La politique de Macron favorable aux secteurs banquiers et financiers.
Pourquoi la présidence d’Emmanuel Macron a été plutôt favorable pour les secteurs banquier et financier ( papier du Monde)
Taxe sur les échanges en Bourse allégée, fiscalité douce pour les gros salaires de la finance… les grandes réformes et mesures mises en œuvre entre 2017 et 2022 sont largement à l’avantage des deux secteurs.A contexte exceptionnel, mesures exceptionnelles ? Avec le Brexit, la France a ouvert les bras aux banques et entreprises du secteur financier qui n’avaient plus intérêt à garder leur siège européen à Londres. …
Face à sa rivale allemande, Francfort, Paris s’est positionnée : « La finance n’est pas un ennemi », assurait en juin le ministre de l’économie, des finances et de la relance, Bruno Le Maire, lors du forum de Paris Europlace, qui fait la promotion de la capitale comme place financière, tandis qu’Emmanuel Macron inaugurait le nouveau siège européen du géant bancaire américain JPMorgan, près du musée du Louvre, au cœur de la capitale.
Le passage du chef de l’Etat par la banque Rothschild lui avait été reproché par ses opposants, qui craignaient une attitude trop conciliante envers les secteurs banquier et financier. Cinq ans après son élection, qu’en est-il ? Nous avons recensé les réformes et mesures les plus importantes initiées ou soutenues par l’exécutif.
2017, une taxe sur les échanges en Bourse allégée
C’est l’une des premières mesures prises par Emmanuel Macron : alléger la taxe sur les transactions réalisées en Bourse en exonérant toute la partie « intraday », c’est-à-dire les ventes et les achats engagés et dénoués au cours d’une seule et même journée.
Instaurée lors du mandat de François Hollande, la taxe française sur les transactions financières (TTF) consiste en un prélèvement de 0,3 % sur les ventes d’actions par des entreprises ayant une capitalisation boursière supérieure à 1 milliard d’euros et dont le siège social se situe en France ; elle comprenait, depuis 2016, l’intraday.
« Si la TTF fonctionne bien (…), la taxe intraday ne fonctionnera pas car il y a des difficultés techniques et nous serions le seul pays européen à l’appliquer au moment où nous sommes en train de faire revenir des emplois [de la finance] à Paris », a justifié M. Le Maire, lors du débat sur le projet de budget 2018.
Cette TTF rapporte aujourd’hui près de 1,7 milliard d’euros par an. Il n’existe pas de mesure exacte de ce que représente l’intraday dans les échanges, mais elle est estimée à 40 % du volume total des transactions. Le manque à gagner lié à l’abandon de cette taxation peut donc être estimé à plusieurs centaines de millions d’euros par an.
2018, une fiscalité douce pour les gros salaires de la finance
Plusieurs mesures d’allègement, fiscal et social, prises par l’exécutif ont eu un effet attractif sur les entreprises du secteur financier et bancaire.
Depuis 2018, les métiers très bien rémunérés, au premier rang desquels figurent ceux de la finance, bénéficient d’un allègement de la taxe sur les salaires : la quatrième tranche (20 %) a été supprimée pour les rémunérations annuelles supérieures à 150 000 euros, qui sont désormais taxées à 13 %. « Cette mesure peut s’interpréter comme un renforcement de l’attractivité de la place financière de Paris dans le contexte post-Brexit », soulignait le rapport d’information sur le budget de l’Assemblée nationale, présenté par le député du Parti radical de gauche (PRG) Joël Giraud. Le coût de sa suppression était estimé à 137 millions d’euros, selon un rapport sénatorial.
Autre avantage pour les banques : non seulement la rémunération variable d’un trader peut désormais être baissée sans crainte de se retrouver devant les prud’hommes, mais il devient également possible de l’exclure du calcul de l’indemnité de licenciement grâce à la loi Pacte. Se séparer d’un banquier expérimenté et bien payé ne coûtera plus si cher à son employeur.
Troisième mesure, séduisante tant pour l’employeur que pour l’employé, l’avantageuse dispense d’affiliation au régime de retraite. Cette autre disposition de la loi Pacte, entrée en vigueur en 2019, est accordée pour trois ans, renouvelable une fois. Elle concerne les impatriés – c’est-à-dire les salariés expatriés dans le cadre de leur parcours professionnel et rentrés dans leur pays d’origine –, comme l’extension des conditions de l’exonération de la rémunération liée à cette impatriation (les indemnités ou compléments de salaire liés au fait de venir travailler en France).
Les employés de la finance ne sont pas les seuls concernés par ces mesures, mais elles leur profitent tout particulièrement : la plupart des emplois délocalisés hors de Londres sont liés à ce secteur, où se concentrent de très hauts salaires pour lesquels la France souhaite redevenir compétitive, assume Bercy.
2020, la bataille pour protéger les banques européennes
En renforçant le poids de la finance dans l’économie pour faire de Paris une nouvelle City, l’exécutif prend toutefois le risque de s’exposer à une crise financière en raison du poids des mastodontes bancaires. En effet, la France a l’un des secteurs financiers les plus concentrés d’Europe : elle compte peu de banques mais celles-ci sont « systémiques », susceptibles de faire chavirer le système financier, entraînant de larges pans de l’économie « réelle » (services publics, entreprises, épargne des particuliers, etc.). C’est l’une des raisons pour laquelle M. Macron a pesé de tout son poids dans la négociation avec les autres chefs d’Etats européens pour qu’un filet de sécurité public soit offert aux banques.
« Notre volonté [est] de finaliser l’union bancaire, de mettre en place ce mécanisme commun de solidarité et de protection », déclarait déjà en 2018 le président de la République. De fait, la centaine de banques européennes jugées « systémiques » n’ont pas la garantie d’être sauvées par leur propre fonds commun. Ce dernier, imposé suite à la crise de 2009, n’a que des réserves limitées.
Résultat, les 27 ministres des finances de la zone euro ont décidé, fin 2020, que si le fonds des banques s’avérait insuffisant, le mécanisme européen de stabilité (MES) prendrait le relais en endossant le rôle de « prêteur en dernier recours » pour les établissements européens en détresse. Ce pompier du secteur bancaire, auparavant mobilisé pour aider des Etats (il détient la moitié de la dette grecque), pourra dès 2022, soit deux ans plus tôt que prévu initialement, lever des centaines de milliards d’euros en cas de besoin.
« Veut-on avoir un soutien public au secteur bancaire privé ? C’est à nouveau la question de la privation des profits et de la socialisation des pertes qui se pose, déplore Thierry Philipponnat, le directeur de la recherche et du plaidoyer de l’ONG Finance Watch. Un cercle vicieux existe entre les banques et les Etats, par lequel les banques financent les Etats [via la dette levée par les pays] et seront potentiellement sauvées par les Etats. »
2021, le détricotage souhaité des « ratios prudentiels » et des règles internationales
Depuis la crise financière de 2008, la réglementation bancaire s’est considérablement renforcée et oblige les banques à avoir davantage de capital dans leurs caisses par rapport à ce qu’elles risquent. Elles doivent mettre de côté une partie de l’argent apporté par les actionnaires ou les sociétaires des banques, ainsi que leurs profits pour consolider leur assise financière en cas de difficulté. C’est ce que l’on appelle les « ratios prudentiels » : le niveau de capital réellement détenu par la banque par rapport à ses engagements, prêts, etc. Contrariées de laisser « dormir » ce « coussin de sécurité », les banques reviennent régulièrement à la charge pour l’alléger, souvent avec succès.
En janvier 2020, des députés, notamment Les Républicains (LR) et La République en marche (LRM), soutenus par le gouvernement, ont présenté une résolution destinée à assouplir les contraintes pourtant décidées dans le cadre de l’accord international de Bâle III entre les superviseurs bancaires du monde entier.
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Ces engagements internationaux devant être transposés au niveau européen, la bataille se joue désormais à Bruxelles et à Strasbourg. La Commission européenne a proposé, en octobre 2021, que le durcissement des règles soit bien mis œuvre. Mais il n’est pas certain que cette option l’emporte. La position du Parlement et des Etats membres est désormais attendue, en premier lieu de la France, qui a pris la présidence du Conseil de l’Union européenne (UE) le 1er janvier. « C’est une grosse bataille. La France est contre un encadrement exigeant : elle fait tout ce qu’elle peut pour donner la parole au lobby bancaire », rapporte Thierry Philipponnat, qui suit de près ces négociations.
Emmanuel Macron est aussi favorable à un autre détricotage de ces règles internationales : il a proposé, à plusieurs reprises, que le contrôle des ratios prudentiels se fasse par la voie politique, >en l’occurrence les ministres des finances des Vingt-Sept, plutôt que par des régulateurs indépendants. « Cette proposition créerait de nouveaux risques de capture des instances décisionnaires par les banques », alerte la plate-forme française d’experts Changer la finance. Pointant le risque de conflits d’intérêts, ils rappellent la grande porosité entre la haute fonction publique et les instances dirigeantes des banques. Deux exemples récents l’illustrent pour ce quinquennat : Marie-Anne Barbat-Layani, passée en 2019 de la Fédération bancaire française (FBF) au secrétariat général de Bercy, alors qu’un an plus tard, Maya Atig faisait le chemin inverse, de la direction du Trésor à la tête de la FBF.