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Pauvreté: Un plan d’urgence pour les banlieues

Pauvreté: Un plan d’urgence pour les banlieues

Une trentaine d’élus locaux de différents horizons politiques réclament, dans une tribune au « Monde », un « plan d’urgence pour les banlieues » afin de lutter contre la précarité alimentaire, de geler les prix de l’énergie et de financer la rénovation urbaine ( Le Monde)

Nous, élus locaux, porte-voix des habitantes et habitants et des associations des quartiers populaires, lançons un cri d’alerte au président de la République, Emmanuel Macron, dans l’attente de son discours sur les « Engagements quartiers 2030 ».

Les banlieues sont au bord de l’asphyxie et leurs habitants font face à de nombreuses crises. Une situation de détresse alimentaire frappe les habitants. En France, sur l’année 2022, la forte inflation s’est traduite par une baisse de la consommation qui a atteint le chiffre de 4,6 % et par une augmentation des prix des produits alimentaires de 13,2 % (avec une hausse plus importante concernant les marques distributeurs), selon l’Insee. Un triste record depuis l’année 1960. Cela se traduit par des situations dramatiques. Des habitants sont contraints de ne pas manger à tous les repas, et le nombre de personnes qui font appel aux distributions d’urgence alimentaire ne fait qu’augmenter. Les retours des associations de solidarité sont préoccupants.

En second lieu, les difficultés de paiement des loyers et des charges doivent nous alerter. En 2022, la moitié des organismes HLM a enregistré une augmentation de plus de 10 % du nombre de loyers en retard de paiement de plus de trois mois. Cette situation va indéniablement s’aggraver en 2023.

Aussi, le taux de chômage reste important dans les territoires, notamment dans les quartiers populaires, où il est 2,7 fois supérieur à celui des autres quartiers des unités urbaines.

La crise écologique et ses conséquences s’ajoutent également aux difficultés que rencontrent nos habitants. L’été 2022 a comptabilisé trente-trois jours de vague de chaleur, situation éprouvante pour les personnes vivant dans des zones urbaines et qui va perdurer ces prochaines années.

Le nombre de personnes qui ne recourent plus à leurs droits est à un niveau préoccupant accentué par l’affaiblissement des services publics, qui amplifie la fracture numérique que subissent de nombreux citoyens.

Par ailleurs, il faut noter que les associations, qui ont effectué un travail remarquable durant la pandémie de Covid, sont aujourd’hui à bout de souffle.

Société- Des ballons de foot pour pacifier les banlieues ?

 

Société- Des ballons de foot pour pacifier les banlieues ?

Par , Professeur, sociologie du sport, Université de Strasbourg

Le sport et la politique entretiennent des liens ambigus. La pratique sportive et les compétitions peuvent être des lieux de lutte et d’émancipation mais aussi de contrôle social. Notre série d’été « Sport et politique : liaisons dangereuses ? » explore et décrypte la place qu’occupe aujourd’hui le sport dans nos sociétés.

 

Un article qui évoque le retour du sport comme élément intégrateur dans les banlieues. Pas vraiment une proposition nouvelle puisque par exemple Tapie  proposait de « révolutionner » les quartiers sensibles avec le foot. Le sport peut sans doute jouer un rôle mais très marginal car aujourd’hui la régulation des quartiers est assurée par le commerce de drogue et le radicalisme Les violences et les incivilités sont devenues incontrôlables.   Éducation, développement économique et rétablissement de l’ordre républicain sont sans doute aujourd’hui davantage prioritaires que le ballon de foot ( ou autres sports) NDLR

 

 

En janvier 2021, les maires membres du Comité interministériel des villes proposaient de consacrer une enveloppe de 1 % du budget global des Jeux olympiques et paralympiques au financement de projets dédiés aux quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV).

Grande manifestation de l’élite sportive mondiale, les JO de Paris 2024 doivent-ils également apporter une réponse aux problématiques sociales qu’affrontent les quartiers populaires défavorisés ? C’est le vœu de nombreux acteurs tant du sport français que des collectivités territoriales.

Considéré comme un lieu de brassage et un vecteur d’égalité républicaine, le sport amateur serait-il délaissé dans les banlieues ? Cette question avait déjà été identifié dans le rapport Borloo sur les banlieues françaises (2018) mais également par les précédents gouvernements. Parmi les 19 recommandations de Jean-Louis Borloo, le sport arrivait en sixième position avec des propositions dans la formation et le recrutement de coachs d’insertion par le sport.

Le Premier ministre Édouard Philippe déclarait par ailleurs en avril 2018 :

« Il y a 500 000 jeunes au chômage dans les quartiers et on n’a pas le droit de les laisser à l’écart. Le sport est l’une des clés du vivre-ensemble ».

La circulaire interministérielle « Sports-Villes-Inclusion » de 2019 précise d’ailleurs que chaque contrat de ville doit comprendre un volet intitulé « Action sportive à vocation d’inclusion sociale et territoriale ». L’activité sportive y est présentée comme « révélatrice de talents » mobilisables pour l’accès à la formation et à l’emploi mais également comme « porteuse de valeurs citoyennes ». Plus que toute autre activité, le sport serait ainsi susceptible de mobiliser les jeunes publics dans une dynamique d’insertion et/ou de citoyenneté.

Qu’est-ce qui explique le recours récurrent au sport dans les banlieues ? Quel modèle sportif y est véhiculé ?

Reposant sur un mythe qui s’exprime à travers l’idéologie sportive promue par les pères fondateurs du sport moderne, le consensus autour des fonctions sociales d’un sport naturellement intégrateur et socialisant est aujourd’hui largement partagé.

En premier lieu, parce que le sport présente de nombreuses figures de la réussite sociale tant populaires qu’issues de l’immigration.

Ainsi, selon une conviction largement partagée dans nos sociétés démocratiques, la seule pratique sportive pourrait produire, au-delà des stades, un comportement citoyen et éthique. Le sport serait alors porteur de valeurs susceptibles de pacifier les quartiers, de créer du vivre-ensemble et de constituer un tremplin pour l’emploi. Cependant, le transfert de compétences sportives dans d’autres espaces sociaux (travail, école…) n’est en rien mécanique.

Le respect de la règle sportive ou des consignes de match n’entraîne pas forcément le respect de règles sociales comme en témoignent les multiples affaires auxquelles sont mêlés des acteurs du monde sportif : pensons ainsi à la condamnation de Karim Benzema dans l’affaire dite de la sextape ou encore les abus sexuels dans le patinage de haut niveau.

Née avec le sport moderne, cette conviction est aujourd’hui relayée par un cercle de croyants bien plus large que les seuls sportifs : élus politiques, dirigeants d’entreprise, recruteurs, consultants, éducateurs accréditent l’idée que le sport est un tremplin pour l’insertion professionnelle.

Pourtant, les usages, les valeurs et l’image du sport ont changé depuis la naissance du sport moderne. Dans les quartiers populaires, le sport est aujourd’hui davantage la vitrine d’une réussite sociale et économique (à travers le modèle du sport de compétition) que le vecteur d’une réelle citoyenneté.

Et l’individualisme et les revendications d’ordre identitaire qui minent le corps social n’épargnent pas le monde du sport. On pourra citer le refus de Djokovic de se plier à la règle de la vaccination contre le Covid-19 tout en revendiquant le droit de concourir à l’Open d’Australie. La revendication des hijabeuses de porter le voile islamique pour jouer sur un terrain de football, la demande de repas spécifiques aux fédérations sportives ou les demandes d’horaires de piscine réservés aux femmes illustrent l’incidence dans le sport de la montée récente de la communautarisation de nos sociétés.

L’histoire du sport en explique les transformations mais également l’évolution de son usage politique et social. Dès 1830, le pasteur anglais Thomas Arnold enseigne le sport au collège de Rugby car il est censé permettre l’expression de valeurs bourgeoises comme le fair-play (le respect de l’adversaire, des règles, des décisions de l’arbitre et de l’esprit du jeu) et le self government(la capacité de se contrôler dans le jeu, de ne pas « être pris par le jeu »).

Tout au long du XXe siècle, à mesure qu’il se démocratise, le sport de compétition désigne conjointement un idéal (l’éthique ou l’esprit sportif) et une pratique physique de compétition régie par des règles communes. Pour les institutions (sportives ou éducatives), « faire du sport » c’est non seulement se dépenser physiquement dans un cadre sportif mais surtout acquérir une morale et, plus récemment, accéder à une forme de citoyenneté.

Des éducateurs des public schools (destinées à l’élite sociale anglaise) du milieu du XIXe siècle aux dirigeants sportifs des années 1980, en passant par les ministres gaullistes de la Jeunesse et des Sports et les militants communistes de la Fédération Sportive et Gymnique du Travail dans les années 60, tous ont contribué à promouvoir et consolider la vision d’un sport de compétition intrinsèquement vertueux et éducatif. Pour le général De Gaulle aussi, « le sport est un moyen exceptionnel d’éducation » (De Gaulle, 1934, p. 150).

À partir des années 1980, le sport sort du cercle restreint de la stricte compétition et acquiert le statut d’outil d’intégration à destination des banlieues dans le contexte d’une montée en puissance du sport-spectacle lié à la privatisation des télévisions. Le football devient le sport le plus regardé par les jeunes hommes des quartiers populaires et leur offre un modèle d’excellence. En France, Bernard Tapie (président de l’Olympique de Marseille de 1986 à 1993) symbolisera l’avènement du sport-business et d’une nouvelle méritocratie par le sport.

Sous l’effet conjugué des transformations du monde des sports (démocratisation, professionnalisation, médiatisation, marchandisation) et de nouvelles dynamiques (libéralisation du marché, désengagement de l’État et décentralisation, montée des inégalités, crise économique, chômage, premières émeutes urbaines, changements politiques), le sport est de plus en plus convoqué pour lutter contre les nouvelles exclusions sociales à mesure qu’il offre une vitrine de la réussite dans les sports les plus populaires (football, basket, athlétisme, boxe).

Le sport devient alors « social » et les dispositifs mis en place à destination des jeunes des cités sont progressivement qualifiés de « socio-sportifs ». En arrivant au pouvoir, la gauche crée un ministère du Temps Libre intégrant la Jeunesse et les Sports alors que les premières émeutes urbaines éclatent à l’été 1981 dans le quartier des Minguettes à Lyon et où l’on enregistre les premiers effets du regroupement familial lié à l’immigration sur fond de hausse du chômage et d’émergence du Front national.

A partir de 1990 (date de création d’un ministère d’État chargé de la politique de la ville), les ministères de la Ville et des Sports travaillent ainsi de concert pour redynamiser et « pacifier » les banlieues. Sous les ministres de la Ville Michel Delebarre puis Bernard Tapie, des équipements sportifs de proximité et des animations sportives de quartiers, animés par des policiers et des éducateurs, voient progressivement le jour.

La volonté de faire du sport un outil de développement social est ensuite largement partagée par les gouvernements qui se sont succédés depuis 1991. Profitant de la dynamique créée par la victoire de l’équipe de France « Black Blanc Beur » en 1998, de nombreux dispositifs ont ainsi été mis en place par les pouvoirs publics (État et collectivités territoriales) et les fédérations sportives selon cette logique qui traverse les frontières des appartenances politiques sans qu’une évaluation objective et longitudinale des effets de ces politiques sur l’insertion sociale et/ou professionnelle des publics cibles ait été diligentée.

Par ailleurs, ces dispositifs encadrés par les « grands-frères », ont longtemps ciblé prioritairement les garçons et jeunes adultes. Ce faisant, la volonté politique d’intégrer prioritairement des jeunes adolescents par le sport afin d’éviter la rébellion la plus visible a paradoxalement entraîné une exclusion des filles et des jeunes femmes et une masculinisation de l’espace public à travers les sports urbains, libres ou encadrés. Et force est de constater qu’après la fin de la scolarité obligatoire, beaucoup de jeunes filles des classes populaires cessent toute activité physique.

Ce n’est qu’à partir des années 2000, dans le contexte de politiques plus affirmées en faveur de la parité que l’action sportive publique dans les banlieues se féminise. Mais si l’égalité hommes femmes est proclamée, les terrains de sports publics et les dispositifs d’insertion professionnelle via le sport dans les QPV restent encore majoritairement conçus pour les garçons et les jeunes hommes. Il faut, au contraire, que les élus locaux et l’État s’engagent pour que le sport devienne, avec l’école, l’un des lieux privilégiés de la mixité et de la lutte contre les stéréotypes sexistes cantonnant les filles à des pratiques et des tenues « adaptées » à leur genre.

Société- Des ballons pour pacifier les banlieues ?

Société- Des ballons pour pacifier les banlieues ?

Par , Professeur, sociologie du sport, Université de Strasbourg

Le sport et la politique entretiennent des liens ambigus. La pratique sportive et les compétitions peuvent être des lieux de lutte et d’émancipation mais aussi de contrôle social. Notre série d’été « Sport et politique : liaisons dangereuses ? » explore et décrypte la place qu’occupe aujourd’hui le sport dans nos sociétés.

 

Un article qui évoque le retour du sport comme élément intégrateur dans les banlieues. Pas vraiment une proposition nouvelle puisque par exemple Tapie  proposait de révolutionner les quartiers sensibles avec le foot. Le sport peut sans doute jouer un rôle mais très marginal car aujourd’hui la régulation des quartiers est assurée par le commerce de drogue et le radicalisme. Éducation, développement économique et rétablissement de l’ordre républicain sont sans doute aujourd’hui davantage prioritaires que le ballon de foot NDLR

 

 


En janvier 2021, les maires membres du Comité interministériel des villes proposaient de consacrer une enveloppe de 1 % du budget global des Jeux olympiques et paralympiques au financement de projets dédiés aux quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV).

Grande manifestation de l’élite sportive mondiale, les JO de Paris 2024 doivent-ils également apporter une réponse aux problématiques sociales qu’affrontent les quartiers populaires défavorisés ? C’est le vœu de nombreux acteurs tant du sport français que des collectivités territoriales.

Considéré comme un lieu de brassage et un vecteur d’égalité républicaine, le sport amateur serait-il délaissé dans les banlieues ? Cette question avait déjà été identifié dans le rapport Borloo sur les banlieues françaises (2018) mais également par les précédents gouvernements. Parmi les 19 recommandations de Jean-Louis Borloo, le sport arrivait en sixième position avec des propositions dans la formation et le recrutement de coachs d’insertion par le sport.

Le Premier ministre Édouard Philippe déclarait par ailleurs en avril 2018 :

« Il y a 500 000 jeunes au chômage dans les quartiers et on n’a pas le droit de les laisser à l’écart. Le sport est l’une des clés du vivre-ensemble ».

La circulaire interministérielle « Sports-Villes-Inclusion » de 2019 précise d’ailleurs que chaque contrat de ville doit comprendre un volet intitulé « Action sportive à vocation d’inclusion sociale et territoriale ». L’activité sportive y est présentée comme « révélatrice de talents » mobilisables pour l’accès à la formation et à l’emploi mais également comme « porteuse de valeurs citoyennes ». Plus que toute autre activité, le sport serait ainsi susceptible de mobiliser les jeunes publics dans une dynamique d’insertion et/ou de citoyenneté.

Qu’est-ce qui explique le recours récurrent au sport dans les banlieues ? Quel modèle sportif y est véhiculé ?

Reposant sur un mythe qui s’exprime à travers l’idéologie sportive promue par les pères fondateurs du sport moderne, le consensus autour des fonctions sociales d’un sport naturellement intégrateur et socialisant est aujourd’hui largement partagé.

En premier lieu, parce que le sport présente de nombreuses figures de la réussite sociale tant populaires qu’issues de l’immigration.

Ainsi, selon une conviction largement partagée dans nos sociétés démocratiques, la seule pratique sportive pourrait produire, au-delà des stades, un comportement citoyen et éthique. Le sport serait alors porteur de valeurs susceptibles de pacifier les quartiers, de créer du vivre-ensemble et de constituer un tremplin pour l’emploi. Cependant, le transfert de compétences sportives dans d’autres espaces sociaux (travail, école…) n’est en rien mécanique.

Le respect de la règle sportive ou des consignes de match n’entraîne pas forcément le respect de règles sociales comme en témoignent les multiples affaires auxquelles sont mêlés des acteurs du monde sportif : pensons ainsi à la condamnation de Karim Benzema dans l’affaire dite de la sextape ou encore les abus sexuels dans le patinage de haut niveau.

Née avec le sport moderne, cette conviction est aujourd’hui relayée par un cercle de croyants bien plus large que les seuls sportifs : élus politiques, dirigeants d’entreprise, recruteurs, consultants, éducateurs accréditent l’idée que le sport est un tremplin pour l’insertion professionnelle.

Pourtant, les usages, les valeurs et l’image du sport ont changé depuis la naissance du sport moderne. Dans les quartiers populaires, le sport est aujourd’hui davantage la vitrine d’une réussite sociale et économique (à travers le modèle du sport de compétition) que le vecteur d’une réelle citoyenneté.

Et l’individualisme et les revendications d’ordre identitaire qui minent le corps social n’épargnent pas le monde du sport. On pourra citer le refus de Djokovic de se plier à la règle de la vaccination contre le Covid-19 tout en revendiquant le droit de concourir à l’Open d’Australie. La revendication des hijabeuses de porter le voile islamique pour jouer sur un terrain de football, la demande de repas spécifiques aux fédérations sportives ou les demandes d’horaires de piscine réservés aux femmes illustrent l’incidence dans le sport de la montée récente de la communautarisation de nos sociétés.

L’histoire du sport en explique les transformations mais également l’évolution de son usage politique et social. Dès 1830, le pasteur anglais Thomas Arnold enseigne le sport au collège de Rugby car il est censé permettre l’expression de valeurs bourgeoises comme le fair-play (le respect de l’adversaire, des règles, des décisions de l’arbitre et de l’esprit du jeu) et le self government(la capacité de se contrôler dans le jeu, de ne pas « être pris par le jeu »).

Tout au long du XXe siècle, à mesure qu’il se démocratise, le sport de compétition désigne conjointement un idéal (l’éthique ou l’esprit sportif) et une pratique physique de compétition régie par des règles communes. Pour les institutions (sportives ou éducatives), « faire du sport » c’est non seulement se dépenser physiquement dans un cadre sportif mais surtout acquérir une morale et, plus récemment, accéder à une forme de citoyenneté.

Des éducateurs des public schools (destinées à l’élite sociale anglaise) du milieu du XIXe siècle aux dirigeants sportifs des années 1980, en passant par les ministres gaullistes de la Jeunesse et des Sports et les militants communistes de la Fédération Sportive et Gymnique du Travail dans les années 60, tous ont contribué à promouvoir et consolider la vision d’un sport de compétition intrinsèquement vertueux et éducatif. Pour le général De Gaulle aussi, « le sport est un moyen exceptionnel d’éducation » (De Gaulle, 1934, p. 150).

À partir des années 1980, le sport sort du cercle restreint de la stricte compétition et acquiert le statut d’outil d’intégration à destination des banlieues dans le contexte d’une montée en puissance du sport-spectacle lié à la privatisation des télévisions. Le football devient le sport le plus regardé par les jeunes hommes des quartiers populaires et leur offre un modèle d’excellence. En France, Bernard Tapie (président de l’Olympique de Marseille de 1986 à 1993) symbolisera l’avènement du sport-business et d’une nouvelle méritocratie par le sport.

Sous l’effet conjugué des transformations du monde des sports (démocratisation, professionnalisation, médiatisation, marchandisation) et de nouvelles dynamiques (libéralisation du marché, désengagement de l’État et décentralisation, montée des inégalités, crise économique, chômage, premières émeutes urbaines, changements politiques), le sport est de plus en plus convoqué pour lutter contre les nouvelles exclusions sociales à mesure qu’il offre une vitrine de la réussite dans les sports les plus populaires (football, basket, athlétisme, boxe).

Le sport devient alors « social » et les dispositifs mis en place à destination des jeunes des cités sont progressivement qualifiés de « socio-sportifs ». En arrivant au pouvoir, la gauche crée un ministère du Temps Libre intégrant la Jeunesse et les Sports alors que les premières émeutes urbaines éclatent à l’été 1981 dans le quartier des Minguettes à Lyon et où l’on enregistre les premiers effets du regroupement familial lié à l’immigration sur fond de hausse du chômage et d’émergence du Front national.

A partir de 1990 (date de création d’un ministère d’État chargé de la politique de la ville), les ministères de la Ville et des Sports travaillent ainsi de concert pour redynamiser et « pacifier » les banlieues. Sous les ministres de la Ville Michel Delebarre puis Bernard Tapie, des équipements sportifs de proximité et des animations sportives de quartiers, animés par des policiers et des éducateurs, voient progressivement le jour.

La volonté de faire du sport un outil de développement social est ensuite largement partagée par les gouvernements qui se sont succédés depuis 1991. Profitant de la dynamique créée par la victoire de l’équipe de France « Black Blanc Beur » en 1998, de nombreux dispositifs ont ainsi été mis en place par les pouvoirs publics (État et collectivités territoriales) et les fédérations sportives selon cette logique qui traverse les frontières des appartenances politiques sans qu’une évaluation objective et longitudinale des effets de ces politiques sur l’insertion sociale et/ou professionnelle des publics cibles ait été diligentée.

Par ailleurs, ces dispositifs encadrés par les « grands-frères », ont longtemps ciblé prioritairement les garçons et jeunes adultes. Ce faisant, la volonté politique d’intégrer prioritairement des jeunes adolescents par le sport afin d’éviter la rébellion la plus visible a paradoxalement entraîné une exclusion des filles et des jeunes femmes et une masculinisation de l’espace public à travers les sports urbains, libres ou encadrés. Et force est de constater qu’après la fin de la scolarité obligatoire, beaucoup de jeunes filles des classes populaires cessent toute activité physique.

Ce n’est qu’à partir des années 2000, dans le contexte de politiques plus affirmées en faveur de la parité que l’action sportive publique dans les banlieues se féminise. Mais si l’égalité hommes femmes est proclamée, les terrains de sports publics et les dispositifs d’insertion professionnelle via le sport dans les QPV restent encore majoritairement conçus pour les garçons et les jeunes hommes. Il faut, au contraire, que les élus locaux et l’État s’engagent pour que le sport devienne, avec l’école, l’un des lieux privilégiés de la mixité et de la lutte contre les stéréotypes sexistes cantonnant les filles à des pratiques et des tenues « adaptées » à leur genre.

Des ballons pour pacifier les banlieues ?

Des ballons pour pacifier les banlieues ?

Par , Professeur, sociologie du sport, Université de Strasbourg

Le sport et la politique entretiennent des liens ambigus. La pratique sportive et les compétitions peuvent être des lieux de lutte et d’émancipation mais aussi de contrôle social. Notre série d’été « Sport et politique : liaisons dangereuses ? » explore et décrypte la place qu’occupe aujourd’hui le sport dans nos sociétés.

 

Un article qui évoque le retour du sport comme élément intégrateur dans les banlieues. Pas vraiment une proposition nouvelle puisque par exemple Tapie  proposait de révolutionner les quartiers sensibles avec le foot. Le sport peut sans doute jouer un rôle mais très marginal car aujourd’hui la régulation des quartiers est assurée par le commerce de drogue et le radicalisme. Éducation, développement économique et rétablissement de l’ordre républicain sont sans doute aujourd’hui davantage prioritaire que le ballon de foot NDLR

 

 


En janvier 2021, les maires membres du Comité interministériel des villes proposaient de consacrer une enveloppe de 1 % du budget global des Jeux olympiques et paralympiques au financement de projets dédiés aux quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV).

Grande manifestation de l’élite sportive mondiale, les JO de Paris 2024 doivent-ils également apporter une réponse aux problématiques sociales qu’affrontent les quartiers populaires défavorisés ? C’est le vœu de nombreux acteurs tant du sport français que des collectivités territoriales.

Considéré comme un lieu de brassage et un vecteur d’égalité républicaine, le sport amateur serait-il délaissé dans les banlieues ? Cette question avait déjà été identifié dans le rapport Borloo sur les banlieues françaises (2018) mais également par les précédents gouvernements. Parmi les 19 recommandations de Jean-Louis Borloo, le sport arrivait en sixième position avec des propositions dans la formation et le recrutement de coachs d’insertion par le sport.

Le Premier ministre Édouard Philippe déclarait par ailleurs en avril 2018 :

« Il y a 500 000 jeunes au chômage dans les quartiers et on n’a pas le droit de les laisser à l’écart. Le sport est l’une des clés du vivre-ensemble ».

La circulaire interministérielle « Sports-Villes-Inclusion » de 2019 précise d’ailleurs que chaque contrat de ville doit comprendre un volet intitulé « Action sportive à vocation d’inclusion sociale et territoriale ». L’activité sportive y est présentée comme « révélatrice de talents » mobilisables pour l’accès à la formation et à l’emploi mais également comme « porteuse de valeurs citoyennes ». Plus que toute autre activité, le sport serait ainsi susceptible de mobiliser les jeunes publics dans une dynamique d’insertion et/ou de citoyenneté.

Qu’est-ce qui explique le recours récurrent au sport dans les banlieues ? Quel modèle sportif y est véhiculé ?

Reposant sur un mythe qui s’exprime à travers l’idéologie sportive promue par les pères fondateurs du sport moderne, le consensus autour des fonctions sociales d’un sport naturellement intégrateur et socialisant est aujourd’hui largement partagé.

En premier lieu, parce que le sport présente de nombreuses figures de la réussite sociale tant populaires qu’issues de l’immigration.

Ainsi, selon une conviction largement partagée dans nos sociétés démocratiques, la seule pratique sportive pourrait produire, au-delà des stades, un comportement citoyen et éthique. Le sport serait alors porteur de valeurs susceptibles de pacifier les quartiers, de créer du vivre-ensemble et de constituer un tremplin pour l’emploi. Cependant, le transfert de compétences sportives dans d’autres espaces sociaux (travail, école…) n’est en rien mécanique.

Le respect de la règle sportive ou des consignes de match n’entraîne pas forcément le respect de règles sociales comme en témoignent les multiples affaires auxquelles sont mêlés des acteurs du monde sportif : pensons ainsi à la condamnation de Karim Benzema dans l’affaire dite de la sextape ou encore les abus sexuels dans le patinage de haut niveau.

Née avec le sport moderne, cette conviction est aujourd’hui relayée par un cercle de croyants bien plus large que les seuls sportifs : élus politiques, dirigeants d’entreprise, recruteurs, consultants, éducateurs accréditent l’idée que le sport est un tremplin pour l’insertion professionnelle.

Pourtant, les usages, les valeurs et l’image du sport ont changé depuis la naissance du sport moderne. Dans les quartiers populaires, le sport est aujourd’hui davantage la vitrine d’une réussite sociale et économique (à travers le modèle du sport de compétition) que le vecteur d’une réelle citoyenneté.

Et l’individualisme et les revendications d’ordre identitaire qui minent le corps social n’épargnent pas le monde du sport. On pourra citer le refus de Djokovic de se plier à la règle de la vaccination contre le Covid-19 tout en revendiquant le droit de concourir à l’Open d’Australie. La revendication des hijabeuses de porter le voile islamique pour jouer sur un terrain de football, la demande de repas spécifiques aux fédérations sportives ou les demandes d’horaires de piscine réservés aux femmes illustrent l’incidence dans le sport de la montée récente de la communautarisation de nos sociétés.

L’histoire du sport en explique les transformations mais également l’évolution de son usage politique et social. Dès 1830, le pasteur anglais Thomas Arnold enseigne le sport au collège de Rugby car il est censé permettre l’expression de valeurs bourgeoises comme le fair-play (le respect de l’adversaire, des règles, des décisions de l’arbitre et de l’esprit du jeu) et le self government(la capacité de se contrôler dans le jeu, de ne pas « être pris par le jeu »).

Tout au long du XXe siècle, à mesure qu’il se démocratise, le sport de compétition désigne conjointement un idéal (l’éthique ou l’esprit sportif) et une pratique physique de compétition régie par des règles communes. Pour les institutions (sportives ou éducatives), « faire du sport » c’est non seulement se dépenser physiquement dans un cadre sportif mais surtout acquérir une morale et, plus récemment, accéder à une forme de citoyenneté.

Des éducateurs des public schools (destinées à l’élite sociale anglaise) du milieu du XIXe siècle aux dirigeants sportifs des années 1980, en passant par les ministres gaullistes de la Jeunesse et des Sports et les militants communistes de la Fédération Sportive et Gymnique du Travail dans les années 60, tous ont contribué à promouvoir et consolider la vision d’un sport de compétition intrinsèquement vertueux et éducatif. Pour le général De Gaulle aussi, « le sport est un moyen exceptionnel d’éducation » (De Gaulle, 1934, p. 150).

À partir des années 1980, le sport sort du cercle restreint de la stricte compétition et acquiert le statut d’outil d’intégration à destination des banlieues dans le contexte d’une montée en puissance du sport-spectacle lié à la privatisation des télévisions. Le football devient le sport le plus regardé par les jeunes hommes des quartiers populaires et leur offre un modèle d’excellence. En France, Bernard Tapie (président de l’Olympique de Marseille de 1986 à 1993) symbolisera l’avènement du sport-business et d’une nouvelle méritocratie par le sport.

Sous l’effet conjugué des transformations du monde des sports (démocratisation, professionnalisation, médiatisation, marchandisation) et de nouvelles dynamiques (libéralisation du marché, désengagement de l’État et décentralisation, montée des inégalités, crise économique, chômage, premières émeutes urbaines, changements politiques), le sport est de plus en plus convoqué pour lutter contre les nouvelles exclusions sociales à mesure qu’il offre une vitrine de la réussite dans les sports les plus populaires (football, basket, athlétisme, boxe).

Le sport devient alors « social » et les dispositifs mis en place à destination des jeunes des cités sont progressivement qualifiés de « socio-sportifs ». En arrivant au pouvoir, la gauche crée un ministère du Temps Libre intégrant la Jeunesse et les Sports alors que les premières émeutes urbaines éclatent à l’été 1981 dans le quartier des Minguettes à Lyon et où l’on enregistre les premiers effets du regroupement familial lié à l’immigration sur fond de hausse du chômage et d’émergence du Front national.

A partir de 1990 (date de création d’un ministère d’État chargé de la politique de la ville), les ministères de la Ville et des Sports travaillent ainsi de concert pour redynamiser et « pacifier » les banlieues. Sous les ministres de la Ville Michel Delebarre puis Bernard Tapie, des équipements sportifs de proximité et des animations sportives de quartiers, animés par des policiers et des éducateurs, voient progressivement le jour.

La volonté de faire du sport un outil de développement social est ensuite largement partagée par les gouvernements qui se sont succédés depuis 1991. Profitant de la dynamique créée par la victoire de l’équipe de France « Black Blanc Beur » en 1998, de nombreux dispositifs ont ainsi été mis en place par les pouvoirs publics (État et collectivités territoriales) et les fédérations sportives selon cette logique qui traverse les frontières des appartenances politiques sans qu’une évaluation objective et longitudinale des effets de ces politiques sur l’insertion sociale et/ou professionnelle des publics cibles ait été diligentée.

Par ailleurs, ces dispositifs encadrés par les « grands-frères », ont longtemps ciblé prioritairement les garçons et jeunes adultes. Ce faisant, la volonté politique d’intégrer prioritairement des jeunes adolescents par le sport afin d’éviter la rébellion la plus visible a paradoxalement entraîné une exclusion des filles et des jeunes femmes et une masculinisation de l’espace public à travers les sports urbains, libres ou encadrés. Et force est de constater qu’après la fin de la scolarité obligatoire, beaucoup de jeunes filles des classes populaires cessent toute activité physique.

Ce n’est qu’à partir des années 2000, dans le contexte de politiques plus affirmées en faveur de la parité que l’action sportive publique dans les banlieues se féminise. Mais si l’égalité hommes femmes est proclamée, les terrains de sports publics et les dispositifs d’insertion professionnelle via le sport dans les QPV restent encore majoritairement conçus pour les garçons et les jeunes hommes. Il faut, au contraire, que les élus locaux et l’État s’engagent pour que le sport devienne, avec l’école, l’un des lieux privilégiés de la mixité et de la lutte contre les stéréotypes sexistes cantonnant les filles à des pratiques et des tenues « adaptées » à leur genre.

Nouvelle ENA : 74 classes préparatoires …. pour résoudre la crise des banlieues ?

Nouvelle ENA : 74 classes préparatoires …. pour résoudre la crise des banlieues ?

 

 

 

On peut sérieusement s’interroger sur le sérieux de la stratégie gouvernementale pour gérer la crise économique, sociale et culturelle des banlieues. En effet parmi les mesures envisagées figurent la réforme de l’ENA appelée institut du service public.

 

Grâce à 74 classes prépas qui permettront de faire entrer au maximum sept ou huit élèves à l’ENA par an, on escompte un changement de situation dans les quartiers difficiles.

Créée en 1945 par le général de Gaulle, l’ENA, qui sélectionne 80 élèves par an, était régulièrement critiquée pour sa formation d’élites «hors sol».

 

Début avril, Emmanuel Macron a annoncé sa suppression, pour la remplacer par un Institut du Service public (ISP). Ce qui évidemment ne changera strictement rien. L’ENA nouvelle appellation va donc demeurer et ce n’est pas l’entrée de quelques élèves de quartiers difficiles qui vont changer la donne sociale , économique et culturel des zones en crise.

Dérives ou opportunités des banlieues ?

Dérives ou opportunités des  banlieues ?

 

Erwan Ruty , entrepreneur social en banlieue, défend une autre idée et voit un autre avenir des banlieues dans une interview à l’Opinion. Il a publié «Macron et les banlieues» dans la revue Esprit (novembre 2017) et sort Une histoire des banlieues françaises (éditions François Bourin, février 2020).

Vous relevez que les banlieues sont la «somme de toutes les peurs». Pourquoi ?

Je dis surtout que la banlieue est le laboratoire de la France de demain, mais il est vrai qu’elle charrie toutes les représentations négatives. Son sens commun n’a plus rien à voir avec le sens étymologique, c’est-à-dire le territoire situé à une «lieue» des villes, qu’un homme peut rejoindre en une heure. C’est l’idée de coupure qui l’emporte : on voit la banlieue à travers la délinquance, la misère, les trafics, le salafisme, le terrorisme et, en miroir, à travers la panique morale des élites qui reflète l’impuissance de l’Etat. La France est hantée par ses banlieues, parce que celles-ci sont un concentré des crises de la société française. Il ne s’agit pas d’une indication géographique — on ne désigne pas Levallois ou Neuilly. On parle de relégation, de territoires constitués de grands ensembles, habités par une forte proportion de descendants de l’immigration africaine et des catégories populaires. La «banlieue» est un concept politique qui n’est pas devenu un outil de mobilisation, mais un repoussoir.

Emmanuel Macron parle de «sécession» et Marine Le Pen, de «zones de non France»…

La rupture entre les élites politiques et les classes populaires des banlieues semble consommée. Comme dans l’ensemble de la société qu’illustre l’«archipel français» de Jérôme Fourquet, chacun est dans sa bulle. Jusqu’aux années 1980, il y avait une capacité des politiques, notamment à gauche, d’être en lien avec ces quartiers et leurs habitants. En 1983, la Marche pour l’égalité et contre le racisme, dite «des Beurs», était accompagnée par les chrétiens de gauche, les communistes, les grandes associations… Les choses se sont délitées. La campagne présidentielle de 2002 a installé le concept d’insécurité ; le quinquennat de 2007 celui de l’«identité nationale». Avec les émeutes de 2005, la perception collective s’est cristallisée autour des violences urbaines. Depuis 2015, c’est le prisme du djihadisme qui prévaut. Sans surprise : le massacre de Charlie Hebdo a été un traumatisme national qui a refermé une page de l’histoire de France. Le slogan des terroristes du 7 janvier («Nous aimons la mort plus que vous n’aimez la vie») sonne comme l’antithèse absolue de Mai 68. Et la peur du terrorisme a fait des quartiers un épouvantail électoral. Personne ne niera que la situation se dégrade dans certaines zones, que ceux qui tiennent le haut du pavé, mafieux ou religieux, leur font du mal. Le problème, c’est qu’aucun leader ne tient de discours audible par la majorité silencieuse, qui fait profil bas, et par les enfants de l’immigration qui ne croient plus au discours intégrateur «à l’ancienne».

 

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Cet échec est-il celui de la gauche ?

Pour partie. Une occasion en or a été manquée en 2013. Mitterrand avait accueilli les acteurs de la Marche de 1983. Trente ans plus tard, personne n’a été invité à l’Elysée. François Hollande a ignoré les demandes de commémoration émanant d’une partie de la société. Nous avions fait la tournée des ministères. Le ministre de la Ville, François Lamy, jugeait que c’était aux quartiers de tisser leur récit de cette histoire. Mais c’est à l’Etat de dire à quoi doit ressembler la Nation, pas aux associations qui n’en ont plus les moyens ! C’est une démission politique et intellectuelle. Christiane Taubira a même reconnu une faute. Or, ce raté arrive dans un contexte où, depuis des années, l’ascenseur social est en panne, les voies traditionnelles de sortie du ghetto ne font plus rêver… Emmanuel Macron arrive après cet échec et ramasse la mise.

En 2014, la droite a conquis des mairies du 93. Les banlieues deviennent-elles de droite ?

Elles participent de la droitisation de la société, par deux dynamiques parallèles : le retour au religieux et aux valeurs conservatrices, et le libéralisme économique, le consumérisme, l’entrepreneuriat… «Chacun pour soi et Dieu pour tous» est un slogan qui a de l’écho dans les quartiers. Les banlieues sont entrées dans une autre ère : les jeunes veulent se débrouiller, réussir, créer. Saïd Hammouche a créé Mozaïk RH pour repérer les talents, avant de soutenir Emmanuel Macron à la présidentielle. Moussa Camara parlait avec les élus et faisait de l’éducation à la citoyenneté ; il développe à présent l’esprit d’initiative en banlieues avec Les Déterminés, emmenant régulièrement des cohortes de jeunes des quartiers au Medef, à Paris. On sait que le 93 est le département à plus forte création d’entreprises, même s’il a un fort taux d’échec à moins de trois ans. Emmanuel Macron a perçu cet air du temps en 2016, quand il encourageait les jeunes à «devenir millionnaire». Dynamique, hors des codes, il a suscité un espoir, un appel d’air… Deux ans après, le résultat est plus que mitigé.

Reconquête républicaine, dédoublement des classes… Comment jugez-vous la politique d’Emmanuel Macron à l’égard des quartiers ?

L’enterrement du rapport de Jean-Louis Borloo à l’Elysée était le symptôme d’une tabula rasa de la traditionnelle politique de la ville. Pourquoi pas ? L’urbain c’est bien, l’humain c’est mieux ! Mais cela a surtout créé un grand vide. Nos interlocuteurs auprès des décideurs ont disparu. La coupure s’est accentuée. Le Conseil présidentiel des villes s’est révélé une coquille vide. L’Elysée s’est fié à des conseillers comme Yassine Belattar, qui ont de l’intuition, mais ni ligne, ni solutions. Au final, Emmanuel Macron a perdu la main sur les quartiers.

Il a adressé un discret signe lors de la sortie des Misérables, film nominé aux Oscars, qui raconte une émeute à Montfermeil. Pourquoi cet engouement ?

Ladj Ly donne une vision effrayante, brutale de la banlieue, peuplée de personnages antipathiques. Cela colle sans doute à la vision, l’intuition commune. Le cinéma a toujours été un puissant vecteur dans la perception que le pays se fait de ses quartiers. Dans les années 1930, c’était les guinguettes des bords de la Marne ou de la Seine, rendues célèbres par La Belle Equipe de Julien Duvivier. En 1960, Marcel Carné montre avec Terrain vague des larcins sur fond de HLM en chantier. En 1988, De bruit et de fureur de Jean-Claude Brisseau, à Bagnolet, s’intéresse à l’apprentissage de la violence par des loubards. Il existe aujourd’hui une pluralité de visions. Avec Divines, récompensé par la Caméra d’Or, Houda Benyamina donne leur place aux femmes dans un tableau très dur et quasi-désespéré du ghetto. Swagger d’Olivier Babinet est plus poétique tout en étant criant de vérité.

Vous évoquez le «pessimisme maladif des élites». C’est-à-dire ?

Les élites intellectuelles ont peu de prise sur le réel des quartiers. Les grandes voix de la gauche, dont l’hégémonie idéologique est terminée, s’éteignent. Beaucoup se sont discréditées à force d’avoir cantonné les populations au statut de victimes. Le discours néoconservateur se développe. Mais Alain Finkielkraut et beaucoup d’autres n’ont qu’une connaissance livresque de ces réalités ; ils ne côtoient pas les gens dont ils parlent. Aucun n’évoque les phénomènes positifs à côté des phénomènes négatifs, qu’ils pointent à raison. Or, la face immergée de l’iceberg est numériquement plus importante. Et connaître le quotidien des quartiers permet de comprendre sur quels leviers jouer pour sortir de la crise. Les élites sont comme un lapin pris dans les phares d’une voiture : paralysées par la peur du délitement national.

Qu’est-ce que les élites ne voient pas ?

Les banlieues sont le terreau d’innovations sociales foisonnantes, d’une créativité culturelle prolifique. Les cultures urbaines sont au fondement de la culture populaire française : Médine, Youssoupha et Sofiane ont raison de dire «La banlieue influence Paname, Paname influence le monde». On assiste aussi à l’émergence d’élites nouvelles : Rachid Benzine, politologue et islamologue ; Marwan Mohammed, sociologue ; Mohamed Mechmache, fondateur du collectif «Pas Sans Nous»… D’autres, sans en être issues, y bâtissent leur engagement comme Nassira El Moaddem à Bondy, qui raconte dans Les Filles de Romorantin comment elle s’en est sortie quand son amie d’enfance est devenue Gilet jaune. Ce sont des influenceurs, qui s’imposent par eux-mêmes, leur parcours et leur message, et non plus dans le cadre de partis ou d’associations d’éducation populaire.

Est-il trop tard ?

L’enjeu est de prendre conscience qu’un fort potentiel d’avenir réside là, dans ces territoires. Les banlieues sont le back office des métropoles ; sans les infirmières, sans les conducteurs de bus et tous les autres, il n’y a pas de dynamisme métropolitain. Dans les années 1970, les cités étaient le cœur de la société industrielle et de la mixité sociale. Elles peuvent être le centre de l’économie circulaire de demain ; c’est là où il y a du foncier disponible et des compétences. Les élites politiques ont à saisir en quoi les banlieues sont conformes à l’humeur hexagonale, alors qu’elles sont rejetées comme étrangères. Il faut faire une histoire convergente, intégrée, sans quoi le pays se fracturera dans des conflits que la société française, depuis les Lumières et la République, avait réussi à dépasser en créant la citoyenneté.

Le guet-apens de policiers à Mantes remet la question des banlieues à l’ordre du jour

Le   guet-apens de policiers à Mantes remet la question des banlieues à l’ordre du jour

 

Non seulement nombre de services publics ne pénètrent plus dans les quartiers sensibles sauf  les pompiers mais en plus ils sont souvent agressés comme ce fut le cas pour les forces de police jeudi à Mantes qui ont été victimes d’un véritable guet-apens. En fait, ils sont intervenus suite à l’incendie d’un véhicule et ont été la cible  de violences délibérées par une bande organisée de voyous du quartier. Un policier aurait même été atteint par un tir de mortier. On sait que cette question des banlieues a été complètement négligée par le pouvoir actuel ( les précédents aussi). Macron a même rejeté avec un certain mépris le très intéressant rapport qu’il avait demandé à Borloo sur le sujet. Pas un rapport se limitant à la question du maintien de l’ordre mais un rapport abordant les questions concernant la formation, la réinsertion et le développement économique de ces zones où le chômage atteint 20 à 25 % et dont la drogue constitue souvent le moyen de régulation économique et sociale sur fond de développement communautariste. Comme d’habitude, les autorités vont se satisfaire de déclaration en forme de protestation mais qui n’auront pas d’effet sur le maintien de l’art en général dans ces zones et encore moins sur les aspects économiques sociaux et culturels. Officiellement on dénombre en France de 750 quartiers dits sensibles qui concerneraient 7 % de la population. Dans la réalité on doit être plus proche de 1000 car il y a bien une dizaine de quartiers difficiles dans chaque  département sinon davantage. Des quartiers par exemple qu’il vaut mieux ne  pas fréquenter après 22 heures quand les  voyous ont repris en main la gestion de la zone. Pour l’instant les autorités se contentent donc de constats et d’incantations. Et pour cause, Macron ne veut surtout pas créer de motifs de mécontentement dans ces quartiers dont il espère un retour d’ascenseur électoral. Il faudra donc se satisfaire des cris de vierges effarouchées des ministres. Par exemple Le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Intérieur, Laurent Nunez, a qualifié ce vendredi à Trappes, dans les Yvelines, de « guet-apens » l’ »attaque extrêmement violente » la nuit précédente contre des policiers à Mantes-la-Jolie.

De son côté, le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner a « condamné sans réserve » dans un tweet ans « les violences commises » à Mantes-la-Jolie. « La République ne peut tolérer que l’on attaque ceux qui la protègent, au péril de leur vie (…). L’enquête permettra de faire la lumière sur les faits », a écrit le ministre.

La République ne peut tolérer que l’on attaque ceux qui la protègent, au péril de leur vie.
Je condamne sans réserve les violences commises hier à Mantes-la-Jolie.
L’enquête permettra de faire la lumière sur les faits.

En visite dans le commissariat de Trappes, ville proche de Mantes-la-Jolie, le secrétaire d’Etat a affirmé que les policiers étaient tombés « dans un guet-apens organisé, qui a réuni une centaine d’individus ». « C’est totalement inacceptable », a-t-il insisté devant la presse.

« Pendant plus d’une heure » les policiers, venus sur place les premiers après un appel pour un incendie de voiture, ont été la cible « de tirs de mortier » notamment, a expliqué Laurent Nuñez. « Les effectifs étaient encerclés, isolés (…) ensuite les renforts sont arrivés », a-t-il poursuivi.

C’est une « attaque extrêmement violente que je dénonce de manière catégorique », a ajouté le secrétaire d’Etat, qui devait rencontrer plus tard les équipes prises à partie à Mantes-La-Jolie.

Banlieues : nouvel avertissement de Gérard Collomb à Macron

Banlieues : nouvel avertissement de Gérard Collomb à Macron

Sur Europe 1, l’ancien ministre de l’Intérieur réitère son avertissement à Macron concernant la situation explosive de certains quartiers notamment en banlieue.  «Je pense qu’aujourd’hui on a laissé se ghettoïser un certain nombre de quartiers», a estimé Gérard Collomb. «Si on ne change pas la population, si on ne remixe pas, on aura des difficultés importantes», poursuit l’ancien ministre qui estime que la France est aujourd’hui «au pied du mur». Alors que l’ancien ministre de l’Intérieur suppose que le chef de l’État «n’avait peut-être pas perçu la réalité de la situation au départ», il assure qu’il en a «aujourd’hui pleinement conscience».  Une découverte un peu tardive qui concerne les quartiers sensibles de toutes les  villes. Officiellement on compte près de 800 quartiers sensibles en France ;  en fait,  il y en a bien davantage et chaque ville (même les plus petites de 10 000 à 30 000 habitants) est affectée. Ce qui caractérise ces zones c’est d’abord leur état juridique de non-droit : les services officiels hésitent à s’y rendre. C’est surtout le marché généralisé de la drogue avec souvent des échoppes sur le bord des trottoirs au vu de tous. On vient y faire son marché. Ensuite la violence précisément entre bandes pour se partager le gâteau. Le chômage est un mal endémique avec 25 à 30 % de jeunes sans emploi dont beaucoup ont abandonné l’école avant 12 ans. Avec aussi en toile de fond un communautarisme qui refoule les valeurs et les usages de la république aux frontières du quartier. Dans ces zones, à partir d’une certaine heure dans la soirée il ne fait pas bon de se promener à pied. Régulièrement des violences sont signalées : violence verbale, violence physique avec la distraction préférée qui consiste à brûler des voitures. Les municipalités locales, les services officiels et la presse sont relativement complices et font tout pour qu’on évite de parler de ces différents débordements. Encore une fois, il ne s’agit pas seulement des quartiers des grandes villes type Paris, Marseille ou Lyon mais de toutes les villes moyennes et même petites. Des sortes de zones hors la république que les services officiels finalement tolèrent en considérant qu’ainsi on arrive à circonscrire le mal géographiquement. Un aveuglement, une hypocrisie et un manque de courage qui fait honte à la république et menace évidemment la cohésion de la société. Comment nous élites pourrait-il d’ailleurs connaître cette réalité puisque pour la quasi-totalité il n’habite pas dans ces zones et ne fréquentent pas les habitants qui y résident.

Banlieues: «C’est le vide sidéral»

Banlieues: «C’est le vide sidéral»

 

Inutile de tourner autour du pot, Macron a enterré sans ménagement pour son auteur le rapport Borloo. Certes on ne pouvait pas attendre à une reprise intégrale de ce plan très ambitieux, certes ce plan faisait suite à bien d’autres qui n’ont pas toujours montré uen grande efficacité mais Macron a non seulement enterré le rapport Borloo mais aussi la problématique renvoyée à une question subalterne ; Il faudra donc attendre une future explosion ou la répétition d’actes inqualifiables comme à Marseille ou la police a été visée par des armes lourdes pour que Macron manifeste un peu de considération des ces zones en déshérence économique et républicaine ; Les organisations de gauche et les ONG ont clairement affiché leurs grandes déceptions. A droite c’est aussi la même tonalité.

«Il n’y a aucun engagement concret, et c’est le vide sidéral. Pourquoi avoir fait appel à Jean-Louis Borloo, alors qu’on le dénigre tant aujourd’hui?» s’est interrogé le député LR Damien Abad. «Jean-Louis Borloo, comme beaucoup de maires de France dans des villes de banlieue, a-t-il souligné, n’a aucune leçon à recevoir de celles et ceux qui n’ont pas vécu en banlieue.»

Porte-parole des Républicains, Lydia Guirous s’est étonnée, comme d’autres, qu’Emmanuel Macron reprenne «la rhétorique des associations communautaristes». «Faut-il être “racisé.e” pour parler de banlieues?» s’est-elle interrogée alors qu’Emmanuel Macron a souligné qu’un échange de rapport entre «deux mâles blancs ne vivant pas dans ces quartiers» n’aurait «aucun sens». «Je trouve extrêmement choquant que Macron évoque un argument racial digne des Indigènes de la République, en délégitimant toute solution pour les banlieues qui émanerait de “mâles blancs”, a commenté Marine Le Pen. La présidente du FN y voit «la consécration du communautarisme au sommet de l’État». À gauche, le maire PCF de Montreuil (Seine-Saint-Denis), Patrice Bessac, ironisait dans la cour de l’Élysée: «Plus les discours sont longs et moins il y a de pognon…» Lui aussi a entendu «un discours de la méthode et pas d’action». «Quand il s’agit des entreprises, des grosses fortunes de ce pays, là il y a des objectifs très précis.

 

 

Banlieues : on verra plus tard (Macron)

Banlieues : on verra plus tard (Macron)

 

C’est en substance ce qu’a dit Macron à propos des banlieues suite au rapport Borloo. Surtout pas de plan mais quelques annonces en juillet. Deux raisons à cela, l’Elysée a désapprouvé le plan très ambitieux de Borloo jugé trop couteux, seconde raison plus fondamentale celle-là : la banlieue pour Macron n’est pas vraiment la priorité. Il est plus à l’aise pour parler des start-ups et des premiers de cordée que des exclus, des paumés ou tout simplement des pauvres.  Plus de 5,5 millions de personnes vivent dans ces quartiers qui affichent encore des taux de chômage et de pauvreté nettement supérieurs à la moyenne nationale et comptent toujours deux fois moins de médecins généralistes, près de cinq fois moins de crèches. l’avait laissé entendre l’Elysée ces derniers jours, le chef de l’Etat n’a repris que partiellement les mesures du plan de l’ancien ministre de la Ville Jean-Louis Borloo, (à peine 5 mesures sur 19 !). En gros on retiendra la création de 1300 poste de policiers en plus (13

par département !), des stages pour les enfants de 3ème et des places de crèches. La plupart des mesures de formation t d’insertion du rapport Borloo ont été balayées. D’où la colère des maires et ONG concernées.

Banlieues : nouveau risque d’échec (Borloo)

Banlieues : nouveau risque d’échec (Borloo)

Borloo veut faire bonne mine mais la vérité c’est qu’à l’Elysée on veut procéder à l’enterrement de son rapport trop ambitieux. Et Borloo d’avertir  sur son plan banlieues : « Ils prennent le risque de créer un problème politique là où il n’y en avait pas » Borloo, qui croyait inspirer le gouvernement, a vu ses espoirs rétrécir.  Son plan sera « un élément parmi d’autres », relativise l’Élysée. « Cela fait un peu ‘on va dans les banlieues et on fout un coup de peinture’ », tacle un proche du gouvernement. Que retiendra au final le chef de l’État? Borloo confie qu’on est « dans le très haut de la fourchette » et que deux tiers de ses propositions feraient l’objet d’un « consensus ministériel », selon la terminologie officielle. Mais dans l’entourage de l’ancien ministre, que l’on sent plus inquiet qu’en colère, on décrit des troupes élyséennes divisées en deux camps, l’un s’activant à faire échouer son plan. « Ils prennent le risque de créer un problème politique là où il n’y en avait pas », estime Borloo.

« On ne va pas faire un catalogue de mesures, même s’il y aura des annonces très concrètes, dit-on à l’Élysée. On va éviter de faire des plans avec plusieurs milliards sur dix ou quinze ans. »En calait on va enterrer le rapport Borloo.

Banlieues : « Attention aux effets d’annonce » (Bruno Beschizza)

Banlieues : « Attention aux effets d’annonce » (Bruno Beschizza)

Bruno Beschizza, maire Les Républicains d’Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis se méfie des effets d’annonce. Après le rapport Borloo. Interview JDD.

 

« Près de 6 millions d’habitants vivent dans une forme de relégation » voire, parfois, « d’amnésie de la Nation », écrit Jean-Louis Borloo dans son rapport. Le rejoignez-vous sur son constat?
Le propos est excessif, mais il cherche à éveiller les consciences, quitte à provoquer, afin de susciter une réaction. Jean-Louis Borloo propose, le gouvernement dispos. Quand on connaît l’ancien ministre, on sait qu’il cherche par sa présentation à accrocher. Après, sur le fond, je suis globalement d’accord avec le constat. Et la plupart des propositions qu’il fait vont dans le bon sens. Ma principale crainte, c’est le plan à plusieurs milliards d’euros souhaité par Jean-Louis Borloo.

 

48 milliards d’euros d’investissements de la part de l’Etat, des collectivités locales et des entreprises privées, c’est une enveloppe considérable…
Je fais partie de ces maires qui, ont, en tant que candidats aux municipales de 2014, défendu le bilan de l’Anru 1 [le dispositif lancé par Jean-Louis Borloo en 2004 et qui a créé l'Anru, l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, NDLR]. J’ai cru en l’Anru 2, le programme de renouvellement urbain lancé par François Hollande en 2014. A l’époque, 5 milliards d’euros était annoncés. J’ai cru en Emmanuel Macron qui, en novembre dernier à Clichy-sous-Bois, chez nous en Seine-Saint-Denis, a annoncé que le budget de l’Anru 2 passerait de 5 à 10 milliards d’euros. Mais ces chiffres faramineux ne se traduisent pas sur le terrain. En 2020, au moment des prochaines municipales, il n’y aura toujours aucune réalisation concrète dans le quartier classé « Anru 2″ de ma ville d’Aulnay.

 

 

Qu’est-ce qui bloque?
L’argent n’arrive pas pour des raisons essentiellement administratives. L’Anru est devenue un monstre technocratique. J’ai fait une dizaine de comités d’engagement où le maire se retrouve à expliquer et réexpliquer ses projets pour ensuite devoir mandater des bureaux d’études, puis créer des services pour gérer les procédures. Aujourd’hui, quand je vais dans le quartier classé « Anru 2″, je ne peux pas dire « ça, c’est un projet qu’a permis l’action de l’Etat ». Jean-Louis Borloo, dans son rapport, indique qu’il faut d’abord terminer la rénovation des quartiers de « l’Anru 1″ puis de « l’Anru 2″. Mais dans certains cas, cette rénovation n’a même pas commencé! Si déjà une enveloppe de dix milliards d’euros ne trouve aucune traduction dans le réel, pourquoi promettre plus?

 

Le problème vient-il de la seule agence Anru?
La complexité administrative est à tous les niveaux. Nous devons par exemple détruire une barre d’immeuble à Aulnay. Ça fait deux ans que le projet est annoncé, mais nous avons des problèmes de marchés publics, de délais, de décisions administratives… Et pendant ce temps-là, les habitants attendent et ne comprennent pas. Les quartiers populaires sont qualifiés par Jean-Louis Borloo de territoires extra-ordinaires, mais l’Etat leur applique tous les blocages administratifs du droit commun. Bien sûr qu’il faut repenser la structure de l’Anru, mais il y a un problème, plus général et très français, de normes trop lourdes. Résultat : on ne participe pas à recrédibiliser la parole politique auprès des citoyens.

 

 

Le gouvernement a déjà entrepris plusieurs réformes, comme le dédoublement des classes de CP en zones d’éducation prioritaire ou encore la mise en place de la police de sécurité du quotidien (PSQ). Quel bilan faites-vous de ces mesures?
Ce sont de bonnes mesures et je suis le premier, bien que je ne sois pas de leur camp politique, à avoir proposé ma ville pour les expérimenter. Mais le dédoublement des classes de CP, ce n’est pas seulement trouver des professeurs en plus. Il faut aussi faire des travaux dans les écoles. L’Etat demande aux collectivités de les faire, alors qu’il nous retire de l’argent par ailleurs. Aulnay fait partie des laboratoires de la PSQ. Celle-ci a été annoncée le 15 août 2017, mais elle a été repoussée en octobre 2017. En février dernier, on nous a dit que concrètement, tout ça ne se fera qu’au mois de septembre 2018. Non seulement les effets d’annonce ne suivent pas, mais ils font perdre du crédit à l’élu local qui s’est engagé en soutenant ces processus.

 

Jean-Louis Borloo émet notamment l’idée d’une académie des leaders inspirée de l’ENA. Faut-il faire émerger une élite des quartiers?
Le constat est juste : peu de hauts fonctionnaires ont un vécu des quartiers ou des villes populaires. Mais je crois quand même dans le concours à la française. De plus, de nombreux dispositifs existent déjà, comme les cadets de la République [pour devenir gardien de la paix, NDLR], les internats d’excellence ou la formation Sciences Po [pour les jeunes issus des banlieues]. Et presque à chaque fois, la logique financière a abouti à un flop. Plutôt qu’un dispositif novateur, commençons d’abord par mettre de l’argent pour faire avancer ce qui existe.

 

Dans cette logique, pronostiqueriez-vous l’échec du prochain plan banlieues?
Si j’étais pessimiste, j’aurai déjà démissionné comme Stéphane Gatignon [le maire de Sevran, en Seine-Saint-Denis, a quitté ses fonctions avec fracas le 27 mars dernier, NDLR]. Ce n’est pas le cas. De plus, je n’aime pas les gens qui vivent sur l’idée que rien n’a été fait. Ce n’est pas vrai. Beaucoup d’argent public a été donné, investi depuis 2004. Et les choses évoluent. Il ne faut pas noircir le tableau. En revanche, au-delà des problèmes financiers et technocratiques, l’Etat n’a pas mesuré, et ne mesure peut-être pas encore, l’ampleur du retard pris.

 

Y a-t-il eu un rendez-vous raté entre Emmanuel Macron et les banlieues?
Moi, je me retrouve, en tant qu’élu Les Républicains, entre mon parti qui ne parle que de la France rurale et un Président qui ne s’adresse qu’aux grandes métropoles. De nombreux responsables au pouvoir, opposition comprise, ne connaissent pas, n’ont pas l’expérience des quartiers populaires. Certes Emmanuel Macron n’a jamais vécu en banlieue, mais même autour de lui, dans son gouvernement, personne ne comprend une partie de la population. Prenons l’exemple d’un Julien Denormandie [le secrétaire d'Etat qui chapeaute notamment le dossier du logement, NDLR] : il a une belle mécanique intellectuelle, mais il lui manque un vécu d’élu local.

 

 

Et vous diriez la même chose de Laurent Wauquiez?
Je ne suis pas convaincu que les instances dirigeantes de mon parti soient capables de parler des villes populaires. Le sujet ne doit d’ailleurs pas être abordé de manière partisane.

 

Dans son rapport, Jean-Louis Borloo reprend à Manuel Valls l’expression « apartheid » en évoquant « les idées d’inégalité des sexes et de séparation des genres dans l’espace public ». Ce mot vous choque-t-il?
Ce mot m’a toujours gêné. Il est tellement fort, connoté qu’il amène toujours à un débat caricatural. Quand Manuel Valls a utilisé ce mot, en janvier 2015, il parlait du problème de la reconstitution de l’offre [du logement social]. Alors Premier ministre, il défendait l’idée de reconstruire un logement social détruit en dehors du quartier dans lequel il se trouvait. Jean-Louis Borloo utilise aujourd’hui ce mot pour faire de la communication, pour choquer. Moi, je n’ai pas envie de le faire. Tout comme je souhaite bannir du débat des mots comme « stigmatisation ». Oui, nous avons aujourd’hui de l’illettrisme et même de l’illectronisme [une méconnaissance d'Internet et de maîtrise de l'information numérique, NDLR]. Oui, nous avons des inégalités entre les sexes, des problèmes de mobilité chez les femmes. Arrêtons d’utiliser des mots qui renvoient nos quartiers à l’image d’un zoo.

 

6 propositions à retenir du rapport Borloo :

  1. Relancer tous les projets de rénovation urbaine, à l’arrêt faute de budgets
  2. Doubler le nombre d’apprentis et d’alternants en trois ans et déployer à titre provisoire 720 conseillers supplémentaires de Pôle emploi
  3. Créer 30.000 postes et 300 maisons d’assistantes maternelles
  4. Développer la télémédecine et ouvrir 200 maisons de santé supplémentaire
  5. Ouvrir une Académie des leaders, une sorte d’ENA des banlieues

Banlieues : un plan de 48 milliards d’euros (Borloo)

 Banlieues : un plan de 48 milliards d’euros (Borloo)

Borloo propose, un grand plan 48 milliards d’euros d’investissements supplémentaires pour la qualité urbaine. Un chiffre que Jean-Louis Borloo a lancé devant les maires des grandes villes réunis vendredi à Dijon.les pistes de ce plan :

 

-des investissements avec une relance des grandes opérations de renouvellement urbain, via « des procédures d’instruction et de validation des projets significativement allégés ».

- de la souplesse  ensuite, en faisant davantage confiance aux initiatives locales et associatives (et donc… un peu moins aux grands opérateurs nationaux comme l’Afpa ou les Greta) dans le champ de l’insertion professionnelle ou de la « lutte contre l’illettrisme et l’illectronisme » (la fracture numérique).

- Du « décloisonnement » enfin :

« Il ne doit plus y avoir de chasses gardées, le projet de Borloo, c’est de s’attaquer à tout, sinon la République se meurt », précise-t-on parmi ses conseillers.

En matière éducative, cela reviendrait, par exemple, à réviser en profondeur la politique de ressources humaines de l’Education nationale, permettant de déployer des professeurs motivés et formés dans les zones d’éducation prioritaire. Ou à lancer un vaste plan de lutte contre le décrochage en partenariat avec les associations avec pour objectif de « remettre en activité, d’ici 2020, les 170.000 jeunes qui sortent chaque année sans qualification du système scolaire ».

En attendant les  grands édiles ont signé un appel commun, le « pacte de Dijon », pour que l’Etat donne « un nouveau souffle à la politique de la ville ». Le document appelle notamment à clarifier les responsabilités des collectivités locales et de l’État en matière de développement économique, d’accès à l’emploi, de formation, de renouvellement urbain, de désenclavement des quartiers populaires ou d’action sociale. Un appel qui reprend les travaux menés par Jean-Louis Borloo depuis l’automne. L’ancien ministre a d’ailleurs estimé à Dijon que le système actuel était « épuisé, éparpillé, sans stratégie », avant d’appeler à « totalement changer la méthode ».

Salafisme, violence, drogue, le résultat du mépris des banlieues

Salafisme, violence, drogue, le résultat du mépris des banlieues

 

Les plans banlieues ont succédé aux plans banlieues le plus souvent pour répondre à une montée du s jet dans l’actualité médiatique. Ensuite, le soufflet est retombé et  les zones de non droit livrées  à la régulation des délinquants. L’enjeu, ces évidemment de faire péter le ghetto comme l’indique le maire de Sevran mais c’est à la fois trop complexe et trop couteux, en plus politiquement sans grand retour car « ces gens là » ne votent guère. En outre, bien peu de responsables nationaux connaissent vraiment la problématique, peu ont approché ces banlieues et encore moins ont résidé à proximité. Du coup,  c’est sans  doute 500 zones urbaines sensibles qui se sont développées et caractérisées le commerce de drogue comme mode de régulation économique et sociale. Un terreau sur lequel prospère l’extrémisme religieux qui en profite, exploite la misère, l’ignorance et la marginalité de toute une jeunesse. Il est clair que le gouvernemenet Macron n’est pas taillé pour aborder cette problématique. Les ministres sociologiquement sont plus à même d’aborder le développement des métropoles branchée, hyper numérisée et aux Startups et entreprises  internationalisées. A coté, se sont développé des centaines de  banlieues qui sont de véritables barils de poudre, des zones de non-droit délaissées  économiquement et socialement où les trafics en tous genres constituent l’activité principale. La responsabilité en incombe à l’État tout autant qu’aux élus locaux. Depuis des dizaines d’années, les plans banlieue se sont accumulés, des plans souvent élaborés à l’occasion de poussées de fièvre ou à l’occasion d’élection mais sans lendemain. Des plans qui se réduisaient souvent à financer des animateurs sociaux pour masquer la misère autant que la colère. Mais pas vraiment de plan relatif au développement économique, à la refonte de l’urbanisme et à la formation de jeunes non seulement sans diplôme mais sans maîtrise des fondamentaux. Une sorte d’économie et de société parallèle s’est alors imposée. Une situation sur laquelle on a fermé les yeux et qui a même parfois été encouragée par des élus locaux dans un but électoraliste. S’y ajoutent évidemment un autre facteur déterminant à savoir l’échec patent de l’institution scolaire transformée souvent en garderie dans les zones les plus difficiles. Une institution scolaire déjà incapable de transmettre les fondamentaux sur le reste des territoires. (20 à 30 % des élèves entrant en secondaire ne maîtrisent  ni la langue ni les bases du calcul)  du fait des dégâts du pédagogisme et du laxisme disciplinaire. La  responsabilité de la dégradation des banlieues n’incombe pas seulement à l’institution scolaire, aussi bien sûr aux parents, aux responsables locaux et nationaux et à la société toute entière.

Banlieues abandonnées : Le maire de Sevran démissionne

Banlieues abandonnées : Le maire de Sevran démissionne

C’est  un soutien de Macron maire d’une ville de banlieue difficile qui démissionne en raison de désintérêt de l’Etat  vis-à-vis des banlieues en général. Il a été notamment déçu par la rencontre avec le ministre de la cohésion du territoire « où le Ministre semblait plus   intéressé par son chien que par ce que disait les maires des banlieues de l’association blanc-bleu –zèbre ». Il faut rappeler que Jacques Mézard, ministre des territoires  a été mis à là un peu par hasard. L’ancien sénateur du Cantal qui ne connait pas grand chose aux banlieues a suppléé Richard Ferrand pris dans les affaires.

Le maire de Sevran  explique au Monde les raisons de son départ.

Pourquoi renoncez-vous à votre mandat de maire de Sevran avant son terme ?

J’ai été élu à 31 ans, cela fait donc dix-sept ans que j’exerce cette fonction. Dix-sept ans durant lesquels on s’est battus comme des fous pour transformer Sevran, attirer de grands projets, comme l’arrivée du métro, faire exister la ville en dehors de la rubrique faits divers. Mon but a toujours été de péter le ghetto, mais je crois que, malgré les déclarations qui vont dans ce sens, les gouvernements successifs ne partagent pas cet objectif. On continue à faire de la banlieue un monde parallèle, structuré comme une société précaire qui ne s’en sort que grâce aux solidarités, à la débrouille, à la démerde. Je pense aujourd’hui que cette situation arrange tout le monde. Alors, à un moment, on fatigue, on perd le jus…

Vous n’y croyez plus ?

En novembre 2012, j’ai mené une grève de la faim pour obtenir le remboursement des sommes dues par l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU, et de meilleures dotations pour les villes pauvres et notamment pour Sevran. Cette action extrême montrait qu’à ce moment-là j’y croyais encore. J’avais dit, en y mettant fin au bout de six jours, que je démissionnerai le jour où je n’y croirais plus. Nous y sommes. Aujourd’hui, les villes de banlieue sont tenues à la gorge et on nous traite comme si nous étions aussi riches que Puteaux. La loi de finances 2018 nous impose de ne pas augmenter nos budgets de fonctionnement…

 

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