Les « déserts médicaux »: Une catastrophe bientôt dramatique
Un papier du « Monde » insiste sur le caractère de de plus en plus urgent de s’attaquer enfin de manière significative à la crise des déserts médicaux. Une crise qui s’étend partout et notamment pour l’accès aux spécialistes. Des mois et des mois souvent pour trouver par exemple un dermatologue ou encore presque un an pour un cardiologue. La faute à un système médical très cloisonné, aussi très corporatiste et un manque de courage total du pouvoir politique incapable d’imposer la moindre régulation des moyens médicaux dans le pays.La question de l’égal accès aux soins, mise en lumière par la pandémie de Covid-19, n’a jamais été aussi prioritaire. Des mesures immédiates doivent être adoptées, ou amplifiées, comme la délégation de tâches à des infirmiers ou à des pharmaciens pour la vaccination.
Depuis longtemps déjà, le mal qui ronge le maillage médical français et compromet l’égalité dans l’accès aux soins est connu et ses causes sont identifiées. La carte des « déserts médicaux », longtemps limitée aux zones rurales, s’étend désormais aux territoires périurbains, à certaines banlieues et même à des villes moyennes. Dans la France de la Sécurité sociale universelle, six millions d’habitants, dont 600 000 sont atteints d’affection de longue durée, n’ont pas de médecin traitant et les inégalités géographiques sont criantes. Dans les zones les moins bien dotées, il n’est pas rare de devoir attendre plus de trois semaines pour consulter un généraliste et plus d’un tiers des habitants affirment avoir renoncé à des soins pour des raisons de coût, de délai d’attente ou d’accessibilité.
Cette situation, liée à une démographie médicale en berne et à une répartition déficiente sur le territoire, au moment même où les besoins sanitaires se multiplient, s’explique par l’insuffisance des recrutements dans les années 1970-2000, une politique adoptée alors sous la pression des médecins libéraux et des gestionnaires du système de santé. Inacceptable, l’explosion des inégalités géographiques qui en résulte dans l’accès à la santé nourrit la colère des exclus et certains discours politiques démagogiques.
Il y a donc urgence à agir et le moment est propice : outre l’examen, cet automne, au Parlement, du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, le calendrier politique prévoit la renégociation de la convention médicale qui régit les rapports entre les médecins libéraux et l’Assurance-maladie, et, à partir du 3 octobre, la « grande conférence sur la santé », qui doit remettre à plat le système. Jamais la priorité à donner à la question de l’égal accès aux soins, mise en lumière par la pandémie de Covid-19 et relancée par plusieurs propositions de loi d’élus locaux alarmés, n’a été aussi évidente.
L’enjeu, auquel sont confrontés la plupart des pays européens, est de taille : il s’agit d’adapter l’offre médicale – donnée déterminante jusqu’à présent – à des besoins multiformes, désormais au centre de l’attention.
Des mesures immédiates doivent être adoptées ou amplifiées afin de démultiplier l’activité des médecins : délégation de tâches à des infirmiers et à des assistants médicaux, à des pharmaciens pour la vaccination et à des sages-femmes pour la prescription de contraceptifs, « consultations avancées » où les médecins vont vers les patients éloignés.
Plutôt que d’imposer d’en haut une obligation de s’installer à l’efficacité douteuse – difficulté de délimiter les zones, risque de « mercenariat » sans lendemain –, mieux vaudrait, comme le prône le ministre de la santé, François Braun, privilégier les solutions imaginées localement avec les élus. Mais l’ampleur des disparités entre territoires, qui dépasse le monde médical, rend incontournable un mécanisme incluant une forme d’obligation, pas nécessairement individuelle, par exemple une « responsabilité territoriale », assurée collectivement par les médecins certains jours.
L’opposition à laquelle se heurte le ministre avec les internes en médecine générale, auxquels il veut ajouter une année d’études exercée dans les déserts médicaux, souligne la nécessité de faire partager la charge par toutes les générations de médecins. Ne l’oublions pas : notre système de santé est largement libéral mais financé par l’argent public. Sa réhabilitation, qui implique la contribution et les efforts de tous, suppose du courage politique.