« Un cap de prospérité pour la France » (Jean-Marc Pasquet)
Il est communément admis que notre pays manque d’une direction claire. Cette instabilité, souvent attribuée à un paysage parlementaire fragmenté, découle surtout de l’absence de feuille de route stratégique, cohérente et attractive. Par Jean-Marc Pasquet Territoires de Progrès (*) dans La Tribune .
Ces derniers mois, le gouvernement Barnier a montré que la recherche d’une majorité la plus large possible pour faire adopter la Loi de Finances achoppait sur des prélèvements obligatoires élevés en comparaison de leur utilisation jugée de moins en moins satisfaisante au regard des attentes de la population. Faute de priorités claires, la réduction de la voilure budgétaire permet de rendre le navire France moins ardent au vent des taux d’intérêt qui souffle sur sa dette. Mais est-ce suffisant pour mobiliser un équipage stable et retrouver la route de la prospérité ?
La prospérité dépend approximativement de deux piliers : la richesse créée par habitant et le nombre de personnes qui contribuent à la produire. Or, la France se distingue par la proportion d’inactifs particulièrement élevée chez les jeunes, les seniors et certaines catégories dans la force de l’âge qui renoncent à chercher un emploi. Si l’on atteignait les taux d’activité des mieux-disants européens, comme le Danemark ou les Pays-Bas, ce sont d’un à cinq millions d’actifs potentiellement disponibles ici et maintenant qui pourraient renforcer notre économie. Ces pays sont confrontés à des « contraintes » européennes et à des défis technologiques, éducatifs, sociaux, démographiques très semblables aux nôtres. Aucun coup de rabot sur nos dépenses ne résoudra l’équation de l’équilibre budgétaire sans toucher à cette variable de la population active, trop faible dans notre pays. Notre base de cotisants étroite fragilise notre État social tandis que nous évoquons régulièrement un demi-million d’emplois vacants et des secteurs en tension. L’enjeu n’est pas seulement quantitatif et doit mobiliser la sphère publique.
Dès l’école, nos performances de lecture, d’écriture et de calcul décrochent, fragilisant l’accès aux compétences techniques et scientifiques nécessaires à notre avenir industriel. Investir dans ces compétences est une condition sine qua non de notre productivité. Au lieu de quoi, nos salaires demeurent faibles, souvent soutenus artificiellement par des aides publiques tandis que les secteurs clés peinent à recruter. Paradoxalement, la qualité de nos infrastructures n’a rien à envier à l’Allemagne, mais elle est entravée par un excès de normes et de réglementations, enserrés dans une bureaucratie omniprésente, qui pénalisent tant les entreprises que les citoyens. Pourtant, les services publics continuent d’être évalués à l’aune de leur coût plutôt que de leur qualité, voire de leur réalité, tant ils manquent souvent en face de l’usager, pour assurer protection et justice, aider, faciliter, simplifier la vie. Nous manquons de considération vis-à-vis des agents publics qui éduquent et soignent. Nous négligeons les difficultés des ménages, des plus jeunes en particulier, qui doivent garder leurs petits, se loger et se transporter pour travailler. Enfin, relancer notre productivité exige de répondre aux besoins énergétiques de l’industrie et des services. Cela suppose de garantir un accès à une énergie abondante, compétitive et decarbonnée, condition essentielle pour concilier notre modèle économique avec les défis environnementaux.
Si les relations sociales doivent être apaisées, elles appellent de la part de l’exécutif de la considération et de l’engagement. En parallèle, il faut redonner ses lettres de noblesse au travail. Ce qui implique de valoriser les efforts de ceux qui trouvent un emploi, en dotant ceux à la peine de bagages adaptés, en créant des incitations valorisantes, en leur offrant des solutions pour alléger leurs charges familiales. Ce pacte de prospérité repose sur un principe simple : valoriser celles et ceux qui travaillent et les politiques publiques qui contribuent à en accroître le nombre. Dans cette dialectique du « mieux travailler », c’est moins la critique de ceux qui occupent un emploi et davantage les conditions dans lesquelles ils l’exercent qui doit nous mobiliser. Pour réduire accidents, maladies professionnelles et absences, l’enjeu est de construire un monde du travail à la fois plus productif et plus humain.
Nous avons déjà prouvé, dans des moments historiques ou sportifs, notre capacité à nous rassembler autour d’un objectif commun. Aujourd’hui, il s’agit de mobiliser toutes les forces vives de la nation autour d’un pacte de production, de redistribution et de transition. Un « travaillisme à la française » qui nous unit par gros temps.
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(*) Jean-Marc Pasquet est délégué de Territoires de Progrès (TdP), membre du Conseil National, premier signataire du texte d’orientation « Convergences Progressistes : les Travaillistes! » déposé pour le Congrès de TdP en janvier 2025.