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Affaire libyenne : après Sarkozy, Brice Hortefeux mis en examen

Affaire libyenne : après Sarkozy, Brice Hortefeux mis en examen

L’ancien ministre Brice Hortefeux a été mis en examen, mardi 8 décembre, pour « financement illégal de campagne électorale » et « association de malfaiteurs » par les juges chargés de l’enquête sur un possible financement libyen de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007, a indiqué à l’AFP son avocat, Me Jean-Yves Dupeux. Dans un communiqué, le député européen, qui avait jusqu’alors le statut de témoin assisté dans ce dossier, a exprimé  »sa totale surprise » et souligné qu’« une mise en examen ne présage en rien d’une culpabilité »« Aujourd’hui, tout démontre qu’il n’y a eu aucun financement libyen à l’occasion de la campagne présidentielle de 2007″, a-t-il estimé.

 

Cette décision des juges d’instruction était attendue depuis la mise en examen pour « association de malfaiteurs » en janvier d’un ancien collaborateur de l’ancien président, Thierry Gaubert, en octobre de Nicolas Sarkozy lui-même, et début décembre de son ancien bras droit Claude Guéant.

Banques alimentaires : « urgence sociale », selon Pascal Brice

Banques alimentaires : « urgence sociale », selon Pascal Brice

Les Français sont de plus en plus nombreux à ne pas manger à leur faim. Si bien qu’aujourd’hui, huit millions de personnes ont besoin d’une aide alimentaire pour vivre. « C’est une réalité que nous constatons dans nos associations », affirme Pascal Brice, le président de la Fédération des acteurs de la solidarité qui appelle à la solidarité. Ce dernier constate notamment une précarité croissante chez les jeunes et appelle à ce que des aides soient étendues. Les personnes en précarité sont « dans le maquis de la bureaucratie, en marge de la société », déplore-t-il, militant notamment pour l’extension du RSA aux jeunes de moins de 25 ans et à la généralisation de la garantie jeunes.

Face à ce fléau, Pascal Brice évoque la perte du lien social, et regrette que la solidarité ne soit pas toujours au rendez-vous. « La solidarité est là, mais nous avons affaire à une évolution de long date d’une société plus individualiste », explique-t-il, évoquant notamment la classe moyenne qui paie les conséquences de cette évolution et qui, de ce fait, « s’interroge sur la solidarité qui est souvent assimilée à de l’assistanat ».

Près de 200.000 personnes sont actuellement dans des hébergements d’urgence, et de nombreuses demandes ne sont pas pourvues, alerte Pascal Brice qui appelle à « amplifier le mouvement ».

 

Crise : les Français entre résilience et dépression (Brice Teinturier, IPSOS)

Crise : les Français entre résilience et dépression (Brice Teinturier, IPSOS)

Brice Teinturier est directeur général délégué d’Ipsos en France et auteur de Plus rien à faire, plus rien à foutre (Robert Laffont) explique pourquoi les Français sont partagés entre résilience et dépression dans l’Opinion.

Où en sont les Français par rapport à la crise sanitaire ?

Depuis début octobre, l’inquiétude des Français n’a cessé de remonter par rapport à l’épidémie. Nous sommes revenus à un niveau comparable à celui de mars-avril. Après avoir pensé que la Covid était derrière elle, l’opinion a compris que le virus serait là dans la durée. Dure désillusion… Marseille a été un moment important de prise de conscience mais c’est surtout l’augmentation de la circulation du virus et la progressive mise en tension du système hospitalier qui ont réactivé la peur. L’inquiétude grandissante des Français a fait parallèlement et logiquement remonter leur demande de protection sanitaire, d’où un soutien immédiat et relativement fort au couvre-feu (70 % de favorables). Elle vient se greffer sur une autre peur, présente dès le début de l’épidémie et du premier confinement, celle des conséquences économiques induites par la pandémie. Les mécanismes de protection mis en place par le gouvernement avaient permis d’atténuer cette crainte mais en septembre, elle était bien là et s’établissait même à un niveau supérieur à la crainte sanitaire. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, les deux étant quasiment au même niveau.

Jusqu’où les Français sont-ils prêts à accepter de nouvelles contraintes ?

La montée de l’inquiétude facilite leur degré d’acceptation. On l’a constaté lors du premier confinement. La peur pour soi-même et ses proches de contracter le virus, l’incertitude sur ses formes de diffusion, l’absence de vaccin et de traitements efficaces, les images de saturation des services hospitaliers ont joué à plein. Les mêmes causes pourraient donc produire sensiblement les mêmes effets. Mais je pense qu’il y aura néanmoins des différences. D’abord, parce que c’est une seconde vague et que la lassitude de la population est plus forte qu’en mars-avril. Ensuite parce qu’on connaît mieux ce virus et que l’on sait notamment qu’il tue beaucoup moins les jeunes. De fait, les 18-35 ans sont ceux qui, déjà, acceptaient le moins la fermeture des bars à 22 heures lorsqu’elle a été instaurée dans certaines villes, puis la mise en place du couvre-feu. On peut donc s’attendre à des réticences plus fortes que ce que l’on avait auparavant dans certains segments de la population. Sans parler des professions, telles que les indépendants, les commerçants, les restaurateurs, le monde du spectacle, qui anticipent rien de moins que leur disparition malgré les mécanismes de protection mis en place.

Jusqu’où cette deuxième vague et ses conséquences peuvent-elles accroître la défiance vis-à-vis de la parole politique ?

On imagine difficilement qu’il n’y aura pas un procès fait à l’exécutif sur le thème « qu’avez-vous fait depuis ces derniers mois ? Pourquoi n’y a-t-il pas eu davantage d’anticipation ? ». C’est un réflexe quasi pavlovien en France quand quelque chose ne va pas que de se tourner vers l’Etat et il est plus facile d’accuser le pouvoir en place, quel qu’il soit, que de se questionner soi-même sur son propre comportement. Il peut par ailleurs y avoir, évidemment, des raisons légitimes de critiquer l’action conduite. Mais au-delà de cette colère à l’encontre du politique, somme toute assez classique, c’est la décrédibilisation d’autres sources d’information qui peut s’enclencher avec cette nouvelle vague. Je pense qu’une partie des Français va se dire que si on en est arrivé là, c’est que non seulement les gouvernants, mais aussi des scientifiques, des médecins, des élus locaux, des médias ont failli, que tous, à leur niveau, ont été incapables de les protéger efficacement ou de les informer correctement et que certains ont clairement raconté n’importe quoi. Cela devrait accentuer le sentiment de désarroi – qui croire ? à quoi se raccrocher ? – et fragiliser la si nécessaire cohésion de la société.

Entre résilience et grande dépression, de quel côté les Français peuvent-ils tomber ?

C’est la grande question. Quelle sera la capacité du corps social à vivre de nouveau un confinement, à faire face au choc économique qu’il peut induire et à accepter des mesures de restriction de libertés sans que le gain final ni son moment ne soient réellement perceptibles ? Aujourd’hui, ce qu’on mesure dans les enquêtes, c’est la lassitude, la résignation et la colère d’une partie des Français. C’est une des étapes de la courbe du deuil. Dans la crise que nous connaissons, il faudra les passer les unes après les autres. Un processus de deuil – et il faut bien avec la Covid faire le deuil d’une situation passée – commence par de la sidération, puis est suivi par le déni, le marchandage, la colère, l’abattement et enfin la remontée. A Marseille, nous avons eu toutes ces phases chez une partie des restaurateurs et des élus locaux : ils ont d’abord nié la réalité, puis tenté de marchander avec l’exécutif, puis il y a eu la colère – Paris contre Marseille, l’injustice… –, puis ils se sont résignés aux contraintes imposées mais dans l’abattement (ce que l’on peut tout à fait comprendre) avant d’imaginer de nouvelles façons de composer avec elles et d’élaborer de nouveaux protocoles sanitaires. Si l’on veut être efficace, il faut accepter et accompagner ces phases de deuil mais en les accélérant. Les Français sont dans une phase de colère et d’abattement et ne voient pas de perspectives d’avenir. Il faut les amener à élaborer de nouvelles solutions, à les y associer. Après la sidération, le déni, la colère et l’abattement, notre capacité individuelle et collective à rebondir vite et fort est bien la question centrale.

Quelles fractures cette seconde vague exacerbe-t-elle ?

Les fractures sociales commencent à être bien documentées : augmentation de la pauvreté, accroissement des inégalités, difficultés plus fortes encore pour certains dans l’accès à la connaissance et l’école. Mais je redoute une nouvelle fracture, cette fois-ci générationnelle. Manifestement, une partie des moins de 35 ans accepte difficilement certaines restrictions, se sent invulnérable face au virus, a envie de vivre pleinement et résiste à l’appel de la responsabilité collective. Nous n’avons pas trouvé les bons leviers à actionner auprès d’eux. Enfin, les fractures politiques resteront vives et ce d’autant plus qu’on se rapproche des échéances électorales.

Quelles sont les conséquences pour Emmanuel Macron ?

Il est actuellement à un niveau de popularité plus élevé qu’à l’entrée dans la première vague : il était dans la zone des 32 % d’opinions favorables en février-mars dans notre baromètre Ipsos-Le Point ; il est à 40 % aujourd’hui. Malgré les critiques sur la gestion de la crise, l’adhésion a donc plutôt augmenté dans son ensemble. Mais avec cette deuxième vague, il joue gros. Le procès en impréparation va être plus lourd, les conséquences économiques et sociales plus importantes. La Covid va être en surplomb de tout pour les prochains mois. Il ne faut pas négliger à quel point c’est cet évènement qui a fait basculer toute la campagne présidentielle américaine, dont on verra le résultat dans quelques jours.

Quelles peuvent être les conséquences électorales de cette crise ?

Jusqu’à présent, elle n’a renforcé ni Marine Le Pen, ni Jean-Luc Mélenchon ; je dirai même au contraire. Marine Le Pen stagne, certes à un niveau élevé mais en dessous de ses records. Le vrai moteur de Marine Le Pen, c’est la supposée faillite des élites mais articulée à la question de l’immigration comme cause majeure de tous nos problèmes. C’est pour cela qu’elle reste beaucoup sur ce terrain et tente d’y revenir à chaque occasion, afin de rouvrir son espace. Mais l’immigration a peu à voir avec la Covid-19. Quant à Jean-Luc Mélenchon, il est très loin des niveaux de popularité qu’il obtenait avant sa perquisition et, comme pour Marine Le Pen, les Français pensent qu’il ferait moins bien qu’Emmanuel Macron dans la gestion de la crise sanitaire. Dans un tel moment, il y a donc une prime aux dirigeants perçus comme rationnels et qui s’efforcent de prendre des décisions appuyées sur des connaissances scientifiques. Les exemples de Trump ou de Bolsonaro ont eu de l’impact et joué le rôle de contre-exemples. Mais plus la crise dure et plus ces éléments peuvent s’étioler. Selon l’ampleur des conséquences économiques et sociales de la crise et la virulence du procès en impréparation qui va être fait à l’exécutif, une nouvelle séquence peut s’ouvrir, beaucoup plus incertaine.

 

Pour les Français, un monde de plus en plus anxiogène (Brice Teinturier, IPSOS)

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Brice Teinturier, politologue d’Ipsos souligne le caractère anxiogène du monde pour les Français dans une interview au Monde.

 

La crise des « gilets jaunes » confirme la défiance des Français à l’égard des élites en général et des politiques en particulier, sentiment que les sondages d’opinion mettent en évidence depuis des années. Vous n’êtes donc pas surpris par ce qui s’est passé ces dernières semaines ?

Brice Teinturier : La défiance ne suffit pas à rendre compte de ce que nous vivons aujourd’hui. Les politiques sont convaincus que, pour regagner la confiance des Français, il faut « obtenir des résultats », et que la défiance se dissipera lorsque ces résultats seront visibles : c’est pourquoi ils s’acharnent à « poursuivre les réformes ».

Mais ce manque de confiance vient de bien plus loin : nos concitoyens ont de plus en plus le sentiment de vivre dans un monde angoissant, menaçant, complexe, sans que quiconque puisse en traduire le sens et en tracer l’avenir. C’est ce sentiment qui oriente de plus en plus notre rapport au monde, notre rapport aux autres.

Il y a dix ans, lorsqu’on interrogeait les Français sur les menaces qu’ils ressentaient, le chômage venait en tête, loin devant les autres items. Aujourd’hui, tous sont en hausse et quasiment à égalité, les anciens – le chômage, la perte de pouvoir d’achat, l’immigration – comme les nouveaux qui s’y sont ajoutés – le terrorisme, le climat, l’accès à la santé, à une nourriture saine… Le monde est perçu comme plus inquiétant, les menaces comme plus nombreuses.

Cette angoisse est-elle spécifique aux Français ?

Non. Ipsos réalise en continu chaque mois depuis des années l’enquête « What worries the world ? » (« Qu’est-ce qui inquiète le monde ? ») Dans vingt-huit pays, les plus grands de la planète, auprès de plus de 20 000 personnes de 16 à 64 ans interrogées en ligne. Or, 60 % des répondants considèrent que leur pays « va dans la mauvaise direction » ! Mais ce chiffre varie beaucoup selon les pays. Ainsi, 94 % des Chinois disent que leur pays « va dans la bonne direction », contre seulement 12 % de Brésiliens, 19 % des Espagnols ou des Sud-Africains, et 24 % des Français.

Pourtant, la durée de vie s’allonge, le nombre de guerres et de morts violentes diminue, la pauvreté dans le monde également…

Oui, le monde va beaucoup mieux aujourd’hui qu’hier, mais cela n’empêche pas l’appréhension de monter régulièrement. Il y avait 15 000 morts par intoxication alimentaire en France il y a trente ans, et pourtant la crainte de manger des aliments mauvais pour la santé est depuis plusieurs années en forte hausse. C’est le paradoxe de la « désillusion du progrès » soulignée par Raymond Aron : notre notion de « ce que devrait être la vie » change plus rapidement que notre vie réelle.

 

Et nous nous trouvons ainsi confrontés à des apories qui renforcent notre angoisse. L’espérance de vie s’accroît, fort bien : mais comment nourrir tout le monde ? Et quand vais-je enfin hériter du patrimoine de mes parents ? Comment vais-je financer leurs dépendances ? Le monde est plus tolérant, plus divers, plus respectueux des différences, fort bien : mais les frontières sont-elles sûres ? Et peut-on accueillir toute la misère du monde ? Nous savons que le climat se réchauffe et qu’il faut agir, fort bien : mais comment faire ? Et qui paiera ? Nous voulons plus d’égalité et de solidarité : mais comment ne pas décourager l’initiative des plus dynamiques ? Etc., etc.

Si les opinions des Français sur ces sujets se répartissaient le long de barrières d’âge, d’opinion politique, de classe sociale, d’idéologie, il pourrait y avoir des regroupements autour de trois ou quatre projets, trois ou quatre visions de l’avenir, dont l’une pourrait finir par rallier une majorité. Mais le problème est que nous sommes tous plus ou moins traversés individuellement par ces contradictions. Cette fragmentation des individus et entre individus crée une granularité tellement forte, renforcée par l’idée, promue par la société de consommation, que l’individu est source de toute valeur, qu’elle empêche tout rassemblement, sauf par petits groupes, autour de normes partagées et d’un projet collectif.

Mais n’est-ce pas justement le rôle des politiques, des intellectuels, de proposer de tels projets ?

Une autre caractéristique de ce monde est l’absence de « traducteurs », c’est-à-dire de personnes ou d’institutions capables de comprendre la complexité et de se projeter dans l’avenir. Les médias, comme les politiques, souffrent d’une crise de légitimité, on le sait, mais aussi d’une crise du statut de la vérité. Les intellectuels ont explosé en chapelles concurrentes, incapables de rassembler.

Les religions ne sont plus non plus légitimes pour proposer un rapport au monde, une projection dans le futur – en ce sens, il n’y a donc pas de « retour du religieux » : la flambée actuelle de l’islam comme d’autres religions est en réalité un retour de la religiosité, ce qui n’est pas la même chose. La science elle-même, l’expertise, qui savait articuler la connaissance et le progrès, ne jouent plus ce rôle : depuis une dizaine d’années, l’opinion selon laquelle « la science fait plus de mal que de bien » est en progression constante.

Les Français seraient-ils donc devenus dépressifs ?

Non, ils sont pessimistes, mais pas dépressifs. Un dépressif est quelqu’un qui n’a plus aucune envie ni capacité d’action. Alors qu’il y a de l’énergie, de la capacité créatrice, de l’envie d’agir – parfois violemment, on l’a vu –, de trouver des solutions en contournant ce qui bloque au-dessus de soi.

Je distingue pour ma part six façons d’agir contre ce sentiment d’angoisse face au monde où nous vivons.

La première, que je qualifierais d’optimiste, est de reconnaître la complexité du monde et de travailler aux solutions qui la prennent en compte. Mais c’est loin d’être le scénario dominant…

La deuxième, à l’inverse, entend simplifier à outrance ce monde complexe. C’est la désignation du complot, du bouc émissaire, le triomphe du populisme et du « y a qu’à ». Et, malheureusement, l’histoire montre que les régimes populistes durent plus longtemps que les autres…

La troisième, face à un futur inquiétant, est de retourner au passé : « Avant c’était mieux. » Cette vague du néoconservatisme a connu en France son apogée il y a environ dix ans, lorsque la phrase de nos enquêtes « Rien n’est plus beau que mon enfance » recueillait jusqu’à 52 % de suffrages… Cela a un peu diminué depuis.

La quatrième est celle de la purification. Pour éviter que les choses soient complexes, retournons à une pureté originelle plus ou moins mythique : sans sel, sans gluten, ou bien… sans étrangers. C’est malheureusement un scénario que l’on a déjà vu à l’œuvre dans l’histoire, et qui a de nouveau le vent en poupe…

La cinquième est de changer l’individu lui-même. Plutôt que de changer un monde trop compliqué, changeons-nous nous-mêmes, augmentons nos capacités personnelles, notre corps, mais aussi, pourquoi pas, notre cerveau : c’est l’homme augmenté.

La sixième est ce que j’appelle les « réalliances », c’est-à-dire le fait de se constituer en petits groupes partageant une communauté de valeurs et d’opinions pour atteindre des objectifs identifiés, à défaut de pouvoir « changer le monde » ou le « système » dans son entier : manger bio, consommer localement, manifester contre une taxe jugée injuste, boycotter une entreprise qui pollue, empêcher la fermeture d’une classe ou d’un bureau de poste, etc. Mais il s’agit de communautés fugaces, en recomposition permanente, incapables de proposer au plus grand nombre un projet global, une vision de l’avenir.

Là encore, ces réponses peuvent cohabiter et varier selon les moments et les circonstances chez les mêmes individus. Elles ne sont pas incompatibles et peuvent se combiner selon des proportions variables : on peut manger bio et regretter le bon vieux temps, se mobiliser pour le pouvoir d’achat et être raciste, dénoncer un complot et rêver de l’homme bionique… D’où la difficulté à tirer de tout cela un projet commun mobilisateur qui trouverait enfin le chemin de la majorité dans les urnes. Ce qui reste malgré tout le meilleur moyen d’exprimer la volonté générale de parvenir à une société meilleure.

 

Brice Lalonde : «la priorité est la réduction des gaz à effet de serre.

Brice Lalonde : «la priorité est la réduction des gaz à effet de serre. 

Brice Lalonde, défend un mix énergétique ou le nucléaire à sa place (par parenthèse, il considère aussi dans une autre interview que le développement des éolienne en France va surtout profiter taux chinois).  Nouveau président de l’association Équilibre des énergies, il entend peser dans les débats de la PPE discutée dans les prochains mois. Interview de l’ancien ministre de l’Environnement. (Interview le Monde)

Vous avez succédé fin janvier à Serge Lepeltier à la présidence d’ Équilibre des énergies. Pourquoi avoir accepté de devenir le président de cette association ? 
En tant qu’ambassadeur français chargé des négociations internationales sur le changement climatique en 2007 et coordonnateur exécutif de la Conférence des Nations unies sur le développement durable Rio+20 de 2010 à 2012, j’ai été amené à travailler énormément avec les entreprises.
Le fait de collaborer avec les entreprises était formateur car elles sont beaucoup plus réactives, capables d’avoir une vision, un budget. J’ai organisé le premier Business and Climate summit en 2015 avant la COP21 justement dans l’idée que sans les entreprises nous arrivions à rien.
Avec elles, on peut réussir à rassurer et mettre dans le coup la sphère politique et les décideurs. Je pense, modestement, avoir réussi à amorcer la pompe du côté des entreprises. Aujourd’hui, j’ai accepté cette présidence car il me semble que les contours de la transition énergétique, un peu floue et contradictoire, doivent être précisés.
Il y a donc un vrai travail à faire avec les entreprises et c’est l’essence même d’ Équilibre des énergies.

Qu’attendez-vous de la PPE, la fameuse Programmation pluriannuelle de l’énergie ? 
J’attends de cette PPE qu’elle serve et qu’elle soit simple. Nous sommes dans une société où le consommateur devient consomm’acteur. Nous avons les compteurs Linky, le digital et ce que certains appellent les 3D, la décentralisation, la décarbonation et la digitalisation.
Dans la vision idéale de ce que la transition énergétique doit apporter, les Français ont non seulement leur mot à dire mais aussi à mener. Actuellement, il me semble qu’il y a une très grande complexité, parfois excessive, dans laquelle les techniciens et les lobbys font leur délice.
Cela aboutit à des décisions qui sont, à mon avis, contraires à l’objectif de la loi. Je pense que si nous devons travailler sur la PPE, il faut simplifier et que le gouvernement nous dise que la priorité est la réduction des gaz à effet de serre. Si vous avez une priorité comme celle là, les autres objectifs s’ordonnent derrière elle. Pour l’heure, vous avez des objectifs qui sont contradictoires ou qui finissent par se contrecarrer. Cela me paraît dommageable.

Dans cette PPE, vous prônez donc un Équilibre des énergies ?! 

Oui, mais un équilibres des énergies décarbonées ! Ou en tout cas à des systèmes énergétiques qui contribuent à la décarbonation. On ne peut pas promouvoir le charbon, sinon il y a un déséquilibre !

La question climatique est au cœur du combat de votre association. C’est un travail de longue haleine. Le combat peut-il être gagné ? 
Nous avons une situation de départ qui est quand même plutôt favorable avec la France qui est un pays avec un système de consommation et de production d’énergie relativement décarboné. Il va falloir cependant travailler la question de nos importations.

Vous avez déclaré que, jeune, vous étiez anti-nucléaire et qu’aujourd’hui vous ne l’étiez plus. C’est à dire que vous êtes pro-nucléaire ? 
Je ne suis pas contre. En France, il y a une litanie anti-nucléaire qui interdit de penser. Si on n’est pas anti-nucléaire, il faut travailler à la transition, à la sécurité des centrales, à la relève, à l’ EPR…  On ne peut s’interdire de mettre les mains dans le cambouis. Le nucléaire a un avantage, c’est qu’il produit extrêmement peu de gaz à effet de serre. C’est par conséquent un atout important qu’il ne faut pas balayer d’un revers de la main.  Le nucléaire rentre d’autant plus naturellement dans le mix énergétique qu’il produit de l’électricité. Et la question de l’électricité est une question très importante puisqu’il semble qu’elle soit le vecteur principal de la transition énergétique.
Elle permet de faire le lien entre le bâtiment, la mobilité et la production décarbonée. Il faut que la PPE cesse clairement de mettre des bâtons dans les roues de l’électricité, je pense notamment au coefficient de conversion. Il faut que les énergies soient en compétition à niveau égal.

A vous écouter, vous allez vouloir peser dans les débats qui vont alimenter la PPE… 

Oui, naturellement. Nous allons essayer de peser sans négliger la dimension européenne. C’est essentiel. Quand vous discutez avec RTE, la question de l’intégration des énergies intermittentes dans le réseau électrique trouve une partie de sa réponse dans la dimension européenne.
À ce jour, il faut dire que la politique énergétique européenne reste relativement boiteuse car nous avons toujours cette difficulté entre l’Allemagne et la France qui ont des mix différents, des conceptions peu convergentes… 

L’Europe de l’énergie n’est donc pas efficace ? 
L’Europe de l’énergie a été surtout pour l’instant de voir comment on pouvait aider les pays baltes et l’Est de l’Europe à avoir du gaz et de l’électricité sans être forcément connectés à la Russie.

Revenons à la PPE. Allez-vous participer à des débats en tant que lobbyiste ? 
Oui, nous sommes des lobbyistes de la décarbonation ! La réalité du système énergétique français, c’est que le pétrole est la source d’énergie la plus importante. Et c’est elle qui est responsable de la majorité des émissions.
Donc, si vous travaillez sur la décarbonation, vous essayez de réduire la consommation de pétrole et d’autres combustions fossiles.

 

Nucléaire : Le bon choix de Nicolas Hulot (Brice Lalonde)

Nucléaire : Le bon choix de Nicolas Hulot (Brice Lalonde)

Brice Lalonde ancien ministre de l’environnement approuve le chois de Nicolas Hulot sur le nucléaire dans une  interview aux Echos (extraits). «   Le ministre de la Transition écologique a eu raison de reporter l’objectif de ramener la part du nucléaire à 50 % en 2025. Il aurait fallu en compensation recourir aux combustibles fossiles et émettre davantage de CO2. Fallait-il vraiment repousser au-delà de 2025 l’objectif de ramener la part du nucléaire dans la production d’électricité française à moins de 50 % ? La décision n’a en tout cas pas surpris les spécialistes de l’énergie. L’échéance fixée par la loi était intenable. Les centrales ont été construites pour durer et les énergies renouvelables ne sont guère capables de s’y substituer à bref délai, d’autant que leur intermittence rend nécessaire, pour l’instant, de les adosser à une source d’électricité qui puisse les relayer. Accélérer la fermeture des centrales nucléaires, c’était donc, comme en Allemagne, comme au Japon, conserver et accroître le recours aux combustibles fossiles…..Le dérèglement climatique est la menace numéro un. Son principal responsable à l’échelle mondiale, aujourd’hui, est la production d’électricité par le charbon, lequel, soit dit en passant, a tué au bas mot mille fois plus de personnes que les accidents nucléaires, entre la mine et la pollution de l’air. Brûler du charbon et les autres combustibles fossiles envoie dans l’atmosphère un déchet irrécupérable, le CO2, dont un tiers va stagner là pendant un millénaire, créant l’enfer sur terre. Entre l’impact du charbon et celui du nucléaire il n’y a pas photo ! C’est le charbon l’empoisonneur. Alors de deux maux, le moindre ! Les Allemands, en brûlant le lignite, ont choisi le pire. Ils nous pressent de fermer Fessenheim quand le vent d’est envoie leurs cendres sur Paris. Leurs émissions de CO2 sont très supérieures à celles de la France. Leur exemple encourage les pays en développement à commander des centrales à charbon. La verte Allemagne le fait, pourquoi pas nous ? Moins de nucléaire, plus de renouvelable. Si l’on se dégage de la hantise nucléaire et que l’on se concentre sur la lutte contre le changement climatique, on voit tout de suite que le pétrole est la première source d’énergie consommée en France, donc d’émission de CO2. On accueille avec intérêt les déclarations du ministre annonçant la fin prochaine du moteur à explosion. Les transports sont en effet un gros contributeur de CO2, suivis par les bâtiments, où une réglementation contestable a favorisé la pénétration du gaz naturel. L’un des axes de la décarbonation est une électrification plus poussée de nos systèmes énergétiques, l’électricité autorisant le mariage de l’énergie avec le digital et, par conséquent, une mise en relation numérique des bâtiments, des véhicules, de la météo, des moyens de production et de stockage de l’énergie.  L’électricité peut aussi produire de l’hydrogène, un moyen de stockage et un auxiliaire indispensable au recyclage du carbone. C’est la vision d’une transition dominée par l’électricité d’origine renouvelable, adossée à un nucléaire en diminution. A mi-chemin, quand le nucléaire produira 50 % de l’électricité, il restera des centrales nucléaires. Au demeurant, une soixantaine de réacteurs russes, coréens, chinois, français sont aujourd’hui en construction ou sur le point d’entrer en fonctionnement. Les centres de recherche préparent une quatrième génération. L’industrie du démantèlement se développe. Pour être écologiste, faut-il être modérément, pas du tout ou mordicus antinucléaire ? Aucune source d’énergie n’est sans défaut. Aucune technique n’est imperfectible. Peut-être est-il temps d’inventer un réformisme nucléaire.

Brice Lalonde est conseiller spécial de Global Compact et président de l’Académie de l’eau.

 

 

Les Grands médias : » Petites nouvelles et grandes indignations » (Brice Couturier)

Les Grands médias : » Petites nouvelles et grandes indignations » (Brice Couturier)  

 

 

Le journaliste chroniqueur Brice Couturier de France Culture met   les pieds dans le plat et dénonce l’insignifiance globale des médias (interview au Figaro,  extraits)

 

Ce qui m’a frappé dans les débats des dernières années, c’est la difficulté avec lesquels ils (les vrais débats NDLR) sont parvenus à émerger. Car les plus importants d’entre eux portent précisément sur les sujets dont le «Parti des médias» – pour reprendre l’expression créée par Marcel Gauchet – tente d’empêcher l’évocation… Il y a comme ça, à chaque époque, des problèmes vitaux qui forment comme un angle mort du débat public. Ce sont précisément ceux qui vont décider de l’avenir. En 1936, après la remilitarisation de Rhénanie par Hitler, dans la plupart des médias français, il était presque impossible d’évoquer la perspective d’une guerre avec l’Allemagne. Tous les gens de bien étaient furieusement pacifistes… On trouverait bien un terrain d’entente avec le chancelier allemand, disaient-ils. Mais dans les cafés et les salons, on ne parlait que de ça. Aujourd’hui, l’histoire est à nouveau en phase d’accélération brutale et le défi qui nous est lancé par l’islamisme politique, entré en phase de conquête du monde, est redoutable. Mais le Parti des médias, aveuglé par ses bons sentiments, préfère nous abreuver de petites nouvelles insignifiantes, d’une part, de ses grandes indignations, de l’autre.

 

Vous croyez à un «complot des médias»?

Je n’irais pas jusque-là. Mais comment ne pas voir que le rassemblement de quelques milliers de bobos place de la République, prétendant proposer une réalité radicalement alternative, a été monté en mayonnaise afin de gommer les 4 millions de Français, descendus spontanément dans les rues pour protester contre les attentats islamistes de janvier? Pour ne prendre que cet exemple. De la même façon, chaque fois que le discours lénifiant sur le «vivre-ensemble» est contredit par des faits, ceux-ci font l’objet d’un remontage. Combien d’attentats islamistes ont été requalifiés en «actes commis par un déséquilibré»? Ou alors, on organise à la hâte une diversion. Mais ce n’est pas l’essentiel. Le pire, c’est qu’il y a trop peu d’intellectuels capables de discerner les grands courants de fond sous le miroitement de surface. En finissant l’année, sur France Culture, par une série d’été consacrée à Raymond Aron, j’ai voulu montrer ce qu’avait été mon ambition au cours de ces cinq années. Il est mon modèle. Aron aussi était éditorialiste. A Combat, au temps de Camus, puis au Figaro, surtout, et enfin à L’Express. Et tandis que les simples journalistes se contentaient de rapporter les faits au jour le jour, lui savait discerner, en historien, les tendances profondes, celles qui allaient modifier les rapports de force, redessiner la carte, décider du mouvement de l’histoire. Aujourd’hui, nos chers confrères passent leur temps à guetter le fil de l’AFP, afin d’être «les premiers sur une info». Ils sont concurrencés par internet qui met tout ce fatras de pseudo-news, de «stories», à la disposition de chacun. Ils misent sur l’antériorité pour légitimer leur profession ; ou encore sur leur connaissance personnelle des acteurs politiques pour rapporter leurs propos à des stratégies individuelles de conquête du pouvoir. Ce faisant, ils rabaissent la politique et contribuent au développement du populisme ambiant. Alors qu’il leur faudrait jouer sur la compétence, la capacité du spécialiste à interpréter les faits, à discerner la manière dont le monde est en train de se réorganiser. Mon problème tient à ce que j’étais censé être un spécialiste universel: parler économie avec Attali un jour, histoire avec Pierre Nora, le lendemain, politique internationale avec Védrine, le surlendemain et conclure la semaine sur la littérature américaine avec Richard Ford…. Sans oublier de me faire traiter de crétin par Montebourg, de journaliste partisan par Copé, ou d’agent de l’Allemagne par Marine Le Pen! Mais le pire, c’était de supporter ces idéologues de petit calibre, cooptés par leurs camarades de l’Université, qui tiennent lieu d’intelligentsia aux yeux des journalistes bien-pensants. Quel dialogue peut-on avoir avec ces personnages, arrogants quoiqu’incultes, et d’autant plus pérorant qu’ils méprisent les faits, les chiffres, la réalité? Ils prétendent déconstruire ce qu’ils n’ont jamais cessé d’ignorer.

 

Quels sont les grands débats qui vous ont le plus marqué?

 

Sur tous les plans, on se rapproche de la vérité en marchant en crabe. Ça ne facilite pas le règlement des problèmes. Prenez l’économie. Il y a cinq ans, le débat portait sur les délocalisations: nos problèmes venaient de l’étranger, qui ne respectait pas nos règles, qui prétendait réussir en ne faisant pas comme nous. La Chine, voire l’Allemagne nous faisaient une concurrence déloyale. À partir d’un certain moment, on a commencé à s’inquiéter de la désindustrialisation. C’était approcher du vrai problème, celui du manque de compétitivité de notre appareil productif. Encore quelques mois, et on a commencé à réaliser que nos entreprises supportaient des charges disproportionnées par rapport à celles de leurs concurrentes et qu’il convenait donc de les alléger, après les avoir augmentées. Mais c’est justement l’un des sujets dont le Parti des médias ne veut pas entendre parler, comme du déficit budgétaire et de l’endettement.

 

Vous définissez-vous toujours comme un libéral de gauche?

Tony Blair disait : « ce qui est social, c’est ce qui crée des emplois ». Il avait raison.

 

À l’époque où j’avais un engagement politique, je roulais pour Rocard au sein du PS. En 1985, j’avais créé un club de discussion, Rouleau de Printemps, qui se définissait comme un rassemblement de jeunes libéraux de gauche. Je pense être resté fidèle à cet idéal. «Le socialisme, c’est quand la liberté arrive dans la vie des gens les plus pauvres», a écrit Carlo Rosselli, l’un des théoriciens du libéralisme de gauche, assassiné en France par les sbires de Mussolini. Je pense que la véritable lutte des classes n’oppose pas tant les salariés aux entrepreneurs que les insiders du système aux exclus, les détenteurs de rentes à ceux qui sont prêts à emprunter l’escalier de service lorsque l’ascenseur social est en panne. La «défense des avantages acquis» est un mot d’ordre qui profite aux planqués. Tony Blair disait: «ce qui est social, c’est ce qui crée des emplois». Il avait raison. Notre système a fait le choix implicite du chômage de masse. C’est une calamité. Non seulement, le chômage détruit des vies, mais il rend des millions de personnes dépendantes de l’État pour leur survie. Il bloque toute ambition, il étouffe cette «étincelle vivante» que les hommes portent en eux et qui, selon Goethe, «se recouvre de la cendre toujours plus épaisse des nécessités quotidiennes si elle cesse d’être alimentée.»

 




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