Archive pour le Tag 'animale'

Une conscience animale ?

Une conscience animale ?

 

Le 19 avril était publiée la « déclaration de New York sur la conscience animale », signée depuis par 287 chercheurs. Celle-ci appelle à réfléchir sur la façon dont nous traitons les animaux, vertébrés et invertébrés, qu’il s’agisse de recherche expérimentale ou d’élevage. Entretien dans Le Monde  avec Martin Giurfa, neuroéthologiste, et Athanassia Sotiropoulos, directrice de recherche à l’Inserm, sur la portée de cet événement.
Il existe une « possibilité réaliste » que tous les animaux vertébrés, mais aussi de nombreux invertébrés, dont les céphalopodes, certains crustacés et même des insectes, possèdent une forme de conscience. En conséquence, il serait « irresponsable d’ignorer cette possibilité » dans la façon dont nous traitons ces animaux, qu’il s’agisse notamment d’élevage ou d’expérimentation animale. C’est le cœur du message de la « déclaration de New York », un texte publié le 19 avril et signé à ce jour par 287 philosophes, éthiciens, éthologistes et neurobiologistes spécialistes de la conscience animale.

Martin Giurfa (Sorbonne Université) étudie les abeilles et a signé cette déclaration. Athanassia Sotiropoulos de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) dirige le groupement d’intérêt scientifique FC3R, créé en 2021, dont la mission est d’encourager l’adoption par les laboratoires français de méthodes de remplacement, de réduction et de raffinement (les 3R) − au sens de recherche du bien-être − concernant les animaux de laboratoire. Nous les avons réunis pour évoquer la portée et les implications de cette déclaration de New York.

Martin Giurfa, pourquoi avez-vous signé cette déclaration ?
Martin Giurfa : Cela fait un moment que je participe à des discussions sur ce sujet, notamment avec un des initiateurs du texte, le philosophe Jonathan Birch [London School of Economics], très intéressé par la cognition chez les insectes. Et cela fait des années que j’étudie leurs capacités cognitives absolument surprenantes, comme l’apprentissage de concepts et de règles, la catégorisation et la transitivité, le fait de compter et de manipuler des notions numériques abstraites telles que le zéro, chez les abeilles notamment… suite dans Le Monde.

Société-Stopper toute exploitation animale ?

Société-Stopper toute exploitation animale ?

Des universitaires spécialisés en philosophie morale et politique issus d’une quarantaine de pays, dont Estelle Ferrarese, Joëlle Proust, Philippe Reigné ou Carol Adams, condamnent « l’ensemble des pratiques qui supposent de traiter les animaux comme des choses ou des marchandises ». ( dans le Monde)

Un plaidoyer pour une économie vegan et le respect total des animaux qui ouvre un large débat sur les modalités de gestion des rapports non seulement entre les hommes et les animaux mais aussi entre les animaux eux-même voire même sur le rapport avec tout le vivant NDLR

Nous sommes des chercheuses et des chercheurs en philosophie morale et politique. Nos travaux s’inscrivent dans des traditions philosophiques diverses et nous sommes rarement tous du même avis. Nous nous accordons toutefois quant à la nécessité de transformer en profondeur nos relations avec les autres animaux. Nous condamnons l’ensemble des pratiques qui supposent de traiter les animaux comme des choses ou des marchandises.

Dans la mesure où elle implique des violences et des dommages non nécessaires, nous déclarons que l’exploitation animale est injuste et moralement indéfendable.

En éthologie et en neurobiologie, il est bien établi que les mammifères, les oiseaux, les poissons et de nombreux invertébrés sont « sentients », c’est-à-dire capables de ressentir du plaisir, de la douleur et des émotions. Ces animaux sont des sujets conscients ; ils ont leur propre point de vue sur le monde qui les entoure.

Il s’ensuit qu’ils ont des intérêts : nos comportements affectent leur bien-être et sont susceptibles de leur faire du bien ou du mal. Lorsque nous blessons un chien ou un cochon, lorsque nous maintenons en captivité un poulet ou un saumon, lorsque nous tuons un veau pour sa chair ou un vison pour sa peau, nous contrevenons gravement à ses intérêts les plus fondamentaux.
Lire aussi Article réservé à nos abonnés Les paradoxes de la longue bataille pour le bien-être animal

Pourtant, tous ces dommages pourraient être évités. Il est évidemment possible de s’abstenir de porter du cuir, d’assister à des corridas et à des rodéos ou de montrer aux enfants des lions enfermés dans des parcs zoologiques. La plupart d’entre nous pouvons d’ores et déjà nous passer d’aliments d’origine animale tout en restant en bonne santé et le développement futur d’une économie végane rendra cela plus facile encore. D’un point de vue politique et institutionnel, il est possible de cesser de voir les animaux comme de simples ressources à notre disposition.

Le fait que ces individus ne soient pas membres de l’espèce Homo sapiens n’y change rien : s’il semble naturel de penser que les intérêts des animaux comptent moins que les intérêts comparables des êtres humains, cette intuition spéciste ne résiste pas à un examen attentif. Toutes choses égales par ailleurs, l’appartenance à un groupe biologique (qu’il soit délimité par l’espèce, la couleur de peau ou le sexe) ne peut justifier des inégalités de considération ou de traitement.

Il existe des différences entre les êtres humains et les autres animaux, tout comme il en existe entre les individus au sein des espèces. Certaines capacités cognitives sophistiquées donnent certes lieu à des intérêts particuliers, qui peuvent à leur tour justifier des traitements particuliers.

Stopper toute exploitation animale ?

Stopper toute exploitation animale ?

Des universitaires spécialisés en philosophie morale et politique issus d’une quarantaine de pays, dont Estelle Ferrarese, Joëlle Proust, Philippe Reigné ou Carol Adams, condamnent « l’ensemble des pratiques qui supposent de traiter les animaux comme des choses ou des marchandises ». ( dans le Monde)

Un plaidoyer pour une économie vegan et le respect total des animaux qui ouvre un large débat sur les modalités de gestion des rapports non seulement entre les hommes et les animaux mais aussi entre les animaux eux-même voire même sur le rapport avec tout le vivant NDLR

Nous sommes des chercheuses et des chercheurs en philosophie morale et politique. Nos travaux s’inscrivent dans des traditions philosophiques diverses et nous sommes rarement tous du même avis. Nous nous accordons toutefois quant à la nécessité de transformer en profondeur nos relations avec les autres animaux. Nous condamnons l’ensemble des pratiques qui supposent de traiter les animaux comme des choses ou des marchandises.

Dans la mesure où elle implique des violences et des dommages non nécessaires, nous déclarons que l’exploitation animale est injuste et moralement indéfendable.

En éthologie et en neurobiologie, il est bien établi que les mammifères, les oiseaux, les poissons et de nombreux invertébrés sont « sentients », c’est-à-dire capables de ressentir du plaisir, de la douleur et des émotions. Ces animaux sont des sujets conscients ; ils ont leur propre point de vue sur le monde qui les entoure.

Il s’ensuit qu’ils ont des intérêts : nos comportements affectent leur bien-être et sont susceptibles de leur faire du bien ou du mal. Lorsque nous blessons un chien ou un cochon, lorsque nous maintenons en captivité un poulet ou un saumon, lorsque nous tuons un veau pour sa chair ou un vison pour sa peau, nous contrevenons gravement à ses intérêts les plus fondamentaux.
Lire aussi Article réservé à nos abonnés Les paradoxes de la longue bataille pour le bien-être animal

Pourtant, tous ces dommages pourraient être évités. Il est évidemment possible de s’abstenir de porter du cuir, d’assister à des corridas et à des rodéos ou de montrer aux enfants des lions enfermés dans des parcs zoologiques. La plupart d’entre nous pouvons d’ores et déjà nous passer d’aliments d’origine animale tout en restant en bonne santé et le développement futur d’une économie végane rendra cela plus facile encore. D’un point de vue politique et institutionnel, il est possible de cesser de voir les animaux comme de simples ressources à notre disposition.

Le fait que ces individus ne soient pas membres de l’espèce Homo sapiens n’y change rien : s’il semble naturel de penser que les intérêts des animaux comptent moins que les intérêts comparables des êtres humains, cette intuition spéciste ne résiste pas à un examen attentif. Toutes choses égales par ailleurs, l’appartenance à un groupe biologique (qu’il soit délimité par l’espèce, la couleur de peau ou le sexe) ne peut justifier des inégalités de considération ou de traitement.

Il existe des différences entre les êtres humains et les autres animaux, tout comme il en existe entre les individus au sein des espèces. Certaines capacités cognitives sophistiquées donnent certes lieu à des intérêts particuliers, qui peuvent à leur tour justifier des traitements particuliers.

La cause animale : sujet de campagne électorale ?

La cause animale : sujet de campagne électorale ?

 

Pour la philosophe Corine Pelluchon, la domination de l’humain sur la nature et les autres êtres vivants est aujourd’hui questionnée. Un mouvement auquel n’échappent pas les candidats à l’élection présidentielle, qui portent une attention inédite au bien-être animal.

 

Un sujet de nature anthropologique qui mérite sans doute attention même s’il ne justifie pas l’existence d’un parti spécifique dans cette campagne électorale  NDLR

 

La philosophe Corine Pelluchon, professeure à l’université Gustave-Eiffel et autrice de Manifeste animaliste. Politiser la cause animale (Alma éditeur, 2016, réédité chez Rivages poche en 2021), analyse la place accordée aux animaux dans la campagne présidentielle.

La quasi-totalité des candidats à l’élection présidentielle mentionnent la condition animale dans leur programme. Le sujet a-t-il acquis une légitimité politique ?

Oui, la population attend des réponses concrètes, une amélioration substantielle de la condition animale et cette question n’est plus périphérique. La première raison tient à ce que la condition animale n’est pas seulement importante pour les animaux : elle a aussi une dimension stratégique, car la violence envers les animaux est le miroir d’un modèle de développement aberrant sur le plan environnemental, sanitaire et social.

Le bien-être animal n’est pas séparable de la transition vers un modèle plus soutenable et plus juste. La deuxième raison est que l’attention au bien-être animal témoigne d’une révolution anthropologique dans la manière dont l’humain pense son rapport aux autres êtres sensibles. L’humain n’est pas comme les autres vivants, mais il n’est pas non plus extérieur à la nature. L’avenir, c’est de reconsidérer notre place dans la nature, et nos devoirs ou notre responsabilité à l’égard des autres vivants.

 

La cause animale est aussi la cause de l’humanité, et elle est universelle. De fait, certains partis s’en emparent davantage que d’autres, mais elle appartient à tous. Un consensus se forme sur plusieurs sujets, même si tout le monde n’a pas le même horizon.

Je trouve la campagne actuelle intéressante, avec des propositions de la part de plusieurs candidats. Est-ce qu’il y a de l’opportunisme ? Oui, et c’est normal dans une campagne présidentielle. Cependant, les politiques font partie de la société, qui, dans sa grande majorité, reconnaît que cette question est importante, et ils le comprennent. Je suis persuadée que le prochain président, quel qu’il soit, fera plus de choses pour la condition animale.

 

Pour mettre fin aux cages ou à l’élevage intensif, il faut remettre en cause des structures économiques en place. Il est vrai que la critique du capitalisme est plus facilement portée par la gauche que par la droite, mais presque tous admettent que le modèle actuel de production est problématique.

Quant à la chasse à courre et à la corrida, on touche à des représentations de la virilité et à une image de la puissance de l’humain sur la nature qui construisent l’identité de certains groupes. D’où les résistances. Cependant, on ne peut pas défendre l’empathie et le « care » [souci de l’autre] et tolérer le spectacle d’animaux suppliciés.

Prendre en compte la santé humaine mais aussi animale et environnementale

Prendre en compte la santé humaine mais aussi animale et environnementale

Dans un entretien au « Bilan du Monde », la primatologue Sabrina Krief, qui travaille depuis plus de vingt ans auprès des grands singes en Ouganda, regrette que la crise sanitaire mondiale n’a pas permis, jusqu’à présent, de faire progresser la prise de conscience de l’urgence de préserver la nature.

Ils doivent se demander pourquoi elle a disparu : cela fait des mois que Sabrina Krief n’a pas pu aller à la rencontre des chimpanzés de la région de Sebitoli, en Ouganda, en raison de la pandémie de Covid-19. La primatologue « survit » grâce aux images envoyées par son équipe, qui lui permettent d’évaluer l’état de santé des grands singes ou d’observer l’arrivée d’un nouvel individu. Depuis 2008, elle dirige des travaux sur les effets des activités humaines sur le comportement et l’écologie des chimpanzés, au nord du parc national de Kibale.

Sabrina Krief est l’une des grandes voix du combat pour sauver de l’extinction les derniers grands singes. Les quelques milliers d’entre eux qui vivent encore à l’état sauvage, en Afrique et en Asie, pourraient avoir disparu d’ici une trentaine d’années. Et la crise sanitaire mondiale n’a pas permis, jusqu’à présent, de faire progresser la prise de conscience de l’urgence de préserver la nature, s’alarme la chercheuse.

Comment avez-vous vécu l’irruption de la pandémie qui frappe la planète ?

Sabrina Krief.- J’ai bien sûr été surprise par son ampleur, je n’aurais jamais imaginé ça. Mais la survenue d’une telle pandémie était une de mes craintes. Je suis vétérinaire de formation et mon travail de recherche porte sur les interactions humains-pathogènes-faune sauvage. Il s’agit de voir comment humains et grands singes peuvent utiliser leur environnement, de façon relativement similaire, pour prévenir les maladies ou améliorer leur santé. Je savais donc que la proximité entre les humains et les grands singes était un facteur important de passage de pathogènes et que cette proximité était accrue par l’anthropisation du milieu.

Là où je travaille avec mon équipe, en Ouganda, les zones agricoles sont très proches de l’aire protégée où vivent les grands singes. En période de maturité du maïs en particulier, qui attire les chimpanzés, ceux-ci se retrouvent dans une grande promiscuité avec les populations locales, qui vivent dans des conditions de pauvreté extrême et d’hygiène réduite. Le passage d’agents pathogènes est alors vraiment important. Mon modèle d’étude porte sur les grands singes, mais tout cela est vrai pour d’autres espèces.

Chez les grands singes, la plus forte cause de mortalité connue, en dehors des menaces directes telles que le braconnage, ce sont les maladies respiratoires. Nous mettons donc en place des moyens pour prévenir à tout prix la transmission de ces maladies. Nous avons des mécanismes de surveillance dans les villages et en cas d’épidémie respiratoire, on augmente encore les précautions. Les masques, la distanciation entre nous et les animaux, ou entre humains quand il y a la moindre crainte de maladie, c’était déjà notre quotidien au travail avant la pandémie !

Il y avait aussi déjà eu toutes ces alertes qui nous avaient fait prendre conscience de la rapidité de la propagation de maladies infectieuses émergentes et de leur amplification sous l’effet de certaines menaces. La déforestation, le maintien à un niveau élevé du commerce d’animaux sauvages vivants, on l’observe au quotidien sur le terrain.

Dès le début de cette crise, nous nous sommes dit qu’il fallait que ce soit le facteur qui permette d’enclencher un mouvement beaucoup plus général en faveur de la protection de l’environnement. Elle a peut-être permis de poser de façon encore plus claire le constat global sur les liens entre pandémies et érosion de la biodiversité.

Dans notre microcosme, chez les vétérinaires, on sent une motivation beaucoup plus importante pour mettre en œuvre l’approche « One Health » (« une seule santé »), qui permet d’intégrer les santés animale, environnementale et humaine.

Mais, à une échelle plus large, j’ai l’impression que l’économie a pris le dessus et que l’origine de la pandémie est déjà oubliée. Je ne suis pas certaine que le fait qu’il faille anticiper et prévenir d’autres crises sanitaires soit vraiment intégré par les responsables politiques et les citoyens. La notion d’urgence n’a pas été ressentie par tous.

On revient donc à l’opposition entre urgence environnementale et urgence économique…

Mais la solution aux problèmes économiques ne passe-t-elle pas aussi par une transformation de cette économie ? L’idée du « monde d’après », c’était de se dire que, pour que l’économie reparte sur des bases plus saines, il fallait accélérer la transition écologique.

« Ce qui fait défaut, c’est la volonté de renforcer l’application des lois qui existent déjà »

Ce qui fait défaut, c’est la volonté de renforcer l’application des lois qui existent déjà. Nous avons une stratégie de lutte contre la déforestation importée, un plan pour la protection de la biodiversité, des réglementations contre le trafic d’animaux sauvages, le traité international de l’accord de Paris sur le climat. Il manque une mise en œuvre efficace.

La stratégie de lutte contre la déforestation importée a été signée il y a deux ans. Est-ce qu’on arrive à faire un premier bilan ? On sait pourtant que la déforestation accroît le risque de transmission de pathogènes.

Comment observez-vous l’érosion de la biodiversité sur le terrain ?

Il y a vingt ans, il y avait encore des fragments forestiers autour du parc de Kibale, qui est une aire protégée. Ils ont depuis été grignotés par les populations locales parce que celles-ci n’ont plus accès au cœur de la forêt. En la mettant sous cloche, on a créé une rupture entre l’aire protégée et ces communautés qui ont reporté leur activité, parfois destructrice, sur les petits fragments forestiers. On se retrouve avec un îlot de forêt entouré de zones agricoles, marquées par une augmentation de la densité de population et des infrastructures. Cette promiscuité entre la population pauvre et la faune sauvage, amenée à sortir du parc parce qu’il y a des cultures attractives, est de plus en plus criante.

En parallèle, on a analysé l’eau des rivières. Au cœur des territoires des chimpanzés, on retrouve quinze pesticides en cocktail. On décèle aussi du bisphénol dans leurs poils, qui provient a priori des bouteilles en plastique jetées autour du parc. La pollution atteint le cœur de la forêt tropicale.

Comment faut-il orienter les politiques de conservation de la nature ?

L’idée de réensauvager en gardant un cloisonnement entre des aires pour les humains et des aires pour la faune sauvage, je pense que ce n’est pas la solution. En tout cas pour les zones que je connais. L’aire protégée où je travaille n’a aujourd’hui que des inconvénients pour les populations locales. Elles en ont été expulsées, la faune vient détruire en une nuit les cultures qu’elles ont mis des mois à faire pousser, on leur interdit l’accès à des ressources médicinales et à des lieux sacrés… On ne peut pas imaginer qu’elles puissent protéger ces aires dans ces conditions. Il n’y a aucune gouvernance collective, chacun défend son petit lopin de terre.


Ce sont des questions qui font débat au niveau mondial. Faut-il rester sur le modèle des parcs nationaux comme celui de Yellowstone, aux Etats-Unis, ou faut-il autoriser des activités traditionnelles qui ne soient pas destructrices ?

Plusieurs rendez-vous internationaux (la COP15 sur la biodiversité, la COP26 sur le climat, le congrès de l’Union internationale de conservation de la nature…) prévus en 2020 ont été reportés. Ces reports auront-ils des conséquences ?

L’urgence était évidemment de se poser et de réfléchir à la pandémie. On espère revenir avec des constats plus solides et des ambitions encore plus fortes en 2021. En même temps, on sent vraiment aujourd’hui le décalage entre les beaux discours et la difficulté de la mise en application, entre la réalité du terrain et ce qui se passe au niveau économique.

Des changements en profondeur du système économique, tels que le recommandent les Nations unies ou les ONG pour protéger la biodiversité, sont-ils possibles ?

La question est surtout : est-ce faisable dans les temps ? Cette question de la temporalité se pose aussi pour nous, à propos du temps de la recherche et du temps de l’action. En Ouganda, nous menons un projet visant à avoir une ceinture d’agriculture biologique autour du territoire des chimpanzés, en travaillant avec les communautés locales à une conversion vers une agriculture plus raisonnée et plus équitable.

Si on a engagé ce projet maintenant, c’est parce que l’on n’a pas le temps d’attendre le résultat des études scientifiques pour savoir si les malformations faciales que l’on observe chez les chimpanzés ont bien une même cause et quel est le pesticide précis qui en est responsable.

De toute façon, ce que l’on voit dans les rivières et autour du parc avec ces plantations mono-spécifiques et ces mélanges détonants d’intrants, ces champs de thé à perte de vue dont les consommateurs sont des Occidentaux ou des Pakistanais ou des Japonais, ça ne peut pas marcher. Il faut un changement le plus rapide possible.

Qu’est-ce qui vous donne de l’espoir aujourd’hui ?

C’est la force de vie de la forêt tropicaleSi on lui laisse une toute petite chance, elle peut se régénérer ! C’est aussi, malgré cette ambiance pesante, l’engagement de beaucoup de citoyens. Une envie d’agir aussi collectivement : on se rend peut-être encore plus compte, en étant isolé et confiné, que cette solidarité est essentielle.

Sabrina Krief est spécialiste de l’écologie comportementale des chimpanzés, rattachée au Muséum national d’histoire naturelle de Paris. Elle dirige une équipe de recherche sur les primates dans le parc national de Kibale, en Ouganda, depuis 2008. Elle a notamment publié Chimpanzés, mes frères de la forêt (Actes Sud, 2019).

 

 

Cet article est tiré du « Bilan du Monde » 2021. La nouvelle édition est en vente dans les kiosques à partir du lundi 18 janvier ou par Internet en se rendant sur le site Boutique.lemonde.fr

 




L'actu écologique |
bessay |
Mr. Sandro's Blog |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | astucesquotidiennes
| MIEUX-ETRE
| louis crusol