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Prélèvement à la source : une réforme liberticide (Jean-Yves Archer, économiste)

Prélèvement à la source : une réforme liberticide (Jean-Yves Archer, économiste)

(interview le Figaro)

Depuis des décennies, l’IRPP (impôt sur le revenu des personnes physiques) est perçu avec une année de décalage. On paye en 2016 un impôt sur ses revenus effectivement encaissés en 2015. Revenus professionnels, revenus financiers ou revenus fonciers.

L’objectif affiché du Gouvernement est de faire payer l’impôt «dans l’année de référence «. Pour citer le ministre Sapin: «Dans une société où la linéarité des parcours personnels comme professionnels n’est plus la norme, faire coïncider le moment où l’on perçoit son revenu et celui où l’on acquitte ses impôts est un réel progrès».

Selon un site dépendant de l’Administration, le prélèvement de l’IRPP à la source serait un «mode de recouvrement relativement simple et indolore pour le contribuable favorisant l’acceptabilité de l’impôt».

 

Indolore, acceptabilité : les grands mots sont avancés et révèlent la véritable intention de la Puissance publique.

Indolore, acceptabilité: les grands mots sont avancés et révèlent la véritable intention de la Puissance publique. Pour parler en termes clairs, en changeant l’axe de la lame de la tondeuse, le mouton sera d’autant plus coopératif. Pour parler en termes de science politique, le prélèvement à la source peut devenir une grandiose opération d’enfumage qui masquera, pour des millions de citoyens, la vraie charge publique.

Autrement dit, prélever en amont c’est s’assurer d’avoir l’aval de celui qui paye et ne comprend plus le schéma d’ensemble. C’est donner quitus aux gouvernants par-delà les errements éventuels de leurs gestions.

Rendre indolore c’est participer à l’aveuglement du contribuable dans un pays qui est peut-être le dernier de l’UE à ne pas prélever à la source mais qui est le premier en pourcentage de PIB (57,4%) pour sa dépense publique.

Curieusement, aucun chiffrage de l’économie de cette charge administrative n’a été avancé clairement. Partant d’un coût de collecte évalué à 600 millions d’euros, peut-on espérer une économie globale de 25%?

L’Etat nous propose donc un chamboulement pour moins de 200 millions alors que le déficit budgétaire dépasse les 70 milliards…

A l’inverse, il faut absolument avoir conscience des milliers d’heures de travail que ce mode de recouvrement va induire pour les entreprises: des grands groupes à la plus modeste des TPE.

A cet effet, il faudra attendre des chiffrages prévisionnels des experts-comptables ou autres pour jauger de l’ampleur de la vague bureaucratique qui va s’abattre sur les entreprises traitées, dans ce dossier, comme des baudets. Incontestablement, l’Etat se défausse d’une large partie du coût de la collecte de l’IRPP via l’obligation, à compter de 2017, qu’auront les entreprises de renseigner la DSN: déclaration sociale nominative.

Le gouvernement minimise cet aspect de la question ce qui est de bonne pratique politicienne mais n’apportera aucune garantie aux employeurs. Quant aux contribuables, le mot de garantie leur est quasiment interdit. De toute évidence, le prélèvement à la source est truffé de conséquences liberticides qu’un simple lot de questions permet de situer.

 

Acceptez-vous que votre employeur, pour appliquer le taux de votre imposition, ait un accès oblique aux revenus de votre conjoint ou à vos éventuels revenus fonciers ou financiers ?

Acceptez-vous que votre employeur, pour appliquer le taux de votre imposition, ait un accès oblique aux revenus de votre conjoint ou à vos éventuels revenus fonciers ou financiers? Par exemple, si vous gagnez 29000 euros nets annuels chez cet employeur et que vous avez la chance de disposer de 45000 euros de revenus fonciers, l’entreprise le saura en vous appliquant le taux d’imposition que lui transmettra l’Administration fiscale. Plus vos revenus annexes seront loin d’être accessoires, plus votre employeur aura peu d’envie de vous augmenter, instruit qu’il sera de vos revenus.

«L’employeur ne sera informé ni de la situation familiale ni des autres revenus perçus par le salarié, a déclaré M. Eckert. C’est l’administration fiscale qui restera l’unique destinataire des informations fiscales et l’unique interlocuteur des contribuables

Je ne pense pas que cette phrase sera en phase avec les futurs contours du déploiement du prélèvement à la source. Sauf à dire aux Français que l’on va supprimer le système par parts.

 

Si l’on ne veut pas que votre employeur connaisse les détails de votre vie de famille et le taux d’imposition de votre conjoint, nous allons vers le principe de la pleine autonomie de l’individu face à l’IRPP.

Si l’on ne veut pas que votre employeur connaisse les détails de votre vie de famille et le taux d’imposition de votre conjoint, nous allons vers le principe de la pleine autonomie de l’individu face à l’IRPP. C’est une forme de choix de société et si l’on reprend mon exemple de revenus fonciers, quid en cas d’acquisition commune du bien rapportant les revenus. On les impute sur quelle feuille d’impôt: conjoint A ou conjoint B? Alors que, dans la vie courante, les deux en tirent égal avantage.

De même que devient le système de parts? Sans grande difficulté, l’employeur peut y avoir accès. Est-ce un bien?

Plus ardu: si vous travaillez dans deux entreprises simultanément, laquelle assumera le rôle d’organisme de déclaration? Souhaitez-vous que l’employeur B connaisse vos revenus chez l’entreprise A? Ou alors, chacune va émettre une DNS et l’Etat compilera après?

Autre question: en cas de coresponsabilité d’établissement de la déclaration, vous sentez-vous assez armé pour contester une erreur de l’employeur dont vous dépendez?

A défaut, si vous demeurez le seul responsable, pensez-vous que l’entreprise sera totalement motivée et vous fournira une garantie de bonne fin pour votre retenue à la source?

Pour l’Etat, l’impôt sur le revenu représente 72 milliards d’euros soit 24,1% du total des quelques 300 mds de recettes fiscales. Soit la moitié de la TVA (47,3% et 146 mds) vis-à-vis de laquelle on doit remarquer le niveau très relatif d’effort de recouvrement.

La fraude dite carrousel est en effet évaluée à 32 milliards d’euros ce qui est presque la moitié du rendement net de l’impôt sur le revenu et «x «fois les avantages supputés du prélèvement à la source.

Il semble donc assez irresponsable de chercher une retenue à la source du côté de l’IRPP alors que la nocivité et la déviance antifiscales sont nettement plus avérées du côté de la TVA comme le répètent régulièrement le syndicaliste Vincent Drezet ou les avocats fiscalistes dont Jérôme Turot.

En fait, la retenue à la source pose une vraie question de société: en étant soi-disant débarrassé mensuellement ET passivement de l’impôt sur le revenu, le citoyen ou la citoyenne gagnerait en pseudo-confort de vie. Il pourrait dépenser son net à payer post fiscalité. Soit. Alors, pourquoi pas une retenue à la source des loyers? Bien au-delà des systèmes de prélèvements bancaires actuels qui sont récusables. Tout ceci est un bouillon de culture pour l’irresponsabilité et éloigne le citoyen de sa bonne capacité à gérer ses propres affaires.

Et surtout, il l’éloigne de la capacité à bien «ressentir «ce que lui coûte la sphère publique.

Le prélèvement à la source est une idée technique de moyenne importance (gains sur les coûts de collecte, etc.) mais une idée politique qui a valeur de joker pour les apprentis sorciers de la dépense publique qui n’ont pas forcément de couleur politique mais ont les mêmes travers gestionnaires.

Un krach rampant (Jean Yves Archer)

Un krach rampant (Jean Yves Archer)

Jean-Yves Archer, économiste., considère que au-delà des mouvements de yo-yo boursier la crise est loin d’être terminée et qu’il entre même dans une nouvelle phase (interview Le Figaro)

 

Le krach rampant de janvier 2016 est un fait. Il parle directement aux épargnants ou aux investisseurs institutionnels dont les portefeuilles vont porter les stigmates de lourdes dépréciations. Par-delà l’habituel jeu de yo-yo boursier. Si la crise de 2008 était difficile à prévoir car nul n’imaginait l’ampleur de la dissémination de produits toxiques dans différents compartiments d’épargne, il était franchement inconcevable de penser que l’on laisserait choir – de manière inconséquente – un établissement du format de Lehman Brothers. En conséquence, peu d’analystes auraient été en situation d’imaginer la thrombose qui a atteint le marché interbancaire.

1) Or, premier point de constat: la défiance interbancaire persiste. Elle est attestée par les volumes de liquidités que les banques commerciales confient quotidiennement aux banques centrales de 2016, méfiantes qu’elles sont de la réalité de leurs concurrentes. Elles préfèrent un taux négatif au risque interbancaire ce qui en dit long sur leur propre analyse de la situation concrète.

2) La création monétaire issue de l’activité de crédit des banques demeure grippée. L’incertitude du prêteur quant à la qualité de ses contreparties, alliée à des normes sectorielles probablement élaborées trop drastiquement induisent un resserrement du crédit et un étranglement de l’économie réelle. Les statistiques avancées sont souvent trompeuses: on nous dit qu’il n’y a pas de «credit-crunch» mais on omet de citer loyalement la multitude de cas où les demandes de prêts à faible occurrence d’aboutissement ne sont pas prises en compte. Idem pour l’autocensure des dirigeants qui ne vont pas jusqu’à formuler leurs demandes. Seules des personnes du rang de l’ancien gouverneur de la Banque de France Christian Noyer (déclaration écrite du 5 Juillet 2014, Aix-en-Provence) ont eu la lucidité et la témérité d’un discours de vérité.

3) Face à ce blocage du monde du crédit, il a été inventé la notion de «quantitative easing «(QE) qui donne aux banques centrales la mission de procéder à des rachats d’actifs moyennant une injection de liquidités. Sorte de pompe à morphine erratique, cette politique pose question. D’une part, la qualité des actifs éligibles à la politique de rachat ne manque pas d’inquiéter (voir future réunion de la BCE de mars prochain). D’autre part, la transmission verticale supposée de ces liquidités vers des projets tangibles de l’économie réelle a sous-estimé le prisme filtrant des banques souvent en quête de restauration de la qualité de leurs comptes, engagements hors-bilan inclus.

4) Désormais, facteur aggravant, c’est bien le statut de la création monétaire qui est en jeu. Cela n’a rien à voir avec une crise financière et une dépréciation sous oscillations de diverses valeurs sur les marchés. Il s’agit d’une inquiétude sur la pierre angulaire du système capitaliste que constitue la monnaie d’où les tensions présentes entre les devises phares.

On a tué la valeur de la rémunération de l’argent par la diffusion massive de taux epsilon voire négatifs: le système l’a intégré et nous lance au visage un boomerang nommé déflation découlant des trappes à liquidités ainsi générées.

5) Des milliards injectés par le QE n’ont pas fait repartir la moindre dynamique inflationniste et tel est bien le défi pour Mario Draghi ou son homologue nippon. C’est une illustration incontestable de la virulence des forces déflationnistes qui nous menacent désormais.

6) W. Rostow a démontré les grandes étapes de la croissance économique. La Chine n’échappe pas à sa grille de lecture qui remonte pourtant à plus d’un demi-siècle. Comme avant 1929, aux Etats-Unis, les bourses asiatiques ont connu une folle embellie. Pour douloureux que cela puisse être, la correction s’imposait mais n’a pas ramené aux niveaux de départ. Il demeure donc un enrichissement net possible contrairement à une place comme Paris dont les 4000 points sont un lourd coup de canif patrimonial, donc une destruction de valeurs.

7) S’agissant de destruction de valeurs, il y a une autre question centrale: jusqu’à quel seuil l’euro suscitera-t-il de la confiance (monnaie de réserve) alors que le bilan joufflu de son Institut d’émission – la BCE – ne le justifie déjà probablement plus?

8) En économie, chaque valeur se situe dans ce que je nomme un «tunnel de conformité «: en-deçà d’un certain prix, les inconvénients l’emportent sur les avantages initiaux de l’acheteur. Tout le monde a exulté face à un baril de pétrole à 35 dollars, désormais on dénombre des faillites de producteurs de gaz de schistes (et une bulle corrélative d’endettement aux Etats-Unis) et des difficultés lourdes chez certains pays émergents ou chez Technip et Vallourec.

Concrètement, une excessive spirale baissière des valeurs est un gain à court terme qui n’écarte pas l’orage à moyen terme.

9) La formidable révolution numérique qui tord chaque jour davantage le cou du mythe grognon de la stagnation séculaire (et nous impose de revoir les fondements de nos agrégats nationaux pour repérer la nouvelle croissance) s’accompagne d’une remise en cause de bien des chaînes de valeur, tous secteurs confondus. Ceci, dans un premier temps, présente un versant déflationniste et là encore une compression des marges. C’est un point systémique: c’est un cap délicat à franchir qui contribue, paradoxalement, à l’intensification de la crise qui est un conglomérat de «destructions créatrices» (Schumpeter).

10) Depuis 1911, Irving Fischer a établi une célèbre équation: MV = PT où le volume des transactions ( T ) et la vitesse de circulation ( V ) sont donnés, le niveau des prix (P ) est alors déterminé par le stock de monnaie (M ). En ce moment précis, le stock de monnaie est inflationniste et la vitesse de circulation monétaire très accrue. Idem pour le volume des transactions à l’heure du «shadow banking» ou autre trading haute fréquence. C’est alors le niveau des prix qui devient le maillon faible à titre systémique d’où le ressort déflationniste.

11) A telle enseigne qu’un consensus se dégage désormais pour corriger à la baisse les prévisions de croissance pour 2016. Clairement ou de manière graduelle, quasi-impressionniste, selon les institutions émettrices.

Dès le 16 septembre 2015, l’OCDE ramenait sa prévision de 1,7% à 1,4%. (Pour 2016). Chiffre repris à la décimale près par la Commission européenne en date du 5 novembre. Tandis que Bruxelles pointait du doigt nos futures maigres performances en matière de chômage et de déficit public (février 2016). Tabler sur des recettes fiscales générées par 1,5% de taux de croissance en 2016 (hypothèse du Projet de Loi de finances) est infondé ce que ne démentent pas, dans des cénacles privés, certains membres du HCFP. (Haut-Conseil des Finances Publiques). Les décideurs publics, à défaut de talent, pourraient manifester de la vertu : en France, ils ont opté pour une politique attentiste et fait adopter un budget qu’ils savaient déjà caduc à la lumière des spasmes de récession qui concernaient, dès l’automne, la Russie, le Brésil et la Chine.

Vauvenargues a su écrire: «Pour savoir ce qu’il faut faire, il faut du génie. Pour savoir comment le faire, il faut du talent. Pour le faire, il faut de la vertu

La violence de la mutation économique en cours de déploiement supposerait bien une once de génie. Mais la théorie économique est muette face aux présentes politiques non-conventionnelles des Banques centrales d’où l’embarras manifeste de la FED. Les décideurs publics, à défaut de talent, pourraient manifester de la vertu: en France, ils ont opté pour une politique attentiste et fait adopter un budget qu’ils savaient déjà caduc à la lumière des spasmes de récession qui concernaient, dès l’automne, la Russie, le Brésil et le repli conjoncturel chinois dont l’ampleur exacte est, pour l’instant, indéchiffrable. Huit ans après le début de la crise, nous allons vers une autre séquence d’épreuves: c’est hélas peu contestable.

 




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