Réduire la mobilité ?
Christophe Gay, co-directeur du Forum Vies Mobiles, s’interroge dans la Tribunesur une société du toujours plus de mobilités, là où il y a trop de déplacements inutiles ou subis. De son côté, Mathieu Flonneau, enseignant-chercheur d’histoire contemporaine à l’Université de Paris 1, met lui en garde contre un risque de déclassement social qu’entraînerait la mise en oeuvre de la « ville du quart d’heure » ou du « territoire de la demi-heure ».
En réalité une question qui est aussi liée à l’urbanisation et à l’aménagement du territoire; Sans cette prise en compte la question est assez théorique NDLR
Alors, faut-il réduire la demande de mobilité ?
Oui, la démobilité est nécessaire. Jusqu’ici, notre société a utilisé deux leviers pour résoudre le problème de la pollution et des émissions de gaz à effet de serre liées à la mobilité. Celui de l’innovation technologique, en améliorant l’impact environnemental des carburants ou en jouant sur l’efficacité des moteurs. Et le levier du transfert modal en encourageant les personnes à quitter leur voiture pour aller vers les transports en commun ou le vélo. Mais, il y a un levier qui est totalement ignoré par les autorités alors qu’il est celui le plus recommandé par l’ONU et d’autres organisations internationales : celui d’éviter les déplacements. Cette démobilité consiste à réduire les distances parcourues au quotidien et le temps passé à se déplacer. Au 19ème siècle, nous parcourions 4 km par jour en moyenne. Aujourd’hui, c’est 60 km et 1h30 par jour. Ces pratiques de mobilité sont ancrées dans notre quotidien, et peuvent paraître aussi naturelles que respirer de l’air. Mais toutes nos enquêtes démontrent que chez certains, cette mobilité est une contrainte et qu’ils en souffrent. Pour eux, l’aspiration à réduire le temps passé dans les transports et les distances parcourues est très forte.
Par ailleurs, le mouvement des gilets jaunes a mis en lumière la forte dépendance des gens à la voiture individuelle, une mobilité non seulement carbonée mais aussi coûteuse. Pour ceux qui n’ont que la voiture pour se déplacer, la moindre hausse de taxe ou des prix du carburant devient invivable. Aussi, si l’on veut répondre à l’urgence climatique sans exacerber les inégalités face à la mobilité, il faut offrir des solutions alternatives qui permettent de moins utiliser la voiture. Ce n’est plus seulement un enjeu environnemental, c’est aussi une question de pouvoir d’achat, de qualité de vie et également de santé publique en rendant possible la pratique de la marche et du vélo.
Pour que ces alternatives à la voiture soient crédibles, il faut donc repenser l’organisation des territoires afin de favoriser les activités en proximité et réduire les distances à parcourir au quotidien. C’est ce que l’on appelle la ville du quart d’heure ou le territoire de la demi-heure. Dans les deux cas, il s’agit de réunir dans un même espace les divers centres d’intérêt qui poussent aux déplacements : le logement, l’emploi, les commerces et les lieux de loisirs. Certes ; redéployer les services publics, les commerces, repenser la localisation des entreprises et des logements… tout cela prend du temps. Aussi ; il faut sans attendre poser les bases d’un système moins dépendant de la voiture individuelle. Comment ? En proposant des infrastructures de transport alternatives (pistes pour les vélos et la marche, transports collectifs…) et en réorganisant nos activités pour éviter certains déplacements subis ou inutiles grâce, par exemple, au télétravail. La mobilité ne peut plus être la variable d’ajustement des modes de vie des individus car elle est aliénante dans sa configuration actuelle !
Non. Il ne faut pas pousser à la démobiltié. A travers ce concept, on observe une tentation d’expliquer la dégradation des conditions de vie par la dégradation de l’accès aux mobilités. Pourtant, la réalité de la démobilité n’est pas fondée sur la seule sobriété écologique, mais plutôt sur une contrainte qui a trait à l’accroissement du coût de la mobilité, à la saturation problématique des modes capacitaires et au coût du foncier qui atteint des records dans certaines zones, poussant ainsi les gens à s’éloigner. Il existe également une contrainte liée à la congestion qui, paradoxalement, est parfois mise en œuvre par les autorités elles-mêmes lorsqu’elles restreignent volontairement la circulation.
La ville autoréalisatrice du quart d’heure illustre les faiblesses du concept de démobilité. D’un côté, elle revendique cette sobriété dans la consommation de mobilité, alors qu’en réalité, cette ville miraculeuse du quart d’heure est extrêmement équipée, connectée et incarne le triomphe des flux logistiques qui ne sont pas moins carbonés. En outre, ce modèle urbain s’avère être le promoteur pervers de la précarisation du travail, avec l’ubérisation des transports avec ses VTC ou son cortège de livraisons de repas minutées. C’est la Silicon Valley qui prospère sur cette imposture !
On peut donc regretter que cet hypercapitalisme moralisant, qui est à l’origine de ce concept de démobilité, impacte durablement les emplois liés aux déplacements (les métiers des transports publics régulés et de l’industrie automobile) mais aussi tout le tissu économique et le maillage des territoires. Le schéma d’une démobilité qui favoriserait les hyper-centre-villes au détriment de leurs périphéries reproduit donc, dans les faits, une nouvelle forme de ségrégation sociale, qui paupérise et perpétue, sous une nouvelle forme, une France du déclassement.
Comment baisser la dépense publique
Comment baisser la dépense publique
La Cour des comptes vient d’émettre une énième alerte sur la situation de nos finances publiques, au moment même où la procédure européenne pour déficit excessif est officiellement enclenchée contre la France. Son premier président, Pierre Moscovici, n’exclut pas a priori de nouvelles hausses d’impôts. Mais n’est-ce pas là, dans une discipline où nous sommes les champions olympiques avant même que les épreuves n’aient commencé, une solution de facilité, éculée et improductive, car pesant sur la création de richesses ? Pourquoi ne pas innover, en faisant ce que toutes les nations les plus compétitives ont fait : baisser la dépense publique.
par Par Vincent Delahaye, sénateur de l’Essonne, groupe Union centriste, et Membre de la commission des finances. dans La Tribune
Bien entendu, l’idéal serait d’engager de véritables réformes structurelles (assurance-chômage, introduction d’une dose de capitalisation pour les retraites, statut de la fonction publique, règle d’or budgétaire, etc.). Autant de réformes qui requièrent du courage, mais aussi une majorité forte – et que condamne donc la période et la situation politique actuelles. Dans l’attente de jours meilleurs et d’un Parlement plus serein, beaucoup de choses pourraient être faites néanmoins.
En commençant par le plus facile : les dépenses ministérielles dites « protocolaires » (frais de déplacement et de réception, campagnes de communication, relations publiques, etc.) pourraient ainsi être divisées par deux, générant immédiatement plus de 700 millions d’euros d’économies pérennes.
Troisième piste envisageable : la mise en œuvre d’une authentique « chasse aux économies » au sein de l’ensemble des administrations publiques. Les ministres seuls ne suffisent pas à traquer tous les gisements d’économies. On pourrait intéresser les responsables de programmes placés sous l’autorité des ministres par le biais d’une « prime d’économies », plafonnée, mais suffisamment élevée pour inciter à la saine gestion budgétaire. Cette prime serait déclenchée sur la base des propositions d’économies formulées, retenues par le ministre et pérennes dans le temps. « Les petits ruisseaux font les grandes rivières », dit le vieil adage. Si les grandes réformes sont nécessaires pour rétablir durablement les comptes publics, il est non moins indispensable d’inculquer dès maintenant une culture de la rigueur dans la gestion des deniers publics, de façon à réaliser des économies partout où cela est possible.
Enfin, quatrième proposition : renouer avec la règle, en vigueur sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, consistant à ne remplacer qu’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Seuls les périmètres concernés par les lois de programmation déjà votées seraient sanctuarisés.
L’ensemble de ces mesures nous placerait aussitôt sur une trajectoire plus vertueuse de nos finances publiques. Certains diront qu’à court terme, elles auraient un effet récessif et entraîneraient une contraction du PIB. Ma conviction, c’est qu’à long terme elles seraient très bénéfiques à notre économie et à la société tout entière. Ayons le courage de faire primer le temps long sur le court-termisme. Comme disait le célèbre économiste Frédéric Bastiat :