Archive pour le Tag 'Antivax:'

Vaccin Covid: En Afrique, des antivax aussi

Vaccin Covid: En Afrique, des antivax aussi

Collectif

Faute de doses en nombre suffisant malgré les promesses des pays riches, le taux de vaccination anti-Covid est très faible en Afrique. Mais c’est aussi à cause des grandes réticences des populations, relèvent, dans une tribune au « Monde », trois sociologues.(extrait)

 

Tribune.

Depuis l’apparition du Covid-19, on observe partout dans le monde des contestations des mesures prises par les autorités gouvernementales. Les antivax du Sud diffèrent-ils de ceux du Nord ? Le taux de vaccination est certes fort contrasté entre le Nord (Europe ou Etats-Unis) au-dessus de 50 %, et l’Afrique en dessous de 10 %. Au Sénégal, il avoisine les 2 % tandis qu’au Cameroun seulement 0,3 % de la population serait complètement vaccinée.

« One World, One Health » (« un monde, une santé »), clame l’Organisation mondiale de la santé (OMS) : le dispositif Covax qu’elle a mis sur pied promettait un large accès aux vaccins, à moindre prix, et la livraison de quelque 520 millions de doses d’ici à fin 2021. Début août, seulement 15 % ont été envoyées. La Chine a pris le relais, à sa façon : si le Cameroun a reçu 200 000 doses de Sinopharm gratuitement dès avril 2021, le Sénégal en a payé autant au prix fort (20 dollars l’unité, environ 16,85 euros), avant d’en recevoir 300 000 gracieusement… Les Etats-Unis ont commencé à livrer gratuitement cet été divers pays africains, peut-être inspirés par le « soft power » chinois ? « One Health, One Market » (« une santé, un marché »)…

 

Une forte résistance des populations a accru les effets de ce trafic d’influence sur la vaccination. Au Sénégal, les populations, sceptiques quant à l’existence de la maladie, refusèrent les mesures de confinement au début. Puis, leur défiance à l’encontre des autorités a nourri un sentiment collectif d’aversion pour le vaccin.

Malgré les campagnes de sensibilisation menées par les autorités politiques et religieuses, des vaccins déjà acheminés dans les établissements publics de santé ont été rendus au ministère faute de preneurs. Les hésitations ont aussi été alimentées par les retours d’expérience des primovaccinés. Les personnes atteintes de céphalées, de lourdeur du bras, de vomissements, de diarrhée, etc. ont investi l’espace public, virtuel et physique, pour témoigner de leurs mésaventures.

Les frais des effets secondaires ne sont pas pris en charge par l’hôpital et les interrogations et inquiétudes soulevées par les antivaccins ne sont que frileusement dissipées par les autorités sanitaires, qui les considèrent comme des rumeurs infondées et préfèrent accentuer leur communication sur les statistiques (nombre de cas et de décès enregistrés, nombre d’admis aux urgences, nombre de vaccinés, etc.).

Covid-Antivax : intérêt individuel contre l’intérêt général

Covid-Antivax : intérêt individuel contre l’intérêt général

 

« Entendre parler de liberté individuelle alors que dans la balance se trouve la vie de milliers de personnes est assez dérangeant, estime Stéphane Hergueta dans le Monde . [...] Au lieu de critiquer des décisions difficiles, dans un contexte impossible, il serait temps de soutenir les actions en faveur de la survie du plus grand nombre. »

 

On aurait pu espérer que cette pandémie nous rappellerait la prédominance de l’intérêt général, c’est-à-dire celui du plus grand nombre, sur l’intérêt individuel. Malheureusement, pour nombre de personnes, c’est l’inverse et la liberté individuelle est utilisée comme argument pour refuser de se faire vacciner. C’est oublier un peu vite que la liberté de chacun ne doit pas entraîner la mort de l’autre !

La défense du droit individuel par les anti-vaccins ne relève-t-il pas d’une demande de permis de tuer ? C’est la question que l’on peut légitiment se poser si l’on considère que chaque personne non vaccinée a le potentiel de contaminer au moins six personnes et reste contaminante pendant plusieurs jours, alors que les personnes vaccinées ne pourraient en contaminer qu’une seule et ce pendant quelques heures seulement, le temps que les anticorps tuent le virus…

Entendre parler de liberté individuelle alors que dans la balance se trouve la vie de milliers de personnes est assez dérangeant. Nous sommes dans une crise sanitaire dont le vecteur tue des gens, certains qui nous sont proches, d’autres non, mais des personnes néanmoins. Plus de 112 000 morts en France, combien dans le monde ? Plus de 4 millions de morts – du moins pour les cas qui ont été identifiés comme tels – et certains nous parlent encore d’une suppression de leur liberté individuelle ?

Outre les morts, parlons aussi des malades qui ont pu être sauvés, certains après un long séjour en réanimation, et des symptômes qu’ils ont eu à subir : céphalée, perte du goût et de l’odorat plus ou moins longue, extrême fatigue, difficultés de concentration, voire perte de repères… Certes, la plupart de ces symptômes finissent par disparaître avec le temps, mais cela a touché en France plus de 6 millions de personnes et plus de 200 millions dans le monde ! Et certains ont gardé certains symptômes plusieurs mois !

Parlons également des gens qui ont pratiquement tout perdu suite aux mesures de confinement. Combien de personnes ont perdu leur emploi et n’ont plus réussi à payer leur loyer, leur électricité, leur forfait téléphonique ? Combien de personnes âgées totalement isolées se sont laissées mourir faute de voir leur famille ou leurs proches, et pas que dans les Ehpad ? Là, je n’ai pas trouvé de chiffres. Il faudra attendre une étude a posteriori, conduite par une équipe de sociologues, s’ils peuvent obtenir un financement pour le faire, parce que, oui, la recherche ne peut se faire sans financement.

Entendre des responsables politiques accuser le gouvernement d’avoir tout dit et son contraire, alors que l’on se trouve face à un nouveau virus, est pour moi le comble de l’absurdité. Au lieu de souligner la vitesse à la laquelle la recherche scientifique et médicale a permis d’identifier le virus, puis de le comprendre et de fabriquer des vaccins viables en moins d’un an (habituellement il faut compter au moins deux ans), ils fustigent ceux qui ont eu le malheur de se trouver aux commandes au mauvais moment. Attention, je ne défends pas le gouvernement dans son action politique, mais je salue l’essentiel de sa gestion de cette crise inédite, qui fait que la France ne s’en sort finalement pas si mal par rapport à bien d’autres pays, dont certains pays dits développés.

Certes, le cafouillage du masque est un exemple de plus des difficultés des gouvernements, de droite comme de gauche, à clairement exposer les réalités de certains choix difficiles. Un stock de masques dont l’essentiel a largement dépassé la date de fin d’utilisation, donc potentiellement inutilisable, certes acheté à l’époque de la grippe aviaire mais sans mettre en place la procédure de remplacement par le ministre de la santé de l’époque…

Rappelons-nous du scandale du sang contaminé du début de l’épidémie de sida : au lieu de dire clairement que le choix était fait de risquer la santé future des hémophiles (environ 5 000 en France) et personnes ayant un besoin vital d’une transfusion pour éviter qu’ils ne meurent tout de suite, le gouvernement de l’époque s’est caché derrière son petit doigt en affirmant qu’il n’y avait pas de certitude sur le risque. Pour les masques, rebelote : nions leur utilité plutôt que d’avouer qu’on n’en a pas assez pour tout le monde et que le stock sera donc donné en priorité aux soignants…

Mais reconnaissons que le gouvernement actuel, placé dans une situation impossible de gestion de crise sanitaire mondiale et de maintien des moyens de subsistance des Français, ne s’en est finalement pas si mal sorti. Qu’auraient donc fait de mieux (ou de pire) les politiques de l’opposition ? Auraient-ils laissé mourir plus de Français pour éviter de limiter les libertés individuelles de certains ? Auraient-ils suivi aveuglément les conseils des médecins qui prônaient un confinement total sans tenir compte des aspects psychologiques de l’isolement et des impacts sur les moyens de subsistance des Français ? Auraient-ils acheté le vaccin russe (impossible à conserver plusieurs mois) ou le chinois (inefficace sur le variant Delta) ?

Au lieu de critiquer des décisions difficiles, dans un contexte impossible, il serait temps de soutenir les actions en faveur de la survie du plus grand nombre, de leur survie dans les mois à venir, et de rappeler des vérités essentielles comme celle-ci : aucune substance médicamenteuse, même bio ou naturelle, n’est sans effet secondaire. Les allergies aux fraises ou aux arachides tuent elles aussi, même issues d’agriculture biologique !

Temps aussi de rappeler que l’Union européenne a les critères les plus stricts au monde en matière d’évaluation des médicaments, y compris les vaccins.

Temps enfin de remettre la vaccination en perspective : il s’agit de sauver la vie d’êtres humains, nos frères et nos sœurs humains, des parents, des enfants, de vraies personnes dont la disparition nous affecte profondément. Qui parmi nous ne connaît pas un proche ou une connaissance morte du Covid-19 ?

La liberté individuelle de chacun s’arrête là où débute celle de l’autre ? Et ici celle de l’autre c’est son droit à la vie. Bref, vaccinons-nous.

Stéphane Hergueta, Paris

Antivax : intérêt individuel contre l’intérêt général

 Antivax : intérêt individuel contre l’intérêt général

 

« Entendre parler de liberté individuelle alors que dans la balance se trouve la vie de milliers de personnes est assez dérangeant, estime Stéphane Hergueta dans le Monde . [...] Au lieu de critiquer des décisions difficiles, dans un contexte impossible, il serait temps de soutenir les actions en faveur de la survie du plus grand nombre. »

 

On aurait pu espérer que cette pandémie nous rappellerait la prédominance de l’intérêt général, c’est-à-dire celui du plus grand nombre, sur l’intérêt individuel. Malheureusement, pour nombre de personnes, c’est l’inverse et la liberté individuelle est utilisée comme argument pour refuser de se faire vacciner. C’est oublier un peu vite que la liberté de chacun ne doit pas entraîner la mort de l’autre !

La défense du droit individuel par les anti-vaccins ne relève-t-il pas d’une demande de permis de tuer ? C’est la question que l’on peut légitiment se poser si l’on considère que chaque personne non vaccinée a le potentiel de contaminer au moins six personnes et reste contaminante pendant plusieurs jours, alors que les personnes vaccinées ne pourraient en contaminer qu’une seule et ce pendant quelques heures seulement, le temps que les anticorps tuent le virus…

Entendre parler de liberté individuelle alors que dans la balance se trouve la vie de milliers de personnes est assez dérangeant. Nous sommes dans une crise sanitaire dont le vecteur tue des gens, certains qui nous sont proches, d’autres non, mais des personnes néanmoins. Plus de 112 000 morts en France, combien dans le monde ? Plus de 4 millions de morts – du moins pour les cas qui ont été identifiés comme tels – et certains nous parlent encore d’une suppression de leur liberté individuelle ?

Outre les morts, parlons aussi des malades qui ont pu être sauvés, certains après un long séjour en réanimation, et des symptômes qu’ils ont eu à subir : céphalée, perte du goût et de l’odorat plus ou moins longue, extrême fatigue, difficultés de concentration, voire perte de repères… Certes, la plupart de ces symptômes finissent par disparaître avec le temps, mais cela a touché en France plus de 6 millions de personnes et plus de 200 millions dans le monde ! Et certains ont gardé certains symptômes plusieurs mois !

Parlons également des gens qui ont pratiquement tout perdu suite aux mesures de confinement. Combien de personnes ont perdu leur emploi et n’ont plus réussi à payer leur loyer, leur électricité, leur forfait téléphonique ? Combien de personnes âgées totalement isolées se sont laissées mourir faute de voir leur famille ou leurs proches, et pas que dans les Ehpad ? Là, je n’ai pas trouvé de chiffres. Il faudra attendre une étude a posteriori, conduite par une équipe de sociologues, s’ils peuvent obtenir un financement pour le faire, parce que, oui, la recherche ne peut se faire sans financement.

Entendre des responsables politiques accuser le gouvernement d’avoir tout dit et son contraire, alors que l’on se trouve face à un nouveau virus, est pour moi le comble de l’absurdité. Au lieu de souligner la vitesse à la laquelle la recherche scientifique et médicale a permis d’identifier le virus, puis de le comprendre et de fabriquer des vaccins viables en moins d’un an (habituellement il faut compter au moins deux ans), ils fustigent ceux qui ont eu le malheur de se trouver aux commandes au mauvais moment. Attention, je ne défends pas le gouvernement dans son action politique, mais je salue l’essentiel de sa gestion de cette crise inédite, qui fait que la France ne s’en sort finalement pas si mal par rapport à bien d’autres pays, dont certains pays dits développés.

Certes, le cafouillage du masque est un exemple de plus des difficultés des gouvernements, de droite comme de gauche, à clairement exposer les réalités de certains choix difficiles. Un stock de masques dont l’essentiel a largement dépassé la date de fin d’utilisation, donc potentiellement inutilisable, certes acheté à l’époque de la grippe aviaire mais sans mettre en place la procédure de remplacement par le ministre de la santé de l’époque…

Rappelons-nous du scandale du sang contaminé du début de l’épidémie de sida : au lieu de dire clairement que le choix était fait de risquer la santé future des hémophiles (environ 5 000 en France) et personnes ayant un besoin vital d’une transfusion pour éviter qu’ils ne meurent tout de suite, le gouvernement de l’époque s’est caché derrière son petit doigt en affirmant qu’il n’y avait pas de certitude sur le risque. Pour les masques, rebelote : nions leur utilité plutôt que d’avouer qu’on n’en a pas assez pour tout le monde et que le stock sera donc donné en priorité aux soignants…

Mais reconnaissons que le gouvernement actuel, placé dans une situation impossible de gestion de crise sanitaire mondiale et de maintien des moyens de subsistance des Français, ne s’en est finalement pas si mal sorti. Qu’auraient donc fait de mieux (ou de pire) les politiques de l’opposition ? Auraient-ils laissé mourir plus de Français pour éviter de limiter les libertés individuelles de certains ? Auraient-ils suivi aveuglément les conseils des médecins qui prônaient un confinement total sans tenir compte des aspects psychologiques de l’isolement et des impacts sur les moyens de subsistance des Français ? Auraient-ils acheté le vaccin russe (impossible à conserver plusieurs mois) ou le chinois (inefficace sur le variant Delta) ?

Au lieu de critiquer des décisions difficiles, dans un contexte impossible, il serait temps de soutenir les actions en faveur de la survie du plus grand nombre, de leur survie dans les mois à venir, et de rappeler des vérités essentielles comme celle-ci : aucune substance médicamenteuse, même bio ou naturelle, n’est sans effet secondaire. Les allergies aux fraises ou aux arachides tuent elles aussi, même issues d’agriculture biologique !

Temps aussi de rappeler que l’Union européenne a les critères les plus stricts au monde en matière d’évaluation des médicaments, y compris les vaccins.

Temps enfin de remettre la vaccination en perspective : il s’agit de sauver la vie d’êtres humains, nos frères et nos sœurs humains, des parents, des enfants, de vraies personnes dont la disparition nous affecte profondément. Qui parmi nous ne connaît pas un proche ou une connaissance morte du Covid-19 ?

La liberté individuelle de chacun s’arrête là où débute celle de l’autre ? Et ici celle de l’autre c’est son droit à la vie. Bref, vaccinons-nous.

Stéphane Hergueta, Paris

Manif antivax : 160 000 participants

Manif antivax : 160 000 participants

114.000 personnes avaient défilé la semaine dernière contre le passe sanitaire, 161.000 personnes au moins étaient présents ce samedi 24 juillet.

 

Selon les autorités, 11.000 personnes se sont mobilisées dans la capitale, un chiffre en baisse par rapport à la semaine dernière, où 18.000 manifestants avaient été comptés. 4300 personnes ont défilé à Marseille, 6000 à Nice, 3500 à Annecy, 4000 à Strasbourg, et plusieurs milliers également à Montpellier, Nantes, Lyon, Lille, Vannes, Rennes, Rouen ou Toulouse. Les cortèges  étaient souvent composés de catégories très hétérogènes politiquement et socialement.

Mouvement antivax : 35% approuvent

Mouvement antivax : 35% approuvent

Si 49% Français sont « opposés » ou « hostiles » au mouvement de protestation contre le passe sanitaire, et 16% « indifférents », ils sont tout de même 35% à éprouver « soutien » ou « sympathie » pour lui.

 

,Selon un sondage Ifop pour le JDD 49 % des Français sont aussi le mouvement de protestation contre le path sanitaire mais 35 % approuvent. En faite une espèce d’agglomération de mécontentement visant le passsanitaire mais plus généralement la politique du gouvernement.

À noter sans doute un éclectisme voir des contradictions chez les opposants dont beaucoup se situe aux extrêmes dans le champ politique est aussi dans la mouvance populiste.

 

* Sondage Ifop pour le JDD réalisé les 20 et 21 juillet 2021 auprès d’un échantillon représentatif de 1.002 personnes âgées de 18 ans et plus (méthode des quotas). Les interviews ont eu lieu par questionnaire autoadministré en ligne.

Antivax-Contre l’incivisme la pédagogie

Antivax-Contre l’incivisme la pédagogie

Pour Julien Damon, sociologue, l’épidémie montre que beaucoup de gens ne veulent pas vivre comme les autres : « ​Ils ne veulent plus cotiser pour des populations qui ne leur ressemblent pas, on l’observe du côté de l’impôt mais aussi du côté sanitaire, en refusant de s’injecter une substance au nom de la protection générale »

 

 

Julien Damon est sociologue, professeur associé à Sciences Po et dirigeant de la société d’études et de conseils Eclairs. Il est aussi l’auteur d’une vingtaine d’ouvrages sur la pauvreté et la protection sociale.

Depuis l’annonce du pass sanitaire, les prises de rendez-vous dans les centres de vaccination explosent. L’intérêt individuel – avoir accès aux loisirs – motive donc davantage que l’intérêt collectif – protéger la population et désengorger les hôpitaux. Pourquoi la notion de vivre ensemble ne trouve-t-elle aucun écho ?

Quand on entend les grands blablas sur le vivre ensemble, là, avec le virus, on voit bien que beaucoup de gens ne veulent pas vivre comme les autres. Et ce qui est étonnant, c’est que les Français sont particulièrement réticents et critiques alors qu’ils font partie des plus protégés ! Nos voisins européens payent des fortunes pour se faire tester. L’épidémie de coronavirus met en avant un individualisme négatif forcené à la française, préoccupant sur le long terme, et alimenté par un pessimisme très culturel aussi. Il y a un an par exemple, seul un Français sur cinq répondait « oui » à la question « va-t-on trouver un vaccin efficace contre la Covid-19 ? », contre 80 % des Chinois. Ce pourcentage français arrivait dernier sur vingt-cinq pays. C’est un trait très français que d’être négatif sur tout.

La logique collective pâtit, donc, de cet individualisme pessimisme ?

Ce qui est compliqué, à l’égard de l’Etat-providence et du collectif, c’est que plus une société devient différente, plus elle se compose d’individus différents ou qui s’estiment différents rassemblés en groupes distincts, plus il est difficile de faire vivre un collectif. Vous en avez certains qui se rassemblent sur des sites Internet, d’autres sur des ronds-points. Ces différences s’exacerbent et font les tensions. Les communautarismes s’ajoutent les uns aux autres, cela a pour conséquence que les uns et les autres ne veulent plus cotiser pour des populations qui ne leur ressemblent pas. On l’observe du côté de l’impôt, de la protection sociale mais aussi du côté sanitaire, par refus de s’injecter une substance au nom de la protection générale.

«La grande leçon c’est que l’appel au civisme, en France, ne fonctionne pas»

Et qu’est-ce qui caractérise cette logique individuelle de n’écouter que soi et ses semblables et de n’agir que dans son propre intérêt ?

Cet individualisme négatif s’incarne sous la forme d’un incivisme assez poussé, que l’on retrouve dans les incivilités en général mais qui est exprimé ici dans le registre sanitaire. Certes, il n’y a pas que de l’incivisme dans le refus de se faire vacciner, il y a aussi le fait que le gouvernement ait pu hésiter et dit, un temps, qu’il n’y aurait jamais d’obligation vaccinale… Mais la grande leçon, c’est tout de même que l’appel au civisme, en France, ne fonctionne pas. Donc il faut passer par une incitation d’ordre individuel, qu’elle soit répressive avec une interdiction de rentrer dans les magasins ou les boîtes de nuit, ou positive, en récompensant les jeunes vaccinés par des cadeaux gagnés à la tombola, comme ce qui se fait à Nîmes.

Il y a ceux qui refusent de se faire vacciner par conviction, mais il y a aussi de nombreuses personnes, des jeunes notamment, qui ont attendu l’allocution du Président et les restrictions à l’entrée des lieux publics pour prendre rendez-vous. Ceux-là aussi sont inciviques ?

L’incivisme, c’est ceux qui refusent, qui se mobilisent en promettant de tout casser à partir du moment où l’on incite vivement à ce que tout le monde se vaccine. Ce qui est typique des jeunes en revanche, c’est l’insouciance, plus sympathique que cette revendication de la violence. Mais c’est un premier niveau d’incivisme, qui commence par « je m’en fiche ». Ensuite, un cran au-dessus, on retrouve le refus, qui s’accompagne de l’argument égoïste disant « que les autres se fassent vacciner, je ne sais pas ce qu’il y a dans ce produit, et on verra bien ».

«Ce que j’observe, c’est que l’on a fait beaucoup d’annonces autour de la répression. Mais on n’a pas tenté le côté incitatif, qui peut être vertueux»

Et pourquoi ces « insouciants », plutôt adolescents ou jeunes adultes donc, se laisseraient davantage tenter par des récompenses financières comme ce que cherche à faire Nîmes avec sa tombola ?

Cela a un avantage : c’est de l’incitation plutôt que de la répression. D’autres pays ont tenté d’autres choses que le bâton du pass sanitaire. En Grèce par exemple, les 18-25 ans vaccinés obtiennent un chèque-cadeau d’une valeur de 150 euros. En Serbie, c’est 25 euros pour tout le monde. Et aux Etats-Unis, certains Etats offrent de l’argent ou des biens. Ceux qui ne veulent pas se faire vacciner ne se font pas vacciner, les antivax militants intégristes cherchent à démontrer qu’il y a un grand complot parce que l’on donne des cadeaux. Mais les seuls que l’on rend furieux, on va dire que ce sont les plus « dingos ». Tandis qu’en France, avec les obligations sanitaires actuelles, de nombreuses personnes sont tentées d’y voir une atteinte aux libertés et scandent que l’on vit dans une dictature. Ce que j’observe donc, c’est que l’on a fait beaucoup d’annonces autour de la répression. Mais on n’a pas tenté le côté incitatif, qui peut être vertueux. L’idée de Nîmes est très marrante car la logique de loterie, en théorie de la justice, c’est quelque chose de très accepté. Cela passe par une ludification de l’incitation et je trouve ça très bien. Mieux, par exemple, que de dire que l’on peut enlever son masque lorsque l’on est vacciné, plus critiquable. Car les vaccinés peuvent transmettre le virus.

Ne craignez-vous pas que ce genre de récompense soit perçu comme de l’infantilisation ?

Si l’on mettait cela en place, oui, ce serait vivement contesté. On dira que c’est de l’infantilisation, du paternalisme, que l’on achète les gens. Mais ceux qui pensent cela devraient se demander quelle est la logique d’un système de sécurité sociale qui verse des prestations. Ça aussi, c’est acheter les gens ! La récompense financière mérite d’être tentée, peut-être aurait-il été plus judicieux de faire ce genre de choses il y a deux mois car on a, aujourd’hui, un rythme de vaccination qui s’accélère. Je pense néanmoins qu’il faut faire feu de tout bois et que cela pourrait être valable pour des coûts budgétaires tout à fait acceptables, en particulier du côté de la jeunesse. Je comprends l’obligation vaccinale pour les soignants, je conçois que le pass sanitaire pose des problèmes de libertés fondamentales et je conçois aussi qu’une partie de la jeunesse, sans être forcément réticente, s’en fiche un peu. Mais cela ferait des vaccinés en plus, donc j’y suis favorable

Antivax: Le retour des gilets jaunes ?

Antivax:  Le retour des gilets jaunes ?

Bernard Sananès  président de l’Institut Elabe Explique le phénomène actuel anti VAX ( l’Opinion, extrait)

Environ 110 000 personnes ont manifesté samedi contre « la dictature sanitaire ». Elles étaient 16 000 le 14 juillet, deux jours après l’allocution d’Emmanuel Macron. Que disent ces chiffres ?

L’opposition à la vaccination et aux mesures sanitaires est minoritaire, mais pas marginale. Le noyau dur des personnes qui disent qu’elles ne se feront pas vacciner se situe à 15 %, ce qui représente entre 7 et 8 millions de Français. Mais, l’adhésion au vaccin continue d’augmenter, y compris cette dernière semaine. Les mesures sanitaires sont approuvées, à 70 % pour l’extension du pass sanitaire aux hôpitaux et maisons de retraite, à 58 % pour les restaurants, bars, centres commerciaux.

Cette opposition « minoritaire » a-t-elle des réserves de mobilisation ? Peut-elle agréger les mécontentements comme l’ont fait les Gilets jaunes ?

La comparaison avec la sociologie des Gilets jaunes est pertinente sur divers aspects. La défiance à l’égard des vaccins et des mesures sanitaires est plus répandue dans les milieux populaires, parmi certains métiers « de première ligne » tels que les aides-soignants, le secteur médico-social, catégories bien représentées parmi les Gilets jaunes. Mais les « ronds-points » avaient le soutien de l’opinion, ce qui n’est pas le cas des opposants aux mesures sanitaires. A cette opposition s’ajoute une fracture générationnelle, les jeunes étant largement plus critiques que leurs aînés. Les moins de 35 ans sont opposés à 60 % à l’extension du pass sanitaire aux restaurants, cafés, centres commerciaux (58 % de la population globale y sont favorables). En règle générale, l’écart entre les jeunes et les plus âgés est important, de 20 à 30 % selon les questions. Cette dimension générationnelle est certainement observée par l’exécutif alors même qu’Emmanuel Macron avait beaucoup progressé dans la tranche 18-24 ans récemment.

Samedi, les plus gros cortèges étaient réunis dans les métropoles (18 000 personnes à Paris). Mais des petits rassemblements ont aussi eu lieu à Cherbourg, Vannes, Metz, Antibes, etc. Là aussi, un parallèle avec les Gilets jaunes ?

Cette mobilisation affiche une assise territoriale variée. Il n’y a pas de fracture urbains/ruraux mais une fracture diplômés/non diplômés et vaccinés/non vaccinés. Cette dispersion géographique complique la tâche du gouvernement, a fortiori si les manifestations se répétaient, pour assurer le maintien de l’ordre. En revanche, le facteur estival peut jouer contre la mobilisation. On n’a jamais vu de mouvement « prendre » au mois d’août, mais la crise de la Covid est inédite.

Dans ce contexte, quelle est la stratégie derrière les messages de fermeté du gouvernement ?

Cette fermeté affichée s’adresse plus aux hésitants qu’aux opposants. Les premiers, les méfiants, peuvent encore être convaincus, se ranger à l’idée que ces mesures sanitaires sont nécessaires. A l’inverse, les défiants sont consolidés dans leur opposition. Ils rejettent ce qui est imposé par « le système ». L’exécutif cherche à faire monter le taux d’adhésion à la vaccination car si la barre des 90 % est passée, les opposants seront relégués dans la catégorie des ultra-minoritaires. Il s’adresse à ceux qui se sont précipités sur Doctolib, pas aux réfractaires. Dans ce contexte, la radicalité des « antivax » peut légitimer l’action ferme du gouvernement aux yeux de l’opinion, et notamment son socle électoral élargi à la droite.

Le vrai rendez-vous sera-t-il à la rentrée ?

La rentrée sera effectivement un moment clé. Le risque de coagulation des anti-vaccins avec les mouvements sociaux a été anticipé. D’où la volonté de l’exécutif de déminer le sujet des retraites. Le pari pour Emmanuel Macron est double. Au sanitaire, à la lutte contre une 4e vague, à la relance économique, se mêle un enjeu politique majeur : la capacité du Président à agir dans cette dernière année électorale.

…. La « colère » n’a pas disparu, elle peut se redessiner avec une sociologie proche des Gilets jaunes. Elle peut se radicaliser mais aura du mal à agréger autour d’elle tant que l’épidémie sera présente.




L'actu écologique |
bessay |
Mr. Sandro's Blog |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | astucesquotidiennes
| MIEUX-ETRE
| louis crusol