« La minorité asiatique corps étranger à la communauté nationale »!
La sociologue d’origine taïwanaise Ya-Han Chuang détaille, dans un entretien au « Monde », les ambiguïtés des stéréotypes visant les immigrés asiatiques en Occident. ( Une analyse qui semble toutefois un peu datée NDLR)
Née à Taïwan, la sociologue et chercheuse à l’Institut national d’études démographiques (INED) Ya-han Chuang est arrivée en France en 2009. Son enquête de terrain, Une minorité modèle ? Chinois de France et racisme anti-Asiatiques (La Découverte, à paraître le 14 avril), se penche sur un mécanisme d’essentialisation encore peu étudié.
Aux Etats-Unis, cette étiquette repose sur un constat : les statistiques montrent une proportion importante d’Asiatiques dans les universités d’élite et leur revenu moyen est bien plus élevé que la moyenne nationale. Après la seconde guerre mondiale, un nombre important d’étudiants asiatiques (Japonais, Taïwanais, Chinois, Coréens) sont arrivés. Leur capital culturel a permis une intégration rapide dans la classe moyenne supérieure.
En France, il y a peu de donnés empiriques. L’enquête « TeO » de l’INED a démontré la réussite scolaire et professionnelle des descendants d’immigrés d’Asie du Sud-Est issus des boat people arrivés dans les années 1970 et 1980.
Les Chinois qui arrivent massivement en France à partir des années 1980 ont un capital culturel plus faible que ceux qui ont émigré aux Etats-Unis, mais beaucoup de ceux de la première génération sont commerçants, ce qui permet à M. Sarkozy de parler, en 2010, de « modèle d’intégration réussie ». « Vous incarnez la valeur travail qui m’est chère », avait-il dit à l’occasion du Nouvel An lunaire.
Pourquoi c’est discriminant ?
Le stéréotype veut que l’Asiatique soit travailleur, réussisse, mais il est aussi associé à des caractéristiques plus négatives : docile, discret, sournois… La minorité en France a beau être perçue comme modèle en termes économiques, elle demeure, à bien des égards, comme un corps étranger à la communauté nationale.
C’est un outil à double tranchant, qui contribue à enfermer les populations asiatiques dans des représentations figées de « commerçants qui réussissent » – les agressions étant l’une des conséquences les plus violentes de ces stéréotypes positifs. Mon livre commence par le meurtre de Chaolin Zhang, en 2016, à Aubervilliers, mais, en fait, les agressions très violentes qui visent les Chinois ne sont pas une nouveauté.