Économie–finances: Risque de bulles américaines
Avec la menace d’un éclatement de la bulle de la Tech, les risques cachés des ETF, la menace des cryptos, les États-Unis seront en surchauffe. Si la finance s’effondre outre-Atlantique comme en 1929 ou 2008, les bulles vont-elles ébranler l’Europe ? Par Gabriel Gaspard, Chef d’entreprise à la retraite, spécialiste en économie financière. ( dans La Tribune)
Le nouveau Président des États-Unis va peut-être réussir l’exploit de générer trois bulles économiques en moins de deux ans après 3 bulles américaines en 96 ans.
C’est quoi une bulle économique ou financière?
Le terme « bulle » est utilisé pour décrire une accélération rapide de la valeur de marché puis généralement suivie d’une baisse de valeur tout aussi rapide …. Nous distinguons : la bulle boursière comme la bulle internet ou la bulle des actions de 1929 ou les ETF, etc. ; la bulle du marché des actifs observée sur les marchés immobiliers comme la crise de 2008 ou sur les devises comme le dollar américain, le Bitcoin, etc. ; la bulle du marché du crédit comme les obligations des États, des entreprises, de prêts hypothécaires, etc. ; enfin la bulle des matières premières comme l’or, le pétrole, etc.
De janvier 1921 à septembre 1929, les cours des actions, cotées à Wall Street, flambent de 300%. Ce boom s’est terminé par un Krach cataclysmique. Le Dow Jones n’a retrouvé ses sommets d’avant la crise qu’en novembre 1954. Il y a eu une dépression mondiale suivie de la Seconde Guerre mondiale.
Il faut rappeler la bulle internet. Dans les années 90, la croissance rapide de la technologie numérique a entraîné une forte augmentation des investissements dans les start-ups technologiques. Les investisseurs ont investi des milliards dans ces start-ups, propulsant leurs cours boursiers à des niveaux insoutenables, souvent basés davantage sur l’euphorie que sur les fondamentaux financiers.
La crise financière américaine des subprimes de 2008 a entraîné une augmentation de la dette publique d’environ 4,8% du PIB dans la zone euro. La Banque centrale européenne BCE avait instauré des politiques monétaires non conventionnelles pour racheter les dettes des pays membres afin de maintenir les taux d’intérêt bas et relancer les économies. Elle a injecté 4 000 milliards de 2011 à 2017. En 10 ans, la crise financière a coûté approximativement 1 541 milliards d’euros à la France en termes de produit intérieur brut (PIB) selon les calculs d’Eric Dor, directeur des études économiques à IESEG School of Management.
Alors Trump 2.0 a-t-il raison d’affirmer ? « Je connais très bien l’Union européenne. Comme vous le savez, ils profitent beaucoup des États-Unis dans le domaine du commerce et nous les protégeons par le biais d’un autre forum, l’OTAN… ».
Les trois phases d’une bulle financière ?
La facilité d’échange des titres, l’environnement monétaire expansionniste ou la facilité d’accès au crédit, et la spéculation sont trois conditions qui conjointement permettent le déclenchement d’une bulle. Dans la première phase, les prix augmentent et il y a accumulation. Dans la deuxième phase, il y a de plus en plus d’investisseurs et les prix augmentent, c’est la période d’euphorie. Les évaluations des entreprises et des actifs peuvent être plusieurs fois supérieures à leur valeur réelle. La bulle atteint son sommet, les investisseurs institutionnels vont sécuriser leurs profits en vendant, la demande diminue. Dans la troisième phase, s’il y a panique due à un facteur externe, les prix des actifs tombent brutalement et ceux qui avaient acheté au sommet souhaiteront s’en défaire avant que les prix ne chutent trop bas.
Sommes-nous au début d’une bulle financière ?
Les stocks américains étaient déjà très chers en décembre 2024. Les grandes capitalisations des États-Unis se négociaient à 26,6 fois leur bénéfice. Dès la victoire de Trump, les actions ont fortement rebondi. La suppression de l’incertitude électorale, associée à l’espoir d’un environnement favorable aux entreprises sous la nouvelle administration, a stimulé le sentiment des investisseurs et contribué aux gains du marché. Pour la Bourse l’économie va bien et les bénéfices devraient encore croître en 2025. L’intelligence artificielle IA continue de soutenir l’enthousiasme du marché. Les spéculations autour de la création d’une réserve de bitcoins aux États-Unis pourraient donner des perspectives haussières pour la cryptomonnaie. Les actifs des ETF ont bondi de 28% en 2024, et 41 milliards de dollars de nouveaux actifs nets ont afflué vers les ETF Bitcoin et crypto.
Mais voilà, le ciel s’obscurcit, l’horizon se rétrécit, les premières gouttes arrivent. Un dollar fort ; une inflation, des taux d’intérêt et des tarifs douaniers plus élevés freineraient la hausse des marchés boursiers. Si l’économie américaine bascule dans une récession avec des tensions géopolitiques persistantes, ces aléas pourraient mener à un krach boursier.
Les marchés financiers sont exposés au « wake up call » : quelque chose qui sert à alerter une personne d’un problème, d’un danger ou d’un besoin. Ils doivent faire face à des bouleversements et à réagir rapidement sans mesurer les impacts de leurs décisions. « Si Trump tient ses promesses, il poussera l’économie américaine vers la récession ». Mais le plus grand risque économique de la présidence de Donald Trump est une perte de confiance dans la gouvernance américaine.
Les 3 bulles en 2 ans : l’IA, les ETF et les cryptos
1/ IA
Une bulle boursière alimentée par l’intelligence artificielle va éclater en 2026, selon Capital Economics. Les valeurs technologiques vont bondir portées par l’enthousiasme des investisseurs et le programme Stargate de Trump de 500 milliards de dollar. Mais à partir de 2026, ces gains boursiers devraient s’effondrer précipitamment car la hausse des taux d’intérêt et un taux d’inflation élevé commenceront à peser sur les valorisations des actions. L’étude, menée par l’organisation de recherche britannique Say No to Disinfo en collaboration avec la société de communication Fenimore Harper, souligne comment l’IA générative peut créer des contenus trompeurs qui augmentent la possibilité d’une panique. Un autre facteur externe pourrait créer l’affolement comme l’avancée technologique de la société chinoise DeepSeek qui a ébranlé l’industrie américaine.
2/ ETF
Un ETF est un fonds indiciel négocié en bourse qui suit la performance d’indices boursiers biens connus. La bulle des ETF fait référence aux inquiétudes concernant la croissance rapide et la surévaluation potentielle des ETF, qui pourraient avoir des conséquences importantes pour les marchés financiers et l’économie en général. L’investissement passif via les ETF peut gonfler la valorisation des actions d’une manière malsaine et potentiellement catastrophique.
Les fonds à gestion active qui détiennent très peu d’actions dans leurs portefeuilles font grimper le prix des actions au-dessus de ce qu’il devrait être, selon le document de la Harvard Business School et de Capital Fund Management. « Nous constatons que les flux à la recherche de rendements auto-gonflés prédisent des bulles dans les ETF et leurs krachs ultérieurs ».
Le niveau actuel de la bourse américaine n’est plus raisonnable. Il faut se préparer à des lendemains qui déchantent.
3/
Cryptos
Le 20 janvier 2025 à la veille de son retour au pouvoir, le nouveau Président des États-Unis et sa femme ont lancé leurs cryptomonnaies suscitant un vif engouement des investisseurs. Cette flambée des prix du Bitcoin a relancé les débats sur une bulle de crypto-monnaie. En décembre 2017, la valeur des cryptomonnaies a atteint des sommets sans précédent Le Bitcoin a atteint environ 20 000 dollars. Début 2018, un vent de panique a soufflé sur les cryptomonnaies et le Bitcoin a perdu 80% de sa valeur. La plupart des autres cryptomonnaies ont suivi, marquant un effrayant effondrement boursier. En 2022, il y a eu 7 effondrements de cryptomonnaies. Elles apparaissent de plus en plus périlleuses, ce qui renforce les doutes quant à leurs valeurs intrinsèque.
Trois secousses récentes annoncent l’éruption d’une panique prochaine : le 3 février 2025, le bitcoin perd 6% alors que l’ethereum plonge de 26% ; le 17 février 2025, il y a l’effondrement de la cryptomonnaie Lybra après un crypto-scandale en Argentine ; le 21 février 2025, la Bybtit, l’une des plus grandes plateformes d’échanges, a été victime du plus gros piratage de l’histoire des cryptomonnaies.
Sur les huit crypto-monnaies les plus populaires, cinq ressemblent clairement à des bulles. La majorité des personnes détiennent des crypto-monnaies à des fins spéculatives. Le risque d’une bulle spéculative peut s’étendre rapidement à d’autres marchés financiers, et par contagion à l’économie réelle.