Politique-Azerbaïdjan : Risque de nouvelles ambitions guerrières
Dans une tribune au « Monde », le directeur de recherche à l’Institut Thomas-More estime que la récente offensive de Bakou pour reconquérir le Haut-Karabakh marque l’échec diplomatique de la France et des Etats-Unis.
Après trois décennies d’existence, la république autoproclamée de l’Artsakh [Haut-Karabakh] a sombré. A la suite d’une guerre victorieuse, à l’automne 2020, puis d’un long blocus, le président azerbaïdjanais, Ilham Aliev, vient de porter l’estoc à cette république sécessionniste, qui revient dans les frontières internationalement reconnues de l’Azerbaïdjan. D’ores et déjà, la majorité des populations de cette région, historiquement et démographiquement arménienne, a fui vers la mère patrie.
On peut, à juste titre, crier à la trahison de Moscou, dont la force d’interposition n’a pas fait respecter les termes du cessez-le-feu, la brève offensive azerbaïdjanaise des 19 et 20 septembre n’ayant rencontré aucune opposition russe. Faut-il y voir la volonté de punir le gouvernement arménien, trop démocratique et tourné vers l’Occident, et de s’assurer les faveurs de Bakou ?
Outre les relations politico-mafieuses que des factions russes cultivent sur place, la bonne volonté de l’Azerbaïdjan conditionne en effet divers projets d’axes logistiques nord/sud, entre la Russie et l’Iran, en direction du golfe Arabo-Persique et de l’océan Indien. Par ailleurs, les forces armées russes sont accaparées par la guerre en Ukraine, et Moscou n’a plus les moyens de contrôler le Caucase et, à l’est de la Caspienne, l’Asie centrale.
Pour autant, les puissances occidentales auraient tort de céder à la satisfaction, face à ce qui ressemble à un affaiblissement de la Russie. D’abord, parce que cela n’est peut-être que temporaire : le retrait russe dépendra du sort des armes en Ukraine et donc de la constance dans le soutien à Kiev. L’offensive de Bakou marque l’échec diplomatique de Paris et de Washington, qui avaient tenté d’arracher des garanties pour les Arméniens du Haut-Karabakh. Sur le terrain, la force brute aura prévalu.
Au-delà, il est à craindre que les ambitions géopolitiques azerbaïdjanaises ne se limitent pas à la région du Haut-Karabakh. De fait, Aliev, avec le soutien de son allié turc, revendique haut et fort l’ouverture d’un axe de circulation, le corridor de Zanguezour, dans le Siounik, c’est-à-dire le sud de l’Arménie. L’enjeu est de relier l’Azerbaïdjan à l’enclave du Nakhitchevan, sous la souveraineté de Bakou.