Robert Badinter, un rempart constitutionnel contre le populisme
Les leçons de l’ancien président du Conseil constitutionnel résonnent aujourd’hui. Pour lui, les droits fondamentaux sont l’un des instruments par lesquels les sociétés sortent de la barbarie, rappelle, dans une tribune au « Monde », le professeur de droit public Dominique Rousseau .
Plus les droits de l’homme sont protégés, plus la République est elle-même. Telle est l’idée de droit que porte Robert Badinter et tel est l’objectif qu’il fixe au Conseil constitutionnel lorsqu’il en devient président, en mars 1986. Noble mission, sans doute, mais aussi très audacieuse car, à cette date, le Conseil est toujours un objet institutionnel non ou mal identifié. Robert Badinter ne l’ignore évidemment pas : « Le Conseil est une juridiction, dit-il dans sa première adresse à ses collègues, mais il ne le sait pas ; mon rôle est de lui faire prendre conscience de sa nature. » Neuf ans plus tard, lorsqu’il quitte le Conseil, en 1995, la mue juridictionnelle reste inachevée.
Pour faire vivre le principe du contradictoire, le plus fondamental de toute procédure juridictionnelle, il propose, dès la première saisine de son mandat, que le juge rapporteur puisse échanger avec le parlementaire auteur de la loi contestée et un des parlementaires auteur du recours. Proposition refusée par les présidents des deux assemblées. Parce que les affaires qui viennent devant le Conseil sont d’intérêt général, il propose à ses collègues d’accepter les principes de publicité et d’oralité des audiences. Proposition refusée. Pour que le citoyen devienne un majeur constitutionnel, il propose, en mars 1989, qu’il lui soit donné la possibilité d’en appeler au Conseil constitutionnel, à travers un filtre juridictionnel, s’il estime que ses droits fondamentaux ont été méconnus par la loi. Proposition acceptée par le président de la République François Mitterrand, mais repoussée par le Sénat en juin 1990.
Robert Badinter a eu le tort d’avoir raison trop tôt car le Conseil d’aujourd’hui commence à ressembler à celui qu’il voulait : les avocats plaident devant lui, les audiences sont publiques et le justiciable peut, lors d’un procès, soulever la question de la constitutionnalité de la loi appliquée.