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Afrique : avenir démographique

Afrique : avenir démographique

 

L’Afrique est en pleine transition démographique et sa jeunesse est souvent présentée comme un moteur pour son développement. Toutefois, la croissance de la population du continent entraîne aussi la croissance du nombre de personnes âgées, encore largement exclues de l’ordre des priorités des responsables africains. De nouvelles politiques publiques pourraient toutefois être envisagées… De tous les champs d’étude de la démographie africaine, ce n’est pas le vieillissement qui vient d’emblée à l’esprit, tant le continent est associé à la jeunesse.

Pour en savoir un peu plus sur cet enjeu encore largement ignoré, l’Institut national des études démographiques (INED) et l’Agence française de développement (AFD) ont produit une étude qui présente, à partir des données statistiques disponibles, l’état des politiques publiques existantes et les perspectives quant à leur mise en œuvre.(dabs The Conversation)

L’âge médian, c’est-à-dire l’âge qui sépare la population en deux parties numériquement égales – l’une plus jeune et l’autre plus âgée –, est de 38 ans en Europe et de 30 ans en Asie. En Afrique, il est de 19 ans environ, ce qui en fait le continent le plus jeune au monde.

Cette forte dynamique démographique s’exprime aussi par le fait que plus de 60 % de la population africaine a moins de 25 ans. Dans la plupart des pays subsahariens (hors Afrique australe), de forts taux de fécondité ont contribué – et contribuent toujours – à une augmentation rapide de la population. Des projections estiment que la population africaine pourrait atteindre 2,5 milliards de personnes d’ici 2050 (elle en compte aujourd’hui près de 1,5 milliard). Sur ces 2,5 milliards de personnes, les 60 ans et plus seront environ 215 millions, soit un peu plus de 8 %. En 2023, seulement 5 à 6 % de la population africaine était âgée de 60 ans et plus. Cette moyenne statistique ne doit pas masquer le fait qu’il existe de grandes disparités selon les pays : 3 à 4 % en Ouganda et au Niger contre 7 à 9 % en Afrique du Sud et en Tunisie. À titre comparatif, en Europe, cette part de la population représente 25 % de la population totale, en Amérique du Nord 16 % et en Asie 12 %.

La part relativement faible des personnes âgées, en particulier dans les pays sub-sahariens, explique l’engagement très limité des décideurs à mettre en place des systèmes robustes de protection sociale qui leur seraient destinés, alors même qu’elles vivent souvent dans des conditions de vie très précaires, combinant pauvreté et formes de vulnérabilité spécifiques entraînées par la vieillesse.

Les personnes âgées en Afrique dépendent encore très largement des soutiens familiaux voire des structures communautaires proches (ménages, familles, voisins), mais ces structures sociales changent vite avec l’urbanisation et les effets plus larges de la mondialisation : le changement des modes de consommation et l’amplification de l’utilisation des réseaux sociaux entraînent une évolution des valeurs socio-anthropologiques.

Bien que les personnes âgées représentent actuellement – et pour les années à venir – une part réduite de la population africaine (en pourcentage), leur nombre est appelé à augmenter du fait de la forte croissance démographique du continent. De ce fait, de nouveaux défis en matière de santé publique, de protection sociale et de pensions de retraite devront être relevés.

Le premier de ces défis a trait à l’extension du taux de couverture sociale de la population, qui doit se produire en prenant en compte le poids de l’informalité dans l’économie. Afin de garantir une protection des individus face aux risques sociaux au sens large (maladie, chômage, accidents du travail, vieillesse), il est essentiel d’articuler cette protection au système informel, qui représente environ 80 % de l’emploi en Afrique.

Pour ce faire, la protection pourrait s’engager dans trois voies. Tout d’abord, la mise en œuvre de régimes contributifs « flexibles » qui valoriseraient des cotisations basées sur des revenus irréguliers liés à l’informalité. Ensuite, la valorisation des systèmes communautaires tels que la tontine qui pourraient être mieux étendus et mutualisés, ainsi que la promotion de mutuelles de santé adaptées aux travailleurs indépendants, aux petites entités de production et de commerce. Enfin, l’extension des paiements digitalisés via « le mobile money » qui permettrait de simplifier les cotisations et les prestations, comme c’est déjà largement le cas au Rwanda ou au Kenya.

La mise en œuvre de la protection sociale des personnes âgées repose cependant sur plusieurs conditions préalables. La première tient aux capacités des États à solliciter les compétences humaines et techniques nécessaires pour lever l’impôt et à utiliser les recettes fiscales pour financer la protection sociale. Il faut également programmer le couplage de la couverture maladie à celle de la retraite, pour garantir aux individus, tout au long de leur vie active et au-delà, une sécurité financière qui leur permette d’accéder aux soins. En outre, il faudra combiner les contributions prélevées sur les revenus des travailleurs du secteur formel (pour financer la couverture santé et les droits aux pensions de retraite) avec une prise en charge sur fonds publics des travailleurs informels, des personnes sans emploi et/ou des populations vulnérables au sens large (femmes isolées, individus en situation de handicap, par exemple). Pour cela, d’autres sources de financement doivent être envisagées : taxes sur les produits de luxe, les véhicules neufs et les carburants, sur les billets d’avion ou les transactions financières…

Les arbitrages à faire entre des priorités « concurrentes » seront difficiles. D’un côté, il s’agira d’investir massivement dans l’éducation et la formation professionnelle pour faire de la jeunesse africaine un moteur de croissance économique. Mais d’un autre côté, il faudra également construire et réformer les systèmes de santé et de protection sociale en vue de répondre aux besoins d’une population vieillissante plus nombreuse. En d’autres termes, c’est une gestion proactive du dividende démographique (soit la chance pour les pays qui connaissent un rajeunissement démographique de voir leur économie croître temporairement) qui pourra garantir une meilleure prise en compte des enjeux liés au vieillissement de la population.

Quels que soient les scénarios privilégiés pour la mise en œuvre de la protection sociale des seniors, il faudra recueillir et analyser des données sociodémographiques fiables et complètes. Or la question des statistiques démographiques reste un sujet d’inquiétude en Afrique. En effet, les insuffisances dans ce domaine ont des conséquences significatives sur le développement du continent.

Dans de nombreux pays africains, on constate une grande faiblesse des systèmes d’état civil insuffisamment financés et manquant de ressources humaines, un recours de plus en plus rare aux recensements, à la collecte et au traitement des données. De plus, comptabiliser les populations vivant dans des zones de conflit ou d’insécurité alimentaire reste particulièrement difficile, de même qu’identifier les causes de décès.

La capacité du financement de la protection sociale des personnes âgées, qui devrait reposer sur une vision stratégique et une volonté politique, reste problématique. Des solutions existent, qui vont de la mobilisation accrue des ressources nationales par l’impôt, et des actions innovantes dans les systèmes de collecte et de gestion, au soutien des partenaires internationaux sur des initiatives pilotes et des subventions ciblées et à l’inclusion du secteur informel dans des systèmes contributifs adaptés.

La problématique du vieillissement se présente en tout état de cause comme un révélateur des questionnements fondamentaux quant au développement de la plupart des pays africains.

En premier lieu, il s’agit de considérer dans quel modèle de croissance économique et de soutenabilité les pays du continent seront engagés lorsque les cohortes de personnes âgées auront augmenté. De plus, les politiques publiques liées au vieillissement devront aussi intégrer la nécessaire adaptation au dérèglement climatique dont on sait déjà qu’il touchera tout particulièrement le continent africain. Cela devra se faire via la mise en place de systèmes d’alerte propres aux personnes âgées, de pratiques de diagnostic des effets climatiques extrêmes sur les personnes vulnérables que sont les personnes âgées, de logements adaptés, de systèmes de veille et de divers systèmes d’entraide de proximité.

Troisièmement, la croissance d’une population de plus en plus âgée, en nombre sinon en pourcentage, aura-t-elle vraiment pu bénéficier d’un dividende démographique qui reste encore décalé et incertain dans la plupart des pays subsahariens – hors Afrique australe ? Sur ce point, l’expérience des pays « devanciers » d’Asie de l’Est et du Sud-Est, en particulier, ne semble plus être un exemple qu’il est possible (voire souhaitable vu leur coût environnemental) de suivre, notamment en matière d’investissements massifs dans les infrastructures de transport et d’énergie carbonée.

Pour les décideurs des pays d’Afrique subsaharienne ainsi que pour d’autres acteurs locaux (entreprises, organisations de la société civile), il est donc crucial d’anticiper le vieillissement programmé des populations. Or les pays développés ont historiquement vu leur économie se développer grâce à un modèle industriel et manufacturier où le salariat formel a été à la base de la construction des systèmes de protection sociale. De sorte que le défi actuel pour l’Afrique, face au vieillissement de sa population, est de penser des politiques publiques adaptées à un modèle économique qui repose encore très largement sur une économie « informelle ».

Politique- Quel avenir pour la Syrie ?

Politique- Quel avenir pour la Syrie ?

 

Le « boucher de Damas » a fui la Syrie, laissant derrière lui une société dévastée par près d’un demi-siècle de dictature et treize années d’une guerre civile sanglante. Le groupe islamiste HTC est désormais au pouvoir, mais bien des questions demeurent quant à sa capacité à unifier la population. Entretien dans « The Conversation » avec Laura Ruiz de Elvira, politiste spécialiste de la Syrie (CEPED-IRD). Au lendemain de la chute de Bachar Al-Assad, quel est le sentiment qui prime au sein de la société syrienne ? La célébration de la fin d’un demi-siècle de dictature ? L’horreur face aux exactions commises par le régime, notamment au sein de ses prisons aujourd’hui libérées ? Ou la crainte d’une nouvelle gouvernance aux contours encore indéfinis ?

 


Les sentiments qui traversent en ce moment la société syrienne sont complexes et ambivalents. D’une part, les mobilisations des Syriens partout dans le monde et en Syrie même montrent la joie et le soulagement de la population, qui s’expriment aussi par le fait que de nombreux ressortissants syriens tentent d’ores et déjà de rentrer en Syrie depuis la Turquie ou le Liban. Cette euphorie s’accompagne d’un sentiment de surprise puisque la population syrienne et les observateurs du monde entier avaient perdu l’espoir de voir le régime d’Assad tomber.
Mais d’autre part, il est évident que la plupart des Syriens sont aussi inquiets vis-à-vis de ce qui va se passer. Les activistes ayant participé à la révolution, pour beaucoup, étaient eux-mêmes persécutés par HTC, ou avaient dû quitter le pays face aux offensives de l’État islamique. Les forces qui ont mené la reconquête ne sont pas celles qu’ils auraient aimé voir au pouvoir..

Des incertitudes et des craintes demeurent donc, mais il y a aussi une forte volonté de reconstruire le pays et de bien faire les choses : pendant toutes ces années, les Syriens se sont formés et ont mené des réflexions sur ce qui aurait dû être fait autrement.

De qui parle-t-on quand on dit « les Syriens » ? Y a-t-il une identité nationale syrienne forte ou avant tout des identités communautaires ?

90 % de la population du pays est musulmane et 70 à 75 % des musulmans syriens sont sunnites. Il existe une diversité de minorités religieuses (alaouites, druzes, chrétiens) et ethniques (8 % des Syriens sont Kurdes, ces Kurdes étant quasiment tous des musulmans sunnites).

Le gouvernement des Assad s’est appuyé, pendant des décennies, sur des politiques communautaires ; et le confessionnalisme s’est encore renforcé pendant les treize années de conflit qui ont suivi le déclenchement de la révolution en 2011. Cette donnée est donc évidemment à prendre en compte.

Mais on aurait tort de penser que la révolution et la rébellion ont exclusivement été le fait d’éléments islamistes. Le cas de la ville de Soueida, dans le sud du pays, montre que le mécontentement était également présent au sein des minorités. Depuis plus d’un an, les druzes y ont régulièrement manifesté en arborant le drapeau de la révolution.

Assad comptait avant tout sur le soutien de la communauté alaouite, dont il est lui-même issu, et sur la cooptation de certaines élites sunnites…

Le régime favorisait les alaouites et s’appuyait sur ce socle, tout en cooptant effectivement des individus issus de la majorité sunnite et d’autres minorités : sans cela, il n’aurait pu jamais tenir. De sorte que, oui, des entrepreneurs et des élites sunnites ont coopéré avec le régime pendant toutes ces années. L’enjeu, maintenant, est de reconstruire les liens entre les différentes communautés religieuses et ethniques et de rompre avec ce communautarisme que la dictature n’avait cessé d’entretenir et de renforcer.

L’attitude du régime face aux minorités ethniques et religieuses syriennes tient-elle aux positions traditionnelles du parti Baas ?

Le Baas avait en réalité été mis de côté dès l’arrivée au pouvoir de Bachar Al-Assad. Ce dernier s’est appuyé sur de nouvelles élites politiques. Les cadres du Baas de l’époque de Hafez Al-Assad avaient été marginalisés, y compris au sein du gouvernement. Dans l’ouvrage tiré de ma thèse, j’examine cette reconfiguration de l’ingénierie politique par Bachar Al-Assad, qui avait généré énormément de mécontentement en Syrie avant 2011.

Aujourd’hui, le nouvel homme fort du pays, Abou Mohammed Al-Joulani, tient un discours qui se veut rassurant et unificateur. Il affirme qu’il fera une place à toutes les communautés : comment interpréter cette promesse, et les Syriens y croient-ils ?

Je pense que les Syriens sont circonspects malgré le fait que le premier ministre du gouvernement transitoire ait annoncé hier que les droits de toutes les communautés seront garantis.

D’après les spécialistes de HTC, dans la région d’Idlib qu’il contrôlait depuis plusieurs années Al-Joulani a mis en pratique le respect des minorités et une liberté de culte contenue qu’il annonce vouloir appliquer aujourd’hui à l’ensemble de la Syrie. Et depuis le lancement des opérations qui ont mené à la chute de Bachar Al-Assad, il n’y a pas eu d’exactions ni de représailles à l’encontre des chrétiens d’Alep, par exemple, ou des alaouites sur la côte.

 

Si cela peut donner une certaine crédibilité à ce qu’il affirme, il faut tout de même conserver une attitude prudente et voir comment évoluera la situation maintenant que HTC est en position de force dans l’ensemble du pays. Le fait qu’Al-Joulani ait nommé premier ministre, sans aucune négociation, l’homme qui exerçait déjà cette fonction au sein du « Gouvernement du salut » de la région d’Idlib contrôlée par HTC peut inviter à nuancer ses gages d’ouverture.

La société syrienne sort profondément divisée d’une guerre civile d’une violence extrême. Une réconciliation nationale est-elle envisageable ?

Il y a vraiment une volonté de réparation, de passer à autre chose et de se projeter vers l’avenir. La vie a été suspendue pour les réfugiés, les déplacés et les gens restés sur le territoire durant ces treize années de conflit.
La prise de Damas quelques jours après celle d’Alep, sans résistance ni grands combats, montre bien que les soutiens au régime s’étaient fortement dégradés. Je pense qu’il y a une opportunité aujourd’hui pour que le corps politique national se reconstruise, même si les traumatismes sont très lourds.

Néanmoins, les soutiens au régime n’ont pas complètement disparu, notamment sur la côte ; un régime ne peut pas être dissous du jour au lendemain. Si plusieurs hauts responsables ont pu prendre la fuite et d’autres essaient encore aujourd’hui de traverser la frontière du Liban, la plupart d’entre eux sont restés dans le pays.

Ainsi, un enjeu important va être de veiller à ce que les cadres du régime et de sa machine répressive soient jugés. Et, plus généralement, de faire en sorte que les cellules pro-régime ne puissent pas tenter d’entreprendre un coup d’État, une restauration autoritaire ou encore former de groupes terroristes, comme on a pu le voir ailleurs. En Irak, par exemple, les anciens du régime de Sadam Hussein s’étaient associés à d’autres acteurs, issus du djihadisme international, pour former l’État islamique.

Justement, l’État islamique existe encore en Syrie, même s’il est résiduel. Or, le 10 décembre, il aurait exécuté une cinquantaine de soldats du régime d’Assad interceptés dans leur fuite. Est-ce que l’État islamique, dont on sait qu’il est très hostile à HTC par ailleurs, pourrait profiter du contexte actuel pour capitaliser sur un éventuel mécontentement de la population ?

Les djihadistes de l’EI pourraient essayer de profiter de la situation actuelle pour se renforcer. Mais la population syrienne n’est pas favorable à l’EI. Tous les révolutionnaires que j’ai rencontrés ont été déchirés par l’émergence de l’EI, qui les a persécutés et qu’ils ont combattu. Quant au reste de la population, elle ne le voit pas non plus d’un bon œil.
De plus, les États-Unis sont déjà sur le qui-vive dans la région. Les troupes américaines ne sont pas parties. Dans ce contexte, est-ce que l’État islamique parviendra à monter en puissance ? Rien n’est moins sûr.

Vous avez mentionné la diversité de l’opposition au régime d’Assad, qui ne se résume pas à HTC. Si HTC se met à instaurer une forme d’autoritarisme où aucune opposition ne peut se faire jour, pourrait-on assister à une nouvelle insurrection – non pas de la part des anciens fidèles au régime, mais des anciens ennemis d’Assad ?

Oui, bien sûr. La population syrienne ne va pas accepter ce genre de régime. Après 50 ans de régime baasiste et des horreurs de la guerre, si la transition n’est pas suffisamment inclusive, il y aura des résistances. De la part des Kurdes, entre autres, qui contrôlent encore le Nord-Est de la Syrie – une région en proie à de fortes tensions.

Quel avenir pour les Kurdes syriens ? Pourraient-ils se voir attribuer une forme d’autonomie, comme en Irak ?

Difficile de répondre à cette question. Il est certain que la Turquie ne va pas accepter un tel développement ; or Ankara a beaucoup d’influence sur une partie des rebelles qui ont pris le pouvoir. Aujourd’hui, beaucoup de Kurdes ont peur, c’est un fait. Ils ont été la cible de pillages et sont en train de se retirer progressivement dans le Nord-Est de la Syrie, alors qu’ils ont déjà perdu plusieurs des territoires qu’ils administraient. Mais dans le même temps, des avis divergents existent au sein de la communauté kurde syrienne et finalement l’administration autonome kurde a annoncé jeudi 12 décembre qu’elle adoptait le drapeau de la révolution.

Vous avez travaillé sur la reconversion d’anciens combattants de la guerre civile dans l’action humanitaire. On imagine qu’une part conséquente de la population syrienne est affectée de près ou de loin par la violence de la guerre. Une démilitarisation de la société syrienne est-elle possible ?

Je pense que la démilitarisation est possible. Il ne faut pas oublier qu’un grand nombre de combattants avaient déjà déposé les armes au cours de ces dernières années ou sont partis à mesure que les territoires dits « libérés » étaient récupérés par le régime et que les financements venaient à manquer. Avant la guerre civile, la plupart de ces combattants étaient des citoyens ordinaires et non des militaires. Donc je pense que la démilitarisation peut se poursuivre. Mais elle va dépendre des jeux d’alliances entre les différents groupes armés et de la capacité du gouvernement transitoire piloté par HTC à proposer une nouvelle donne politique dans laquelle les différentes parties prenantes se sentiront reconnues.

Or des tensions sont en train de monter et pourraient ralentir le processus de démilitarisation. J’ai déjà parlé de celles qui touchent le Nord-Est du pays avec les Kurdes. Des bruits courent aussi sur le mécontentement de factions à Damas. La situation est donc très fragile.

D’autre part, il ne faut pas oublier qu’Israël bombarde massivement des sites militaires et des stocks d’armes de l’ancien régime, avec près de 500 frappes en Syrie en deux jours. La démilitarisation va donc être aussi forcée, d’une certaine manière.
Avec l’arrivée de HTC, peut-on s’attendre à une application stricte de la charia et d’une politique extrêmement rigoriste à l’égard des femmes ? De manière plus générale, quelle est la place des femmes aujourd’hui en Syrie ?

Depuis qu’ils ont pris le contrôle d’Idlib, HTC n’y a pas imposé une charia stricte dans le style afghan. Je ne pense donc pas qu’un tel scénario soit envisageable à l’échelle nationale maintenant qu’ils ont pris Damas. Concernant les femmes, même si la Syrie est un pays conservateur, notamment sur le plan religieux, les femmes travaillent, conduisent et occupent l’espace public depuis longtemps. Elles ont aussi joué un rôle très important dans la révolution à partir de 2011.

J’ai rencontré énormément de femmes qui ont pris part aux manifestations, qui ont travaillé dans l’humanitaire, qui se sont impliquées en politique ou créé des organisations féministes. La cause des femmes s’est beaucoup développée à la faveur de la révolution. Et elles devraient continuer à être impliquées dans la transition.

La justice peut-elle condamner les principaux responsables des crimes du régime d’Assad ?

Al-Joulani a annoncé que le gouvernement de transition publierait la liste des noms des plus hauts responsables impliqués dans les tortures commises par le régime, afin qu’ils soient jugés. Une justice transitionnelle est absolument nécessaire pour l’avenir du pays.

Pour cela, ceux qui rendront la justice pourront s’appuyer sur le travail des associations et des groupes qui, depuis le début de la révolution, ont documenté les crimes commis par le régime. Il y a énormément d’expertise dans ce domaine, y compris sur le plan juridique. The Day After Project est à titre d’exemple très actif en la matière. Dès 2012, il a réuni une cinquantaine de figures issues des différentes franges de l’opposition, pour travailler sur différentes thématiques comme l’État de droit, la justice transitionnelle, la réforme du secteur de la sécurité, la réforme électorale et aussi sur l’élaboration d’une nouvelle Constitution syrienne. Toute la génération qui a été formée avec la révolution contre le régime d’Assad ces dix dernières années peut contribuer à cette transition et notamment à une justice transitionnelle qui pourrait s’articuler autour des procès de responsables du régime qui ont récemment eu lieu en Europe.

Ce qui est intéressant aussi, c’est qu’avec l’annonce d’Al-Joulani on voit déjà qu’il y aura différents échelons de responsabilité. Il a promis une amnistie aux personnes astreintes par le régime au service obligatoire, ce qui révèle une volonté de réconciliation. C’est l’inverse de ce qui est arrivé en Irak après que les Américains aient occupé le pays. Ils ont tenté de démanteler toutes les structures de la dictature déchue, créant un fort mécontentement parmi ceux qui avaient collaboré avec le régime de Saddam Hussein. Al-Joulani a l’air plus pragmatique et pour le moment il semblerait qu’il ne conduira pas une chasse aux sorcières.

Pour que la transition pilotée par les nouveaux dirigeants du pays réussisse il faudra trouver un équilibre entre d’une part établir la responsabilité pour les crimes commis et lancer des réparations, et d’autre part ne pas exclure tout un pan de la population syrienne qui pourrait à nouveau se révolter. Ce que permettrait la mise en œuvre d’une justice transitionnelle comme cela avait été le cas en Argentine ou au Rwanda, par exemple – toutes proportions gardées…

Vous vous êtes rendue à de multiples reprises en Syrie dans le cadre de vos recherches. Qu’est-ce que la chute du régime d’Assad change pour les chercheurs spécialistes de la Syrie, notamment en termes d’enquêtes de terrain ?

La plupart des chercheurs qui travaillaient sur la Syrie avant 2011, comme moi, n’ont pas pu y retourner à partir du début de la guerre civile. On a dû travailler autrement, avec des entretiens en ligne ou auprès des communautés réfugiées. D’autres collègues ont utilisé des images, des vidéos, tandis que d’autres encore ont travaillé en collaboration avec des personnes qui se trouvaient sur le territoire syrien. On a donc réévalué nos manières de travailler ; mais évidemment, savoir ce qui se passait au quotidien dans les régions tenues par le régime était devenu très compliqué. Désormais, nous pouvons envisager à nouveau de nous rendre en Syrie pour y reprendre des enquêtes de terrain un peu plus classiques, au plus près des acteurs et des dynamiques sociales.

Il faut noter que ce type de recherche a cependant pu être mené pendant toutes ces années par des chercheurs syriens qui, avant 2011, ne pouvaient pas vraiment travailler dans le pays parce que les sciences sociales étaient sous-développées en Syrie – la science politique n’y existait pratiquement pas. Et puis, à partir du début de la révolution, des centres de recherche syriens ayant des relais à l’intérieur du pays, comme le Centre syrien pour la recherche politique ou le Centre Omran de recherches stratégiques, ont été créés en Turquie, au Liban et dans d’autres endroits du Golfe.

Quel avenir pour la Syrie ?

Quel avenir pour la Syrie ?

 

Le « boucher de Damas » a fui la Syrie, laissant derrière lui une société dévastée par près d’un demi-siècle de dictature et treize années d’une guerre civile sanglante. Le groupe islamiste HTC est désormais au pouvoir, mais bien des questions demeurent quant à sa capacité à unifier la population. Entretien dans « The Conversation » avec Laura Ruiz de Elvira, politiste spécialiste de la Syrie (CEPED-IRD).Au lendemain de la chute de Bachar Al-Assad, quel est le sentiment qui prime au sein de la société syrienne ? La célébration de la fin d’un demi-siècle de dictature ? L’horreur face aux exactions commises par le régime, notamment au sein de ses prisons aujourd’hui libérées ? Ou la crainte d’une nouvelle gouvernance aux contours encore indéfinis ?

 


Les sentiments qui traversent en ce moment la société syrienne sont complexes et ambivalents. D’une part, les mobilisations des Syriens partout dans le monde et en Syrie même montrent la joie et le soulagement de la population, qui s’expriment aussi par le fait que de nombreux ressortissants syriens tentent d’ores et déjà de rentrer en Syrie depuis la Turquie ou le Liban. Cette euphorie s’accompagne d’un sentiment de surprise puisque la population syrienne et les observateurs du monde entier avaient perdu l’espoir de voir le régime d’Assad tomber.
Mais d’autre part, il est évident que la plupart des Syriens sont aussi inquiets vis-à-vis de ce qui va se passer. Les activistes ayant participé à la révolution, pour beaucoup, étaient eux-mêmes persécutés par HTC, ou avaient dû quitter le pays face aux offensives de l’État islamique. Les forces qui ont mené la reconquête ne sont pas celles qu’ils auraient aimé voir au pouvoir..

Des incertitudes et des craintes demeurent donc, mais il y a aussi une forte volonté de reconstruire le pays et de bien faire les choses : pendant toutes ces années, les Syriens se sont formés et ont mené des réflexions sur ce qui aurait dû être fait autrement.

De qui parle-t-on quand on dit « les Syriens » ? Y a-t-il une identité nationale syrienne forte ou avant tout des identités communautaires ?

90 % de la population du pays est musulmane et 70 à 75 % des musulmans syriens sont sunnites. Il existe une diversité de minorités religieuses (alaouites, druzes, chrétiens) et ethniques (8 % des Syriens sont Kurdes, ces Kurdes étant quasiment tous des musulmans sunnites).

Le gouvernement des Assad s’est appuyé, pendant des décennies, sur des politiques communautaires ; et le confessionnalisme s’est encore renforcé pendant les treize années de conflit qui ont suivi le déclenchement de la révolution en 2011. Cette donnée est donc évidemment à prendre en compte.

Mais on aurait tort de penser que la révolution et la rébellion ont exclusivement été le fait d’éléments islamistes. Le cas de la ville de Soueida, dans le sud du pays, montre que le mécontentement était également présent au sein des minorités. Depuis plus d’un an, les druzes y ont régulièrement manifesté en arborant le drapeau de la révolution.

Assad comptait avant tout sur le soutien de la communauté alaouite, dont il est lui-même issu, et sur la cooptation de certaines élites sunnites…

Le régime favorisait les alaouites et s’appuyait sur ce socle, tout en cooptant effectivement des individus issus de la majorité sunnite et d’autres minorités : sans cela, il n’aurait pu jamais tenir. De sorte que, oui, des entrepreneurs et des élites sunnites ont coopéré avec le régime pendant toutes ces années. L’enjeu, maintenant, est de reconstruire les liens entre les différentes communautés religieuses et ethniques et de rompre avec ce communautarisme que la dictature n’avait cessé d’entretenir et de renforcer.

L’attitude du régime face aux minorités ethniques et religieuses syriennes tient-elle aux positions traditionnelles du parti Baas ?

Le Baas avait en réalité été mis de côté dès l’arrivée au pouvoir de Bachar Al-Assad. Ce dernier s’est appuyé sur de nouvelles élites politiques. Les cadres du Baas de l’époque de Hafez Al-Assad avaient été marginalisés, y compris au sein du gouvernement. Dans l’ouvrage tiré de ma thèse, j’examine cette reconfiguration de l’ingénierie politique par Bachar Al-Assad, qui avait généré énormément de mécontentement en Syrie avant 2011.

Aujourd’hui, le nouvel homme fort du pays, Abou Mohammed Al-Joulani, tient un discours qui se veut rassurant et unificateur. Il affirme qu’il fera une place à toutes les communautés : comment interpréter cette promesse, et les Syriens y croient-ils ?

Je pense que les Syriens sont circonspects malgré le fait que le premier ministre du gouvernement transitoire ait annoncé hier que les droits de toutes les communautés seront garantis.

D’après les spécialistes de HTC, dans la région d’Idlib qu’il contrôlait depuis plusieurs années Al-Joulani a mis en pratique le respect des minorités et une liberté de culte contenue qu’il annonce vouloir appliquer aujourd’hui à l’ensemble de la Syrie. Et depuis le lancement des opérations qui ont mené à la chute de Bachar Al-Assad, il n’y a pas eu d’exactions ni de représailles à l’encontre des chrétiens d’Alep, par exemple, ou des alaouites sur la côte.

 

Si cela peut donner une certaine crédibilité à ce qu’il affirme, il faut tout de même conserver une attitude prudente et voir comment évoluera la situation maintenant que HTC est en position de force dans l’ensemble du pays. Le fait qu’Al-Joulani ait nommé premier ministre, sans aucune négociation, l’homme qui exerçait déjà cette fonction au sein du « Gouvernement du salut » de la région d’Idlib contrôlée par HTC peut inviter à nuancer ses gages d’ouverture.

La société syrienne sort profondément divisée d’une guerre civile d’une violence extrême. Une réconciliation nationale est-elle envisageable ?

Il y a vraiment une volonté de réparation, de passer à autre chose et de se projeter vers l’avenir. La vie a été suspendue pour les réfugiés, les déplacés et les gens restés sur le territoire durant ces treize années de conflit.
La prise de Damas quelques jours après celle d’Alep, sans résistance ni grands combats, montre bien que les soutiens au régime s’étaient fortement dégradés. Je pense qu’il y a une opportunité aujourd’hui pour que le corps politique national se reconstruise, même si les traumatismes sont très lourds.

Néanmoins, les soutiens au régime n’ont pas complètement disparu, notamment sur la côte ; un régime ne peut pas être dissous du jour au lendemain. Si plusieurs hauts responsables ont pu prendre la fuite et d’autres essaient encore aujourd’hui de traverser la frontière du Liban, la plupart d’entre eux sont restés dans le pays.

Ainsi, un enjeu important va être de veiller à ce que les cadres du régime et de sa machine répressive soient jugés. Et, plus généralement, de faire en sorte que les cellules pro-régime ne puissent pas tenter d’entreprendre un coup d’État, une restauration autoritaire ou encore former de groupes terroristes, comme on a pu le voir ailleurs. En Irak, par exemple, les anciens du régime de Sadam Hussein s’étaient associés à d’autres acteurs, issus du djihadisme international, pour former l’État islamique.

Justement, l’État islamique existe encore en Syrie, même s’il est résiduel. Or, le 10 décembre, il aurait exécuté une cinquantaine de soldats du régime d’Assad interceptés dans leur fuite. Est-ce que l’État islamique, dont on sait qu’il est très hostile à HTC par ailleurs, pourrait profiter du contexte actuel pour capitaliser sur un éventuel mécontentement de la population ?

Les djihadistes de l’EI pourraient essayer de profiter de la situation actuelle pour se renforcer. Mais la population syrienne n’est pas favorable à l’EI. Tous les révolutionnaires que j’ai rencontrés ont été déchirés par l’émergence de l’EI, qui les a persécutés et qu’ils ont combattu. Quant au reste de la population, elle ne le voit pas non plus d’un bon œil.
De plus, les États-Unis sont déjà sur le qui-vive dans la région. Les troupes américaines ne sont pas parties. Dans ce contexte, est-ce que l’État islamique parviendra à monter en puissance ? Rien n’est moins sûr.

Vous avez mentionné la diversité de l’opposition au régime d’Assad, qui ne se résume pas à HTC. Si HTC se met à instaurer une forme d’autoritarisme où aucune opposition ne peut se faire jour, pourrait-on assister à une nouvelle insurrection – non pas de la part des anciens fidèles au régime, mais des anciens ennemis d’Assad ?

Oui, bien sûr. La population syrienne ne va pas accepter ce genre de régime. Après 50 ans de régime baasiste et des horreurs de la guerre, si la transition n’est pas suffisamment inclusive, il y aura des résistances. De la part des Kurdes, entre autres, qui contrôlent encore le Nord-Est de la Syrie – une région en proie à de fortes tensions.

Quel avenir pour les Kurdes syriens ? Pourraient-ils se voir attribuer une forme d’autonomie, comme en Irak ?

Difficile de répondre à cette question. Il est certain que la Turquie ne va pas accepter un tel développement ; or Ankara a beaucoup d’influence sur une partie des rebelles qui ont pris le pouvoir. Aujourd’hui, beaucoup de Kurdes ont peur, c’est un fait. Ils ont été la cible de pillages et sont en train de se retirer progressivement dans le Nord-Est de la Syrie, alors qu’ils ont déjà perdu plusieurs des territoires qu’ils administraient. Mais dans le même temps, des avis divergents existent au sein de la communauté kurde syrienne et finalement l’administration autonome kurde a annoncé jeudi 12 décembre qu’elle adoptait le drapeau de la révolution.

Vous avez travaillé sur la reconversion d’anciens combattants de la guerre civile dans l’action humanitaire. On imagine qu’une part conséquente de la population syrienne est affectée de près ou de loin par la violence de la guerre. Une démilitarisation de la société syrienne est-elle possible ?

Je pense que la démilitarisation est possible. Il ne faut pas oublier qu’un grand nombre de combattants avaient déjà déposé les armes au cours de ces dernières années ou sont partis à mesure que les territoires dits « libérés » étaient récupérés par le régime et que les financements venaient à manquer. Avant la guerre civile, la plupart de ces combattants étaient des citoyens ordinaires et non des militaires. Donc je pense que la démilitarisation peut se poursuivre. Mais elle va dépendre des jeux d’alliances entre les différents groupes armés et de la capacité du gouvernement transitoire piloté par HTC à proposer une nouvelle donne politique dans laquelle les différentes parties prenantes se sentiront reconnues.

Or des tensions sont en train de monter et pourraient ralentir le processus de démilitarisation. J’ai déjà parlé de celles qui touchent le Nord-Est du pays avec les Kurdes. Des bruits courent aussi sur le mécontentement de factions à Damas. La situation est donc très fragile.

D’autre part, il ne faut pas oublier qu’Israël bombarde massivement des sites militaires et des stocks d’armes de l’ancien régime, avec près de 500 frappes en Syrie en deux jours. La démilitarisation va donc être aussi forcée, d’une certaine manière.
Avec l’arrivée de HTC, peut-on s’attendre à une application stricte de la charia et d’une politique extrêmement rigoriste à l’égard des femmes ? De manière plus générale, quelle est la place des femmes aujourd’hui en Syrie ?

Depuis qu’ils ont pris le contrôle d’Idlib, HTC n’y a pas imposé une charia stricte dans le style afghan. Je ne pense donc pas qu’un tel scénario soit envisageable à l’échelle nationale maintenant qu’ils ont pris Damas. Concernant les femmes, même si la Syrie est un pays conservateur, notamment sur le plan religieux, les femmes travaillent, conduisent et occupent l’espace public depuis longtemps. Elles ont aussi joué un rôle très important dans la révolution à partir de 2011.

J’ai rencontré énormément de femmes qui ont pris part aux manifestations, qui ont travaillé dans l’humanitaire, qui se sont impliquées en politique ou créé des organisations féministes. La cause des femmes s’est beaucoup développée à la faveur de la révolution. Et elles devraient continuer à être impliquées dans la transition.

La justice peut-elle condamner les principaux responsables des crimes du régime d’Assad ?

Al-Joulani a annoncé que le gouvernement de transition publierait la liste des noms des plus hauts responsables impliqués dans les tortures commises par le régime, afin qu’ils soient jugés. Une justice transitionnelle est absolument nécessaire pour l’avenir du pays.

Pour cela, ceux qui rendront la justice pourront s’appuyer sur le travail des associations et des groupes qui, depuis le début de la révolution, ont documenté les crimes commis par le régime. Il y a énormément d’expertise dans ce domaine, y compris sur le plan juridique. The Day After Project est à titre d’exemple très actif en la matière. Dès 2012, il a réuni une cinquantaine de figures issues des différentes franges de l’opposition, pour travailler sur différentes thématiques comme l’État de droit, la justice transitionnelle, la réforme du secteur de la sécurité, la réforme électorale et aussi sur l’élaboration d’une nouvelle Constitution syrienne. Toute la génération qui a été formée avec la révolution contre le régime d’Assad ces dix dernières années peut contribuer à cette transition et notamment à une justice transitionnelle qui pourrait s’articuler autour des procès de responsables du régime qui ont récemment eu lieu en Europe.

Ce qui est intéressant aussi, c’est qu’avec l’annonce d’Al-Joulani on voit déjà qu’il y aura différents échelons de responsabilité. Il a promis une amnistie aux personnes astreintes par le régime au service obligatoire, ce qui révèle une volonté de réconciliation. C’est l’inverse de ce qui est arrivé en Irak après que les Américains aient occupé le pays. Ils ont tenté de démanteler toutes les structures de la dictature déchue, créant un fort mécontentement parmi ceux qui avaient collaboré avec le régime de Saddam Hussein. Al-Joulani a l’air plus pragmatique et pour le moment il semblerait qu’il ne conduira pas une chasse aux sorcières.

Pour que la transition pilotée par les nouveaux dirigeants du pays réussisse il faudra trouver un équilibre entre d’une part établir la responsabilité pour les crimes commis et lancer des réparations, et d’autre part ne pas exclure tout un pan de la population syrienne qui pourrait à nouveau se révolter. Ce que permettrait la mise en œuvre d’une justice transitionnelle comme cela avait été le cas en Argentine ou au Rwanda, par exemple – toutes proportions gardées…

Vous vous êtes rendue à de multiples reprises en Syrie dans le cadre de vos recherches. Qu’est-ce que la chute du régime d’Assad change pour les chercheurs spécialistes de la Syrie, notamment en termes d’enquêtes de terrain ?

La plupart des chercheurs qui travaillaient sur la Syrie avant 2011, comme moi, n’ont pas pu y retourner à partir du début de la guerre civile. On a dû travailler autrement, avec des entretiens en ligne ou auprès des communautés réfugiées. D’autres collègues ont utilisé des images, des vidéos, tandis que d’autres encore ont travaillé en collaboration avec des personnes qui se trouvaient sur le territoire syrien. On a donc réévalué nos manières de travailler ; mais évidemment, savoir ce qui se passait au quotidien dans les régions tenues par le régime était devenu très compliqué. Désormais, nous pouvons envisager à nouveau de nous rendre en Syrie pour y reprendre des enquêtes de terrain un peu plus classiques, au plus près des acteurs et des dynamiques sociales.

Il faut noter que ce type de recherche a cependant pu être mené pendant toutes ces années par des chercheurs syriens qui, avant 2011, ne pouvaient pas vraiment travailler dans le pays parce que les sciences sociales étaient sous-développées en Syrie – la science politique n’y existait pratiquement pas. Et puis, à partir du début de la révolution, des centres de recherche syriens ayant des relais à l’intérieur du pays, comme le Centre syrien pour la recherche politique ou le Centre Omran de recherches stratégiques, ont été créés en Turquie, au Liban et dans d’autres endroits du Golfe.

Désormais nous pourrons commencer à travailler avec tous ces gens, d’une façon qui était impossible jusqu’ici, y compris avant 2011, c’est-à-dire ouvertement, en affichant vraiment nos questionnements politiques, etc.

Avenir Fret SNCF: Transfert avant liquidation ?

Avenir Fret SNCF: Transfert avant liquidation ?

 

La direction du groupe public SNCF a annoncé que son entreprise chargée du transport de marchandises va disparaître le 1er janvier prochain. Elle va laisser la place à deux sociétés distinctes : d’une part, Hexafret, pour le transport de marchandise, et d’autre part …. Technis pour la maintenance des locomotives !

Cette disparition de Fret SNCF « est très dure pour les cheminots », a reconnu Frédéric Delorme, le président de Rail Logistics Europe, la holding regroupant toutes les activités fret de la SNCF (Fret SNCF, Captrain, transport combiné…). Malgré l’affaiblissement de l’entreprise, il estime que les conditions sont réunies « pour se développer sur le plan économique ». « Ces sociétés (Hexafret et Technis) vont bénéficier de facteurs favorables », assure-t-il !

Fret SNCF est actuellement leader du fret ferroviaire en France. L’entreprise représente près de la moitié des parts de marché avec un chiffre d’affaires de 700 millions d’euros annuel.

Fret SNCF pourrait bien suivre le chemin des autres activités déjà abandonnées par l’entreprise : le trafic express, le transport de messagerie, le wagon isolé et de nombreuses lignes et points de desserte. Exemple pour la messagerie d’abord isolée dans un service spécifique le Sernam, , puis privatisé enfin liquidé.

D’une certaine manière c’est une réforme à l’envers car s’il y a bien un créneau où le fer  est compétitif c’est celui des trains complets et non l’inverse. En la circonstance, il ne s’agit pas de concurrence mais tout simplement de transfert pur et simple des trains complets au privé.

Dans un communiqué publié le même jour, la CGT-Cheminots, l’Unsa-Ferroviaire, Sud-Rail et la CFDT-Cheminots s’indignent des « multiples réorganisations, déstructurations du système ferroviaire public ». Elles « viennent percuter de plein fouet le nécessaire développement d’un outil public ferroviaire voyageurs et marchandises performant », fustigent les syndicats. Ils demandent donc de « mettre fin » au plan de discontinuité et dénoncent aussi le processus d’ouverture à la concurrence dans le transport de voyageurs. « Le point commun de ces stratégies est de remettre en cause l’unité du Groupe et son cadre social dans le cadre d’un abaissement du niveau des droits et garanties des cheminots », dénoncent-ils.

 

Hypermarchés : quel avenir ?

Hypermarchés : quel avenir ?

 

Le groupe Auchan vient d’annoncer envisager la suppression de près de 2400 postes, à la fois dans ses magasins et à son siège. Au-delà du cas Auchan, réputé pour sa force sur le format hypermarché, c’est tout ce modèle qui est remis en cause. Sur fond de crise agricole et de pression sur le pouvoir d’achat, l’avenir de l’hypermarché éveille les inquiétudes. La presse généraliste et spécialisée multiplie les tribunes, invitant les experts de la grande distribution à se pencher sur l’avenir de ce format jusqu’ici dominant du paysage commercial français.

 

par ,Doctorante contractuelle en sciences de gestion, Université de Caen Normandi et ,Professeur titulaire de la chaire « Retailing 4.0″, ESCP Business School dans The Conversation

 

Ainsi, dans une tribune d’opinion pour le magazine spécialisé LSA, intitulée « L’avenir de l’hypermarché : vers un hyper/marché local », Bernard Févry et Antoine Mahy, spécialistes de la grande distribution, indiquent que la « clé de la pérennité » de l’hypermarché résiderait dans sa transformation en hyper… marché. Selon ces experts, combiner une offre axée sur le local avec le grand retour en force du métier de commerçant permettrait de redonner à l’hypermarché l’attractivité d’autrefois, celle qui réveille la magie de l’expérience en magasin et qui fait de l’hypermarché un véritable lieu d’échanges.

D’autre part, les pressions permanentes sur les marges des distributeurs tendent à renforcer le modèle économique de la grande distribution reposant davantage sur le crédit fournisseur (qui consiste en l’écart entre l’encaissement des transactions des clients et le paiement des fournisseurs) et sur le besoin en fonds de roulement négatif que sur la marge nette. Ceci devrait avoir comme conséquence de concentrer de façon constante la politique d’assortiment sur des produits à forte rotation et donc de réduire d’autant la surface de vente vers des formats d’hypermarchés en dessous de 10 000 m2. Ce qui semble correspondre à une tendance de la demande visant à fréquenter des surfaces moins grandes tant pour des raisons de moments disponibles, de distance, que pour des raisons de fragmentation et de rétractation des achats.

Lié à l’avènement de la société de consommation, l’essor de la grande distribution alimentaire a conduit à l’émergence de l’hypermarché. Rappelons que le premier fut inauguré (et pas forcément inventé) en France en juin 1963.

Comme l’explique l’historien du commerce et de la grande distribution, Jean-Claude Daumas, l’hypermarché, à lui seul, incarne l’aboutissement de la révolution commerciale issue des Trente Glorieuses. Son développement s’est réalisé parallèlement à l’implantation des premiers centres commerciaux en périphérie des villes et s’est consolidé grâce à la puissance d’attraction du concept d’acheter « tout sous le même toit ». Son développement est toutefois ralenti dès le milieu des années 1970, suite aux tentatives de régulations imposées (Loi Royer de 1973, Loi Raffarin de 1996 puis Loi de modernisation de l’Économie de 2008) dans une volonté de protéger le petit commerce.

Critiqué, l’hypermarché a subi une crise profonde coïncidant avec l’essor d’une concurrence à la fois intraformule (discount, grandes surfaces spécialisées) et interformule (proximité, supermarchés) et à la désaffection progressive des consommateurs pour ces « usines à vendre » qui rompent avec le rôle social attendu du magasin. Cette relative désaffection s’explique aussi par la fragmentation accélérée des utopies, la prise de conscience des enjeux environnementaux qui, très lentement, se substitue à la valorisation de l’hyperchoix, l’hyperconsommation et au suréquipement.

Le président d’un cabinet de conseil spécialisé en commerce, ancien directeur d’un hypermarché pendant 10 ans, nous a livré ce témoignage dans le cadre d’une recherche à paraître prochainement :

« Le format changera parce qu’on n’a pas besoin des mêmes surfaces, parce que les marchés se numérisent à des vitesses variées, l’avantage compétitif de l’hypermarché est surpassé par le digital. L’hypermarché est obligé de faire bouger son modèle pour aller sur d’autres dimensions qu’il n’avait pas préemptées. Sinon, il est en train de se noyer dans son propre océan rouge ».

Il faut néanmoins relativiser tant le déclin de l’hypermarché que l’impact du e-commerce sur la distribution alimentaire et de produits de grande consommation. En effet, la livraison à domicile est un modèle structurellement inefficient en Occident. En effet, le consentement à payer des acheteurs est très faible (habitués qu’ils sont depuis 60 ans au discount) et leur niveau d’exigence en matière de délais de livraison est élevé (il s’agit de courses du quotidien). A contrario, la préparation des paniers et surtout, la livraison, sont très coûteuses pour les distributeurs.

Ceci explique pourquoi le drive-voiture apparaît comme un compromis puisque l’acheteur fait une partie de la logistique (en en absorbant, les coûts) en venant chercher ses courses au drive. C’est aussi la raison pour laquelle en France, l’e-commerce alimentaire pur ne représente que moins de 1 % du chiffre d’affaires du commerce de détail national, le drive représente le double… et l’hypermarché 40 %.

Face à ces évolutions,l’hypermarché a fait l’objet de plusieurs tentatives d’ajustements. De premières stratégies de restructuration ont vu le jour pour réduire la taille des magasins. Les enseignes ont également cherché à redéfinir l’offre alimentaire (bio, marques de distributeurs, produits frais, made in France) et à faire évoluer le commerce artisanal des métiers de bouche vers le prêt-à-manger. Les enseignes ont aussi favorisé les évolutions technologiques à l’aide de forts investissements dans le numérique pour, notamment, automatiser le back-office, améliorer la rapidité du passage en caisse et déployer des services de livraison en drive.

Un consultant explique :

« La grande distribution alimentaire est frappée par un certain nombre d’évolutions : la digitalisation des comportements de consommation, l’apparition de concurrents du type discounters, les changements dans les modes de consommation et dans les modes de vie de manière générale avec, par exemple, une plus grande tendance pour le local, une fragmentation générale de la consommation, des parcours de courses… Les gens peuvent avoir tendance à acheter leurs légumes chez le petit primeurs en bas de chez eux ou chez l’enseigne bio, à faire du drive pour des pondéreux, à aller aux halles le dimanche pour acheter la viande, le poisson, etc. »

Pour contrer l’essoufflement du modèle d’hypermarché traditionnel, de nouveaux modèles commerciaux sont apparus, à l’instar de « Carrefour Planet », dont la proposition expérientielle pour le client en magasin reposait sur une répartition du point de vente en zones de découverte, d’achat, d’expérience et de plaisir, une double entrée sur les produits frais et les promotions et un parcours client à sens unique.

Cette tentative s’est soldée par un échec, car l’hyper sophistication du point de vente et une expérience trop originale ne coïncidaient plus avec l’image-prix de la formule qu’est l’hypermarché. En effet, la réalité des comportements est encore très orientée vers les prix bas et les marques de distributeurs économiques, notamment dans le contexte d’inflation qui a refait son apparition ces dernières années. En outre, ceci montre que toutes les tentatives de gentrification excessive de l’hypermarché par du « sensoriel », des « univers »… conduisent à une baisse de la fréquentation. Non seulement le positionnement de l’enseigne est un point d’ancrage des politiques marketing… mais le positionnement de la formule commerciale également.L’hypermarché a donc été marqué de nombreuses évolutions et recompositions corrélées aux crises successives du modèle et à la volonté de réinventer le format. Cela révèle qu’il s’agit d’un modèle dynamique qui, pour se préparer à toutes les éventualités et dans une logique de sélection naturelle, doit évoluer et s’adapter à son environnement.

C’est d’ailleurs ce que souligne un directeur d’hypermarché :

« Mobiliser des scénarios d’évolution, c’est essentiel pour ne pas se réveiller mort ».

Dans une vision proche du futur possible, c’est le scénario d’un format hybride phygital qui est le plus souvent évoqué par les spécialistes interrogés. Par ce terme, on désigne la forme la plus aboutie d’omnicanalité, ce qui constitue l’imbrication des sphères physiques et digitales dans un même espace et une même temporalité.

 

Pour les experts, à 10 ans, l’offre de l’hypermarché devrait s’intégrer dans un écosystème multiformat dans lequel l’e-commerce (mais surtout le drive) viendrait compléter l’offre en magasin. Cette interdépendance des canaux de distribution ne viendrait toutefois pas cannibaliser l’hypermarché mais répondrait à la fragmentation du parcours d’achat des consommateurs en ne formant qu’une seule et même expérience promise « sans couture ».

Un directeur d’hypermarché Carrefour évalue ce scénario :

« L’évolution de l’hypermarché va passer par le phygital parce que la clientèle va évoluer, celle qui a connu nos métiers au tout début va disparaître. Notre principal risque, c’est d’avoir une clientèle de plus en plus âgée et de ne pas être en capacité de répondre à la nouvelle génération qui arrive et qui veut effectivement du phygital pour se faire plaisir et aller vite… sous couvert que leurs pouvoirs d’achat le permettent aussi ».

Cette offre multiformat et multicanal (physique, digitale et mobile) couplée à une offre de services personnalisés (plateforme logistique de livraison ultra rapide, drive, etc.) conforterait les consommateurs dans leur expérience en magasin, la rendant plus fluide, pratique et rapide en plus d’être un accélérateur de croissance et de productivité pour le distributeur.

Pour ces derniers, la combinaison des mondes physique et digital au service du consommateur est porteuse de sens pour l’avenir. L’évolution n’étant pas uniforme, certains scénarios peuvent se conduire concomitamment à cette évolution, notamment ceux qui concernent la restructuration du format par la réduction des surfaces, une proposition de service améliorée, une expérience sociale et expérientielle en magasin ainsi qu’une offre alimentaire personnalisée, locale et adaptée à la zone de chalandise.

Il en va de même d’un excès de technologies dédiées aux processus d’achat. Le recours aux puces RFID, aux caméras ou aux caisses automatiques, soit n’a pas fait ses preuves techniques et ergonomiques (surtout pour la gestion de volumes de courses importants comme en hypermarché), soit représente un coût important et difficile à rentabiliser par des hypermarchés aux marges nettes très basses, comme l’a montré l’exemple dans les magasins « Amazon Go »). Sans doute, le recours aux technologies de l’information (intelligence artificielle comprise) servira davantage le back-office des magasins que la relation-clients. D’autant que des recherches sur la façon dont les citoyens voient le futur montrent des attentes beaucoup plus orientées vers une survalorisation de l’humain qu’une «hypertechnologisation» des lieux).

Quel avenir du Liban ?

Quel avenir du Liban ?

 

Hassan Nasrallah, secrétaire général du Hezbollah depuis 1992, a trouvé la mort dans un bombardement israélien sur l’immeuble du sud de Beyrouth où il se trouvait le 27 septembre 2024. La disparition de l’homme le plus puissant du Liban aura sans doute de profonds retentissements. Entretien avec Jihane Sfeir, historienne du monde arabe contemporain, spécialiste du Liban, professeure à l’Université libre de Bruxelles.

Avec l’assassinat d’Hassan Nasrallah et de plusieurs autres hauts responsables du mouvement, le Hezbollah a-t-il été décapité ou seulement atteint en son commandement militaire ?

 

Avec Jihane Sfeir
Historienne, Université Libre de Bruxelles (ULB) dans The Conversation 

Il est difficile de répondre avec certitude, à ce stade. Effectivement, toute la partie militaire du Hezbollah a été très affectée. Mais n’oublions pas que le Hezbollah, ce n’est pas seulement une organisation armée. C’est aussi une formation politique et une organisation de bienfaisance, qui dispense des services non assurés par l’État, par exemple des dispensaires, des hôpitaux, des écoles, une université… Le Hezbollah verse également des rentes aux familles des martyrs, et des allocations aux plus démunis. Tout cela lui assure une implantation très forte au sein de la communauté chiite. Ce réseau populaire va perdurer si le parti ne s’effondre pas totalement.

Nasrallah était à la tête du Hezbollah depuis 32 ans, sur les 42 ans d’existence de l’organisation. Celle-ci pourra-t-elle remplacer ce leader charismatique ?

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Elle va le remplacer, mais il lui sera difficile de retrouver un leader aussi influent. Avant lui, de 1982 à son assassinat par Israël en 1992, il y a eu Abbas Moussaoui, qui était aussi un chef assez charismatique mais qui n’avait pas la même présence que Nasrallah. Ce dernier était adulé par la communauté chiite libanaise, mais son aura s’étendait bien au-delà. Surtout depuis la guerre entre Israël et le Hezbollah en 2006, que Nasrallah a réussi à présenter comme une victoire de son mouvement. Cet épisode lui a conféré une popularité énorme, au point qu’il était devenu la nouvelle figure nationale panarabe.
Peut-on dire que depuis 2006 le Hezbollah était considéré par les Libanais comme l’incarnation de la protection du Liban ?

Au Liban, l’armée nationale est faible. Ses soldats sont mal rémunérés, mal entraînés et mal équipés, et ils ne connaissent pas le terrain du Sud-Liban aussi bien que le Hezbollah. Aujourd’hui, avec l’affaiblissement très notable du Hezbollah consécutif aux frappes israéliennes de ces derniers jours, la population libanaise se sent très démunie. Cela dit, il ne faut pas oublier que cette population est divisée sur la question de l’engagement du Hezbollah aux côtés du Hamas, qui a entraîné le Liban dans la guerre depuis un an.

Précisément, si Nasrallah, comme vous l’avez dit, avait pour une partie des Libanais l’image d’un grand résistant, il ne faisait pas l’unanimité, particulièrement parmi les Libanais non chiites…

Effectivement. Le paysage politique au Liban est très divisé, selon des lignes de fracture qu’on peut sommairement faire remonter à l’assassinat le 14 février 2005 du premier ministre sunnite Rafic Hariri – un assassinat largement imputé à la Syrie de Bachar Al-Assad et à son allié libanais le Hezbollah.

Deux grandes manifestations se produisent un mois plus tard : l’une, le 8 mars, organisée par les soutiens du Hezbollah et de Damas, l’autre, le 14 mars, par les partisans d’Hariri, qui exigent la fin de la mainmise syrienne sur le Liban. Naissent alors deux coalitions, qui prennent pour noms les dates de ces manifestations : l’Alliance du 8 mars, pro-Hezbollah ; et l’Alliance du 14-Mars, qui lui est hostile.

Près de vingt ans plus tard, cette division persiste, et de nombreux Libanais ne portent pas le Hezbollah dans leur cœur, spécialement du fait de l’implication du mouvement, depuis 2011, dans la guerre syrienne au côté de Bachar Al-Assad, une guerre qui a notamment provoqué l’afflux de près d’un million de réfugiés syriens au Liban.

Les événements actuels surviennent alors que le Liban se trouve déjà plongé dans une crise profonde…

Oui, une crise multiple, à la fois économique, politique et sociale. Et dans ce contexte, l’attaque israélienne met le Liban et les Libanais à genoux. Ma crainte, c’est que, après la fin des opérations israéliennes actuelles, il y ait une période de chaos, de règlements de comptes et, à terme, de glissement dans une guerre civile.

Certains observateurs estiment au contraire que l’affaiblissement du Hezbollah pourrait, au final, permettre de remettre le Liban sur la bonne voie…

Ce n’est pas impossible. Il est vrai que, une fois le Hezbollah affaibli, on pourra peut-être enfin procéder à une élection présidentielle – rappelons que le pays n’a pas de président depuis deux ans… Ce sont les députés qui élisent le président de la République qui, conformément à la Constitution, doit nécessairement être un chrétien. Mais c’est actuellement impossible car aucune figure chrétienne consensuelle n’émerge. Le Hezbollah a proposé des candidatures chrétiennes qui lui conviendraient ; mais celles-ci, comme Sleiman Frangié, sont trop pro-syriennes pour qu’une majorité des députés les élise. Et le Hezbollah, qui compte 13 sièges sur les 128 du Parlement, mais pèse près de 50 sièges si l’on prend en compte ses alliés, rejette tous les candidats qui ne correspondent pas à son programme ou à ses alliances régionales. D’où ce blocage.

À présent, le pays pourrait enfin se doter d’un président. Et dans un scénario optimiste, on peut imaginer que, une fois que le président de la République aura été élu, on procédera à la formation d’un nouveau gouvernement qui sera assaini de tous les membres corrompus qu’on trouve dans sa composition actuelle. Et que ce gouvernement procédera aux réformes économiques, politiques et administratives qui sont demandées par la Banque mondiale ; en contrepartie, celle-ci assouplirait le paiement de la dette du Liban, elle aiderait les banques à se renflouer et le pays pourrait sortir du marasme financier.

Y a-t-il vraiment une dissociation claire entre d’un côté le Hezbollah, mouvement militaire, et de l’autre côté le Hezbollah, parti politique ? Les responsables de la branche politique sont-ils tout autant ciblés par les Israéliens que les responsables militaires ?

Je ne pense pas que les hommes politiques seront pris pour cible comme le sont les militaires. À cet égard, il faut souligner que ces assassinats dits ciblés sont conduits par Israël de façon tout à fait criminelle et contraire au droit international, avec de très nombreuses victimes civiles. Mais en tout état de cause, ce qui vient de se produire aura évidemment des effets sur l’ensemble du Hezbollah, c’est-à-dire aussi bien sur son aile politique que sur son aile militaire.

Il y a un profond désarroi au sein du parti, dont les membres et les leaders survivants se demandent comment Israël a pu obtenir des informations aussi précises, par exemple sur la présence de Nasrallah à telle heure, à tel endroit. Il y a une grande suspicion interne et des doutes sur le soutien des alliés iranien et syrien.
Cette ambiance délétère déstabilise encore davantage la structure du parti ; la conséquence directe de la décapitation militaire du Hezbollah est donc aussi un affaiblissement politique. Mais cet affaiblissement politique n’est pas synonyme d’affaiblissement du soutien populaire, surtout au sein de la communauté chiite…

Parce que, vous l’avez dit, le Hezbollah se substitue largement à l’État…

Voilà. Les chiites, qui représentent près d’un tiers des Libanais, sont les premiers bénéficiaires de ces efforts, qui relèvent largement du clientélisme. Ce clientélisme au sein de la communauté chiite n’est pas le propre du seul Hezbollah : l’autre grand parti chiite, Amal, du président du Parlement, l’inamovible Nabih Berri, 86 ans, emploie lui aussi ces méthodes. L’omniprésence de ce clientélisme fait que pour trouver un travail au sein d’une administration publique ou même privée, on passe souvent par le parti.

Maintenant, il reste une minorité de chiites qui est très anti-Hezbollah et anti-Amal, mais il est dangereux de prendre de telles positions, comme l’a montré l’assassinat par le Hezbollah de l’homme de lettres et journaliste Lokman Slim. Le poids de ces chiites indépendants reste minime parce que le Hezbollah et Amal ont la capacité de nourrir, d’éduquer, de soigner, de pallier tous les manques de l’État.

Avec des financements qui viennent essentiellement d’Iran ?

Le Hezbollah, tout spécialement, a bien sûr toujours bénéficié du soutien financier et militaire de l’Iran mais aussi de la Syrie. En outre, il y a aussi des financements qui viennent de la diaspora, principalement installée en Afrique ; et d’après certains analystes, aussi du trafic de drogue.

La campagne de frappes déclenchée par Israël a provoqué le déplacement interne d’un million de Libanais. Doit-on aussi s’attendre à une émigration de masse ?

J’ai cru comprendre que beaucoup de Syriens sont retournés chez eux. Certains Libanais ont probablement aussi cherché refuge en Syrie, mais c’est un terrain miné car, on l’oublie souvent, ce pays est encore loin d’être pacifié. Ceux qui ont les moyens, ceux qui peuvent payer un billet 2 000 € ou 3 000 €, prennent les derniers vols. Beaucoup de compagnies ont suspendu leurs vols vers Beyrouth. Il n’y a que la compagnie nationale, la Middle East Airlines, qui a une flotte qui fonctionne, mais qui fonctionne au compte-gouttes parce qu’il y a un risque de bombardement de l’aéroport de Beyrouth, et les billets sont devenus extrêmement chers. L’autre voie, ce sont les bus ou les yachts pour partir en Jordanie ou à Chypre.

En avril dernier, vous écriviez dans ces colonnes qu’il y avait une espèce de déni de la guerre chez une partie des Libanais. Vous disiez qu’à certains endroits à Beyrouth, on ne se rendait pas compte qu’il y avait cette situation extrêmement tendue dans le sud du pays. Aujourd’hui, c’est terminé ?

C’est terminé. La réalité de la guerre s’est imposée partout, chez tout le monde. Parce que les tonnes de bombes qui ont été abattues sur la tête de Hassan Nasrallah ont fait trembler la terre partout à Beyrouth, même dans les quartiers de la capitale qui n’ont pas été directement visés. Tout ce déni qui a existé pendant un an concernant la « guerre de soutien » aux Palestiniens de Nasrallah s’est brutalement dissipé.

En 1982, Israël était intervenu au Liban pour se débarrasser de l’OLP qui utilisait ce territoire comme base arrière. L’OLP est alors partie pour Tunis, mais on a vu émerger le Hezbollah à la place. Peut-on imaginer que cette fois, la destruction partielle voire totale du Hezbollah pourrait engendrer l’apparition d’une autre organisation encore plus violente et déterminée ?

Ce qui est certain, c’est que les bombardements de ces derniers jours auront un impact profond, et susciteront de profondes envies de vengeance. Des combattants ont été tués en grand nombre, rejoignant ainsi le nombre de ceux qui sont considérés comme des martyrs. Tout au long de la route qui mène de Beyrouth au sud-Liban, il y a des portraits des martyrs. La mémoire de la guerre est omniprésente sur le territoire. Cette mémoire marque le territoire. Elle marque profondément les familles qui ont perdu des membres. Elle marque tous ceux qui ont été estropiés. Quand on a perdu des proches, quand on a souffert dans sa propre chair, on ne se retourne pas contre le Hezbollah. On n’a qu’un seul désir, c’est se venger. Israël a certes porté un coup très rude au Hezbollah, mais je ne sais pas si la guerre et les morts apporteront à long terme paix et tranquillité…

Avenir des Automobiles -Interdiction des voitures neuves thermiques: report en 2040 ?

Avenir des Automobiles -Interdiction des voitures neuves thermiques: report en 2040 ?

 

 

L’objectif visant à atteindre l’interdiction des motorisations thermiques pour les voitures neuves en 2035 semble de plus en plus illusoire si l’on s’en tient à l’évolution du parc automobile. Selon les chiffres du ministère de la Transition écologique, il y aurait plus de 38,9 millions de voitures en circulation en France. Les conducteurs tricolores sont pour la plupart propriétaires d’une citadine (30%), d’une berline (15%) ou d’un SUV (10%).

Concernant la motorisation, Les Français sont encore une majorité écrasante à faire leur plein à la station essence. Le parc automobile français est composé à 93,4% de voitures à moteurs thermiques. Malgré un chiffre en baisse, 53% d’entre elles roulent encore au diesel.
Les voitures électriques (VE) ou hybrides ne représentent que 3,2% du parc français.

Luca de Meo, directeur général de Renault, demande donc officiellement un décalage du calendrier de la fin du moteur thermique en Europe, aujourd’hui fixé à 2035. « Nous avons besoin d’un peu plus de souplesse dans le calendrier », a-t-il expliqué au quotidien Les Échos le 22 juillet. Et le patron opérationnel de Renault d’évoquer la date de 2040 comme possible nouvelle échéance. Notons aussi que les Allemands demande aussi ce report du calendrier. Du coup on évoque la date de 2040 ou 2050

Cette date de fin du moteur thermique représente un symbole très fort. Et c’est pourquoi elle est souvent évoquée, aussi bien par les constructeurs que par les autorités. Mais, en réalité, les regards de l’ensemble des acteurs de l’industrie automobile sont fixés sur des dates beaucoup plus rapprochées. « Ce qui nous inquiète surtout, ce sont les échéances plus rapprochées, à 2025 et 2030 », confirme Marc Mortureux, le directeur général de la Plateforme automobile (PFA), qui regroupe l’ensemble des acteurs français.

 

Avenir d’Attal: pas candidat à Matignon pour un gouvernement éphémère !

Avenir d’Attal: pas candidat à Matignon pour un gouvernement éphémère !

 

Gabriel Attal est sans doute très lucide sur les incertitudes concernant le futur gouvernement. Et par avance, il déclare ne pas être candidat pour en prendre la tête. Compte tenu des contradictions actuelles, il apparaît en effet que l’éventuel compromis qui va aboutir le moment venu un gouvernement pourra assez rapidement voler en éclats. Inutile sans doute pour Attal  de se griller les ailes dans ce gouvernement très provisoire.

 

D’une certaine manière, c’est d’ailleurs le flou artistique concernant l’union introuvable. S’agit-il vraiment de former un gouvernement de personnalités appartenant à différents clans ou de se limiter à la recherche de majorité au cas par cas à l’assemblée nationale mais sans participation directe au gouvernement ( proposition Wauquiez par exemple).

Il est clair qu’à la moindre occasion on pourra trouver une majorité pour censurer le gouvernement. Cette majorité existe potentiellement. Par contre aucune majorité absolue n’est envisageable à l’Assemblée nationale pour conduire la politique. C’est le résultat de ce curieux scrutin du deuxième tour des législatives qui est un scrutin d’opposition au « rassemblement national » et non un scrutin d’adhésion à un programme de gestion.

Attal a bien saisi la grande différence entre ce vote d’opposition et ce vote d’adhésion. Compte tenu des fortes oppositions idéologiques mais aussi d’appareils et d’ambitions personnelles, il est vraisemblable que tout gouvernement de gauche sera rapidement vulnérable surtout compte tenu de la nature des programmes. Pour simplifier par exemple sur le plan des finances, il faudrait économiser de l’ordre de 25 milliards supplémentaires pour entrer dans les clous budgétaires  et stopper la dérive de l’endettement alors que la gauche a prévu 50 à 100 milliards de dépenses !

Un «plan d’épargne avenir climat» dès le 1er juillet

Un «plan d’épargne avenir climat» dès  le 1er juillet

Dès le 1er juillet un plan d’épargne ouverte aux moins de 21 ans,  un «plan d’épargne avenir climat»;  un placement, issu de la loi industrie verte votée en 2023, financera des projets bas carbone : éolien, photovoltaïque, etc. Un décret est paru au Journal officiel dimanche pour en fixer les modalités. Dans le détail, ce placement a vocation à être plus rentable qu’un livret A (3 % net aujourd’hui) selon l’exécutif. Mais surtout, les rendements – non garantis – seront totalement nets d’impôts et sans frais de gestion.  Le plafond de versements sera identique à celui du livret A (22.950 euros maximum), aujourd’hui principal réceptacle de l’épargne des mineurs. En revanche, les sommes seront bloquées, sauf accident de la vie, jusqu’aux 18 ans de l’enfant.

Nouvelle-Calédonie :Avenir économique et politique lié

Nouvelle-Calédonie :Avenir économique et politique lié

L’ancien ministre de l’Outre-mer, président de la Fedom, estime que les dégâts économiques liés à la crise actuelle seront considérables. Il appelle à une solution politique durable et redoute le statu quo. ( dans les Echos)

Vous êtes sur place en Nouvelle-Calédonie depuis une semaine, vous attendiez-vous à de telles violences ?

Personne ne s’attendait à l’explosion survenue dans la nuit de lundi à mardi. L’atmosphère était tendue depuis le mouvement déclenché par la CCAT (Cellule de coordination des actions de terrain), marqué par une manifestation importante le 8 mai dernier à Nouméa et depuis, des barrages filtrants et des pneus incendiés le long des routes, mais les choses paraissaient sous contrôle. Là, les organisations indépendantistes elles-mêmes ont été débordées par les actions menées visiblement par des personnes plus jeunes.

Les dégâts économiques sont-ils importants ?

Oui, car beaucoup d’entreprises et de commerces ont été pris pour cibles. Ce qui frappe le plus, c’est qu’au-delà des pillages, qui sont des événements graves mais malgré tout relativement fréquents, il y a eu également des incendies avec une volonté de destruction de l’outil économique. Ça, c’est nouveau et inquiétant. Les chefs d’entreprise ici sont très marqués par cette violence, qui aura de lourdes conséquences sur l’activité et l’emploi. Il y a des dégâts sur les docks, dans les centres commerciaux. Il va également y avoir un enjeu important sur la prise en charge de ces dégradations par les assurances. Un concessionnaire a eu une centaine de voitures neuves brûlées. Le président de la Chambre de commerce et d’industrie devait par précaution rester sur le site de son organisation mardi soir…

La situation économique de l’île était, en effet, déjà globalement dégradée. L’activité dans le BTP se tasse. Les recettes fiscales sont en recul de 8 % au premier trimestre, et les marges des entreprises sont sous pression. Résultat, les finances locales et les régimes sociaux souffrent de plus en plus et sont tenus à bout de bras par l’Etat.

Et il y a bien sûr la crise du secteur du nickel, aussi bien pour l’activité minière que pour les trois usines de transformation dont la situation financière est tendue. Le refus des indépendantistes du « pacte nickel » proposé par le gouvernement, avec à la clé des subventions pour compenser le coût de l’énergie et des investissements importants dans le système électrique, bloque toute solution. Des milliers de personnes risquent de perdre leur emploi en cas de banqueroute.

Comment sortir de ces blocages et relancer l’économie de l’île ?

Le message de la Fedom, c’est de dire que les avenirs politique et économique de l’île sont intimement liés. Il existe des possibilités de développement économique, mais elles sont conditionnées à la stabilité politique de la Nouvelle-Calédonie. Les chefs d’entreprise ont besoin de visibilité et d’un climat de confiance. Les violences de lundi démolissent cette confiance.

Faut-il se donner plus de temps et retarder le vote de la réforme constitutionnelle sur l’évolution du corps électoral ?

Nous souhaitons que l’ordre soit rétabli et que le texte aille au bout de son parcours parlementaire. Des nuits supplémentaires de débat à l’Assemblée risqueraient surtout de conduire à de nouvelles nuits de pillages et d’incendies. Le statu quo ne serait pas une solution, car il n’y aurait ni avenir politique ni avenir économique. Bien sûr qu’il faut se donner du temps, mais vingt-cinq ans ont passé depuis les accords de Nouméa, il y a eu trois référendums, et le monde économique ne peut pas attendre vingt-cinq ans de plus qu’émergent des solutions politiques durables. Cela passe notamment par le dégel du corps électoral.

Avenir énergétique de la France: Encore une consultation bidon

Avenir énergétique de la France: Encore une consultation bidon 

À nouveau va être organisée une consultation sur l’avenir énergétique de la France. De toute façon,  les orientations ont déjà été décidées et c’est tant mieux car cette  pseudo démocratie ne fait que retarder la mise en œuvre d’une politique énergétique assurant l’indépendance du pays. On connaît déjà les résultats par ailleurs annoncé par le gouvernement. La politique reposera surtout sur le nucléaire avec le parc actuel qui est modernisé et dont la durée de vie sera allongée et avec des énergies renouvelables pour satisfaire l’Europe et les écolos.De toute manière le sujet est particulièrement complexe. Les Français qui déjà ont des difficultés à comprendre la problématique économique et financière ont encore plus de difficultés avec la question énergétique qui prend des allures de caricature quand on oppose les nouvelles énergies à l’énergie nucléaire.

Après avoir été déjà consultés dans le cadre d’une concertation nationale sur le futur mix énergétique de la France, lancée fin 2022 par le gouvernement, puis à l’occasion d’un débat sur le nouveau programme nucléaire, initié par la Commission nationale du débat public (CNDP) quelques semaines plus tard, les Français qui le souhaitent vont, de nouveau, être sollicités par les pouvoirs publics pour donner leur avis sur l’avenir énergétique du pays.

Vendredi dernier, Matignon a, en effet, annoncé le lancement d’une « grande consultation » sur la stratégie énergie et climat de la France, sous l’égide de la CNDP. Une institution qui ne sert pas grand chose et qui fait double emploi avec toutes les autres.

 

 

Fonderie aveyronnaise Sam : quel avenir pour quels clients ?

Fonderie aveyronnaise SAM : quel avenir pour quels clients ?

Le problème de l’avenir de la fonderie aveyronnaise SAM illustre malheureusement la problématique de l’industrie automobile française. Une industrie qui s’est ratatinée pour lorsqu’elle existe encore se réduire surtout au montage de pièces fabriquées à l’étranger. L’exemple plus significatif étant évidemment la voiture électrique en totalité ou en partie chinoise.

Certes la région Occitanie est très mobilisée par ce dossier et a décidé de reprendre le contrôle c’est-à-dire la propriété de la fonderie abandonnée d’ailleurs par des Chinois mais qui en reste propriétaires.

Cette entreprise s’est laissée prendre au piège du client unique qui était Renault et qui d’un coup a changé de fournisseur. Le piège classique du client unique qui peut tuer une entreprise brutalement.

Après cette prise de participation de la région Occitanie dans l’outil industriel restera cependant à trouver un industriel compétent et fiable mais surtout des clients.

Ce que qu’indiquait il y a déja un an l’un des anciens candidats à la reprise, MH Industrie:

Dans quels secteurs vous lanceriez cette activité, le cycle et le ferroviaire ?

Pas uniquement. En fait, on se baserait en grande partie sur notre propre expérience. Quand je vous ai dit qu’on ne croyait pas dans un modèle mono client, mono secteur d’activité, c’est que notre groupe, qui fait un peu moins de 30 millions de chiffre d’affaire et qui a 300 personnes, est sur une dizaine de secteurs d’activité, près de 600 clients différents, un seul client fait plus de 10% de notre chiffre d’affaire. On va du bâtiment à l’aéronautique, à la défense, au ferroviaire et à l’automobile également. L’idée c’est donc de dupliquer ce système-là et donc d’offrir de la sous-traitance mécanique à tous ces secteurs.
Vous avez déjà réindustrialisé des sites ?
Non. Nous avons repris des sites en difficulté mais réindustrialiser de zéro des sites, non.

Le conseil régional d’Occitanie s’apprête à devenir le propriétaire de ce site industriel de plusieurs milliers de mètres carrés à l’entrée de Decazeville. La transaction sera bouclée dans les premières semaines de l’année 2024.

« Nous avons mis du temps à racheter l’outil industriel du fait de la complexité juridique du dossier et notamment la présence des actionnaires chinois pour mener à bien cette transaction, étant toujours propriétaires des lieux », souligne Carole Delga, la présidente socialiste de la région Occitanie, Carole Delga.

Au début de la décennie 2020, cette fonderie employait encore plus de 350 personnes, après un redressement judiciaire en 2019 et une reprise par le chinois Jinjiang. Seulement, au cours de l’année 2020, un administrateur judiciaire a repris la direction de l’entreprise et donc écarté les repreneurs en raison de plusieurs promesses d’investissements non tenues particulièrement. Pour autant, Jinjiang a gardé la propriété de l’usine.

Mais ce mouvement à la tête de ce sous-traitant automobile n’est qu’un petit épisode d’un dossier qui a fait couler beaucoup d’encre pendant plusieurs années. Après avoir connu une période faste et une collaboration avec une multitude de constructeurs, la fonderie SAM s’est enfermée dans un business modèle périlleux en travaillant uniquement avec Renault.

Cette situation de mono-client a d’ailleurs rendu difficiles toutes les tentatives de reprise par des acteurs privés. « Bercy (où le ministère de l’Économie est logé, ndlr) et Renault nous ont lâché, c’est pour cette unique raison que cela ne s’est pas fait », rappelle sur un ton amer Carole Delga. Une analyse partagée par Matthieu Hède, le PDG du groupe lotois MH Industries, intéressé pour reprendre l’usine et une centaine de salariés jusqu’à l’été 2022. Seule contrepartie ? Que Renault puisse garantir un matelas de commandes pendant deux à trois années le temps que MH Industries organise le pivot de la fonderie SAM. L’élue et l’entrepreneur n’ont pas été entendus par le constructeur automobile français menant ainsi à l’échec de ce projet.

Environnement et Avenir de la terre: Des limites planétaires déjà dépassées

Environnement et Avenir de la terre: Des limites planétaires déjà dépassées


Si elle pouvait parler, la Terre nous dirait que notre existence et celle de nos enfants dépendent de sa bonne santé, car nous faisons partie d’elle. Elle nous expliquerait que si nous ne sentons pas encore toutes les implications de ses dysfonctionnements, c’est parce que son temps est plus long que le nôtre et que les effets réels tardent encore à se manifester pleinement. Enfin, elle insisterait sur le fait qu’il est grand temps de la régénérer. Pour cela, c’est toute l’allocation de notre capital que nous devons repenser !

par Alain Desvigne est PDG d’Amarenco. dans les » Echos ».

Création continue, croissance limitée, principe de décentralisation, recyclage, sous-optimalité… Appliquons les principes du vivant

Six limites planétaires sur neuf ont été franchies : le climat, la biodiversité, le cycle biochimique de l’azote et du phosphore, les sols, les eaux douces et la pollution liée aux activités humaines. Concrètement, cela signifie que nous épuisons littéralement notre Terre et donc, notre maison, celle qui nous permet de nous alimenter et de respirer.

Aujourd’hui, nous devons agir sans attendre, en nous appuyant sur les neuf principes fondamentaux du vivant pour restaurer ces limites : la création continue, la croissance limitée, le principe de décentralisation, la diversité, l’équilibre dynamique, l’interdépendance, le recyclage des déchets, la singularité et, enfin la sous-optimalité.

Se contenter de remplacer les énergies fossiles par des solutions durables ne traite pas le fond du problème. Autour des centrales solaires, il faut mener des programmes de régénération des sols, afin de leur permettre de mieux capter l’eau, le carbone et, donc, de redonner le potentiel de vie
Ces grands principes doivent être adressés de façon systémique et nous inspirer. Nos entreprises doivent s’engager collectivement sur le chemin de la régénération, à savoir une organisation qui opère comme un système vivant dans le respect des limites planétaires.

Cette volonté est aujourd’hui freinée par une approche en silo, principale maladie de notre ère industrielle. Prenons l’exemple de la finance : d’un côté, nous avons les infrastructures, qui rassemblent les énergies renouvelables et fossiles et, de l’autre, les solutions fondées sur la nature. Ces typologies d’actifs sont adressées de façon indépendante par des investisseurs différents, avec des horizons d’investissement pourtant similaires, c’est-à-dire long, voire très long terme. Continuer à les séparer, c’est continuer à siloter le vivant et, donc, aller droit dans le mur.

Se contenter de remplacer les énergies fossiles par des solutions durables ne traite pas le fond du problème. Autour des centrales solaires, il faut mener des programmes de régénération des sols, afin de leur permettre de mieux capter l’eau, le carbone et, donc, de redonner le potentiel de vie. C’est ainsi que nous pourrons revenir à un équilibre planétaire.

L’enjeu numéro 1 est de réintégrer, à la fois dans nos entreprises et au sein des territoires, une approche holistique, intégrative. Pour débloquer les fonds nécessaires aux financements de cette révolution, la volonté politique sera la clé. Tout se joue dans l’allocation du capital. La finance est le nerf de la guerre pour transformer nos façons de produire. Là encore, il faut désiloter, afin que les ministères des finances, de l’écologie et de l’énergie communiquent entre eux. Actuellement, les réponses apportées ne sont pas coordonnées, avec des conséquences dramatiques pour notre planète.

Au problème de l’approche fragmentée s’ajoute notre vision court-termiste des enjeux, avec une réflexion qui se fait uniquement à travers le prisme de la meilleure rentabilité. Tant que les gouvernements ne feront pas de choix très clairs en taxant davantage les énergies fossiles, dont le TRI (Taux de Rendement Interne) est bien supérieur à celui des énergies renouvelables, la finance continuera d’allouer des fonds insuffisants aux solutions permettant d’assurer la vie humaine sur notre planète. Il est temps d’en finir avec un système qui privilégie une recherche de profit déraisonnable. La Terre nous montre la voie à suivre depuis 3,5 milliards d’années. Qu’attendons-nous pour l’écouter ?

Alain Desvigne est PDG d’Amarenco.

Avenir de la terre: Des limites planétaires déjà dépassées

Avenir de la terre: Des limites planétaires déjà dépassées


Si elle pouvait parler, la Terre nous dirait que notre existence et celle de nos enfants dépendent de sa bonne santé, car nous faisons partie d’elle. Elle nous expliquerait que si nous ne sentons pas encore toutes les implications de ses dysfonctionnements, c’est parce que son temps est plus long que le nôtre et que les effets réels tardent encore à se manifester pleinement. Enfin, elle insisterait sur le fait qu’il est grand temps de la régénérer. Pour cela, c’est toute l’allocation de notre capital que nous devons repenser !

par Alain Desvigne est PDG d’Amarenco. dans les » Echos ».

Création continue, croissance limitée, principe de décentralisation, recyclage, sous-optimalité… Appliquons les principes du vivant

Six limites planétaires sur neuf ont été franchies : le climat, la biodiversité, le cycle biochimique de l’azote et du phosphore, les sols, les eaux douces et la pollution liée aux activités humaines. Concrètement, cela signifie que nous épuisons littéralement notre Terre et donc, notre maison, celle qui nous permet de nous alimenter et de respirer.

Aujourd’hui, nous devons agir sans attendre, en nous appuyant sur les neuf principes fondamentaux du vivant pour restaurer ces limites : la création continue, la croissance limitée, le principe de décentralisation, la diversité, l’équilibre dynamique, l’interdépendance, le recyclage des déchets, la singularité et, enfin la sous-optimalité.

Se contenter de remplacer les énergies fossiles par des solutions durables ne traite pas le fond du problème. Autour des centrales solaires, il faut mener des programmes de régénération des sols, afin de leur permettre de mieux capter l’eau, le carbone et, donc, de redonner le potentiel de vie
Ces grands principes doivent être adressés de façon systémique et nous inspirer. Nos entreprises doivent s’engager collectivement sur le chemin de la régénération, à savoir une organisation qui opère comme un système vivant dans le respect des limites planétaires.

Cette volonté est aujourd’hui freinée par une approche en silo, principale maladie de notre ère industrielle. Prenons l’exemple de la finance : d’un côté, nous avons les infrastructures, qui rassemblent les énergies renouvelables et fossiles et, de l’autre, les solutions fondées sur la nature. Ces typologies d’actifs sont adressées de façon indépendante par des investisseurs différents, avec des horizons d’investissement pourtant similaires, c’est-à-dire long, voire très long terme. Continuer à les séparer, c’est continuer à siloter le vivant et, donc, aller droit dans le mur.

Se contenter de remplacer les énergies fossiles par des solutions durables ne traite pas le fond du problème. Autour des centrales solaires, il faut mener des programmes de régénération des sols, afin de leur permettre de mieux capter l’eau, le carbone et, donc, de redonner le potentiel de vie. C’est ainsi que nous pourrons revenir à un équilibre planétaire.

L’enjeu numéro 1 est de réintégrer, à la fois dans nos entreprises et au sein des territoires, une approche holistique, intégrative. Pour débloquer les fonds nécessaires aux financements de cette révolution, la volonté politique sera la clé. Tout se joue dans l’allocation du capital. La finance est le nerf de la guerre pour transformer nos façons de produire. Là encore, il faut désiloter, afin que les ministères des finances, de l’écologie et de l’énergie communiquent entre eux. Actuellement, les réponses apportées ne sont pas coordonnées, avec des conséquences dramatiques pour notre planète.

Au problème de l’approche fragmentée s’ajoute notre vision court-termiste des enjeux, avec une réflexion qui se fait uniquement à travers le prisme de la meilleure rentabilité. Tant que les gouvernements ne feront pas de choix très clairs en taxant davantage les énergies fossiles, dont le TRI (Taux de Rendement Interne) est bien supérieur à celui des énergies renouvelables, la finance continuera d’allouer des fonds insuffisants aux solutions permettant d’assurer la vie humaine sur notre planète. Il est temps d’en finir avec un système qui privilégie une recherche de profit déraisonnable. La Terre nous montre la voie à suivre depuis 3,5 milliards d’années. Qu’attendons-nous pour l’écouter ?

Alain Desvigne est PDG d’Amarenco.

Education : « syndicat Avenir lycéen » condamné pour détournement de fonds publics

Education : « syndicat Avenir lycéen » condamné pour détournement de fonds publics

Ce syndicat lycéen, créé en 2018 pour soutenir la réforme du baccalauréat de l’ex-ministre, était accusé d’avoir dilapidé des subventions publiques. Il avait reçu du ministère une subvention de 65 000 euros, dont 43 000 euros pour organiser un congrès fondateur. Des fonds qui ont été dilapidés par les créateurs du syndicat.

Une enquête de Mediapart révélait en novembre 2020 que les responsables du syndicat avaient dépensé en quelques mois 80% de la subvention en notes de frais dans des restaurants gastronomiques, des hôtels cinq étoiles ou pour l’achat de montres connectées. Quant au congrès fondateur, il n’a jamais eu lieu. L’Etat, qui s’est constitué partie civile, demande le remboursement de 65 000 euros de subventions, une demande qui sera examinée séparément en septembre 2024.
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Les deux responsables, le cofondateur et le trésorier du syndicat, ont par ailleurs été condamnés à 5 000 euros d’amende avec sursis et à une peine d’éligibilité de trois ans. Les juges n’ont pas retenu l’interdiction d’entrée dans la fonction publique que le parquet avait requise.

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