« En l’absence de la redevance, tout l’audiovisuel risque, à coup sûr, d’être tiré vers le bas » estime Jean-Noël Jeanneney
Ce qui est en jeu si l’on supprime la redevance, ce n’est pas seulement le niveau culturel de la nation dans ses diverses générations, c’est aussi la qualité du débat civique, souligne, dans une tribune au « Monde », l’historien et ancien secrétaire d’Etat à la communication, qui appelle les députés à un refus « de salubrité civique ».
C’ette prise de position appelle des remarques. La première, c’est que l’audiovisuel public ne joue désormais un rôle assez marginal face à l’explosion des modes d’expression : radio, télé, Internet. Pourquoi imposer une fiscalité à ceux qui ignorent l’audiovisuel publique? La seconde observation est liée à l’objectivité supposée des institutions publiques d’information. Sauf exception rare , l’audiovisuel public se caractérise souvent par une complaisance vis-à-vis du pouvoir en place et par une posture d’évitement des sujets trop brûlants. En outre, l’audiovisuel public est aussi concernée par la publicité et donc aussi influencée par ses donneurs d’ordre NDLR
Il en est temps encore. Donc il faut le crier très fort. Supprimer la redevance audiovisuelle serait une mauvaise action.
Le principe en remonte au mitan des années 1930. Georges Mandel, ministre responsable dans le domaine de la radio, le théorisa. Sa justification demeure inchangée. Il s’agit, aujourd’hui comme autrefois, d’assurer la pérennité, à côté d’organismes mus par la quête du profit et dont le dynamisme est d’abord commercial, d’un service public qui soit mû par d’autres ressorts. En l’absence de la redevance, tout risque, à coup sûr, d’être tiré vers le bas. Achetant la première chaîne, en 1987, un entrepreneur de travaux publics avait promis de servir « un mieux-disant culturel ». On sait ce qu’il en a été.
L’idée démagogique d’une satisfaction des contribuables est évidemment illusoire. Elle sera fugace, à coup sûr. Démagogie ! J’étais chargé des questions audiovisuelles au gouvernement lorsque j’appris, à l’automne de 1992, qu’un jeune inspecteur des finances avait mis dans l’esprit du premier ministre, Pierre Bérégovoy, une singulière conviction : supprimer la redevance, supposée impopulaire (malgré diverses exonérations) aurait un effet décisif pour rallier l’opinion au pouvoir en place, dans la perspective des prochaines élections législatives. C’était une calembredaine. Mais il fallut que je menace de démissionner pour que le projet fût retiré. On est en droit d’affirmer, sans risquer d’être démenti, que ce n’est pas pour cette raison que la gauche fut battue lors des élections législatives qui suivirent.
Inciter à développer la publicité
Le gouvernement nous promet une garantie pluriannuelle du financement du secteur public. Pure illusion, puisqu’elle peut être contredite chaque année par des décisions nouvelles. En l’absence d’une redevance, le budget de l’audiovisuel public est voué à devenir une variable d’ajustement pour n’importe quel ministère.