Quel projet social de Macron ( Bayrou)
C’est la question que pose Bayrou en termes plus diplomatiques quand il constate une certaine désaffection des couches populaires et des jeunes lors des élections partielles récentes. Bayrou parle pudiquement de perception du climat social alors qu’il s’agit plus précisément de contenu du projet social. En clair comment Macon peut-il modifier son image de président des riches ? Ou comment trouver un équilibre entre le développement économique et un partage de la richesse produite. Interview JDD
Comment interprétez-vous la défaite de LREM et du Modem aux élections législatives partielles de dimanche dernier ?
Quand il y a une alternance en profondeur, au bout de six mois, il y a toujours une érosion. Particulièrement avec une abstention qui approche ou dépasse les 80 %. Mais le socle de soutien tient bon. Les résultats des candidats de la majorité au premier tour dépassent de loin les résultats d’Emmanuel Macron au premier tour de l’élection présidentielle il y a neuf mois. Le problème, c’est que les milieux populaires et les jeunes ne votent pas. Ce qui me conduit à penser que la perception du projet social du Président et du gouvernement est la question clé du climat politique du pays.
La République en marche adopte une stratégie assez solitaire à l’Assemblée. La majorité doit-elle davantage s’ouvrir aux autres ?
La responsabilité de la majorité, c’est d’être en phase avec l’attitude politique qu’Emmanuel Macron a incarnée : une volonté inflexible de mettre en œuvre les engagements pris, et en même temps une attention bienveillante à ce que disent les Français et les autres courants politiques.
Est-ce possible d’exister à côté de la pléthorique majorité de La République en marche ?
Notre présence au sein de la majorité ne se discute pas. Je ne me suis jamais trouvé en déphasage avec les choix du président de la République. Il m’arrive d’avoir des différences d’appréciation, que j’exprime, par exemple sur l’ISF et la CSG. Mais cela fait partie du débat. LREM et le MoDem sont complémentaires. LREM est un mouvement en surgissement, mêlant des origines politiques différentes, qui doit s’organiser et s’enraciner. De l’autre, le MoDem est un mouvement qui a une tradition politique enracinée et une structure sur l’ensemble du territoire. La complémentarité de ces deux mouvements sera une richesse pour l’avenir.
L’UDI a décidé de soutenir tantôt des candidats LR, tantôt des candidats LREM pour les élections législatives partielles. Est-il possible de voir tous les centristes réunis sous la même bannière en vue des élections européennes ?
Il y a beaucoup de revirements, dont le moins qu’on puisse dire est qu’ils sont difficiles à suivre !… Je ne veux pas les commenter parce qu’ils sont dérisoires. Je sais une chose : tous ceux qui se réclament du centre en France devraient le vouloir indépendant et uni. Indépendance et unité ! Cela a toujours été ma ligne. Ceux qui ont choisi, pour des raisons d’intérêt immédiat, de n’être ni indépendants ni unis reviendront sur leur jugement un jour ou l’autre. Ou bien ils disparaîtront.
Avez-vous bon espoir de convaincre Alain Juppé de soutenir une liste commune pour les élections européennes ?
Alain Juppé a dit quelque chose d’extrêmement simple : « Les choix européens seront la pierre de touche de notre avenir ». Cette affirmation est forte. Elle entraînera naturellement des choix politiques. Je suis résolument confiant dans cette cohérence.
Vous avez dit que vous ne serez pas candidat sur cette liste. C’est votre dernier mot ?
Je suis élu d’une ville et d’une région qui me passionnent. Je ne les abandonnerai pas pour une nouvelle expérience électorale.
Le président du Sénat, Gérard Larcher, a présenté ses propositions pour la révision constitutionnelle. Toutes ne sont pas conciliables avec celles défendues par Emmanuel Macron…
Je vois bien les obstacles que l’on se prépare à opposer à la volonté de rénovation du Président de la République. Mais sur le fond, il demeure que la promesse fondamentale de l’élection d’Emmanuel Macron, c’est un changement de la vie politique française. Je suis sûr qu’il ne se laissera pas détourner de cet engagement. Le changement en profondeur passe par une diminution importante du nombre de parlementaires pour qu’ils aient plus de poids, une limitation des mandats dans le temps pour obliger au renouvellement et une représentation équitable du pluralisme dans notre Assemblée nationale. C’est ce changement que nous devons aux Français. Quelles que soient les réticences et les résistances.
C’est « l’ancien monde » qui fait de la résistance…
Comment pourrait-il en être autrement ? Ceux qui avaient la haute main sur le pouvoir depuis longtemps ne sont pas résignés. Ils ont le sentiment qu’ils peuvent bloquer cette volonté de renouvellement en profondeur. Des forces extrêmement puissantes seront mobilisées pour retrouver les rapports de force d’autrefois. Ce n’est pas un défi d’ordre politique mais d’ordre historique. De cette question dépend la signification de l’élection de 2017 : simple parenthèse ou changement en profondeur et de longue durée. Et le président de la République le sait bien.
Si les blocages apparaissent trop importants, faut-il envisager un recours au référendum ?
C’est de la responsabilité du président de la République. L’un des avantages de la Ve République, c’est que le peuple peut trancher et bousculer des obstacles que l’on cherche à dresser devant lui.
La réforme des institutions prévoit d’introduire une dose de proportionnelle. Quel taux préconisez-vous ?
Une proposition équilibrée : trois sièges sur quatre élus au scrutin majoritaire, un siège sur quatre au scrutin proportionnel. C’est le seuil minimum pour un changement significatif. La vertu de la proportionnelle c’est qu’elle oblige à réfléchir aux sujets d’accord autant que de désaccord. En Allemagne, aujourd’hui, le SPD et la CDU sont obligés de regarder quels sont leurs points d’accord. Et ceci est bon pour la démocratie.
Avez-vous été entendu dans l’enquête préliminaire pour soupçons d’emplois fictifs visant le MoDem ?
Non.
Êtes-vous serein ?
Absolument.
Si la justice ne donne pas de suite à l’affaire, envisageriez-vous d’intégrer le gouvernement ?
Ce n’est pas du tout mon idée. Je veux aider le Président de la République de manière désintéressée, avec le regard particulier d’un élu de terrain, qui a des convictions ancrées, une certaine expérience, et qui, n’étant pas prisonnier de l’action au jour le jour, peut réfléchir à l’essentiel et repérer de plus loin les risques et les chances.