’exploitation de gaz de charbon suscite la controverse, alors que le pipeline acheminant le gaz russe n’alimente pas d’oppositions. Ce comportement s’inscrit dans le réflexe NIMBY (« not in my backyard », ou « pas dans mon arrière-cour »), prédominant en Europe à l’échelle locale comme nationale.

Or, ces importations ont un coût environnemental et un bilan carbone loin d’être négligeables.

En effet, entre les phases exploratoires et de mises en production et l’utilisation finale, un certain nombre d’opérations viennent alimenter le budget carbone de la filière gazière. Ainsi, avant sa livraison au consommateur, le gaz subit des traitements pour le purifier, le pressuriser et le transporter (déshydratation, élimination des gaz pénalisants, traitement des résidus, pompage, compression, transport, liquéfaction…). Dans certains cas, viennent s’ajouter des fuites de gaz liées à des défaillances techniques et des manques de surveillance des installations.

Le calcul montre que pour une consommation française, un gaz hollandais conventionnel présente un bilan carbone 13 fois moins élevé qu’un gaz liquéfié provenant du Qatar, et 15 fois moins élevé qu’un gaz russe acheminé sur une très longue distance. Comme pour le secteur alimentaire, le choix du locavorisme s’impose donc.

Face à ce constat et à la crise ukrainienne qui rebat les cartes, face aussi au pragmatisme que nous impose la dépendance européenne aux énergies fossiles, les opportunités de production nationale de gaz doivent être considérées en imposant des technologies de surveillance et de traitement du CO2 émis. Trop vite oubliés, ce sont les objectifs que s’était fixée l’Europe à l’horizon 2020, à savoir un marché énergétique transfrontalier, une plus grande indépendance des régulateurs nationaux et une compétitivité accrue en faveur d’un marché de l’énergie intracommunautaire !

Le gaz de charbon lorrain : une solution locale ?

C’est dans cette optique que l’Université de Lorraine, le CNRS et La Française de l’Énergie se sont associés au sein du projet REGALOR. Ce projet vise à quantifier la ressource en gaz de charbon du bassin carbonifère lorrain, et à développer des technologies de surveillance, de récupération et de valorisation du méthane, tout en réduisant l’impact carbone en piégeant le CO2 émis. Cela doublé d’une absence de recours à la fracturation hydraulique, et à la production d’un méthane quasiment pur (97 %).

Les enjeux de REGALOR prennent tout leur sens dans le cadre de l’indépendance énergétique française. La ressource gazière en Lorraine est ainsi estimée comme étant équivalente à 370 milliards de m³, ce qui correspond à 8 ans de consommation nationale. Couplé à une réduction des émissions de CO2, ce gaz lorrain aurait de plus un bilan carbone bien inférieur à celui d’un gaz importé.

Oui, les pays européens, dont la France, ont des ressources pour contribuer à une indépendance énergétique à faible impact carbone. Cependant, la réorientation actuelle du marché gazier continue de maintenir notre dépendance extraeuropéenne, avec un bilan carbone encore plus défavorable.

_________

Par Jacques Pironon, Directeur de recherche au CNRS, Université de Lorraine et Philippe de Donato, Directeur de recherche au CNRS, Université de Lorraine.

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

La taxe carbone qui va tuer l’industrie européenne

La taxe carbone qui va tuer l’industrie européenne

 

 

Pour une fois et paradoxalement les écolos et la plupart des économistes étaient convenus qu’ils avaient trouvé la martingale pour lutter avec efficacité à la fois contre les conditions de concurrence faussée de l’étranger et pour améliorer la qualité de l’environnement notamment les émissions mondiales de dioxyde de carbone.

Le problème c’est qu’on a vécu presque en temps réel l’impact d’une surtarification des importations nécessaires à notre industrie et la perte de compétitivité de nos exportations plombée par l’envol des prix . Certains objecteront qu’il ne s’agissait pas d’une taxe à proprement dit ; mais dans les prix de revient la hausse a le même effet qu’il s’agisse d’une fiscalité ou d’une hausse des tarifs.

 

Concrètement, les producteurs européens soumis au marché de tarification du carbone – le système d’échanges de quotas d’émissions de l’UE (SEQE) – et exposés à un risque important de concurrence internationale, bénéficient déjà depuis plusieurs années d’un soutien contre la distorsion de compétitivité : les quotas gratuits. Autrement dit des « droits à polluer » qui leur sont gracieusement distribués, afin d’éviter de gonfler leurs prix et leur permettre de tenir le coup sur un marché mondialisé fortement concurrentiel.

Mais en parallèle de la mise en place du MACF, ces allocations disparaîtraient peu à peu, afin d’éviter une « double protection ». Les entreprises concernées devraient donc acheter tous leurs quotas sur le marché, ce qui fera automatiquement grimper leurs coûts de production, à l’heure où la tonne de CO2 dépasse les 80 euros.

Surtout, le texte voté par les parlementaires accélère cette suppression, désormais prévue dès janvier 2029, soit sept ans plus tôt que ce que proposait jusqu’ici l’exécutif bruxellois. Une « énorme ligne rouge », qui pourrait « décourager les investissements nécessaires dans les technologies » et présenterait « des risques sans précédent pour l’emploi, l’investissement et l’inflation », s’alarme AEGIS Europe.

« Cette accélération du calendrier inquiète d’autant plus les industriels qu’ils ont peur que ce qui remplace les quotas gratuits s’avère inefficace. En plus, la proposition de la commission parlementaire ne dessine pas de plan B », souligne Caroline Mini, cheffe de projet au groupe de réflexion La Fabrique de l’industrie et auteure d’une note sur le sujet.

D’autant que le texte raccourcit également de trois à deux ans la période de transition avant la mise en œuvre progressive, lors de laquelle les exigences en matière de déclaration seraient en vigueur, mais aucune redevance à la frontière ne serait imposée. « On va juste collecter des données, ça ne permettra pas d’avoir une étude d’impact sérieuse », déplore Bernard Lombard, directeur de la Confédération européenne des industries papetières.

 L’impact sera d’autant plus fort que l’Europe traverse une crise du gaz sans précédent, avec des prix multipliés par quatre sur les marchés boursiers par rapport à l’été dernier. A cela s’ajoute une hausse sans précédent du tarif du CO2 dans l’UE, qui a largement dépassé les prévisions ces derniers mois, malgré une récente baisse de 90 à 80 euros la tonne. « Il faut faire attention à ne pas fragiliser des entreprises qui traversent déjà une période difficile », fait-on ainsi valoir chez d’AEGIS Europe.

 Ainsi, selon une autre note récente de La Fabrique de l’Industrie, un prix de la tonne de CO2 au-delà des 100 euros pourrait handicaper certaines industries européennes, au moment même où celles-ci doivent investir considérablement dans la transition. Si ce prix continue d’augmenter pour atteindre 250€ en 2030, les émissions des producteurs français coûteraient même 58 milliards d’euros (autour de 2,5 points de PIB), selon les calculs du think tank. « Ce qui forcerait les industriels à choisir entre préserver leur marge ou leurs parts de marché », notamment en cas de suppression des quotas gratuits et de hausse des prix de l’énergie, avertissent les auteurs.

« 

Dans ces conditions, les industriels pourraient demander à exclure du marché du CO2 européen les émissions liées à la production de biens exportés. « Mais il y aurait un risque de contournement : les industriels de l’UE qui développent deux techniques de production, dont l’une plus polluante que l’autre, exporteraient leurs biens les plus polluants, puisque ça leur éviterait de payer un prix CO2 là-dessus », avertit Philippe Quirion. Une autre option consisterait à exempter une partie de la production située en Europe du prix du CO2, en retenant des facteurs d’émissions par défaut. « Mais cette solution ne semble pas retenue aujourd’hui », note Caroline Mini. Pour l’heure, la question reste donc entièrement en suspens. En même temps que l’efficacité de la taxation du carbone. La seule taxation ne pouvant remplacer l’action régulatrice.

Gaz et bilan carbone

Gaz et  bilan carbone

 

Tribune

Comme l’Europe, la France consomme beaucoup de gaz… mais en produit peu. Or, les importations massives ont un coût environnemental important. Pourtant, il existe des gisements en France. Par Jacques Pironon, Université de Lorraine et Philippe de Donato, Université de Lorraine.

 

L’invasion russe en Ukraine et les tensions internationales qui en découlent nous rappellent qu’un quart de l’énergie mondiale est assurée par la combustion du gaz naturel. Une part qui reste à peu près constante dans les projections mondiales à l’échéance 2040, même pour des scénarios de transition énergétique optimistes.

Le gaz est d’ailleurs considéré comme une énergie de transition indispensable pour pallier l’intermittence du renouvelable, même si le contexte international actuel met en évidence les besoins de diversification d’approvisionnement en gaz naturel et la réduction de la consommation (-30 % en 2030). En effet, le gaz est une énergie fossile dont l’Europe veut se débarrasser pour atteindre la fin des émissions nettes de gaz à effet de serre d’ici à 2050 dans le cadre du « pacte vert pour l’Europe ».

Cet objectif de réduction se trouve néanmoins confronté à la réalité du marché. D’une part, par sa forte consommation : en 2019, l’Europe a consommé 123 Gigajoules d’énergie par habitant, alors que la moyenne mondiale est de 75 Gigajoules par habitant. D’autre part, l’Europe est un acteur mineur en termes de production d’énergie fossile (1,7 % des réserves mondiales).

La situation de l’UE s’applique également à la France. La production de gaz en France (gaz de mine et biogaz) était de 2,4 TWh PCS (milliards de kWh en pouvoir calorifique supérieur) en 2020, ce qui ne représente qu’environ 1 % de sa consommation. La majeure partie du gaz consommé par la France est donc importé, et provient de Norvège (36 %), de Russie (17 %), d’Algérie (8 %), du reste de l’UE (8 %), du Nigeria (7 %), du Qatar (2 %) mais également de sources dont l’état français ne précise pas la provenance (22 %).

Une situation qui ne va pas s’arranger. La France a en effet adopté en 2017 une loi mettant fin à la recherche et à la production de pétrole et de gaz d’ici 2040… sans pour autant interdire sa consommation.

La France se retrouve dès lors en pleine contradiction. Elle s’interdit depuis 2017 de produire des gaz de schistes, mais est devenue la première destination mondiale du gaz naturel liquéfié (ou GNL) américain.

Cette contradiction se retrouve aussi dans les mouvements associatifs, qui s’opposent fortement aux projets de production de gaz sur le territoire, mais sont très discrets sur nos importations. Ainsi, en Lorraine, un projet d’exploitation de gaz de charbon suscite la controverse, alors que le pipeline acheminant le gaz russe n’alimente pas d’oppositions. Ce comportement s’inscrit dans le réflexe NIMBY (« not in my backyard », ou « pas dans mon arrière-cour »), prédominant en Europe à l’échelle locale comme nationale.

Or, ces importations ont un coût environnemental et un bilan carbone loin d’être négligeables.

En effet, entre les phases exploratoires et de mises en production et l’utilisation finale, un certain nombre d’opérations viennent alimenter le budget carbone de la filière gazière. Ainsi, avant sa livraison au consommateur, le gaz subit des traitements pour le purifier, le pressuriser et le transporter (déshydratation, élimination des gaz pénalisants, traitement des résidus, pompage, compression, transport, liquéfaction…). Dans certains cas, viennent s’ajouter des fuites de gaz liées à des défaillances techniques et des manques de surveillance des installations.

Le calcul montre que pour une consommation française, un gaz hollandais conventionnel présente un bilan carbone 13 fois moins élevé qu’un gaz liquéfié provenant du Qatar, et 15 fois moins élevé qu’un gaz russe acheminé sur une très longue distance. Comme pour le secteur alimentaire, le choix du locavorisme s’impose donc.

Face à ce constat et à la crise ukrainienne qui rebat les cartes, face aussi au pragmatisme que nous impose la dépendance européenne aux énergies fossiles, les opportunités de production nationale de gaz doivent être considérées en imposant des technologies de surveillance et de traitement du CO2 émis. Trop vite oubliés, ce sont les objectifs que s’était fixée l’Europe à l’horizon 2020, à savoir un marché énergétique transfrontalier, une plus grande indépendance des régulateurs nationaux et une compétitivité accrue en faveur d’un marché de l’énergie intracommunautaire !

Le gaz de charbon lorrain : une solution locale ?

C’est dans cette optique que l’Université de Lorraine, le CNRS et La Française de l’Énergie se sont associés au sein du projet REGALOR. Ce projet vise à quantifier la ressource en gaz de charbon du bassin carbonifère lorrain, et à développer des technologies de surveillance, de récupération et de valorisation du méthane, tout en réduisant l’impact carbone en piégeant le CO2 émis. Cela doublé d’une absence de recours à la fracturation hydraulique, et à la production d’un méthane quasiment pur (97 %).

Les enjeux de REGALOR prennent tout leur sens dans le cadre de l’indépendance énergétique française. La ressource gazière en Lorraine est ainsi estimée comme étant équivalente à 370 milliards de m³, ce qui correspond à 8 ans de consommation nationale. Couplé à une réduction des émissions de CO2, ce gaz lorrain aurait de plus un bilan carbone bien inférieur à celui d’un gaz importé.

Oui, les pays européens, dont la France, ont des ressources pour contribuer à une indépendance énergétique à faible impact carbone. Cependant, la réorientation actuelle du marché gazier continue de maintenir notre dépendance extraeuropéenne, avec un bilan carbone encore plus défavorable.

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Par Jacques Pironon, Directeur de recherche au CNRS, Université de Lorraine et Philippe de Donato, Directeur de recherche au CNRS, Université de Lorraine.

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

Climat: Les limites de la tarification carbone

Climat: Les limites de la tarification carbone 

 

Deux anciens patrons, Pierre-André de Chalendar et Louis Gallois, signent pour la Fabrique de l’industrie une tribune au « Monde » demandant au gouvernement des choix politiques clairs, pour affranchir l’industrie française des dépendances énergétiques et technologiques dont elle pâtit.

 

…..Si l’augmentation progressive du prix du carbone semble être une solution efficace, là encore il s’agit d’être prudent. Ainsi que nous venons de le montrer dans une étude tout juste parue, une augmentation du tarif des émissions de CO2 jusqu’à 250 euros la tonne – ordre de grandeur considéré comme tout juste suffisant par les spécialistes du climat – sera à la fois de nature à peser lourdement sur les ménages (entre 20 et 25 milliards par an simplement pour la consommation de biens et de services, hors fiscalité spécifique), mais aussi à plonger dans de lourdes difficultés des filières entières telles que le transport aérien et l’aéronautique, la sidérurgie, les matériaux de base, etc. (étude « La tarification du carbone et ses répercussions. Exposition sectorielle au surcoût carbone », Olivier Sautel, Caroline Mini, Hugo Bailly et Rokhaya Dieye, La Fabrique de l’industrie et Deloitte, Presse des Mines, 2022).

Une erreur courante consiste à penser que la France et ses partenaires européens se sont couverts contre ce risque depuis qu’ils se sont dotés, à raison, d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières. La Fabrique de l’industrie l’a bien montré : ce mécanisme, encore très partiel et qu’il faudra parvenir à étendre en dépit de sa technicité, protège du dumping environnemental extra-européen, mais pas des baisses de la demande domestique induites par un prix croissant du carbone, qu’il faut donc anticiper et accompagner.

Dans ce contexte, il est urgent pour la France de réfléchir à ses dépendances, énergétiques pour commencer. En dépit des questions qu’il soulève, il apparaît évident que son parc électronucléaire est un actif précieux, aux vertus multiples : électricité compétitive et peu carbonée, autonomie énergétique, etc. La crise ukrainienne montre de manière particulièrement claire la nécessité de réduire les dépendances énergétiques.

Les limites de la tarification carbone

Les limites de la tarification carbone 

 

Deux anciens patrons, Pierre-André de Chalendar et Louis Gallois, signent pour la Fabrique de l’industrie une tribune au « Monde » demandant au gouvernement des choix politiques clairs, pour affranchir l’industrie française des dépendances énergétiques et technologiques dont elle pâtit.

 

…..Si l’augmentation progressive du prix du carbone semble être une solution efficace, là encore il s’agit d’être prudent. Ainsi que nous venons de le montrer dans une étude tout juste parue, une augmentation du tarif des émissions de CO2 jusqu’à 250 euros la tonne – ordre de grandeur considéré comme tout juste suffisant par les spécialistes du climat – sera à la fois de nature à peser lourdement sur les ménages (entre 20 et 25 milliards par an simplement pour la consommation de biens et de services, hors fiscalité spécifique), mais aussi à plonger dans de lourdes difficultés des filières entières telles que le transport aérien et l’aéronautique, la sidérurgie, les matériaux de base, etc. (étude « La tarification du carbone et ses répercussions. Exposition sectorielle au surcoût carbone », Olivier Sautel, Caroline Mini, Hugo Bailly et Rokhaya Dieye, La Fabrique de l’industrie et Deloitte, Presse des Mines, 2022).

Une erreur courante consiste à penser que la France et ses partenaires européens se sont couverts contre ce risque depuis qu’ils se sont dotés, à raison, d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières. La Fabrique de l’industrie l’a bien montré : ce mécanisme, encore très partiel et qu’il faudra parvenir à étendre en dépit de sa technicité, protège du dumping environnemental extra-européen, mais pas des baisses de la demande domestique induites par un prix croissant du carbone, qu’il faut donc anticiper et accompagner.

Dans ce contexte, il est urgent pour la France de réfléchir à ses dépendances, énergétiques pour commencer. En dépit des questions qu’il soulève, il apparaît évident que son parc électronucléaire est un actif précieux, aux vertus multiples : électricité compétitive et peu carbonée, autonomie énergétique, etc. La crise ukrainienne montre de manière particulièrement claire la nécessité de réduire les dépendances énergétiques.

La TVA environnementale: Anti taxe carbone , plus écolo et plus sociale

 

 La TVA environnementale: Anti taxe carbone , plus écolo et plus sociale

 

Jusqu’à présent, les produits polluants sont moins chers que ceux qui respectent l’environnement, mais la possibilité de baisser la TVA sur critères écologiques va fournir une arme de transformation massive de notre modèle économique, expliquent, dans une tribune au « Monde », les consultants Nathan Stern et Simon-Pierre Sengayrac.

Un article qui articule enfin problématique environnementale et sociale. Il propose une TVA environnementale réduite sur les produits peu polluants au lieu et place d’une taxe carbone qui renchérit le coût des biens y  compris pour les plus défavorisés.

 

Tribune. 

 

Le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), paru le 4 avril, affirme clairement que l’humanité a trois ans pour mettre en place de « rapides, profondes et la plupart du temps immédiates réductions de gaz à effet de serre dans tous les secteurs », afin de ne pas dépasser 1,5 °C de hausse de la température du globe. L’année 2021 a en effet marqué des records en matière de concentration de CO2 dans l’atmosphère et de réchauffement climatique.

S’il est établi que les modes de production et de consommation des pays développés contribuent grandement à ces dérèglements, les externalités de notre système économique – à savoir son impact sur l’environnement – sont très peu intégrées au prix final payé par les consommateurs. Alors qu’il est urgent de transformer notre économie, comment concilier nos comportements de consommateurs avec cette exigence vitale ? Sans donner une réponse exhaustive à cette question, la Commission européenne est en train de fournir aux Etats une arme de transformation massive de notre modèle : la possibilité de baisser la TVA sur critères environnementaux.

Concrètement, les institutions européennes sont en cours de révision de la directive TVA, en application depuis 2006, dont l’objet est de s’assurer que les marchés de chaque Etat membre reposent sur des règles fiscales communes. Cette révision ouvrira le droit à exonérer de TVA des produits jugés respectueux de l’environnement (au passage, cette révision entraînera aussi pour la France l’impossibilité d’appliquer des taux réduits sur le chauffage au gaz « naturel » et au bois).

Cette évolution est cruciale. En effet, la crise des « gilets jaunes » a montré à quel point il est difficile en France de mettre en place une taxe carbone sur les produits polluants, notamment le gazole. Cette crise a manifesté l’inadéquation de notre organisation sociale et territoriale avec l’urgence écologique : la planète brûle, mais il est encore difficile pour de nombreuses personnes de se rendre à leur travail ou sur leurs lieux de sociabilité sans leur voiture ; de remplir leur réfrigérateur ou encore de s’habiller sans acheter des produits dont la confection, le transport et la distribution détruisent notre planète.

Bien que la conscience écologique s’étende, en témoigne la place de ce sujet dans les préoccupations des Français, il est toujours moins cher de consommer des produits à l’empreinte environnementale élevée que des produits respectueux de l’environnement. Or, la TVA environnementale est en ce sens une anti-taxe carbone : au lieu d’augmenter les prix des produits polluants, elle baisse les prix des produits respectueux de l’environnement. Elle permet d’aligner enfin ses choix de consommation avec ses convictions écologiques.

 

Climat : une remise en cause de fait de la taxation du carbone

Climat : une remise en cause de fait de la taxation du carbone 

Les deux économistes Cédric Durand et Etienne Espagne plaident, dans une tribune au « Monde », en faveur d’une planification écologique, alors que les gouvernements font tous face à une augmentation massive des prix de l’énergie.

 

De fait la taxation du carbone a montré ses limites puisque les prix des énergies se sont envolés bien au-delà de la taxe carbone sans que cela modifie les comportements. La preuve sans doute que la question de la régulation du carbone est complexe et ne peut se réduire à une histoire de taxation NDLR

 

Tribune.

 

La campagne électorale qui s’achève aura au moins permis une clarification importante. En reprenant le concept de planification écologique défendu par Jean-Luc Mélenchon, Emmanuel Macron a pu surprendre. Et pour cause, au moment où le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) confirme ses prévisions alarmantes dans son 6e rapport, le président, qui se représente, constate par cette déclaration inattendue l’impasse de la stratégie suivie jusqu’alors en matière de politique climatique. La volonté de confier au marché le soin de coordonner la transition énergétique n’a pas permis de faire bifurquer nos systèmes de production et de consommation. Les réactions économiques en chaîne de la guerre en Ukraine donnent une occasion tragique de mieux en comprendre les raisons.

L’augmentation massive des prix de l’énergie qui a suivi l’attaque sur l’Ukraine a instauré une taxe carbone de fait. Et le montant de celle-ci pourrait être encore accru si des mesures supplémentaires étaient prises d’un côté ou de l’autre pour réduire les importations d’hydrocarbures russes. Or, quel est l’effet de ce choc de prix ? Loin d’accélérer la transition, celui-ci l’a au contraire ralentie, ouvrant la perspective catastrophique d’une décennie perdue pour le climat. La Commission européenne, qui s’apprêtait à déployer les différentes composantes de son pacte vert (Green Deal), est aujourd’hui occupée à accroître les livraisons de gaz de schiste en provenance des Etats-Unis. De leur côté, les gouvernements nationaux multiplient les subventions pour amortir la hausse des carburants, tandis que l’on envisage le redémarrage de centrales à charbon. Les pays en développement voient leur capacité d’action climatique réduite en cendres par le double impact de la crise due au Covid et des effets indirects de la crise ukrainienne. Minimiser à tout prix les conséquences de la hausse des coûts de l’énergie et des matières premières devient le nouveau mantra. Pour le prix du carbone, la guerre en Ukraine est un enterrement qui ne dit pas son nom.

Fixer un prix au carbone pour régler le problème du changement climatique. Cette idée est un lieu commun parmi les économistes et la principale politique défendue en la matière. Ainsi, en 2021, 64 instruments de tarification du carbone sont déployés dans le monde, couvrant plus du cinquième des émissions. Certes, la grande majorité d’entre eux se situent à des niveaux très faibles, de sorte qu’ils ne modifient substantiellement ni les investissements des entreprises ni le comportement des consommateurs. Mais lorsque le prix atteint des niveaux significatifs – et donc qu’ils produisent des effets économiques tangibles –, les processus d’ajustement sont si violents qu’ils sont le plus souvent inacceptables.

Pétrole et Russie: Suspendre le marché carbone européen idiot

Pétrole et Russie: Suspendre le marché carbone européen idiot

Face à l’impasse politique de la flambée des prix de l’énergie, Thierry Bros estime que l’Allemagne place l’Europe devant un risque systémique. La démonstration sans doute de ce marché carbone idiot qui ne fait que renchérir les prix du carburant et sans impact sur l’environnement. 

 

 

Les chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE, réunis jeudi et vendredi à Bruxelles, ne sont pas parvenus à trouver de consensus sur les différentes solutions évoquées à la flambée des prix de l’énergie. Ils sont seulement convenus de créer une plateforme pour des achats communs de gaz, qui fonctionnera sur la base du volontariat. La Commission européenne devrait faire des propositions concrètes en mai.

Thierry Bros est professeur à Sciences Po et spécialiste de la géopolitique de l’énergie.

Six mois après le début de la flambée des prix du gaz, les Européens ne parviennent toujours pas à s’entendre sur la réponse à y apporter. Comment l’expliquez-vous ?

Les discussions sont bloquées à cause d’une division entre pays du nord et du sud. D’un côté, des Etats comme l’Espagne et la France demandent des réformes, et de l’autre, les Pays-Bas, l’Autriche et surtout l’Allemagne freinent des quatre fers. Cette division est liée à la différence des mix énergétiques, assez carboné avec une forte dépendance au gaz en Allemagne et en Autriche notamment, et au contraire très décarbonés pour ce qui est de la France grâce au nucléaire et de l’Espagne ou du Portugal grâce aux énergies renouvelables. Partant, ces pays voudraient changer la règle dite du « merit order » du marché intégré européen de l’électricité, selon laquelle le prix du dernier électron fait le prix total, et qui revient donc à l’heure actuelle à aligner le prix de l’électricité sur celui du gaz voire du charbon. Ces pays payent l’incohérence de la politique énergétique de l’Allemagne, qui n’a pas fait les efforts de diversification qu’elle leur avait promis.

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