«Une approche industrielle des enjeux climatiques» !!! (Vincent Champain)
Une contribution intéressante de Vincent Champain, économiste et dirigeant d’entreprise, dans un article d’Usine nouvelle
Vincent Champain tente d’intégrer dans la problématique climatique la logique économique et l’approche industrielle. Tout n’est pas faux dans cet argumentaire mais le renvoi permanent à l’approche industrielle discrédite un peu le discours. L’exemple des tomates dont la production à l’autre bout du monde serait plus pertinente que la production locale dans des serres chauffées qui polluent parait en effet douteux. La question centrale est de savoir si la société a vraiment besoin de consommer des tomates en dehors des saisons locales. En clair, le mode de consommation et de production et de distribution est insuffisamment posé même si des éléments de réflexion sont pertinents par rapport notamment au coup de l’énergie
« A la veille de la COP24 à Katowice, en Pologne, bien des indicateurs sont au rouge : la consommation mondiale de charbon augmente à nouveau en 2017, celle de pétrole accélère. La production d’électricité « verte » augmente, mais la demande mondiale d’électricité augmente deux fois plus. Les Etats-Unis ont annoncé leur sortie de l’accord de Paris, et le parlement australien n’a pas voulu mettre ses engagements dans la loi.
Ces difficultés tiennent en partie au coût des actions retenues pour réduire les émissions – le soutien aux énergies renouvelables, des subventions aux solutions « vertes » ou des normes d’émissions pèsent sur les prix de l’énergie ou les finances publiques, et les normes d’émission sur le prix des véhicules.
On pourrait penser qu’il n’y a pas le choix, mais c’est inexact. Ainsi, la Chine pourrait réduire ses émissions de 2 à 6 % en adoptant des « bonnes pratiques » (1) en matière de production et d’utilisation des engrais. Il en va de même pour de nombreux produits (deux-roues électriques qui peuvent remplacer des deux-roues généralement gourmands en carburant, processus industriels…), qui permettent de réduire les émissions de gaz à effet de serre à un coût par tonne d’équivalent CO2 évité très bas.
. De nombreux freins nous privent des solutions les plus performantes. D’abord, la méconnaissance des meilleures technologies disponibles dans un domaine donné. Les clients potentiels ne connaissent pas ces solutions et le « green washing » (stratégie de communication visant à mettre en avant des solutions « vertes » qui ne le sont qu’à moitié) ne leur facilite pas la tâche. Le deuxième frein tient à l’opacité des critères retenus pour favoriser ou non certaines technologies : souvent peu économiques, ils ne favorisent pas particulièrement les solutions les plus performantes. Pour s’attaquer à ces deux freins, il suffirait de donner plus de transparence au rapport coût/impact climatique, par exemple en publiant le coût par tonne de CO2 évitée. Sinon des solutions très abordables (la reforestation a un coût d’environ 10 euros/tonne de CO²) sont difficiles à départager de projets « verts » en apparence, mais qui le sont nettement moins (certains biocarburants atteignent 1 000 €/tonne de CO² évitée).
Il subsiste par ailleurs de nombreux a priori. Par exemple, certains rejettent l’idée que le commerce puisse parfois contribuer à réduire les émissions. Or, ce qui compte, ce sont les émissions sur l’ensemble de la vie des produits, la distance séparant le lieu de production et le lieu de consommation n’étant qu’une variable parmi d’autres. Il est ainsi plus efficace du point de vue climatique de consommer des tomates acheminées par bateau et produites au Maroc que des tomates cultivées en France dans des serres chauffées puis transportées en brouette ! Et le commerce de services, de procédés de production et de technologies « vertes » permet de réduire les émissions. Or les échanges de biens et services « verts » représentent entre 10 % et 15 % de l’ensemble des exportations européennes, une proportion qui ne cesse de progresser malgré la crise. Ainsi, il existe de nombreuses voies pour réduire les émissions à un coût limité. Pour cela, il faut non pas partir du principe que l’industrie est l’ennemie du climat, mais au contraire adopter une approche « industrielle » à ces questions, en cherchant à la fois à augmenter le volume des actions mises en œuvre et à réduire leur coût. »
Vincent Champain, cadre dirigeant et président de l’Observatoire du Long Terme, think tank dédié aux enjeux de long terme.