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Canicule : la vigilance orange élargie à 45 départements lundi

Canicule : la vigilance orange élargie à 45 départements lundi

Vigilance orange pour 45 départements lundi suite à une deuxième vague de chaleur. Toute l’Ile-de-France et le Centre vont être frappés de températures anormalement élevées, avec des pics de 40°C.Compte tenu du changement climatique des vagues de chaleur qui pourrait être amenée à se multiplier.

Toute l’Ile-de-France et le Centre vont être frappés de températures anormalement élevées, avec des pics de 40°C « probablement atteints le long d’un axe Landes/Charentes », selon l’organisme météo. La vallée du Rhône, la Corse et quatre départements du Sud-Ouest restent concernés par l’alerte. Tout le pays ou presque connaîtra des températures proches de 30°C, voire bien au-dessus: « 36/38°C de maximales sont prévues en Ile de France, PACA, Centre, Bourgogne, Haute-Normandie, Hauts de France », prévient Météo-France.

Les vagues de chaleur à répétition sont un marqueur sans équivoque du réchauffement de la planète. Elles sont appelées à encore se multiplier, s’allonger et s’intensifier, et les relevés français en sont une illustration: on observait avant 1989 « en moyenne une vague de chaleur tous les cinq ans », alors que « depuis 2000 elles se produisent à une fréquence annuelle », selon Météo-France.

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Mais les années peuvent varier. Alors que l’été 2022 fut exceptionnel avec trois canicules très intenses, dont la première frappa en juin, l’été 2024 n’a enregistré sa première vague de chaleur que fin juillet, et elle fut relativement courte (5 jours) et moins intense que celle d’août 2023, selon les critères de l’organisme météo. La vague de chaleur actuelle est la deuxième de l’année.

 

L’inquiétant boom des climatiseurs

La perspective d’une augmentation de la fréquence, de la durée et de l’intensité des vagues de chaleur partout dans le monde, et donc d’une utilisation accrue des climatiseurs dans les années à venir, soulève de vrais enjeux à la fois pour le système électrique et pour la lutte contre le réchauffement climatique.

Selon les données de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), quelque 2 milliards de climatiseurs sont d’ores et déjà utilisés à travers le monde et ce volume pourrait presque tripler à l’horizon 2050 pour atteindre 5,5 milliards. De sorte que, si aucune action n’est prise, la consommation électrique liée à ces installations devrait plus que doubler à l’horizon 2050 pour frôler les 5.300 térawattheures, soit près de 12 fois la consommation électrique annuelle totale de la France !

« Au cours des trois prochaines années, l’utilisation des climatiseurs devrait monter en flèche et devenir l’un des principaux moteurs de la demande mondiale d’électricité », prévient l’AIE. De quoi mettre en péril la sécurité d’approvisionnement des systèmes électriques tandis que le Pakistan, l’Inde ou encore l’Egypte subissent déjà régulièrement des coupures d’électricité dramatiques lors des vagues de chaleur en raison de ces pics de consommation.

Par ailleurs, la climatisation contribue au problème qu’elle est censée résoudre. Une étude de modélisation montre ainsi que « l’utilisation généralisée de la climatisation pourrait augmenter les températures extérieures jusqu’à 2°C à Paris, voire davantage en cas de canicules extrêmes ». De quoi renforcer le niveau d’inconfort encourageant le recours à encore plus de climatisation et ainsi entretenir un cercle vicieux.

 

 

 (Avec AFP)

Canicule : surmortalité constatée

Canicule : surmortalité constatée

Presque 400 décès de plus que la normale ont été recensés en France pendant la canicule qui a frappé 52 départements du 11 au 26 août, selon les estimations de Santé publique France, publiées mercredi 13 septembre.

« Près de 400 décès en excès toutes causes confondues (+5,4%) ont été estimés durant cette canicule dans les départements concernés », a exposé dans un communiqué l’agence sanitaire. Elle précise que les personnes âgées d’au moins 75 ans constituent la classe d’âge la plus touchée.

Les impacts sur la mortalité sont hétérogènes selon les départements, du fait notamment de la durée (nombre de jours en canicule) et de l’intensité (températures) de l’épisode, mais aussi de la période de survenue et du type de population touchée. Les régions concernées par les augmentations les plus importantes sont Auvergne-Rhône-Alpes avec 169 décès en excès (+7,3%) et Nouvelle-Aquitaine avec 120 décès en excès (+ 9,5%).

Climat–canicule–vers une planète inhabitable ?

Climat-canicule Climat:

: vers une planète inhabitable ?

 


Preuve du réchauffement climatique en cours, les épisodes de canicules se multiplient. Malgré son efficacité, notre système de défense contre la température risque de ne pas suffire, alerte Abderrezak Bouchama, médecin et chercheur, dans une tribune au « Monde ».

 

Des canicules quasi simultanées ont sévi en Afrique du Nord, en Europe, dont la France, et aux Etats Unis d’Amérique. Dès le mois de mars, une canicule sévère avait déjà accablé l’Asie du Sud-Est, incluant l’Inde et le Pakistan. Le 13 janvier, la température dans la petite ville australienne d’Onslow, pourtant proche de l’air rafraîchissant de l’océan, approchait les 51 °C.

Le caractère inédit de ces canicules réside dans leur précocité bien avant l’été. Il en est de même de leur sévérité, qui a déclenché des alertes maximales partout, et de leur localisation géographique, atteignant des régions réputées par leur fraîcheur de proximité des mers ou des montagnes.

En France, par exemple, la Bretagne, appréciée pour la clémence de son climat, a suffoqué sous des températures dépassant les 40 °C, ou encore Biarritz qui approche les 43 °C. Ailleurs, la situation est tout aussi alarmante. Ainsi, les régions côtières de l’Inde et du Pakistan ont vécu leurs températures les plus élevées depuis cent vingt-deux ans, alors que plusieurs villes anglaises et américaines ont également déjà battu leur record de températures estivales.

Cette situation démontre que le dérèglement climatique est planétaire et n’épargne aucun continent, ni hémisphère, confirmant ainsi les scenarios les plus sombres établis par les modèles de changement climatique projetés par les experts.

Des études scientifiques solides ont montré que ces records de température continueront à être battus jusqu’à dépasser le seuil de tolérance physiologique des êtres humains et très certainement de la plupart des organismes vivants, en transformant probablement aussi de vastes régions de notre planète en terres inhabitables (« Temperature and humidity based projections of a rapid rise in global heat stress exposure during the 21 st century », Ethan D. Coffel, Radley M. Horton, Alex de Sherbinin, Environmental Research Letters, 2017) .

La vie sur notre planète n’est possible que parce que les humains sont dotés de plusieurs systèmes de défense leur permettant de tolérer de larges fluctuations de température, d’oxygène et de pressions atmosphériques et de prévenir les effets toxiques des radiations ultraviolettes (UV). Malgré son efficacité et sa sophistication, notre système de défense contre la température risque de ne pas suffire.

 

Celui-ci consiste en un réseau de capteurs externes et internes très sensibles, capable de détecter des températures avec précision, de 0 °C à 60 °C. Il est relié à des centres de régulation situés dans plusieurs régions du cerveau, très performants, en passe cependant d’être dépassés par ces niveaux de températures externes continuellement en hausse, compromettant ainsi gravement notre habitabilité sur la terre.

Canicule-Climat: vers une planète inhabitable ?

Canicule-Climat:

: vers une planète inhabitable ?

 


Preuve du réchauffement climatique en cours, les épisodes de canicules se multiplient. Malgré son efficacité, notre système de défense contre la température risque de ne pas suffire, alerte Abderrezak Bouchama, médecin et chercheur, dans une tribune au « Monde ».

 

Des canicules quasi simultanées ont sévi en Afrique du Nord, en Europe, dont la France, et aux Etats Unis d’Amérique. Dès le mois de mars, une canicule sévère avait déjà accablé l’Asie du Sud-Est, incluant l’Inde et le Pakistan. Le 13 janvier, la température dans la petite ville australienne d’Onslow, pourtant proche de l’air rafraîchissant de l’océan, approchait les 51 °C.

Le caractère inédit de ces canicules réside dans leur précocité bien avant l’été. Il en est de même de leur sévérité, qui a déclenché des alertes maximales partout, et de leur localisation géographique, atteignant des régions réputées par leur fraîcheur de proximité des mers ou des montagnes.

En France, par exemple, la Bretagne, appréciée pour la clémence de son climat, a suffoqué sous des températures dépassant les 40 °C, ou encore Biarritz qui approche les 43 °C. Ailleurs, la situation est tout aussi alarmante. Ainsi, les régions côtières de l’Inde et du Pakistan ont vécu leurs températures les plus élevées depuis cent vingt-deux ans, alors que plusieurs villes anglaises et américaines ont également déjà battu leur record de températures estivales.

Cette situation démontre que le dérèglement climatique est planétaire et n’épargne aucun continent, ni hémisphère, confirmant ainsi les scenarios les plus sombres établis par les modèles de changement climatique projetés par les experts.

Des études scientifiques solides ont montré que ces records de température continueront à être battus jusqu’à dépasser le seuil de tolérance physiologique des êtres humains et très certainement de la plupart des organismes vivants, en transformant probablement aussi de vastes régions de notre planète en terres inhabitables (« Temperature and humidity based projections of a rapid rise in global heat stress exposure during the 21 st century », Ethan D. Coffel, Radley M. Horton, Alex de Sherbinin, Environmental Research Letters, 2017) .

La vie sur notre planète n’est possible que parce que les humains sont dotés de plusieurs systèmes de défense leur permettant de tolérer de larges fluctuations de température, d’oxygène et de pressions atmosphériques et de prévenir les effets toxiques des radiations ultraviolettes (UV). Malgré son efficacité et sa sophistication, notre système de défense contre la température risque de ne pas suffire.

 

Celui-ci consiste en un réseau de capteurs externes et internes très sensibles, capable de détecter des températures avec précision, de 0 °C à 60 °C. Il est relié à des centres de régulation situés dans plusieurs régions du cerveau, très performants, en passe cependant d’être dépassés par ces niveaux de températures externes continuellement en hausse, compromettant ainsi gravement notre habitabilité sur la terre.

Canicules : vers une planète inhabitable ?

canicules :

: vers une planète inhabitable ?

 

Preuve du réchauffement climatique en cours, les épisodes de canicules se multiplient. Malgré son efficacité, notre système de défense contre la température risque de ne pas suffire, alerte Abderrezak Bouchama, médecin et chercheur, dans une tribune au « Monde ».

 

Des canicules quasi simultanées ont sévi en Afrique du Nord, en Europe, dont la France, et aux Etats Unis d’Amérique. Dès le mois de mars, une canicule sévère avait déjà accablé l’Asie du Sud-Est, incluant l’Inde et le Pakistan. Le 13 janvier, la température dans la petite ville australienne d’Onslow, pourtant proche de l’air rafraîchissant de l’océan, approchait les 51 °C.

Le caractère inédit de ces canicules réside dans leur précocité bien avant l’été. Il en est de même de leur sévérité, qui a déclenché des alertes maximales partout, et de leur localisation géographique, atteignant des régions réputées par leur fraîcheur de proximité des mers ou des montagnes.

En France, par exemple, la Bretagne, appréciée pour la clémence de son climat, a suffoqué sous des températures dépassant les 40 °C, ou encore Biarritz qui approche les 43 °C. Ailleurs, la situation est tout aussi alarmante. Ainsi, les régions côtières de l’Inde et du Pakistan ont vécu leurs températures les plus élevées depuis cent vingt-deux ans, alors que plusieurs villes anglaises et américaines ont également déjà battu leur record de températures estivales.

Cette situation démontre que le dérèglement climatique est planétaire et n’épargne aucun continent, ni hémisphère, confirmant ainsi les scenarios les plus sombres établis par les modèles de changement climatique projetés par les experts.

Des études scientifiques solides ont montré que ces records de température continueront à être battus jusqu’à dépasser le seuil de tolérance physiologique des êtres humains et très certainement de la plupart des organismes vivants, en transformant probablement aussi de vastes régions de notre planète en terres inhabitables (« Temperature and humidity based projections of a rapid rise in global heat stress exposure during the 21 st century », Ethan D. Coffel, Radley M. Horton, Alex de Sherbinin, Environmental Research Letters, 2017) .

La vie sur notre planète n’est possible que parce que les humains sont dotés de plusieurs systèmes de défense leur permettant de tolérer de larges fluctuations de température, d’oxygène et de pressions atmosphériques et de prévenir les effets toxiques des radiations ultraviolettes (UV). Malgré son efficacité et sa sophistication, notre système de défense contre la température risque de ne pas suffire.

 

Celui-ci consiste en un réseau de capteurs externes et internes très sensibles, capable de détecter des températures avec précision, de 0 °C à 60 °C. Il est relié à des centres de régulation situés dans plusieurs régions du cerveau, très performants, en passe cependant d’être dépassés par ces niveaux de températures externes continuellement en hausse, compromettant ainsi gravement notre habitabilité sur la terre.

Canicule et mortalité

Canicule et mortalité

Cette année, déjà marquée par le mois de juillet le plus chaud jamais enregistré sur Terre, les décès liés à la chaleur dépasseront encore de loin la centaine de milliers dans le monde. En 2022 en Europe seule, la saison estivale, avait déjà causé près de 60 000 victimes sur le continent dont 5 000 en France.

par François Lévêque
Professeur d’économie, Mines Paris dans The Conversation

La surmortalité du réchauffement est manifeste depuis plusieurs décennies. Un demi-pourcent de la mortalité totale mondiale est en effet attribuable à l’effet du changement climatique sur les hautes températures. Un tiers en somme de tous les décès de chaleur.

Mais attention la relation entre élévation de la température et mortalité n’est pas à sens unique. Le réchauffement diminue aussi les journées et les pics de grand froid, et donc la mortalité qui leur est associée. Celle-ci ne se réfère pas spécifiquement au fait que des personnes meurent de froid par hypothermie. De même que la mortalité liée à la chaleur ne se résume pas aux décès par hyperthermie. Les températures plus basses ou plus hautes fragilisent les constitutions et accentuent les troubles pathologiques et, finalement, réduisent l’espérance de vie.

Le réchauffement entraîne donc plus de morts d’un côté mais moins aussi d’un autre. Ce second phénomène qui complique le décompte de la mortalité des nouvelles températures peut être très significatif. Au Mexique, par exemple, il a été calculé qu’une journée à plus de 32 °C se solde par un demi-millier de morts mais qu’une journée à moins de 12 °C par dix fois plus. Très peu d’habitations y disposent en effet de chauffage.

Il convient donc de tenir compte aussi de cette sous-mortalité. Mais dans quelle mesure compense-t-elle la surmortalité de chaleur ? En totalité pour les trente dernières années, selon une étude publiée dans The Lancet en 2021. Un résultat à prendre toutefois avec des pincettes à cause de la méthode suivie qui se fonde sur une température dite optimale, celle correspondant au minimum de décès observés.

Pour le futur, il n’y a en revanche pas de doute sérieux sur le caractère seulement partiel de la compensation.

Augmentation de la mortalité mondiale en fonction de la hausse des températures moyennes. Scientific Reports, 2021
Une illustration en est donnée par la figure ci-dessous extraite d’un article publié en 2021 dans la revue Scientific Reports.

Citons également une étude qui permet de chiffrer à 17,6 millions les décès additionnels en 2100 liés à l’élévation des températures – en prenant bien en compte la sous-mortalité liée au froid. Ce chiffre repose sur l’hypothèse d’une planète comptant 8 milliards de Terriens et sur l’estimation d’une augmentation nette de la mortalité qui s’élèverait à 220 décès pour 100 000 habitants, soit le ratio d’aujourd’hui pour les décès d’accidents cardiovasculaires. C’est considérable.

La sous-mortalité du froid doit être prise en compte sans fard et sans états d’âme car elle jette une lumière crue sur les inégalités face au réchauffement. Elle accentue les écarts de mortalité au sein d’un même État ou union d’États : entre la population des régions froides et des régions chaudes du Mexique, de l’Inde, des États-Unis ou de l’Europe, par exemple. Elle renforce les inégalités entre régions du monde : les États-Unis et l’Europe devraient connaître à l’horizon 2100 une surmortalité liée à l’élévation des températures légèrement positive et même négative.

La moyenne citée plus haut de 220 décès pour 100 000 habitants masque en effet une très grande hétérogénéité avec un ratio de +14,8/100 000 et de – 14,3/100 000 pour respectivement les États-Unis et l’Europe, tandis qu’il atteint +334/100 000 pour l’Union indienne.

Selon une étude de synthèse publiée en 2022 sous l’égide de l’American Thoracic Society, la mortalité liée au froid représente la moitié de la mortalité liée à la chaleur en Europe mais seulement le quart pour la région du Moyen-Orient et du nord de l’Afrique.

Les inégalités plus tranchées dès lors que l’on tient compte de la sous-mortalité liée au froid risquent de renforcer les égoïsmes et rendre plus difficiles encore les discussions politiques nationales et internationales sur les efforts d’atténuation. Mais rien ne sert de faire l’autruche. Ni l’expression ni l’animal n’existent sur Sirius.

Le développement des travaux sur la mortalité des températures procure une nouvelle vision et apporte de nouveaux résultats sur le coût des émissions de carbone. Ils permettent de calculer les effets du réchauffement en décès additionnels par tonne d’émission nouvelle et d’intégrer la mortalité dans la détermination du coût social du carbone.

Explications de ce baragouin d’un Sirien :

Il faut compter 0,000226 décès associé à l’émission d’une tonne supplémentaire de dioxyde de carbone. Dit autrement et plus précisément, réduire les émissions de ce gaz d’un million de tonnes épargnerait 226 vies humaines entre 2020 et 2100.

Faisons plus parlant encore : les émissions de quatre Américains au cours de leur vie correspondent à un décès en plus sur la planète. Ce chiffre choc ainsi que les précédents sont issus d’un article du chercheur Daniel Bressler récemment paru dans Nature Communications. Ils reposent sur l’hypothèse d’une augmentation des températures de +4,1 °C en 2100 par rapport à l’ère préindustrielle et d’une estimation d’une surmortalité de chaleur cumulée au cours de cette période de près de 100 millions de personnes.

Cette métrique de la mortalité additionnelle par tonne de carbone en plus ou en moins offre une façon simple d’évaluer les effets des projets d’investissement qui émettent de nouvelles émissions ou les réduisent. Vous pouvez vous-même l’utiliser comme jauge lorsque vous hésitez à prendre le train ou l’avion ! De plus, contrairement à la métrique canonique du coût social du carbone, c’est-à-dire du coût monétaire pour la société d’une tonne en plus ou en moins, elle évite deux contraintes : celle de choisir un taux d’actualisation et celle de donner une valeur en dollar ou en euro à une vie humaine.

Vous vous souvenez peut-être d’une controverse entre un économiste américain, William Nordhaus, et un économiste anglais Nicolas Stern, le second aboutissant à un coût social du carbone incomparablement supérieur au premier. Leur divergence s’explique principalement par une position radicalement différente sur le taux d’actualisation à retenir, un paramètre nécessaire pour comparer des dollars ou des euros d’aujourd’hui avec des dollars ou des euros de demain. Un choix acrobatique et périlleux quand demain veut dire en 2100.

L’affectation d’une valeur monétaire à une vie humaine en moins ou en plus est un choix plus délicat et polémique encore. En témoignent les innombrables travaux économiques depuis plus d’un demi-siècle sur la valeur statistique d’une vie ainsi que la farouche opposition que cette démarche rencontre auprès de Terriens qui ne parlent pas le Sirien. La prise en compte d’une vie en moins ou d’une année de vie en moins est un premier choix à trancher que j’ai discuté ailleurs.

Il est décisif car les décès de mortalité liés aux températures concernent principalement des personnes âgées. Un second choix crucial est d’opter pour une valeur universelle ou pour une valeur dépendante du revenu. En termes crus, le décès d’un Indien vaut-il moins que celui d’un Américain ? Discuter de ce choix nous entraînerait trop loin ici.

Surtout qu’il ne remet pas en cause le résultat que je veux souligner : la prise en compte de la mortalité des températures modifie considérablement la donne sur les effets économiques du réchauffement, la perte des vies humaines devenant le premier poste des dommages du réchauffement.

Prenons l’exemple du modèle climat-économie de William Nordhaus de 2016. La mortalité y représente seulement quelques pourcents des dommages. Les décès pris en compte se limitent en effet essentiellement à ceux occasionnés par le travail en extérieur des ouvriers agricoles et du bâtiment. Le coût social de la tonne de carbone s’élève à 38 euros.

En moulinant le même modèle mais en y ajoutant l’ensemble des décès liés à la chaleur, Daniel Bressler aboutit à un coût social du carbone égal à 258 dollars la tonne. Ce chiffre repose sur une valeur universelle d’une année de vie égale à quatre fois la moyenne globale de la consommation par habitant de la planète en 2020, soit 48 000 dollars. Bien entendu, le coût de mortalité du carbone est très sensible à cette valeur. Deux fois plus petite, le coût social de carbone devient 177 dollars/t, tandis qu’une valeur double conduit à 414 dollars/t.

Ce résultat a été confirmé par d’autres travaux. Un modèle récent intégrant un module complet sur les dommages de mortalité parvient à un coût social du carbone à 185 dollars/t dont 90 pour le seul poste de la mortalité.

Un autre article s’intéressant uniquement à ce poste l’estime à 144 dollars/t sur la base d’hypothèses de valeur d’une vie et de taux d’actualisation comparables à ceux du travail de Daniel Bressler. Ses auteurs se livrent par ailleurs à de multiples analyses de sensibilité du coût social de mortalité du carbone à ces deux variables. Il faut par exemple diviser les 144 euros/t à peu près par 3 en passant d’un taux d’actualisation de 2 % à 3 % ou bien en passant d’une valeur d’une vie universelle à une valeur d’une vie variable selon le revenu per capita des pays. Le passage en années de vie correspond de son côté à une division par deux.

Le futur coût social du carbone en discussion aujourd’hui aux États-Unis devrait tenir compte pleinement des pertes de vies humaines. C’est une décision importante car cette donnée est utilisée pour évaluer les décisions d’investissement public. Il est proposé par l’Agence pour l’Environnement et divers experts qu’il passe des 51 dollars/t d’aujourd’hui à 185 dollars/t. De façon générale, l’intégration de la mortalité dans le coût social du carbone en l’augmentant significativement justifie des actions de réduction de beaucoup plus grande ampleur. Elle les rend bénéfiques aux Terriens.

Les chiffres sur la mortalité liée aux températures à l’horizon du siècle prochain qui ont été mentionnés jusque-là reposent sur une vision pessimiste de l’avenir. Ils correspondent au scénario d’une poursuite des émissions de gaz à effet de serre au rythme actuel – le scénario dit RCP 8.5 des travaux du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC).

Leur réduction autorisant une élévation moins forte des températures permettrait de limiter considérablement les dommages de mortalité. Reprenons le ratio des 220 décès pour 100 000 habitants en 2100. Dans le cas d’une stabilisation des émissions à un niveau faible (Scénario dit RCP 4.5) le ratio tombe à 40 décès, soit plus de cinq fois moins ! Si on reprend le coût cité plus haut de mortalité d’une tonne de carbone de 0,000226, l’effet est moins considérable mais reste impressionnant : une élévation de température de 2,4 °C au lieu de 4,1 °C le divise par plus de deux.

Les efforts d’atténuation que nous réaliserons permettent donc de sauver des vies humaines en très grand nombre. Cette conséquence positive de la transition n’est pas assez mise en avant. Vue de Sirius, elle offre pourtant une motivation et une justification simples aux Terriens à consentir des efforts de décarbonation d’envergure.

Quelles que soient les températures futures considérées, les projections de mortalité ne tiennent pas compte d’un autre puissant levier de réduction des décès : les marges d’adaptation des hommes et de la société face à la chaleur. Or, là encore, les effets peuvent être conséquents.

Ils sont toutefois difficiles à quantifier globalement. À ma connaissance, une seule étude s’y est essayée. Elle aboutit à une baisse de l’ordre de 15 % du risque de décès. Ce résultat repose cependant sur un jeu d’hypothèses très restrictives en particulier sur l’absence de politiques publiques d’adaptation. Or elles jouent un rôle clef. Ne serait-ce qu’à travers la mise en place d’alertes aux canicules et de diffusion de messages sur les règles de conduite à adopter pour s’en protéger. S’ajoutent de nombreux investissements publics, en particulier en ville pour lutter contre les îlots de chaleur.

L’été 2022 a été la seconde année la plus chaude que la France ait connue – presque autant que celui de 2003. Il totalise pourtant cinq fois moins de décès en excès.

Cet écart donne à penser que la société a réalisé des progrès dans son adaptation aux vagues de chaleur à répétition. Ce constat est confirmé par à un modèle mis au point par des épidémiologistes et des météorologues. Appliqué à la canicule de 2006 en France, il montre qu’elle se serait soldée sans adaptation par trois fois plus de décès.

Outre l’action publique, les progrès observés s’expliquent également par la diffusion de la climatisation. On en connaît les effets délétères à travers son apport au réchauffement de l’atmosphère par sa consommation d’énergie fossile, ses fuites de gaz frigorigènes et, localement, ses propres rejets d’air chaud. On parle moins de ses effets conséquents sur de la diminution de mortalité.

Une étude américaine a montré que la diffusion de la climatisation aux États-Unis entre 1960 et 2004 a permis d’éviter près d’un million de décès prématurés. A contrario, le moindre usage des climatiseurs au Japon lié à l’augmentation du prix de l’électricité et aux campagnes d’économie d’énergie consécutives à l’accident nucléaire de Fukushima Daïchi a entraîné près de 10 000 décès en excès.

Citons enfin comme moyen d’adaptation les migrations vers des régions aux températures moyennes moins élevées. Il est cependant potentiellement limité car les coûts de changer de lieu de résidence sont substantiels pour les personnes qui l’envisagent et les frontières entre États dressent de formidables contraintes politiques, culturelles et administratives. Les mouvements migratoires liés au réchauffement climatique ont plus de chances de se produire au sein du même pays. Par exemple pour les pays riches des métropoles vers le littoral ou la montagne, ou pour les pays pauvres des zones rurales vers les capitales.

Il n’est plus acceptable d’ignorer tous les Terriens dont la vie sera raccourcie alors que l’on dispose de données de plus en plus complètes et fiables sur la mortalité liée à l’élévation des températures. Compter les personnes manquantes en cas d’inaction face au changement climatique nous met face à nos responsabilités et justifie des investissements ambitieux d’atténuation et d’adaptation.

Gouvernement et Canicule : mise en place d’ un numéro de téléphone !

Gouvernement et Canicule : mise en place d’ un numéro de téléphone !


Face à la canicule , la Première ministre active le numéro de téléphone du plan anti chaleur. Un plan qui se résume surtout à des mesures d’information concernant la température . Un plan bâti à la hâte par le ministère de l’écologie et qui se résume surtout un constat de la montée des températures, de leurs facteurs structurels et des recommandations pour rester au frais ! Pour l’essentiel, le plan vise à informer et à surveiller les personnes âgées

Les grands axes du plan

La mise en œuvre des mesures de protection des personnes vulnérables hébergées en institutions (établissements accueillant des personnes âgées, établissements pour personnes handicapées) ou hospitalisées en établissements de santé .

Le repérage individuel des personnes vulnérables, grâce au registre des personnes fragiles ou isolées tenu par les communes ;
L’alerte, sur la base de l’évaluation biométéorologique faite par Météo-France et Santé publique France ;
La solidarité vis-à-vis des personnes vulnérables, mise en œuvre grâce au recensement et aux dispositifs de permanence estivale des services de soins et d’aide à domicile et des associations de bénévoles ;
Le dispositif d’information et de communication, à destination du grand public, des professionnels et des établissements de santé.
Le ministère chargé de la santé et Santé publique France diffusent des supports d’information auprès du public local, notamment les personnes vulnérables ainsi qu’aux partenaires et relais (médias, associations, collectivités locales…).

Canicule : mise en place un numéro de téléphone !

Canicule : mise en place un numéro de téléphone !


Face à la canicule , la Première ministre Active le numéro de téléphone du plan anti chaleur. Un plan qui se résume surtout à des mesures d’information concernant la température . Un plan bâti à la hâte par le ministère de l’écologie et qui se résume surtout un constat de la montée des températures, de leurs facteurs structurels et des recommandations pour rester au frais !
Pour l’essentiel, le plan vise à informer et à surveiller les personnes âgées

Les grands axes du plan

La mise en œuvre des mesures de protection des personnes vulnérables hébergées en institutions (établissements accueillant des personnes âgées, établissements pour personnes handicapées) ou hospitalisées en établissements de santé .

Le repérage individuel des personnes vulnérables, grâce au registre des personnes fragiles ou isolées tenu par les communes ;
L’alerte, sur la base de l’évaluation biométéorologique faite par Météo-France et Santé publique France ;
La solidarité vis-à-vis des personnes vulnérables, mise en œuvre grâce au recensement et aux dispositifs de permanence estivale des services de soins et d’aide à domicile et des associations de bénévoles ;
Le dispositif d’information et de communication, à destination du grand public, des professionnels et des établissements de santé.
Le ministère chargé de la santé et Santé publique France diffusent des supports d’information auprès du public local, notamment les personnes vulnérables ainsi qu’aux partenaires et relais (médias, associations, collectivités locales…).

Canicule et réchauffement de l’Atlantique

Canicule et réchauffement de l’Atlantique

par
Peter Ditlevsen
Professor in physics of ice, climate and earth, University of Copenhagen

Susanne Ditlevsen
Professor in statistics, University of Copenhagen

dans The Conversation

Fin juillet, une étude publiée dans Nature Communications a mis en garde contre le risque d’effondrement d’un système océanique essentiel qui fait remonter les eaux chaudes dans l’Atlantique Nord. Nommée le plus souvent par son abréviation anglaise d’AMOC, la circulation méridienne de retournement de l’Atlantique était déjà connue comme étant ralentie de manière inégalée depuis 1600 ans.

Ces dernières recherches envisagent son possible effondrement entre 2025 et 2095, avec une estimation centrale de 2057 si une réduction drastique et rapide des émissions de gaz à effet de serre n’advient pas. Ce scénario, s’il s’avère exact, pourrait entraîner un climat européen dramatiquement froid avec des conséquences dévastatrices pour la vie telle que nous la connaissons. The Conversation s’est entretenu avec le physicien Peter Ditlevsen et sa sœur, la statisticienne Susanne Ditlevsen, pour discuter de leurs résultats et des controverses qu’ils n’ont pas manqué de susciter.

Comment décririez-vous l’AMOC pour ceux qui n’en ont jamais entendu parler ?

Peter Ditlevsen : l’AMOC fait partie d’une sorte de tapis roulant presque mondial qui transporte les eaux autour de la planète.

Au sud du Groenland, dans l’Atlantique Nord, nous voyons des eaux lourdes descendre et des eaux légères remonter. L’eau peut être lourde pour deux raisons. Elle peut être salée. Si l’on ajoute du sel, l’eau devient plus lourde et coule. Elle peut aussi être froide. L’eau froide est plus lourde que l’eau chaude, elle coule donc et retourne dans la partie sud de l’Atlantique.


Le mégacourant océanique de l’AMOC reste très peu connu, que ce soit par le grand public ou même par les scientifiques, avec par exemple aucune surveillance directe de l’AMOC avant 2004. Comment cela se fait-il ?

PD : Le premier problème est que l’océan est beaucoup moins connu que l’atmosphère. Tout d’abord parce que nous faisons des prévisions météorologiques permettant d’indiquer le temps qu’il fera demain et après-demain et qui concentrent beaucoup d’effort. De plus, concernant la prévision météorologique océanique, si nous pouvons observer très précisément la surface de l’océan, il est beaucoup plus difficile de pénétrer dans l’océan, notamment parce que nous ne pouvons pas vraiment transmettre de signaux.

En ce qui concerne précisément l’AMOC, il y a aussi une question de moyens financiers. C’est difficile et coûteux de le surveiller, il faut beaucoup de ressources, et bien qu’il y ait des missions scientifiques où l’on descend et où l’on obtient une idée instantanée de la situation, ce dont on a vraiment besoin, c’est une surveillance à long terme. C’est ce qui a été fait plus tôt pour le Pacifique en raison d’El Nino. En ce sens, nous avons beaucoup plus de données concernant le Pacifique central et tropical que l’Atlantique.

Mais ce manque de données concernant l’AMOC ne correspond pas à un manque d’intérêt de la part des scientifiques. Dès les années 1960, l’océanographe et physicien américain Henry Stommel a étudié l’AMOC et a déclaré que ce mégacourant pouvait osciller entre deux états différents. Un phénomène que nous avons depuis observé en étudiant les carottes de glace du Groenland depuis l’époque glaciaire.

À la grande surprise de tous, il s’est alors avéré que le climat glaciaire, en plus d’être bien sûr très froid, présentait ces énormes sauts climatiques entre un état froid et un état plus chaud, et la raison de ce phénomène n’était pas connue jusqu’à très récemment.

Aujourd’hui, le consensus converge vers l’idée que c’est en fait l’activation et la désactivation de l’AMOC qui est à l’origine de ce phénomène. Il s’agit de changements climatiques considérables, qui se produisent tous les quelques milliers d’années.

Et lorsque cela se produit, c’est extrêmement rapide. Bien que le passage de l’état « inactif » à l’état « actif » soit plus dramatique que l’inverse, la possibilité d’un arrêt auquel nous sommes maintenant confrontés est également très préoccupante […] Il est question d’une chute brutale de jusqu’à dix degrés en une décennie. Mais bien sûr, il faut être prudent avec les analogies, car le climat glaciaire est très différent de celui que nous connaissons aujourd’hui. De plus, aujourd’hui, nous sommes confrontés à un refroidissement de l’AMOC, avec en arrière-plan un réchauffement du climat. C’est un peu comme si nous conduisions une voiture et que nous appuyions en même temps sur la pédale de vitesse et sur la pédale de frein.


Votre étude a logiquement attiré l’attention des médias, qui ont parfois fait l’amalgame entre l’effondrement du Gulf Stream et l’effondrement de l’AMOC. Comment avez-vous vécu cela ?

Susanne Ditlevsen : Je pense qu’il y a deux aspects à cette question. D’une part, le grand public peut confondre le Gulf Stream et l’AMOC et, dans un certain sens, il s’agit d’une simple formulation. Il existe donc un courant qui fait remonter l’eau chaude et qui risque de s’effondrer. Que nous l’appelions AMOC ou système Gulf Stream, même si le Gulf Stream en lui-même est quelque chose de différent, cela n’a pas d’importance, ce n’est qu’une question de formulation.

Mais cette différence terminologique peut générer un malentendu très préjudiciable, car le Gulf Stream stricto sensu ne peut pas s’effondrer, puisqu’il est entraîné par le vent et la rotation de la Terre. Ainsi, lorsqu’on dit que nous avons prédit l’effondrement du Gulf Stream, ils peuvent être tentés de nous traiter d’idiots. […] Je pense qu’il est important d’expliquer que nous parlons en fait de quelque chose de différent, dont nous pensons, comme beaucoup d’autres, qu’il peut s’effondrer.

La temporalité que nous avons donnée, qui s’étend de 2025 à 2095, a également été déformée. La probabilité n’est pas du tout la même sur l’ensemble de l’intervalle. Nous estimons donc qu’il est très peu probable qu’un effondrement puisse se produire dès 2025.

Il est notoirement difficile d’estimer ce que nous appelons les « queues de distribution » dans le jargon statistique. Il s’agit des probabilités les plus faibles aux extrémités de la distribution. Cependant, l’estimation centrale, située au milieu du siècle, est celle où nous pensons que le risque d’effondrement est le plus élevé si nous continuons à émettre des gaz à effet de serre au rythme actuel.

Même si nos estimations sont incertaines, le message principal est qu’il existe un risque considérable, ou du moins sous-estimé, que cet effondrement se produise beaucoup plus tôt qu’on ne le pensait.

Supposons que l’AMOC s’effondre en 2057. Comment cela se traduirait-il concrètement en Europe ?

PD : D’un point de vue climatique, l’effondrement serait probablement très rapide, c’est-à-dire qu’il s’arrêterait en quelques décennies.

Mais ce n’est pas non plus comme si une ère glaciaire se produisait en deux semaines. La région de l’Atlantique Nord et l’Europe, en particulier, se refroidiraient considérablement. L’Angleterre ressemblerait probablement au nord du Canada.

La chaleur de l’océan Pacifique qui ne serait pas transportée vers l’Atlantique Nord resterait dans les tropiques.

SD : Ce qu’il faut garder à l’esprit ici, c’est que ce dont nous parlons est très incertain. La façon dont les températures varieraient reste très incertaine, certains parlent de cinq degrés, d’autres de dix degrés, d’autres encore de plus de tempêtes, etc. Mais je pense que le message à retenir c’est que les implications seraient dévastatrices en termes de capacité à continuer à vivre comme nous le faisons aujourd’hui, et à poursuivre l’agriculture dans différents endroits. Il y aurait aussi des endroits densément peuplés où l’on ne pourrait tout simplement pas vivre.

PD : Il faut également se rappeler que nous avons du mal à faire face à des changements rapides. Historiquement, nos sociétés ont fait face aux changements en débutant de grandes migrations. Or nous savons à quel point cela est difficile pour les sociétés.

Quelles étaient vos attentes lorsque vous avez lancé ce projet ? Aviez-vous prévu ces résultats spectaculaires ?

PD : Mon but initial était de donner plus de poids à l’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), grâce à une méthodologie solide et à des observations que j’avais prévu d’ajuster par la suite. Mais il s’est avéré que nos modèles ont situé l’effondrement beaucoup plus tôt que ceux du GIEC. Évidemment, j’aurais préféré que le résultat de notre étude soit moins controversé, car nous sommes aujourd’hui attaqués de toutes parts. Mais c’est ainsi que fonctionne la science, je suppose. Et c’est aussi la raison pour laquelle Susanne s’est beaucoup impliquée, parce que l’étude nécessitait des statistiques bien meilleures que celles dont je suis capable.

SD : Nous pensons également que cette menace d’effondrement est si préoccupante que si nous avons des données indiquant un effondrement plus précoce ou même considérablement plus précoce que ce que l’on croit généralement, nous devons le faire savoir. Mais cela ne signifie pas que nos résultats sont gravés dans le marbre. Bien entendu, ce n’est pas le cas. Parce que les données sont « bruyantes » et que nous disposons de mesures indirectes. Chaque année supplémentaire qui passe et qui est étudiée nous donne plus de données, et donc la capacité de réaliser de meilleures estimations.

Ceci étant dit, gardons quand même en tête que les changements climatiques ont d’énormes répercussions sur la Terre et des conséquences beaucoup plus importantes que ce qui avait été prévu. Il suffit de regarder les phénomènes météorologiques extrêmes que nous avons connus cet été et les nouveaux records de température. Tout cela se produit plus tôt et plus fort que ce qui avait été prévu.

La science du climat, en particulier le GIEC, a en effet tendance à faire des prévisions prudentes. Prenez, par exemple, la vitesse à laquelle les glaces de l’Arctique fondent par rapport à leur pronostic selon lequel elles ne risquent rien jusqu’en 2050 au moins.

SD : Il s’agit toujours de résultats conservateurs. Et dans ce sens, on pourrait dire que c’est l’une des raisons pour lesquelles je pense que cela donne un peu plus de crédibilité à notre étude parce que, bien sûr, nous ne voulions pas aller à l’encontre du GIEC, mais il s’est montré conservateur à bien des égards.

Comment la science peut-elle mieux comprendre les implications d’un point de basculement de l’AMOC ?

SD : Il est certain que nous avons besoin de plus de mesures de l’AMOC. Hélas, nous ne pouvons pas remonter dans le temps pour cela. Comme nous ne pouvons pas disposer de mesures très, très détaillées de l’époque préindustrielle, avant le réchauffement climatique, il est également difficile d’évaluer la variabilité naturelle et le comportement naturel avant le réchauffement climatique.

PD : D’une certaine manière, lorsque vous demandez ce qui est nécessaire, je dirais que c’est tout. C’est particulièrement vrai en ce qui concerne la modélisation. Je veux dire que ces modèles devraient au moins, dans un certain sens, reproduire ce que nous avons vu auparavant.

Certains chercheurs parviennent encore à recueillir des données passées en étudiant les sédiments. Cela ne pourrait-il pas être utile ?

PD : Oui, nous disposons d’énormes archives sédimentaires. Mais le problème est que dans le cas des échelles de temps que nous étudions, toute indication de points de basculement sera effacée. La résolution temporelle de ces enregistrements n’est tout simplement pas assez bonne.

Mais il serait évidemment incroyable que quelqu’un invente de nouveaux types de données paléo-climatiques. De temps en temps, on trouve des stalagmites et des stalactites qui semblent pouvoir être utilisées… Je pense qu’en fait ce dont nous avons vraiment besoin aujourd’hui, c’est que des jeunes chercheurs intelligents et ouverts d’esprit viennent nous rejoindre et essaient de nouvelles choses folles que les anciens pensaient impossibles.

Canicule : Elisabeth Borne met en place un numéro de téléphone !

Canicule : Elisabeth Borne met en place un numéro de téléphone !


Face à la canicule , la Première ministre Active le numéro de téléphone du plan anti chaleur. Un plan qui se résume surtout à des mesures d’information concernant la température . Un plan bâti à la hâte par le ministère de l’écologie et qui se résume surtout un constat de la montée des températures, de leurs facteurs structurels et des recommandations pour rester au frais !
Pour l’essentiel, le plan vise à informer et à surveiller les personnes âgées

Les grands axes du plan

La mise en œuvre des mesures de protection des personnes vulnérables hébergées en institutions (établissements accueillant des personnes âgées, établissements pour personnes handicapées) ou hospitalisées en établissements de santé .

Le repérage individuel des personnes vulnérables, grâce au registre des personnes fragiles ou isolées tenu par les communes ;
L’alerte, sur la base de l’évaluation biométéorologique faite par Météo-France et Santé publique France ;
La solidarité vis-à-vis des personnes vulnérables, mise en œuvre grâce au recensement et aux dispositifs de permanence estivale des services de soins et d’aide à domicile et des associations de bénévoles ;
Le dispositif d’information et de communication, à destination du grand public, des professionnels et des établissements de santé.
Le ministère chargé de la santé et Santé publique France diffusent des supports d’information auprès du public local, notamment les personnes vulnérables ainsi qu’aux partenaires et relais (médias, associations, collectivités locales…).

En cas d’alerte, chaque acteur peut se référer à sa fiche action contenue dans le disposition spécifique ORSEC gestion sanitaire des vagues de chaleur..

La Première ministre Elisabeth Borne doit donc activer dès ce jeudi à 17h00 une cellule interministérielle de crise. Un plan national de gestion des vagues de chaleur avait déjà été présenté début juin par le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, pour faire face à l’ensemble des conséquences liées aux canicules.

« Canicule-asymptomatique »

« Canicule-asymptomatique » !

par
William Audureau dans Le Monde

Le paradoxe d’un mois de juillet frais en France malgré des températures inédites à l’échelle du monde a déchaîné l’ironie de ceux qui contestent le dérèglement climatique.

Le chiffre est historique : la température relevée à travers le globe en juillet 2023 a été la plus élevée jamais enregistrée, avec une hausse de 0,72 °C par rapport à la moyenne de la période 1991-2020, selon les chiffres publiés mardi 8 août par l’agence européenne Copernicus. Mais en raison d’un déplacement du jet-stream, la France a été plutôt épargnée par les températures extrêmes, et a même subi une météo plutôt maussade et humide pour la saison. Il n’en fallait pas plus pour que certains citoyens, qui considèrent le changement climatique comme une vaste imposture médiatique, raillent une « canicule asymptomatique ».

L’expression « canicule asymptomatique », d’une ironie mordante, s’est largement répandue depuis le milieu de l’été. Un épisode en particulier semble l’avoir popularisée. Le 22 juillet, sur le réseau social Twitter (depuis rebaptisé X), le journaliste du Parisien Nicolas Berrod explique que la fraîcheur dans le nord du pays relève d’une « impression trompeuse », alors que les températures restent « au moins légèrement » au-dessus de la normale.

« 15 degrés sur Strasbourg actuellement avec forte pluie !!! Mais le froid c’est dans la tête grâce à Nicolas Berrod », ironise Silvano Trotta, dont les théories conspirationnistes ont évolué, du complot extraterrestre à la pandémie planifiée de Covid-19, pour nier désormais le changement climatique. Le parallèle entre crises climatique et sanitaire est vite tracé. « En 2020, vous aviez l’impression d’être en bonne santé et Nicolas [Berrod, qui écrivait alors sur le Covid-19, comme de nombreux journalistes] vous assurait que vous étiez malade. En 2023 vous avez l’impression qu’il fait bon mais Nicolas vous assure que vous brûlez vif », surenchérit un membre du collectif covidosceptique Réinfocovid.

Le Média en 4-4-2, blog aux accents populistes proche des « gilets jaunes », amplifie encore l’histoire, en écrivant que, selon le journaliste du Parisien, « la canicule est asymptomatique », alors qu’il n’a jamais employé ce terme.

Canicule: conséquences sur la santé

Canicule: conséquences sur la santé

Par Rémy Slama responsable de l’équipe d’épidémiologie environnementale appliquée à la reproduction et la santé respiratoire – Institut pour l’Avancée des Biosciences (IAB), Inserm-CNRS et Université Grenoble Alpes dans l’Opinion.

Directeur de Recherches à l’Inserm. Il est aussi président du Conseil Scientifique du Programme National de Recherche sur les Perturbateurs Endocriniens. (pour The conversation)

L’été 2023 fait déjà face à des températures accablantes, alors que de nombreux pays européens voit le thermomètre grimper au dessus des 40 degrés depuis plusieurs jours.


Vingt ans après la terrible canicule de 2003, que sait-on des effets de ces épisodes météorologiques sur notre santé ?

2003, l’été de la prise de conscience. Les conditions météorologiques quotidiennes telles que la température et l’humidité ont un rôle sur notre santé connu depuis longtemps, mais qui est apparu au grand public lors de la canicule de l’été 2003 : des températures supérieures à 35 °C furent alors observées par les deux tiers des stations de Météo France entre le 1er et le 18 août ; les températures maximales et minimales furent les plus élevées depuis 1950 ; la température nocturne resta élevée, supérieure à 25 °C à Paris pendant deux nuits consécutives, empêchant l’organisme de récupérer la nuit du stress dû à la chaleur diurne, tout ceci en conjonction avec des niveaux élevés de pollution par l’ozone.

Le 10 août, alors que l’épisode caniculaire avait déjà débuté depuis plus d’une semaine, un médecin urgentiste d’un grand hôpital parisien, le Dr Patrick Pelloux, tira la sonnette d’alarme dans les médias, annonçant que les urgences étaient débordées et travaillaient dans des conditions impossibles ; il parlait d’une hécatombe, citant le chiffre d’une cinquantaine de décès dus à la canicule. Les services funéraires indiquaient eux aussi qu’ils étaient dépassés. Des halles réfrigérées du marché de Rungis furent réquisitionnées pour servir en urgence de chambres mortuaires. Le 13 août, le plan blanc, qui permet la réquisition de médecins et de lits d’hôpitaux, fut déclenché par les autorités en Île-de-France.

Le ministère de la Santé démentit le 17 août l’hypothèse de 5 000 décès en excès alors annoncée par le Dr Pelloux, avant d’indiquer le 18 qu’un chiffre de 3 000 à 5 000 était finalement plausible. Le directeur général de la Santé fut contraint de démissionner. Le 20 août, un groupe de pompes funèbres faisait l’estimation que le nombre de décès en excès depuis le début du mois d’août était de l’ordre de 13 000, nombre que le gouvernement ne pouvait confirmer, appelant à la « prudence ».

Dans les faits, l’excès de mortalité en août 2003 par rapport à la moyenne des années précédentes a été d’environ 15 000 décès pour l’ensemble du pays. L’Île-de-France et de nombreuses villes ont été touchées, alors que les agglomérations de Lille et Le Havre ont été épargnées par la surmortalité. À l’échelle de l’Europe, le nombre de décès causés par la vague de chaleur de l’été 2003 serait de l’ordre de 70 000, ce qui en fait une des plus meurtrières de celles dont les effets sont documentés.

Une perte d’espérance de vie. L’amplitude de l’effet semble avoir dépendu de nombreux facteurs de l’environnement (îlots de chaleur urbains, densité d’espaces verts, climatisation…), sociaux et comportementaux. Il ne s’agissait pas que d’un déplacement à très court terme de la mortalité (c’est ce qui se serait passé si seulement des populations très sensibles ou atteintes d’autres pathologies avaient été touchées par la canicule, et si la surmortalité durant la canicule avait été compensée dans les semaines suivantes par une sous-mortalité. Une telle sous-mortalité par rapport à la moyenne n’a pas été observée dans les mois suivant la canicule). Une réelle diminution de l’espérance de vie a donc eu lieu.

La vague de chaleur de 1976 avait, elle, causé 6 000 décès en excès sur l’ensemble du territoire. Tous ces décès ne correspondent pas à des « coups de chaud » ou à une déshydratation forte, et ne sont donc pas identifiés comme étant dus à la chaleur par les certificats de décès (la situation est la même pour la pollution atmosphérique et la plupart des autres facteurs environnementaux). Beaucoup d’entre eux correspondent à ce qu’on peut voir comme la décompensation de pathologies sous-jacentes (cardiovasculaires, respiratoires, rénale…) : la vague de chaleur est le facteur supplémentaire qui déclenche la survenue d’un décès aux causes multiples.

Vagues de chaleur : des conséquences sur la santé longtemps sous-estimées. En France, cette canicule a confirmé ou révélé plusieurs choses fondamentales. La première est que la chaleur tue et peut le faire de façon conséquente – ce facteur « environnemental » n’était pas vraiment dans le radar des autorités sanitaires et environnementales. Aucune agence sanitaire ou service de l’État en lien avec la santé n’était alors, en France, réellement chargée de « surveiller » la survenue d’une canicule. Il n’y avait pas de coordination mise en place entre Météo France et une agence sanitaire, situation qui a depuis changé.

La deuxième est que la canicule ne touche pas que les sujets très fragiles et déjà hospitalisés, au contraire. Les trois quarts des décès ont eu lieu au domicile, pas à l’hôpital, probablement du fait que les sujets déjà hospitalisés étaient bien surveillés et hydratés par le personnel médical. La lutte contre la canicule est, dans notre pays, un problème de prévention – tant qu’on ne fragilise pas le système de soins. La situation suit la même logique chez les personnes vivant en maison de retraite. L’équipe d’Alfred Spira a montré que, parmi les personnes âgées vivant en institution, l’effet de la canicule avait été plus marqué chez celles en bonne santé que chez celles qui avaient une moins bonne santé avant le début de la canicule.

Troisième leçon : les autorités ne sont, alors, pas capables de suivre la mortalité de la population en temps réel. Ce sont les services des urgences, la police, les pompiers, les services funéraires, qui tirent la sonnette d’alarme, avec des estimations parcellaires et souvent, logiquement, loin de la réalité. La situation est différente au Royaume-Uni où, depuis le XVIIe siècle, les données de mortalité sont disponibles dans un délai inférieur à moins d’une semaine. Une douzaine d’années plus tard, la France n’a pas encore les moyens de suivre de façon exhaustive à l’échelle du territoire les décès en temps réel ou avec un décalage de l’ordre de la semaine ; le projet de certificat de décès électronique pourrait permettre d’améliorer la situation. Un système de suivi des décès appelé Sursaud, a été mis en place par Santé Publique France et permet une remontée rapide des données de mortalité pour environ 80 % de la population, en plus de la centralisation des données de 600 services d’urgence.

Face à la météo, toutes les populations ne sont pas égales. L’influence des conditions météorologiques ne se limite pas aux épisodes extrêmes, mais s’observe aussi durant les fluctuations saisonnières. On constate ainsi, en utilisant une approche par séries temporelles, une relation en U entre la température et la mortalité, avec une mortalité accrue aux températures les plus froides et les plus chaudes.

L’optimum thermique (généralement situé entre 15 et 25 °C), et donc les seuils à partir desquels le risque de décès augmente, varie selon les populations : les populations du sud de l’Europe, ainsi, sont plus sensibles aux effets du froid que celle du Nord, et celles du nord à la chaleur. Cela s’explique probablement par une adaptation de chaque population au climat local, passant par des modes de vie plus ou moins efficaces dans la protection contre le chaud ou le froid, en termes de chauffage, d’isolation, de protection contre le soleil, de solidarité…

Cela ne veut pas dire qu’on peut résister à tout. Quand on décrit l’influence de la température sur la mortalité en fonction de la distribution des températures dans chaque ville, on se rend compte que les habitants des villes américaines et de pays comme l’Australie commencent à souffrir (en termes de mortalité) de la chaleur quand celle-ci atteint les 10 % de températures les plus chaudes. En Espagne, en revanche, le risque de mortalité augmente bien plus tôt, dès que la température médiane (celle observée ou dépassée la moitié des jours estivaux) est atteinte. Nous reviendrons sur la question de l’adaptation aux vagues de chaleur. En outre, l’effet de la température sur la mortalité est modifié par l’humidité, qui a tendance à l’amplifier.

Les effets de la température sur la santé. Les mécanismes par lesquels la température influence la santé sont d’une part des effets biologiques sur l’organisme, d’autre part des effets sur l’environnement et enfin sur les comportements.

Concernant l’environnement et les comportements, le froid peut par exemple favoriser les intoxications par le monoxyde de carbone issu des chaudières, les traumatismes liés au verglas, ainsi que la transmission de certaines épidémies dues à des virus survivant mieux par le temps froid et sec typique de l’hiver.

Les effets biologiques plus directs concernent les systèmes cardiaque, respiratoire, endocrinien, immunitaire, nerveux. Des effets des facteurs météorologiques sur les issues de grossesse sont aussi plausibles. On sait notamment qu’une pression atmosphérique faible est un facteur de risque de petit poids de naissance ; cela est connu depuis longtemps, à la suite de la constatation que les enfants nés dans l’État du Colorado (dont une grande partie est en altitude, donc à une pression atmosphérique plus basse qu’au niveau de la mer) ont plus souvent un petit poids de naissance. Un effet des paramètres météorologiques, et en particulier de la température, sur le risque de naissance prématurée, a aussi été suggéré récemment.

Un mot concernant la prévention des effets sanitaires de la température : contrairement à la lutte contre la pollution de l’air, dans laquelle améliorer la qualité de l’environnement est difficilement contournable, on peut limiter une grande partie des effets de la température sur la santé en se contentant de protéger l’organisme, sans forcément toucher à l’environnement. Dans le cas de la lutte contre la canicule, rafraîchir le corps quelques heures par jour suffit à atténuer une grande partie des effets sanitaires. Les mesures de prévention préconisées vont en ce sens (s’hydrater, limiter l’exercice physique, sortir peu aux heures les plus chaudes).

Il est frappant de constater que, dans notre pays au moins, l’essentiel de ces mesures correspond à des préconisations individuelles ; il n’y a apparemment pas, aujourd’hui, de mesures destinées aux collectivités territoriales. Or celles-ci ont de nombreux leviers dans leurs mains : ouvrir les piscines de façon prolongée et à moindre coût, arroser les rues, rendre les lieux climatisés plus accessibles… De telles mesures sont complémentaires aux préconisations individuelles, et pourraient. On manque de recul sur les mesures qui sont les plus efficaces, mais certaines villes ont commencé à se doter de “plans canicule” (comme Grenoble), au-delà du Plan national canicule. Ces mesures semblent très majoritairement axées sur la prévention à court terme, alors que des actions à plus long terme pourraient aussi être utiles pour rendre nos sociétés plus résilientes aux vagues de chaleur : végétaliser davantage les villes et augmenter la réflexion des sols et toits, font partie des solutions mises en œuvre à l’étranger, et fournir aux collectivités un point complet sur la palette, l’efficacité et le coût des différentes options qui s’offrent à elles serait important.

S’adapter au changement climatique ? Le changement climatique est susceptible d’entraîner une augmentation de la fréquence de tels événements climatiques extrêmes (vagues de chaud ou froid, tempêtes). Une tendance de la population française à mieux supporter les vagues de chaleur, depuis 2003, a été constatée. Cette adaptation s’explique probablement par des modifications des comportements vis-à-vis des personnes âgées et par d’autres changements dans notre société, plutôt que par des processus physiologiques. Elle ne signifie pas que les sociétés sont ou seront capables de compenser intégralement les effets du changement climatique passant par une augmentation de la fréquence des canicules ; surtout, il est très probable qu’elles ne le pourront pas toutes.

De premiers éléments laissent penser que l’aptitude à l’adaptation – la résilience des sociétés, des zones urbaines – face à la canicule varie effectivement d’une région à l’autre. Ces travaux suggèrent ainsi que, au cours de la période allant de 1993 à 2006, les villes du Japon ou des États-Unis sont devenues moins sensibles à la canicule, alors que ce n’est apparemment pas le cas des villes du Royaume-Uni. Des données couvrant l’ensemble du XXe siècle sont en particulier disponibles pour la ville de New York. Elles indiquent que l’effet d’une température de 29 °C un jour donné sur la mortalité correspondait à une augmentation de la mortalité d’environ 43 % dans les années 1900-1909 (avec un intervalle de confiance à 95 % allant de 37 à 49 %). Cet effet a été divisé par cinq, baissant à 9 % (intervalle de confiance, entre 5 et 12 %), dans les années 2000-2009.

La climatisation ne sera pas la solution. Cette amélioration sensible de la résilience à New York au cours du XXe siècle semble être une bonne nouvelle. Elle a cependant, au moins en partie, été obtenue par la généralisation de la climatisation, du transport en véhicules particuliers (eux aussi climatisés) y compris sur de courtes distances. Près de 90 % des foyers américains sont climatisés, et les climatiseurs consomment de l’énergie (dont la production est source de gaz à effet de serre), et ont longtemps émis des gaz de la famille des CFC, qui sont des milliers de fois plus puissants que le dioxyde de carbone en termes de contribution à l’effet de serre, en plus d’endommager la couche d’ozone.

Les CFC ont été bannis des climatiseurs américains au milieu des années 1990, mais un grand nombre de ceux produits jusqu’en 2010 utilisent encore des gaz de la famille des HCFC, qui sont aussi de forts contributeurs à l’effet de serre.

Si ce qui rend la société américaine de plus en plus résiliente à la canicule est aussi ce qui contribue à faire d’elle celle qui émet le plus de gaz à effet de serre par habitant, alors il y a à craindre que le « modèle » ne puisse être transposé à l’échelle de la planète…

Ce texte est extrait du livre de Rémy Slama, Le mal du dehors, L’influence de l’environnement sur la santé, aux éditions Quae
.

Par Rémy Slama responsable de l’équipe d’épidémiologie environnementale appliquée à la reproduction et la santé respiratoire – Institut pour l’Avancée des Biosciences (IAB), Inserm-CNRS et Université Grenoble Alpes dans l’Opinion.

Directeur de Recherches à l’Inserm. Il est aussi président du Conseil Scientifique du Programme National de Recherche sur les Perturbateurs Endocriniens. (pour The conversation)

L’été 2023 fait déjà face à des températures accablantes, alors que de nombreux pays européens voit le thermomètre grimper au dessus des 40 degrés depuis plusieurs jours.


Vingt ans après la terrible canicule de 2003, que sait-on des effets de ces épisodes météorologiques sur notre santé ?

2003, l’été de la prise de conscience. Les conditions météorologiques quotidiennes telles que la température et l’humidité ont un rôle sur notre santé connu depuis longtemps, mais qui est apparu au grand public lors de la canicule de l’été 2003 : des températures supérieures à 35 °C furent alors observées par les deux tiers des stations de Météo France entre le 1er et le 18 août ; les températures maximales et minimales furent les plus élevées depuis 1950 ; la température nocturne resta élevée, supérieure à 25 °C à Paris pendant deux nuits consécutives, empêchant l’organisme de récupérer la nuit du stress dû à la chaleur diurne, tout ceci en conjonction avec des niveaux élevés de pollution par l’ozone.

Le 10 août, alors que l’épisode caniculaire avait déjà débuté depuis plus d’une semaine, un médecin urgentiste d’un grand hôpital parisien, le Dr Patrick Pelloux, tira la sonnette d’alarme dans les médias, annonçant que les urgences étaient débordées et travaillaient dans des conditions impossibles ; il parlait d’une hécatombe, citant le chiffre d’une cinquantaine de décès dus à la canicule. Les services funéraires indiquaient eux aussi qu’ils étaient dépassés. Des halles réfrigérées du marché de Rungis furent réquisitionnées pour servir en urgence de chambres mortuaires. Le 13 août, le plan blanc, qui permet la réquisition de médecins et de lits d’hôpitaux, fut déclenché par les autorités en Île-de-France.

Le ministère de la Santé démentit le 17 août l’hypothèse de 5 000 décès en excès alors annoncée par le Dr Pelloux, avant d’indiquer le 18 qu’un chiffre de 3 000 à 5 000 était finalement plausible. Le directeur général de la Santé fut contraint de démissionner. Le 20 août, un groupe de pompes funèbres faisait l’estimation que le nombre de décès en excès depuis le début du mois d’août était de l’ordre de 13 000, nombre que le gouvernement ne pouvait confirmer, appelant à la « prudence ».

Dans les faits, l’excès de mortalité en août 2003 par rapport à la moyenne des années précédentes a été d’environ 15 000 décès pour l’ensemble du pays. L’Île-de-France et de nombreuses villes ont été touchées, alors que les agglomérations de Lille et Le Havre ont été épargnées par la surmortalité. À l’échelle de l’Europe, le nombre de décès causés par la vague de chaleur de l’été 2003 serait de l’ordre de 70 000, ce qui en fait une des plus meurtrières de celles dont les effets sont documentés.

Une perte d’espérance de vie. L’amplitude de l’effet semble avoir dépendu de nombreux facteurs de l’environnement (îlots de chaleur urbains, densité d’espaces verts, climatisation…), sociaux et comportementaux. Il ne s’agissait pas que d’un déplacement à très court terme de la mortalité (c’est ce qui se serait passé si seulement des populations très sensibles ou atteintes d’autres pathologies avaient été touchées par la canicule, et si la surmortalité durant la canicule avait été compensée dans les semaines suivantes par une sous-mortalité. Une telle sous-mortalité par rapport à la moyenne n’a pas été observée dans les mois suivant la canicule). Une réelle diminution de l’espérance de vie a donc eu lieu.

La vague de chaleur de 1976 avait, elle, causé 6 000 décès en excès sur l’ensemble du territoire. Tous ces décès ne correspondent pas à des « coups de chaud » ou à une déshydratation forte, et ne sont donc pas identifiés comme étant dus à la chaleur par les certificats de décès (la situation est la même pour la pollution atmosphérique et la plupart des autres facteurs environnementaux). Beaucoup d’entre eux correspondent à ce qu’on peut voir comme la décompensation de pathologies sous-jacentes (cardiovasculaires, respiratoires, rénale…) : la vague de chaleur est le facteur supplémentaire qui déclenche la survenue d’un décès aux causes multiples.

Vagues de chaleur : des conséquences sur la santé longtemps sous-estimées. En France, cette canicule a confirmé ou révélé plusieurs choses fondamentales. La première est que la chaleur tue et peut le faire de façon conséquente – ce facteur « environnemental » n’était pas vraiment dans le radar des autorités sanitaires et environnementales. Aucune agence sanitaire ou service de l’État en lien avec la santé n’était alors, en France, réellement chargée de « surveiller » la survenue d’une canicule. Il n’y avait pas de coordination mise en place entre Météo France et une agence sanitaire, situation qui a depuis changé.

La deuxième est que la canicule ne touche pas que les sujets très fragiles et déjà hospitalisés, au contraire. Les trois quarts des décès ont eu lieu au domicile, pas à l’hôpital, probablement du fait que les sujets déjà hospitalisés étaient bien surveillés et hydratés par le personnel médical. La lutte contre la canicule est, dans notre pays, un problème de prévention – tant qu’on ne fragilise pas le système de soins. La situation suit la même logique chez les personnes vivant en maison de retraite. L’équipe d’Alfred Spira a montré que, parmi les personnes âgées vivant en institution, l’effet de la canicule avait été plus marqué chez celles en bonne santé que chez celles qui avaient une moins bonne santé avant le début de la canicule.

Troisième leçon : les autorités ne sont, alors, pas capables de suivre la mortalité de la population en temps réel. Ce sont les services des urgences, la police, les pompiers, les services funéraires, qui tirent la sonnette d’alarme, avec des estimations parcellaires et souvent, logiquement, loin de la réalité. La situation est différente au Royaume-Uni où, depuis le XVIIe siècle, les données de mortalité sont disponibles dans un délai inférieur à moins d’une semaine. Une douzaine d’années plus tard, la France n’a pas encore les moyens de suivre de façon exhaustive à l’échelle du territoire les décès en temps réel ou avec un décalage de l’ordre de la semaine ; le projet de certificat de décès électronique pourrait permettre d’améliorer la situation. Un système de suivi des décès appelé Sursaud, a été mis en place par Santé Publique France et permet une remontée rapide des données de mortalité pour environ 80 % de la population, en plus de la centralisation des données de 600 services d’urgence.

Face à la météo, toutes les populations ne sont pas égales. L’influence des conditions météorologiques ne se limite pas aux épisodes extrêmes, mais s’observe aussi durant les fluctuations saisonnières. On constate ainsi, en utilisant une approche par séries temporelles, une relation en U entre la température et la mortalité, avec une mortalité accrue aux températures les plus froides et les plus chaudes.

L’optimum thermique (généralement situé entre 15 et 25 °C), et donc les seuils à partir desquels le risque de décès augmente, varie selon les populations : les populations du sud de l’Europe, ainsi, sont plus sensibles aux effets du froid que celle du Nord, et celles du nord à la chaleur. Cela s’explique probablement par une adaptation de chaque population au climat local, passant par des modes de vie plus ou moins efficaces dans la protection contre le chaud ou le froid, en termes de chauffage, d’isolation, de protection contre le soleil, de solidarité…

Cela ne veut pas dire qu’on peut résister à tout. Quand on décrit l’influence de la température sur la mortalité en fonction de la distribution des températures dans chaque ville, on se rend compte que les habitants des villes américaines et de pays comme l’Australie commencent à souffrir (en termes de mortalité) de la chaleur quand celle-ci atteint les 10 % de températures les plus chaudes. En Espagne, en revanche, le risque de mortalité augmente bien plus tôt, dès que la température médiane (celle observée ou dépassée la moitié des jours estivaux) est atteinte. Nous reviendrons sur la question de l’adaptation aux vagues de chaleur. En outre, l’effet de la température sur la mortalité est modifié par l’humidité, qui a tendance à l’amplifier.

Les effets de la température sur la santé. Les mécanismes par lesquels la température influence la santé sont d’une part des effets biologiques sur l’organisme, d’autre part des effets sur l’environnement et enfin sur les comportements.

Concernant l’environnement et les comportements, le froid peut par exemple favoriser les intoxications par le monoxyde de carbone issu des chaudières, les traumatismes liés au verglas, ainsi que la transmission de certaines épidémies dues à des virus survivant mieux par le temps froid et sec typique de l’hiver.

Les effets biologiques plus directs concernent les systèmes cardiaque, respiratoire, endocrinien, immunitaire, nerveux. Des effets des facteurs météorologiques sur les issues de grossesse sont aussi plausibles. On sait notamment qu’une pression atmosphérique faible est un facteur de risque de petit poids de naissance ; cela est connu depuis longtemps, à la suite de la constatation que les enfants nés dans l’État du Colorado (dont une grande partie est en altitude, donc à une pression atmosphérique plus basse qu’au niveau de la mer) ont plus souvent un petit poids de naissance. Un effet des paramètres météorologiques, et en particulier de la température, sur le risque de naissance prématurée, a aussi été suggéré récemment.

Un mot concernant la prévention des effets sanitaires de la température : contrairement à la lutte contre la pollution de l’air, dans laquelle améliorer la qualité de l’environnement est difficilement contournable, on peut limiter une grande partie des effets de la température sur la santé en se contentant de protéger l’organisme, sans forcément toucher à l’environnement. Dans le cas de la lutte contre la canicule, rafraîchir le corps quelques heures par jour suffit à atténuer une grande partie des effets sanitaires. Les mesures de prévention préconisées vont en ce sens (s’hydrater, limiter l’exercice physique, sortir peu aux heures les plus chaudes).

Il est frappant de constater que, dans notre pays au moins, l’essentiel de ces mesures correspond à des préconisations individuelles ; il n’y a apparemment pas, aujourd’hui, de mesures destinées aux collectivités territoriales. Or celles-ci ont de nombreux leviers dans leurs mains : ouvrir les piscines de façon prolongée et à moindre coût, arroser les rues, rendre les lieux climatisés plus accessibles… De telles mesures sont complémentaires aux préconisations individuelles, et pourraient. On manque de recul sur les mesures qui sont les plus efficaces, mais certaines villes ont commencé à se doter de “plans canicule” (comme Grenoble), au-delà du Plan national canicule. Ces mesures semblent très majoritairement axées sur la prévention à court terme, alors que des actions à plus long terme pourraient aussi être utiles pour rendre nos sociétés plus résilientes aux vagues de chaleur : végétaliser davantage les villes et augmenter la réflexion des sols et toits, font partie des solutions mises en œuvre à l’étranger, et fournir aux collectivités un point complet sur la palette, l’efficacité et le coût des différentes options qui s’offrent à elles serait important.

S’adapter au changement climatique ? Le changement climatique est susceptible d’entraîner une augmentation de la fréquence de tels événements climatiques extrêmes (vagues de chaud ou froid, tempêtes). Une tendance de la population française à mieux supporter les vagues de chaleur, depuis 2003, a été constatée. Cette adaptation s’explique probablement par des modifications des comportements vis-à-vis des personnes âgées et par d’autres changements dans notre société, plutôt que par des processus physiologiques. Elle ne signifie pas que les sociétés sont ou seront capables de compenser intégralement les effets du changement climatique passant par une augmentation de la fréquence des canicules ; surtout, il est très probable qu’elles ne le pourront pas toutes.

De premiers éléments laissent penser que l’aptitude à l’adaptation – la résilience des sociétés, des zones urbaines – face à la canicule varie effectivement d’une région à l’autre. Ces travaux suggèrent ainsi que, au cours de la période allant de 1993 à 2006, les villes du Japon ou des États-Unis sont devenues moins sensibles à la canicule, alors que ce n’est apparemment pas le cas des villes du Royaume-Uni. Des données couvrant l’ensemble du XXe siècle sont en particulier disponibles pour la ville de New York. Elles indiquent que l’effet d’une température de 29 °C un jour donné sur la mortalité correspondait à une augmentation de la mortalité d’environ 43 % dans les années 1900-1909 (avec un intervalle de confiance à 95 % allant de 37 à 49 %). Cet effet a été divisé par cinq, baissant à 9 % (intervalle de confiance, entre 5 et 12 %), dans les années 2000-2009.

La climatisation ne sera pas la solution. Cette amélioration sensible de la résilience à New York au cours du XXe siècle semble être une bonne nouvelle. Elle a cependant, au moins en partie, été obtenue par la généralisation de la climatisation, du transport en véhicules particuliers (eux aussi climatisés) y compris sur de courtes distances. Près de 90 % des foyers américains sont climatisés, et les climatiseurs consomment de l’énergie (dont la production est source de gaz à effet de serre), et ont longtemps émis des gaz de la famille des CFC, qui sont des milliers de fois plus puissants que le dioxyde de carbone en termes de contribution à l’effet de serre, en plus d’endommager la couche d’ozone.

Les CFC ont été bannis des climatiseurs américains au milieu des années 1990, mais un grand nombre de ceux produits jusqu’en 2010 utilisent encore des gaz de la famille des HCFC, qui sont aussi de forts contributeurs à l’effet de serre.

Si ce qui rend la société américaine de plus en plus résiliente à la canicule est aussi ce qui contribue à faire d’elle celle qui émet le plus de gaz à effet de serre par habitant, alors il y a à craindre que le « modèle » ne puisse être transposé à l’échelle de la planète…

Ce texte est extrait du livre de Rémy Slama, Le mal du dehors, L’influence de l’environnement sur la santé, aux éditions Quae
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Canicule: conséquences sur la santé

Canicule: conséquences sur la santé

Par Rémy Slama responsable de l’équipe d’épidémiologie environnementale appliquée à la reproduction et la santé respiratoire – Institut pour l’Avancée des Biosciences (IAB), Inserm-CNRS et Université Grenoble Alpes dans l’Opinion.

Directeur de Recherches à l’Inserm. Il est aussi président du Conseil Scientifique du Programme National de Recherche sur les Perturbateurs Endocriniens. (pour The conversation)

L’été 2023 fait déjà face à des températures accablantes, alors que de nombreux pays européens voit le thermomètre grimper au dessus des 40 degrés depuis plusieurs jours.


Vingt ans après la terrible canicule de 2003, que sait-on des effets de ces épisodes météorologiques sur notre santé ?

2003, l’été de la prise de conscience. Les conditions météorologiques quotidiennes telles que la température et l’humidité ont un rôle sur notre santé connu depuis longtemps, mais qui est apparu au grand public lors de la canicule de l’été 2003 : des températures supérieures à 35 °C furent alors observées par les deux tiers des stations de Météo France entre le 1er et le 18 août ; les températures maximales et minimales furent les plus élevées depuis 1950 ; la température nocturne resta élevée, supérieure à 25 °C à Paris pendant deux nuits consécutives, empêchant l’organisme de récupérer la nuit du stress dû à la chaleur diurne, tout ceci en conjonction avec des niveaux élevés de pollution par l’ozone.

Le 10 août, alors que l’épisode caniculaire avait déjà débuté depuis plus d’une semaine, un médecin urgentiste d’un grand hôpital parisien, le Dr Patrick Pelloux, tira la sonnette d’alarme dans les médias, annonçant que les urgences étaient débordées et travaillaient dans des conditions impossibles ; il parlait d’une hécatombe, citant le chiffre d’une cinquantaine de décès dus à la canicule. Les services funéraires indiquaient eux aussi qu’ils étaient dépassés. Des halles réfrigérées du marché de Rungis furent réquisitionnées pour servir en urgence de chambres mortuaires. Le 13 août, le plan blanc, qui permet la réquisition de médecins et de lits d’hôpitaux, fut déclenché par les autorités en Île-de-France.

Le ministère de la Santé démentit le 17 août l’hypothèse de 5 000 décès en excès alors annoncée par le Dr Pelloux, avant d’indiquer le 18 qu’un chiffre de 3 000 à 5 000 était finalement plausible. Le directeur général de la Santé fut contraint de démissionner. Le 20 août, un groupe de pompes funèbres faisait l’estimation que le nombre de décès en excès depuis le début du mois d’août était de l’ordre de 13 000, nombre que le gouvernement ne pouvait confirmer, appelant à la « prudence ».

Dans les faits, l’excès de mortalité en août 2003 par rapport à la moyenne des années précédentes a été d’environ 15 000 décès pour l’ensemble du pays. L’Île-de-France et de nombreuses villes ont été touchées, alors que les agglomérations de Lille et Le Havre ont été épargnées par la surmortalité. À l’échelle de l’Europe, le nombre de décès causés par la vague de chaleur de l’été 2003 serait de l’ordre de 70 000, ce qui en fait une des plus meurtrières de celles dont les effets sont documentés.

Une perte d’espérance de vie. L’amplitude de l’effet semble avoir dépendu de nombreux facteurs de l’environnement (îlots de chaleur urbains, densité d’espaces verts, climatisation…), sociaux et comportementaux. Il ne s’agissait pas que d’un déplacement à très court terme de la mortalité (c’est ce qui se serait passé si seulement des populations très sensibles ou atteintes d’autres pathologies avaient été touchées par la canicule, et si la surmortalité durant la canicule avait été compensée dans les semaines suivantes par une sous-mortalité. Une telle sous-mortalité par rapport à la moyenne n’a pas été observée dans les mois suivant la canicule). Une réelle diminution de l’espérance de vie a donc eu lieu.

La vague de chaleur de 1976 avait, elle, causé 6 000 décès en excès sur l’ensemble du territoire. Tous ces décès ne correspondent pas à des « coups de chaud » ou à une déshydratation forte, et ne sont donc pas identifiés comme étant dus à la chaleur par les certificats de décès (la situation est la même pour la pollution atmosphérique et la plupart des autres facteurs environnementaux). Beaucoup d’entre eux correspondent à ce qu’on peut voir comme la décompensation de pathologies sous-jacentes (cardiovasculaires, respiratoires, rénale…) : la vague de chaleur est le facteur supplémentaire qui déclenche la survenue d’un décès aux causes multiples.

Vagues de chaleur : des conséquences sur la santé longtemps sous-estimées. En France, cette canicule a confirmé ou révélé plusieurs choses fondamentales. La première est que la chaleur tue et peut le faire de façon conséquente – ce facteur « environnemental » n’était pas vraiment dans le radar des autorités sanitaires et environnementales. Aucune agence sanitaire ou service de l’État en lien avec la santé n’était alors, en France, réellement chargée de « surveiller » la survenue d’une canicule. Il n’y avait pas de coordination mise en place entre Météo France et une agence sanitaire, situation qui a depuis changé.

La deuxième est que la canicule ne touche pas que les sujets très fragiles et déjà hospitalisés, au contraire. Les trois quarts des décès ont eu lieu au domicile, pas à l’hôpital, probablement du fait que les sujets déjà hospitalisés étaient bien surveillés et hydratés par le personnel médical. La lutte contre la canicule est, dans notre pays, un problème de prévention – tant qu’on ne fragilise pas le système de soins. La situation suit la même logique chez les personnes vivant en maison de retraite. L’équipe d’Alfred Spira a montré que, parmi les personnes âgées vivant en institution, l’effet de la canicule avait été plus marqué chez celles en bonne santé que chez celles qui avaient une moins bonne santé avant le début de la canicule.

Troisième leçon : les autorités ne sont, alors, pas capables de suivre la mortalité de la population en temps réel. Ce sont les services des urgences, la police, les pompiers, les services funéraires, qui tirent la sonnette d’alarme, avec des estimations parcellaires et souvent, logiquement, loin de la réalité. La situation est différente au Royaume-Uni où, depuis le XVIIe siècle, les données de mortalité sont disponibles dans un délai inférieur à moins d’une semaine. Une douzaine d’années plus tard, la France n’a pas encore les moyens de suivre de façon exhaustive à l’échelle du territoire les décès en temps réel ou avec un décalage de l’ordre de la semaine ; le projet de certificat de décès électronique pourrait permettre d’améliorer la situation. Un système de suivi des décès appelé Sursaud, a été mis en place par Santé Publique France et permet une remontée rapide des données de mortalité pour environ 80 % de la population, en plus de la centralisation des données de 600 services d’urgence.

Face à la météo, toutes les populations ne sont pas égales. L’influence des conditions météorologiques ne se limite pas aux épisodes extrêmes, mais s’observe aussi durant les fluctuations saisonnières. On constate ainsi, en utilisant une approche par séries temporelles, une relation en U entre la température et la mortalité, avec une mortalité accrue aux températures les plus froides et les plus chaudes.

L’optimum thermique (généralement situé entre 15 et 25 °C), et donc les seuils à partir desquels le risque de décès augmente, varie selon les populations : les populations du sud de l’Europe, ainsi, sont plus sensibles aux effets du froid que celle du Nord, et celles du nord à la chaleur. Cela s’explique probablement par une adaptation de chaque population au climat local, passant par des modes de vie plus ou moins efficaces dans la protection contre le chaud ou le froid, en termes de chauffage, d’isolation, de protection contre le soleil, de solidarité…

Cela ne veut pas dire qu’on peut résister à tout. Quand on décrit l’influence de la température sur la mortalité en fonction de la distribution des températures dans chaque ville, on se rend compte que les habitants des villes américaines et de pays comme l’Australie commencent à souffrir (en termes de mortalité) de la chaleur quand celle-ci atteint les 10 % de températures les plus chaudes. En Espagne, en revanche, le risque de mortalité augmente bien plus tôt, dès que la température médiane (celle observée ou dépassée la moitié des jours estivaux) est atteinte. Nous reviendrons sur la question de l’adaptation aux vagues de chaleur. En outre, l’effet de la température sur la mortalité est modifié par l’humidité, qui a tendance à l’amplifier.

Les effets de la température sur la santé. Les mécanismes par lesquels la température influence la santé sont d’une part des effets biologiques sur l’organisme, d’autre part des effets sur l’environnement et enfin sur les comportements.

Concernant l’environnement et les comportements, le froid peut par exemple favoriser les intoxications par le monoxyde de carbone issu des chaudières, les traumatismes liés au verglas, ainsi que la transmission de certaines épidémies dues à des virus survivant mieux par le temps froid et sec typique de l’hiver.

Les effets biologiques plus directs concernent les systèmes cardiaque, respiratoire, endocrinien, immunitaire, nerveux. Des effets des facteurs météorologiques sur les issues de grossesse sont aussi plausibles. On sait notamment qu’une pression atmosphérique faible est un facteur de risque de petit poids de naissance ; cela est connu depuis longtemps, à la suite de la constatation que les enfants nés dans l’État du Colorado (dont une grande partie est en altitude, donc à une pression atmosphérique plus basse qu’au niveau de la mer) ont plus souvent un petit poids de naissance. Un effet des paramètres météorologiques, et en particulier de la température, sur le risque de naissance prématurée, a aussi été suggéré récemment.

Un mot concernant la prévention des effets sanitaires de la température : contrairement à la lutte contre la pollution de l’air, dans laquelle améliorer la qualité de l’environnement est difficilement contournable, on peut limiter une grande partie des effets de la température sur la santé en se contentant de protéger l’organisme, sans forcément toucher à l’environnement. Dans le cas de la lutte contre la canicule, rafraîchir le corps quelques heures par jour suffit à atténuer une grande partie des effets sanitaires. Les mesures de prévention préconisées vont en ce sens (s’hydrater, limiter l’exercice physique, sortir peu aux heures les plus chaudes).

Il est frappant de constater que, dans notre pays au moins, l’essentiel de ces mesures correspond à des préconisations individuelles ; il n’y a apparemment pas, aujourd’hui, de mesures destinées aux collectivités territoriales. Or celles-ci ont de nombreux leviers dans leurs mains : ouvrir les piscines de façon prolongée et à moindre coût, arroser les rues, rendre les lieux climatisés plus accessibles… De telles mesures sont complémentaires aux préconisations individuelles, et pourraient. On manque de recul sur les mesures qui sont les plus efficaces, mais certaines villes ont commencé à se doter de “plans canicule” (comme Grenoble), au-delà du Plan national canicule. Ces mesures semblent très majoritairement axées sur la prévention à court terme, alors que des actions à plus long terme pourraient aussi être utiles pour rendre nos sociétés plus résilientes aux vagues de chaleur : végétaliser davantage les villes et augmenter la réflexion des sols et toits, font partie des solutions mises en œuvre à l’étranger, et fournir aux collectivités un point complet sur la palette, l’efficacité et le coût des différentes options qui s’offrent à elles serait important.

S’adapter au changement climatique ? Le changement climatique est susceptible d’entraîner une augmentation de la fréquence de tels événements climatiques extrêmes (vagues de chaud ou froid, tempêtes). Une tendance de la population française à mieux supporter les vagues de chaleur, depuis 2003, a été constatée. Cette adaptation s’explique probablement par des modifications des comportements vis-à-vis des personnes âgées et par d’autres changements dans notre société, plutôt que par des processus physiologiques. Elle ne signifie pas que les sociétés sont ou seront capables de compenser intégralement les effets du changement climatique passant par une augmentation de la fréquence des canicules ; surtout, il est très probable qu’elles ne le pourront pas toutes.

De premiers éléments laissent penser que l’aptitude à l’adaptation – la résilience des sociétés, des zones urbaines – face à la canicule varie effectivement d’une région à l’autre. Ces travaux suggèrent ainsi que, au cours de la période allant de 1993 à 2006, les villes du Japon ou des États-Unis sont devenues moins sensibles à la canicule, alors que ce n’est apparemment pas le cas des villes du Royaume-Uni. Des données couvrant l’ensemble du XXe siècle sont en particulier disponibles pour la ville de New York. Elles indiquent que l’effet d’une température de 29 °C un jour donné sur la mortalité correspondait à une augmentation de la mortalité d’environ 43 % dans les années 1900-1909 (avec un intervalle de confiance à 95 % allant de 37 à 49 %). Cet effet a été divisé par cinq, baissant à 9 % (intervalle de confiance, entre 5 et 12 %), dans les années 2000-2009.

La climatisation ne sera pas la solution. Cette amélioration sensible de la résilience à New York au cours du XXe siècle semble être une bonne nouvelle. Elle a cependant, au moins en partie, été obtenue par la généralisation de la climatisation, du transport en véhicules particuliers (eux aussi climatisés) y compris sur de courtes distances. Près de 90 % des foyers américains sont climatisés, et les climatiseurs consomment de l’énergie (dont la production est source de gaz à effet de serre), et ont longtemps émis des gaz de la famille des CFC, qui sont des milliers de fois plus puissants que le dioxyde de carbone en termes de contribution à l’effet de serre, en plus d’endommager la couche d’ozone.

Les CFC ont été bannis des climatiseurs américains au milieu des années 1990, mais un grand nombre de ceux produits jusqu’en 2010 utilisent encore des gaz de la famille des HCFC, qui sont aussi de forts contributeurs à l’effet de serre.

Si ce qui rend la société américaine de plus en plus résiliente à la canicule est aussi ce qui contribue à faire d’elle celle qui émet le plus de gaz à effet de serre par habitant, alors il y a à craindre que le « modèle » ne puisse être transposé à l’échelle de la planète…

Ce texte est extrait du livre de Rémy Slama, Le mal du dehors, L’influence de l’environnement sur la santé, aux éditions Quae
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Canicule : aussi une responsabilité humaine

Canicule : aussi une responsabilité humaine

 

« Il y a une composante humaine » dans un phénomène de canicule, explique le dynamicien du climat Yves Tourre, dimanche 10 juillet sur franceinfo, alors que Météo France prévoit une vague de chaleur de plus en plus intense au fil des jours cette semaine, et parle d’un risque de canicule d’ici le week-end prochain.

 Pouvez-vous-nous rappeler la différence entre vague de chaleur et canicule ?

Yves Tourre : Une vague de chaleur, c’est du rayonnement solaire dû à un champ de pression bien précis avec, la nuit, un rafraîchissement classique des masses d’air au-dessus des continents et des villes. La canicule, c’est une augmentation de la température qui va être supérieure, qui va atteindre 40 ou 45 degrés, qui va durer au moins trois jours. Et c’est dû à une position spécifique des champs des anticyclones qui font que la nuit la température ne baisse pas en dessous de 25 degrés. Et comme la canicule est essentiellement causée par la position d’un anticyclone, c’est quelque chose de très difficile à prévoir, donc c’est pour cela que c’est un peu tôt pour parler de canicule. Mais des canicules, il y en a eu en 2003, 2007, 2015, 2017, 2018 et 2020. Donc, il y a une fréquence de 2 à 3 ans.

On peut voir qu’elles sont de plus en plus fréquentes, est-ce que tout cela est lié au réchauffement climatique ?

Les effets de la pollution et donc des gaz à effet de serre qui sont relâchés dans l’atmosphère font que la nuit le réchauffement terrestre est bloqué par ces gaz, empêchant le rafraîchissement des couches basses de l’atmosphère. Donc il y a une composante humaine. Ce qu’il faudrait pour répondre d’une manière intelligente à votre question, c’est qu’on arrive à quantifier cet apport humain. Moi, je l’estime entre 10 et 15%.

Vous parlez des effets de la pollution. C’est d’ailleurs pour ça que les chaleurs sont encore plus étouffantes dans les villes où la densité humaine est plus importante.

C’est parce que dans les villes, il y a des îlots de chaleur qui se créent. Et ça, c’est dû à l’augmentation de la population, à l’augmentation des constructions et du minéral par rapport au végétal. Et donc là, ça va contribuer, surtout au niveau des villes, à amplifier l’effet de la chaleur et de la canicule. Et une des conséquences c’est que cela va augmenter les quantités d’ozone au niveau des villes. Cet ozone va ensuite irriter les muqueuses et cela risque de favoriser la diffusion du Covid.

Canicule : des records de températures

Canicule : des records de températures

La canicule enregistrée en septembre paraît tout à fait exceptionnelle  malheureusement elle semble correspondre à un phénomène général d’africanisation du climat français. Une évolution du climat caractérisée par des hausses de température, des périodes sèches et des d’hivers cléments. Une  saison sèche puis  une saison des pluies mais pratiquement sans hiver. De quoi bouleverser notamment les conditions de production agricole qui ont souffert en France de changements climatiques inhabituels. Plusieurs villes de France ont établi ce lundi après-midi des records de chaleur avec des températures jamais observées à cette période. Le mercure a ainsi grimpé jusqu’à 35,7°C à Angers, 35,3°C à Bourges et Saint-Dizier ou encore 35.1°C à Poitiers et Tours.

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