L’après-Covid de Bayrou (Commissariat au Plan)
L’opinion rend d’ une note de 14 pages intitulée « Et si la Covid durait ? », présentée mercredi dans le huis clos du Conseil économique, social et environnemental (Cese) et que l’Opinion s’est procurée, le haut-commissaire au Plan François Bayrou, questionne l’avenir : « Comment vivre ensemble dans un monde masqué ? », « comment le spectacle vivant peut-il le rester s’il se déroule par écrans interposés ? », « le vote électronique peut-il devenir la nouvelle règle ? », « la société de l’échange et de la proximité va-t-elle devenir la société de la distance et de la méfiance ? », « les rapports sociaux individualisés, éparpillés, pourront-ils donner lieu à de nouvelles formes d’organisation collectives ? ». Dans ce monde où on ne peut plus aller au théâtre, au restaurant ou voir un concert, « c’est le cœur de notre identité française qui est atteint », met en garde le maire de Pau.
François Bayrou, qui a rencontré tous ses prédécesseurs depuis son arrivée à ce poste le 3 septembre, définit huit priorités : un plan d’urgence sur les secteurs stratégiques comme les médicaments vitaux, un plan à moyen terme de stratégie industrielle, le développement du numérique partout sur le territoire, une stratégie de revalorisation des métiers, une grande politique de prévention des maladies, une nouvelle stratégie d’aménagement du territoire et enfin la fixation des principes d’un équilibre entre les libertés et la gestion des risques collectifs..
Au moment où la France s’apprête à encaisser un deuxième confinement, François Bayrou dresse un constat assez sombre : « Alors que nous vivions depuis la Seconde Guerre mondiale dans une société de croissance, fondée sur des interdépendances, la crise de la Covid-19 met en lumière nos fragilités et nos failles ; il règne désormais une forme de désarroi, en tout cas d’intranquillité ». Qui aurait pu imaginer il y a quelques mois encore une société où « l’échange paraît constituer aujourd’hui, en soi, une menace » ? D’autant que, note le haut-commissaire, la crise a renforcé « la télé activité » qui rend plus impérieuse encore l’accélération de la couverture numérique du territoire, le télétravail ayant pour possible « effet collatéral un repeuplement des zones rurales ou des villes moyennes. »
. Le centriste anticipe « une crise économique et sociale d’une gravité sans précédent, au moins depuis la dernière guerre » et pose la question de la « soutenabilité de la dette ». Le maire de Pau veut « réconcilier la France avec son ambition économique et culturelle [...] Le moment est crucial, il représente peut-être la dernière chance pour cette volonté nationale ». L’ancien ministre de l’Education nationale appelle à « prévenir l’épuisement » des soignants, bien moins visibles et publiquement soutenus que lors de la première vague.
Pour favoriser la prospérité de demain, le centriste a une idée : « Les salariés en activité partielle ne pourraient-ils pas être mobilisés afin qu’ils consacrent une part de leur temps à des activités socialement utiles ? » François Bayrou reprend un concept qui fait flores depuis le début de la crise, revaloriser ce qu’on appelle désormais communément « la deuxième ligne », « ceux qui nous nourrissent, nous éduquent, nous soignent, ceux dont la présence physique au travail est incontournable ». C’est aussi l’ensemble de notre système de soins et de protection sociale qu’il faut d’après lui repenser, pour passer d’« un modèle centré sur l’hôpital » à « un mode moins concentré, réduisant les brassages de population. »
Retour du politique. Comme meilleur remède à cette crise à multiples facettes, le docteur Bayrou préconise « un débat démocratique ouvert », « une nouvelle forme d’action publique », qui passerait notamment par « l’appropriation par les médias et le grand public des principes fondamentaux de la réflexion scientifique ». « Le moment que nous vivons est peut-être celui de la montée des périls. Il devra être celui du retour du politique », plaide François Bayrou. Un vrai défi alors que la crédibilité de la parole publique s’est fracassée sur le mur de la crise.
Qu’adviendra-t-il de cette réflexion ? François Bayrou voudrait publier une note tous les 15 jours « pour instituer un débat permanent, créer une sorte d’émulsion intellectuelle et démocratique, et non livrer un gros pavé que personne ne lirait », explique-t-on au commissariat au Plan. Reste désormais aux membres du Conseil social, économique et environnemental d’enrichir cette note d’ici à la deuxième quinzaine de novembre. François Bayrou recevra les forces syndicales et patronales, qui vont nommer des sherpas pour travailler sur ces sujets. Plus qu’un catalogue à la Prévert, l’idée est d’établir des scénarios possibles à moyen terme.