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Santé-Alzheimer : une nouvelle explication généralisable ?

Santé-Alzheimer : une nouvelle explication généralisable ?

Alors que le vieillissement de la population française s’accélère, la maladie d’Alzheimer progresse dans notre pays. On estime qu’elle affecte actuellement 900 000 personnes et, chaque année, environ 225 000 nouveaux cas sont diagnostiqués. Ces chiffres élevés font de cette pathologie la principale cause de démence sénile d’évolution inexorable. En effet, à l’heure actuelle, les traitements disponibles ne permettent malheureusement pas de guérir la maladie d’Alzheimer, mais uniquement d’en atténuer certains symptômes et de ralentir sa progression. Actuellement, pour tenter de décrypter les causes de la maladie d’Alzheimer, les recherches suivent deux voies majeures, focalisées respectivement sur des mécanismes impliquant deux types de protéines : les protéines amyloïdes et la protéine Tau. Nos travaux, publiés au mois de juin dernier dans la revue Cells (MDPI), ont permis de mettre en évidence un autre mécanisme pouvant expliquer l’origine de la maladie. Notre découverte permet d’envisager de nouvelles façons de diagnostiquer la maladie d’Alzheimer et ouvre de nouvelles pistes thérapeutiques. Par ailleurs, ses applications potentielles ne se limitent pas à cette seule pathologie : elles pourraient aussi concerner d’autres maladies du vieillissement.

par Michel Bourguignon
Professeur émérite de Biophysique et Médecine Nucléaire, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) – Université Paris-Saclay

Nicolas Foray
Directeur de Recherche à l’Inserm, Unité U1296 « Radiations : Défense, Santé, Environnement », Inserm
dans The Conversation

Causes de la maladie d’Alzheimer : les hypothèses classiques en difficulté
On sait de longue date que le cerveau des personnes décédées atteintes de la maladie d’Alzheimer présente deux types de lésions : les dépôts amyloïdes et les dégénérescences neurofibrillaires.

Les dépôts amyloïdes sont des agrégats extracellulaires composés de protéines amyloïdes. Ces plaques s’accumulent autour des neurones et les empêchent de bien communiquer entre eux. Les dégénérescences neurofibrillaires résultent quant à elles de modifications d’autres protéines, les protéines Tau.

Lorsque la protéine Tau est modifiée (hyperphosphorylée), sa fonction est altérée et les microtubules qui assurent l’intégrité des neurones se déstructurent.

En temps normal, les protéines Tau assurent le maintien des microtubules dans la cellule (des sortes d’armatures squelettiques qui assurent la cohésion cellulaire). Mais chez les patients atteints de la maladie d’Alzheimer ou d’autres maladies dégénératives (tauopathies), les protéines Tau changent de forme tridimensionnelle par un processus appelé hyperphosphorylation. Cette hyperphosphorylation des protéines Tau conduit notamment à une fragilisation des microtubules des neurones qui, progressivement, meurent.

On a longtemps cru que l’accumulation au fil du temps de plaques amyloïdes et d’enchevêtrements de protéines Tau était responsable des manifestations cliniques de la maladie d’Alzheimer. Toutefois, depuis quelques années, les différents essais cliniques ciblant les protéines amyloïdes se sont révélés très décevants.

Face à cette situation, l’acquisition de connaissances nouvelles à propos des mécanismes biologiques spécifiques à la maladie d’Alzheimer est aujourd’hui plus que jamais nécessaire. En particulier, pour proposer une nouvelle vision de la maladie d’Alzheimer, il faut retourner aux sources mêmes de cette maladie dégénérative, c’est-à-dire à la gestion du stress dit « oxydatif », qui, s’il n’est pas correctement réduit, conduit au vieillissement accéléré. L’accumulation de plaques amyloïdes et d’enchevêtrements de protéine Tau pourrait en être alors de simples conséquences.

Les résultats récents obtenus au sein de notre laboratoire de recherche, l’UMR 1296 Inserm, s’inscrivent dans ce contexte. Nos données nous ont en effet permis de proposer un nouveau mécanisme moléculaire pouvant expliquer l’origine de la maladie d’Alzheimer. Cette hypothèse est soutenue non seulement par des observations expérimentales cohérentes, mais aussi par une modélisation mathématique.

En tant que radiobiologistes, nous étudions les effets sur le vivant des rayonnements ionisants (les rayons X, les rayons gamma, les particules…), lesquels produisent du stress oxydatif. À ce titre, la protéine ATM revient systématiquement dans tous nos projets de recherche. Elle est en effet une actrice majeure de la réponse à tout stress oxydatif.

Ce type de stress survient lorsque des composés chimiques très réactifs, les espèces radicalaires oxygénées (ou ROS), sont présents dans l’environnement des cellules. Les conséquences d’une telle situation sont potentiellement très graves, puisque le stress oxydatif peut casser l’ADN. Schématiquement, la protéine ATM gère la signalisation et la réparation de telles cassures de l’ADN, qui nous agressent et qui nous font vieillir.

Nos travaux de recherche ont notamment démontré qu’après un stress, dû par exemple à une irradiation, une contamination aux métaux ou aux pesticides, de nombreuses copies d’ATM quittent le cytoplasme où elles sont produites (le cytoplasme est la partie de la cellule qui se trouve entre le noyau – contenant le matériel génétique – et la membrane cellulaire) pour entrer dans le noyau. Là, elles déclenchent la reconnaissance et la réparation des cassures de l’ADN.

Ce phénomène est appelé transit de la protéine ATM. En temps normal, il dure quelques minutes après le stress, et aboutit à la reconnaissance puis à la réparation de toutes les cassures de l’ADN. Toutefois, le transit d’ATM peut se trouver ralenti ou empêché si les protéines rencontrent et s’associent en chemin à d’autres protéines spécifiques, anormalement surexprimées dans le cytoplasme.

Nous avons appelé ces protéines les « protéines X », car elles peuvent varier d’un individu à un autre, d’une maladie à une autre, d’un tissu à un autre. Ces protéines X sont généralement celles qui, par leurs mutations, causent les maladies (quand ces mutations ne font pas disparaître lesdites protéines, mais au contraire, les dérégulent).

Depuis 2014, nous étudions au laboratoire des maladies associées soit à une forte prédisposition au cancer, soit à un vieillissement accéléré, mais qui ont toutes un point commun : elles sont connues pour leur réponse anormale à une irradiation.

C’est notamment le cas du syndrome du rétinoblastome, un syndrome familial qui est à haut risque de cancer de l’œil. Causée par la mutation du gène de la protéine Rb, cette maladie est associée à une surexpression de ladite protéine Rb dans le cytoplasme, ce qui empêche ATM d’atteindre le noyau. Les cassures de l’ADN sont alors mal réparées et leur accumulation cause le cancer.

Nous avons pu mettre en évidence des mécanismes de ce type dans d’autres maladies dégénératives, comme la maladie de Huntington dans lequel le rôle de la protéine X est tenu par une protéine appelée la huntingtine, ou encore la sclérose tubéreuse de Bourneville et la tubérine, le syndrome de Usher et les protéines USH, etc.

De façon intéressante, la très grande majorité des protéines X qui sont associées à des maladies dégénératives sont localisées autour du noyau, si bien que lors de leur transit du cytoplasme au noyau, les protéines ATM sont stoppées directement sur la membrane nucléaire. Pour évaluer la réponse au stress oxydatif, notamment dû à l’irradiation, on comprend donc qu’il faut d’abord rechercher quelle(s) protéine(s) X ralenti(ssen)t les protéines ATM dans leur transit du cytoplasme au noyau.

C’est aussi le cas lorsque l’on s’intéresse à la maladie d’Alzheimer. Dans ce cas précis, notre quête de la (ou des) protéine(s) X spécifique(s) de la maladie s’est rapidement orientée vers une protéine appelée Apoliprotéine E, ou APOE.

Des couronnes autour du noyau, premier signe de la maladie d’Alzheimer ?

La protéine APOE est surtout connue par les spécialistes de la maladie d’Alzheimer en raison des variations (on parle de « polymorphismes ») qu’elle présente chez une grande majorité de patients atteints. Par ailleurs, on sait que APOE présente des sites d’interaction préférentielle avec la protéine ATM, ce qui en faisait une bonne candidate au statut de « protéine X ».

Nous avons donc décidé d’étudier 10 lignées de cellules de peau provenant de patients atteints de la maladie d’Alzheimer à différents stades. Nous avons ainsi découvert que, bien que les origines de ces lignées cellulaires provenant de divers malades soient variées (et donc que les polymorphismes qu’elles contiennent soient différents de l’une à l’autre), toutes montraient systématiquement une surexpression de la protéine APOE autour du noyau.

De plus, nous avons aussi observé que la protéine ATM était elle aussi systématiquement localisée autour du noyau, formant des « couronnes périnucléaires ». Des analyses plus approfondies ont par ailleurs révélé que ces couronnes étaient constituées d’une première couche d’interaction entre ATM et APOE, au plus près de la membrane du noyau.

Grâce à des observations plus poussées d’imagerie cellulaire, ainsi qu’à un modèle mathématique produit par Laurent Pujo-Menjouet, professeur à l’Université Lyon I, nous sommes aujourd’hui en mesure d’écrire un scénario décrivant un mécanisme probable pour expliquer la maladie.

Le processus commencerait d’abord par la formation de complexes ATM-APOE qui ne gêneraient pas l’entrée d’ATM dans le noyau (points verts lumineux visibles à l’intérieur). Progressivement, la première couche ATM-APOE couvrirait tout le noyau (fine couronne en vert autour du noyau, quelques points vert encore visibles dedans). Enfin, la couronne épaissie interdirait toute pénétration d’ATM (plus de point vert lumineux dans le noyau).

À mesure que du stress est produit, au fil de l’existence, chez des personnes dont les cellules surexpriment APOE, ATM s’agglutinerait progressivement autour du noyau des cellules, formant une première couche avec APOE, puis avec elle-même.

Ces multicouches interdiraient le passage de ATM dans le noyau. Les cassures de l’ADN dues au stress s’accumuleraient donc progressivement, puisqu’ATM ne serait plus capable de déclencher leur reconnaissance puis leur réparation.

Les couronnes périnucléaires s’avéreraient d’autant plus épaisses que le processus d’agglutination serait déjà ancien – à l’image, en quelque sorte, des cernes qui se forment lors de la croissance des troncs d’arbres. Cette accumulation de cassures dans l’ADN provoquerait une accélération du vieillissement des cellules et, in fine, leur mort. À cet instant, « l’épaisseur » des couronnes périnucléaires serait maximale.

En plus d’une explication mécanistique, nos observations introduisent ici la notion de prédisposition à la maladie d’Alzheimer, puisque tout porteur de cellules surexprimant une protéine APOE autour du noyau serait potentiellement susceptible.

Une explication moléculaire du vieillissement valable pour d’autres pathologies

Ces observations ont été menées sur des cellules provenant de la peau de 10 patients atteints de la maladie d’Alzheimer, mais elles pourraient être transposables aux cellules cérébrales et à d’autres types cellulaires. En effet, des données récentes suggèrent que la maladie d’Alzheimer pourrait être une maladie du vieillissement généralisée à d’autres tissus que le tissu cérébral (communication du professeur Zou de l’université de Nanchang (Chine), durant une conférence donnée au sein du service d’étude des prions et des infections atypiques de l’Institut François Jacob du CEA).

Par ailleurs, depuis la publication de notre étude, nous avons observé la formation de couronnes périnucléaires d’ATM dans d’autres pathologies liées au vieillissement, comme la myopathie de Duchesne (mais évidemment avec une protéine X différente d’APOE). En outre, en laissant vieillir en culture des cellules de cristallin, on voit également apparaître des couronnes périnucléaires d’ATM qui pourraient être liées à la formation de cataractes. Enfin, des travaux en cours suggèrent que des cellules de peau issues d’individus normaux et vieillies artificiellement en culture pourraient montrer également des couronnes périnucléaires d’ATM.

L’agglutination de la protéine ATM autour du noyau, aidée par la surexpression d’une protéine spécifique constituerait donc une explication mécanistique du vieillissement cellulaire, en raison de l’impossibilité de réparer les dommages de l’ADN accumulés par un stress endogène et/ou exogène.

Quelles retombées et quelles nouvelles pistes pour nos recherches ?

Ces résultats pourraient également avoir des implications en matière de diagnostic. En effet, un simple prélèvement dermatologique de cellules de peau pourrait permettre de révéler non seulement l’existence d’une forte prédisposition à la maladie d’Alzheimer, mais aussi renseigner sur son avancée éventuelle. Un brevet a été déposé en ce sens par Inserm Transfert, en collaboration avec la société Neolys Diagnostics (groupe ALARA expertise, à Entzheim, en Alsace). Toutefois, de nouvelles investigations sont nécessaires pour asseoir ces tests sur des bases encore plus solides.

Ces résultats préliminaires pourraient aussi ouvrir de nouvelles pistes d’exploration en matière de traitement. On pourrait par exemple chercher des moyens de « détruire » précocement les couronnes périnucléaires d’ATM, ou d’en limiter la formation, afin d’améliorer la survie cellulaire par une meilleure gestion des cassures de l’ADN accumulées. Dans cette optique, différentes substances chimiques susceptibles de séparer les protéines ATM des protéines APOE sont en cours d’investigation au laboratoire.

Soulignons que nos observations ont été faites directement sur des cellules humaines, ce qui les rend d’autant plus pertinentes sur le plan clinique et évite tous les biais liés à l’extrapolation à partir de modèles animaux, pour lesquels la gestion des cassures de l’ADN peut montrer certaines différences avec l’être humain. Elles constituent une avancée majeure dans la compréhension des mécanismes en jeu dans la genèse de la maladie d’Alzheimer.

Alzheimer : une nouvelle explication généralisable ?

Alzheimer : une nouvelle explication généralisable ?

Alors que le vieillissement de la population française s’accélère, la maladie d’Alzheimer progresse dans notre pays. On estime qu’elle affecte actuellement 900 000 personnes et, chaque année, environ 225 000 nouveaux cas sont diagnostiqués. Ces chiffres élevés font de cette pathologie la principale cause de démence sénile d’évolution inexorable. En effet, à l’heure actuelle, les traitements disponibles ne permettent malheureusement pas de guérir la maladie d’Alzheimer, mais uniquement d’en atténuer certains symptômes et de ralentir sa progression. Actuellement, pour tenter de décrypter les causes de la maladie d’Alzheimer, les recherches suivent deux voies majeures, focalisées respectivement sur des mécanismes impliquant deux types de protéines : les protéines amyloïdes et la protéine Tau. Nos travaux, publiés au mois de juin dernier dans la revue Cells (MDPI), ont permis de mettre en évidence un autre mécanisme pouvant expliquer l’origine de la maladie. Notre découverte permet d’envisager de nouvelles façons de diagnostiquer la maladie d’Alzheimer et ouvre de nouvelles pistes thérapeutiques. Par ailleurs, ses applications potentielles ne se limitent pas à cette seule pathologie : elles pourraient aussi concerner d’autres maladies du vieillissement.

par Michel Bourguignon
Professeur émérite de Biophysique et Médecine Nucléaire, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) – Université Paris-Saclay

Nicolas Foray
Directeur de Recherche à l’Inserm, Unité U1296 « Radiations : Défense, Santé, Environnement », Inserm
dans The Conversation

Causes de la maladie d’Alzheimer : les hypothèses classiques en difficulté
On sait de longue date que le cerveau des personnes décédées atteintes de la maladie d’Alzheimer présente deux types de lésions : les dépôts amyloïdes et les dégénérescences neurofibrillaires.

Les dépôts amyloïdes sont des agrégats extracellulaires composés de protéines amyloïdes. Ces plaques s’accumulent autour des neurones et les empêchent de bien communiquer entre eux. Les dégénérescences neurofibrillaires résultent quant à elles de modifications d’autres protéines, les protéines Tau.

Lorsque la protéine Tau est modifiée (hyperphosphorylée), sa fonction est altérée et les microtubules qui assurent l’intégrité des neurones se déstructurent.

En temps normal, les protéines Tau assurent le maintien des microtubules dans la cellule (des sortes d’armatures squelettiques qui assurent la cohésion cellulaire). Mais chez les patients atteints de la maladie d’Alzheimer ou d’autres maladies dégénératives (tauopathies), les protéines Tau changent de forme tridimensionnelle par un processus appelé hyperphosphorylation. Cette hyperphosphorylation des protéines Tau conduit notamment à une fragilisation des microtubules des neurones qui, progressivement, meurent.

On a longtemps cru que l’accumulation au fil du temps de plaques amyloïdes et d’enchevêtrements de protéines Tau était responsable des manifestations cliniques de la maladie d’Alzheimer. Toutefois, depuis quelques années, les différents essais cliniques ciblant les protéines amyloïdes se sont révélés très décevants.

Face à cette situation, l’acquisition de connaissances nouvelles à propos des mécanismes biologiques spécifiques à la maladie d’Alzheimer est aujourd’hui plus que jamais nécessaire. En particulier, pour proposer une nouvelle vision de la maladie d’Alzheimer, il faut retourner aux sources mêmes de cette maladie dégénérative, c’est-à-dire à la gestion du stress dit « oxydatif », qui, s’il n’est pas correctement réduit, conduit au vieillissement accéléré. L’accumulation de plaques amyloïdes et d’enchevêtrements de protéine Tau pourrait en être alors de simples conséquences.

Les résultats récents obtenus au sein de notre laboratoire de recherche, l’UMR 1296 Inserm, s’inscrivent dans ce contexte. Nos données nous ont en effet permis de proposer un nouveau mécanisme moléculaire pouvant expliquer l’origine de la maladie d’Alzheimer. Cette hypothèse est soutenue non seulement par des observations expérimentales cohérentes, mais aussi par une modélisation mathématique.

En tant que radiobiologistes, nous étudions les effets sur le vivant des rayonnements ionisants (les rayons X, les rayons gamma, les particules…), lesquels produisent du stress oxydatif. À ce titre, la protéine ATM revient systématiquement dans tous nos projets de recherche. Elle est en effet une actrice majeure de la réponse à tout stress oxydatif.

Ce type de stress survient lorsque des composés chimiques très réactifs, les espèces radicalaires oxygénées (ou ROS), sont présents dans l’environnement des cellules. Les conséquences d’une telle situation sont potentiellement très graves, puisque le stress oxydatif peut casser l’ADN. Schématiquement, la protéine ATM gère la signalisation et la réparation de telles cassures de l’ADN, qui nous agressent et qui nous font vieillir.

Nos travaux de recherche ont notamment démontré qu’après un stress, dû par exemple à une irradiation, une contamination aux métaux ou aux pesticides, de nombreuses copies d’ATM quittent le cytoplasme où elles sont produites (le cytoplasme est la partie de la cellule qui se trouve entre le noyau – contenant le matériel génétique – et la membrane cellulaire) pour entrer dans le noyau. Là, elles déclenchent la reconnaissance et la réparation des cassures de l’ADN.

Ce phénomène est appelé transit de la protéine ATM. En temps normal, il dure quelques minutes après le stress, et aboutit à la reconnaissance puis à la réparation de toutes les cassures de l’ADN. Toutefois, le transit d’ATM peut se trouver ralenti ou empêché si les protéines rencontrent et s’associent en chemin à d’autres protéines spécifiques, anormalement surexprimées dans le cytoplasme.

Nous avons appelé ces protéines les « protéines X », car elles peuvent varier d’un individu à un autre, d’une maladie à une autre, d’un tissu à un autre. Ces protéines X sont généralement celles qui, par leurs mutations, causent les maladies (quand ces mutations ne font pas disparaître lesdites protéines, mais au contraire, les dérégulent).

Depuis 2014, nous étudions au laboratoire des maladies associées soit à une forte prédisposition au cancer, soit à un vieillissement accéléré, mais qui ont toutes un point commun : elles sont connues pour leur réponse anormale à une irradiation.

C’est notamment le cas du syndrome du rétinoblastome, un syndrome familial qui est à haut risque de cancer de l’œil. Causée par la mutation du gène de la protéine Rb, cette maladie est associée à une surexpression de ladite protéine Rb dans le cytoplasme, ce qui empêche ATM d’atteindre le noyau. Les cassures de l’ADN sont alors mal réparées et leur accumulation cause le cancer.

Nous avons pu mettre en évidence des mécanismes de ce type dans d’autres maladies dégénératives, comme la maladie de Huntington dans lequel le rôle de la protéine X est tenu par une protéine appelée la huntingtine, ou encore la sclérose tubéreuse de Bourneville et la tubérine, le syndrome de Usher et les protéines USH, etc.

De façon intéressante, la très grande majorité des protéines X qui sont associées à des maladies dégénératives sont localisées autour du noyau, si bien que lors de leur transit du cytoplasme au noyau, les protéines ATM sont stoppées directement sur la membrane nucléaire. Pour évaluer la réponse au stress oxydatif, notamment dû à l’irradiation, on comprend donc qu’il faut d’abord rechercher quelle(s) protéine(s) X ralenti(ssen)t les protéines ATM dans leur transit du cytoplasme au noyau.

C’est aussi le cas lorsque l’on s’intéresse à la maladie d’Alzheimer. Dans ce cas précis, notre quête de la (ou des) protéine(s) X spécifique(s) de la maladie s’est rapidement orientée vers une protéine appelée Apoliprotéine E, ou APOE.

Des couronnes autour du noyau, premier signe de la maladie d’Alzheimer ?

La protéine APOE est surtout connue par les spécialistes de la maladie d’Alzheimer en raison des variations (on parle de « polymorphismes ») qu’elle présente chez une grande majorité de patients atteints. Par ailleurs, on sait que APOE présente des sites d’interaction préférentielle avec la protéine ATM, ce qui en faisait une bonne candidate au statut de « protéine X ».

Nous avons donc décidé d’étudier 10 lignées de cellules de peau provenant de patients atteints de la maladie d’Alzheimer à différents stades. Nous avons ainsi découvert que, bien que les origines de ces lignées cellulaires provenant de divers malades soient variées (et donc que les polymorphismes qu’elles contiennent soient différents de l’une à l’autre), toutes montraient systématiquement une surexpression de la protéine APOE autour du noyau.

De plus, nous avons aussi observé que la protéine ATM était elle aussi systématiquement localisée autour du noyau, formant des « couronnes périnucléaires ». Des analyses plus approfondies ont par ailleurs révélé que ces couronnes étaient constituées d’une première couche d’interaction entre ATM et APOE, au plus près de la membrane du noyau.

Grâce à des observations plus poussées d’imagerie cellulaire, ainsi qu’à un modèle mathématique produit par Laurent Pujo-Menjouet, professeur à l’Université Lyon I, nous sommes aujourd’hui en mesure d’écrire un scénario décrivant un mécanisme probable pour expliquer la maladie.

Le processus commencerait d’abord par la formation de complexes ATM-APOE qui ne gêneraient pas l’entrée d’ATM dans le noyau (points verts lumineux visibles à l’intérieur). Progressivement, la première couche ATM-APOE couvrirait tout le noyau (fine couronne en vert autour du noyau, quelques points vert encore visibles dedans). Enfin, la couronne épaissie interdirait toute pénétration d’ATM (plus de point vert lumineux dans le noyau).

À mesure que du stress est produit, au fil de l’existence, chez des personnes dont les cellules surexpriment APOE, ATM s’agglutinerait progressivement autour du noyau des cellules, formant une première couche avec APOE, puis avec elle-même.

Ces multicouches interdiraient le passage de ATM dans le noyau. Les cassures de l’ADN dues au stress s’accumuleraient donc progressivement, puisqu’ATM ne serait plus capable de déclencher leur reconnaissance puis leur réparation.

Les couronnes périnucléaires s’avéreraient d’autant plus épaisses que le processus d’agglutination serait déjà ancien – à l’image, en quelque sorte, des cernes qui se forment lors de la croissance des troncs d’arbres. Cette accumulation de cassures dans l’ADN provoquerait une accélération du vieillissement des cellules et, in fine, leur mort. À cet instant, « l’épaisseur » des couronnes périnucléaires serait maximale.

En plus d’une explication mécanistique, nos observations introduisent ici la notion de prédisposition à la maladie d’Alzheimer, puisque tout porteur de cellules surexprimant une protéine APOE autour du noyau serait potentiellement susceptible.

Une explication moléculaire du vieillissement valable pour d’autres pathologies

Ces observations ont été menées sur des cellules provenant de la peau de 10 patients atteints de la maladie d’Alzheimer, mais elles pourraient être transposables aux cellules cérébrales et à d’autres types cellulaires. En effet, des données récentes suggèrent que la maladie d’Alzheimer pourrait être une maladie du vieillissement généralisée à d’autres tissus que le tissu cérébral (communication du professeur Zou de l’université de Nanchang (Chine), durant une conférence donnée au sein du service d’étude des prions et des infections atypiques de l’Institut François Jacob du CEA).

Par ailleurs, depuis la publication de notre étude, nous avons observé la formation de couronnes périnucléaires d’ATM dans d’autres pathologies liées au vieillissement, comme la myopathie de Duchesne (mais évidemment avec une protéine X différente d’APOE). En outre, en laissant vieillir en culture des cellules de cristallin, on voit également apparaître des couronnes périnucléaires d’ATM qui pourraient être liées à la formation de cataractes. Enfin, des travaux en cours suggèrent que des cellules de peau issues d’individus normaux et vieillies artificiellement en culture pourraient montrer également des couronnes périnucléaires d’ATM.

L’agglutination de la protéine ATM autour du noyau, aidée par la surexpression d’une protéine spécifique constituerait donc une explication mécanistique du vieillissement cellulaire, en raison de l’impossibilité de réparer les dommages de l’ADN accumulés par un stress endogène et/ou exogène.

Quelles retombées et quelles nouvelles pistes pour nos recherches ?

Ces résultats pourraient également avoir des implications en matière de diagnostic. En effet, un simple prélèvement dermatologique de cellules de peau pourrait permettre de révéler non seulement l’existence d’une forte prédisposition à la maladie d’Alzheimer, mais aussi renseigner sur son avancée éventuelle. Un brevet a été déposé en ce sens par Inserm Transfert, en collaboration avec la société Neolys Diagnostics (groupe ALARA expertise, à Entzheim, en Alsace). Toutefois, de nouvelles investigations sont nécessaires pour asseoir ces tests sur des bases encore plus solides.

Ces résultats préliminaires pourraient aussi ouvrir de nouvelles pistes d’exploration en matière de traitement. On pourrait par exemple chercher des moyens de « détruire » précocement les couronnes périnucléaires d’ATM, ou d’en limiter la formation, afin d’améliorer la survie cellulaire par une meilleure gestion des cassures de l’ADN accumulées. Dans cette optique, différentes substances chimiques susceptibles de séparer les protéines ATM des protéines APOE sont en cours d’investigation au laboratoire.

Soulignons que nos observations ont été faites directement sur des cellules humaines, ce qui les rend d’autant plus pertinentes sur le plan clinique et évite tous les biais liés à l’extrapolation à partir de modèles animaux, pour lesquels la gestion des cassures de l’ADN peut montrer certaines différences avec l’être humain. Elles constituent une avancée majeure dans la compréhension des mécanismes en jeu dans la genèse de la maladie d’Alzheimer.

Alzheimer : Bientôt un vaccin ?

Alzheimer : Bientôt un vaccin ?

  • Un  nouveau vaccin administré par voie nasale destiné à prévenir et à ralentir la progression de la maladie d’Alzheimer est en cours d’essai aux États-Unis . 

 

Le vaccin agit en stimulant le système immunitaire et en activant les globules blancs dans les ganglions lymphatiques. Les cellules stimulées voyagent ensuite dans le sang et doivent aider à éliminer les plaques bêta-amyloïdes dans le cerveau.

« Depuis 20 ans, il est de plus en plus prouvé que le système immunitaire joue un rôle clé dans l’élimination de la bêta-amyloïde. Notre vaccin exploite un nouveau bras du système immunitaire pour traiter la maladie d’Alzheimer », a déclaré Tanuja Chitnis, professeur de neurologie à l’hôpital de Boston et chercheur principal de l’essai, cité dans le communiqué.

Le vaccin est basé sur un adjuvant dénommé Protollin, composé de protéines dérivées de bactéries et qui a déjà « été utilisé en toute sécurité chez l’homme comme adjuvant pour d’autres vaccins », souligne l’équipe de scientifiques. L’étude est par ailleurs financée par I-Mab Biopharma (I-Mab) et Jiangsu Nhwa Pharmaceutical (NHWA), qui sont responsables du développement, de la fabrication et de la commercialisation de Protollin, note le « New York Post ».

La maladie d’Alzheimer, qui voit le patient perdre irrémédiablement la mémoire et sa capacité de jugement, touche 15 % des plus de 80 ans. Elle peut aussi survenir bien plus tôt. On estime aujourd’hui en France à plus de 65.000 le nombre de patients de moins de 65 ans atteints de la maladie.

Alzheimer: un espoir ?

Alzheimer: un espoir ?  

 

Bruno Dubois, professeur de neurologie, chef du service à la Pitié-Salpêtrière dit son espoir dans un nouveau médicament. (Interview JDD)

 

Le nouveau médicament du laboratoire Biogen, actuellement examiné par les autorités sanitaires américaines, peut-il constituer une lueur d’espoir?
L’espoir le plus lumineux, ce sont les énormes progrès conceptuels réalisés ces dernières années. On n’est plus dans la contemplation de la maladie ; on tient peut-être le chemin de la solution. Tout cela irrigue la recherche pharmaceutique. Par le passé, certaines molécules étaient parvenues à faire diminuer les plaques amyloïdes dans le cerveau des malades, c’est-à-dire une des deux lésions caractéristiques d’Alzheimer, mais ça restait sans effet sur les symptômes. Ce sont les échecs thérapeutiques dont on a beaucoup parlé depuis dix ans. L’aducanumab, lui, semble réduire le déclin cognitif chez une partie des patients dans la phase initiale de la maladie. Un effet positif sur l’autonomie et les performances cognitives, c’est une première et quelle promesse! On tient peut-être un fil de la pelote. Mais prudence : les résultats des essais cliniques n’ont pas encore été publiés. Si l’efficacité était confirmée l’an prochain, 2021 serait la deuxième date la plus importante depuis la description de la maladie par Aloïs Alzheimer en 1906.

 

Quels autres traitements en développement vous semblent-ils prometteurs?
La molécule BAN2401, un anticorps qui vise lui aussi à éliminer les plaques amyloïdes, donne des résultats encourageants. La phase 3 de l’essai clinique a démarré. D’autres médicaments ciblant la protéine Tau sont en cours de développement.

Votre centre est très impliqué dans les essais cliniques. Est-il facile de recruter des patients?
Non, c’est difficile car les essais sont contraignants. Ils nécessitent des rendez-vous mensuels, avec ponction lombaire et bilans sanguins. Les patients les plus jeunes soignés dans le service, ceux âgés d’environ 65 ans, sont souvent les plus impliqués.

Puisqu’il semble si difficile de guérir Alzheimer, pourra-t-on un jour la prévenir?
Traiter les gens déjà malades, c’est peut-être trop tard. Impossible de remonter le temps ; on peut seulement espérer bloquer le processus ou en ralentir l’aggravation. Notre objectif est de poser un diagnostic le plus tôt possible, avant la perte d’autonomie, voire avant les symptômes. Pour cela, nous allons nous appuyer sur d’énormes progrès dans l’identification de marqueurs biologiques associés à la présence de lésions. Certains de ces marqueurs étant présents quinze ans avant la survenue des symptômes, on sera capables un jour d’identifier les sujets sains à risque et d’empêcher l’arrivée de la maladie. Je défends l’idée d’une clinique du risque qui va nous permettre de passer d’une vision un peu fataliste, centrée sur l’accompagnement des malades, à une approche d’amont, plus globale et dynamique. Bien sûr, il faudra évidemment expliquer aux personnes ainsi dépistées qu’elles ne sont pas malades, mais à risque. Cela relève encore de la médecine fiction mais, si les médicaments tiennent leur promesse, on peut imaginer que certains puissent être donnés en prévention.

 

Mais comment pourrait-on repérer les personnes à risque?
Il n’est pas question de dépister tout le monde à coup de PET-scan ou de ponction lombaire. Pour apprendre à mieux évaluer le risque, nous suivons, à l’Institut de la mémoire et depuis 2013, une cohorte de 318 personnes âgées, sans troubles cognitifs au départ, dans le cadre d’une grande étude baptisée Insight et financée notamment par l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM) et la Fondation pour la recherche sur Alzheimer (FRA). Au bout de cinq ans, parmi les 88 personnes qui avaient au départ les lésions cérébrales de la maladie, 15 seulement ont développé des symptômes. Ce qui semble valider l’hypothèse que nous avions formulée en 2007 : la présence de lésions ne suffit pas à annoncer la survenue de la maladie ; seule la présence des symptômes associés à ces lésions définit l’affection. Mais la controverse scientifique n’est pas éteinte : mes collègues d’Harvard ou de la Mayo Clinic aux États-Unis sont persuadés du contraire ! Pour nous, et les données actuelles de la littérature scientifique le suggèrent, d’autres facteurs doivent être associés aux lésions pour que la maladie survienne. Une fois achevés, tous ces travaux nous permettront d’élaborer un algorithme prédictif pour repérer, dans la population des personnes âgées, le petit nombre chez qui les lésions sont présentes et évoluent. Notre équipe a identifié une corrélation entre un marqueur sanguin et les lésions amyloïdes du cerveau. Ça reste fragile, et on n’en est pas encore à diagnostiquer Alzheimer grâce à une prise de sang.

 

Le dépistage, c’est pour demain ou après-demain, mais que faire dès aujourd’hui?
On a l’idée de créer des centres de prévention de la démence et je vais d’ailleurs en parler mardi, lors d’une conférence à l’Académie de médecine. Je les imagine comme des structures de repérage des facteurs de risque dont certains sont modifiables par des interventions ciblées. En complément, nous développons, avec l’agence régionale de santé d’Île-de-France, une application de repérage de troubles cognitifs accessible sur smartphone. Ce projet baptisé Santé-Cerveau va permettre aux gens de s’évaluer au moyen de questionnaires et de tests validés. Ça leur donnera des indications sur leur fonctionnement cognitif. Au besoin, ils seront mis en contact avec le centre mémoire le plus proche de chez eux. En mobilisant la population, on peut espérer retarder un peu l’entrée dans la maladie.

Alzheimer: un espoir ?

Alzheimer: un espoir ?  

 

Bruno Dubois, professeur de neurologie, chef du service à la Pitié-Salpêtrière dit son espoir dans un nouveau médicament. (Interview JDD)

 

Le nouveau médicament du laboratoire Biogen, actuellement examiné par les autorités sanitaires américaines, peut-il constituer une lueur d’espoir?
L’espoir le plus lumineux, ce sont les énormes progrès conceptuels réalisés ces dernières années. On n’est plus dans la contemplation de la maladie ; on tient peut-être le chemin de la solution. Tout cela irrigue la recherche pharmaceutique. Par le passé, certaines molécules étaient parvenues à faire diminuer les plaques amyloïdes dans le cerveau des malades, c’est-à-dire une des deux lésions caractéristiques d’Alzheimer, mais ça restait sans effet sur les symptômes. Ce sont les échecs thérapeutiques dont on a beaucoup parlé depuis dix ans. L’aducanumab, lui, semble réduire le déclin cognitif chez une partie des patients dans la phase initiale de la maladie. Un effet positif sur l’autonomie et les performances cognitives, c’est une première et quelle promesse! On tient peut-être un fil de la pelote. Mais prudence : les résultats des essais cliniques n’ont pas encore été publiés. Si l’efficacité était confirmée l’an prochain, 2021 serait la deuxième date la plus importante depuis la description de la maladie par Aloïs Alzheimer en 1906.

 

Quels autres traitements en développement vous semblent-ils prometteurs?
La molécule BAN2401, un anticorps qui vise lui aussi à éliminer les plaques amyloïdes, donne des résultats encourageants. La phase 3 de l’essai clinique a démarré. D’autres médicaments ciblant la protéine Tau sont en cours de développement.

Votre centre est très impliqué dans les essais cliniques. Est-il facile de recruter des patients?
Non, c’est difficile car les essais sont contraignants. Ils nécessitent des rendez-vous mensuels, avec ponction lombaire et bilans sanguins. Les patients les plus jeunes soignés dans le service, ceux âgés d’environ 65 ans, sont souvent les plus impliqués.

Puisqu’il semble si difficile de guérir Alzheimer, pourra-t-on un jour la prévenir?
Traiter les gens déjà malades, c’est peut-être trop tard. Impossible de remonter le temps ; on peut seulement espérer bloquer le processus ou en ralentir l’aggravation. Notre objectif est de poser un diagnostic le plus tôt possible, avant la perte d’autonomie, voire avant les symptômes. Pour cela, nous allons nous appuyer sur d’énormes progrès dans l’identification de marqueurs biologiques associés à la présence de lésions. Certains de ces marqueurs étant présents quinze ans avant la survenue des symptômes, on sera capables un jour d’identifier les sujets sains à risque et d’empêcher l’arrivée de la maladie. Je défends l’idée d’une clinique du risque qui va nous permettre de passer d’une vision un peu fataliste, centrée sur l’accompagnement des malades, à une approche d’amont, plus globale et dynamique. Bien sûr, il faudra évidemment expliquer aux personnes ainsi dépistées qu’elles ne sont pas malades, mais à risque. Cela relève encore de la médecine fiction mais, si les médicaments tiennent leur promesse, on peut imaginer que certains puissent être donnés en prévention.

 

Mais comment pourrait-on repérer les personnes à risque?
Il n’est pas question de dépister tout le monde à coup de PET-scan ou de ponction lombaire. Pour apprendre à mieux évaluer le risque, nous suivons, à l’Institut de la mémoire et depuis 2013, une cohorte de 318 personnes âgées, sans troubles cognitifs au départ, dans le cadre d’une grande étude baptisée Insight et financée notamment par l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM) et la Fondation pour la recherche sur Alzheimer (FRA). Au bout de cinq ans, parmi les 88 personnes qui avaient au départ les lésions cérébrales de la maladie, 15 seulement ont développé des symptômes. Ce qui semble valider l’hypothèse que nous avions formulée en 2007 : la présence de lésions ne suffit pas à annoncer la survenue de la maladie ; seule la présence des symptômes associés à ces lésions définit l’affection. Mais la controverse scientifique n’est pas éteinte : mes collègues d’Harvard ou de la Mayo Clinic aux États-Unis sont persuadés du contraire ! Pour nous, et les données actuelles de la littérature scientifique le suggèrent, d’autres facteurs doivent être associés aux lésions pour que la maladie survienne. Une fois achevés, tous ces travaux nous permettront d’élaborer un algorithme prédictif pour repérer, dans la population des personnes âgées, le petit nombre chez qui les lésions sont présentes et évoluent. Notre équipe a identifié une corrélation entre un marqueur sanguin et les lésions amyloïdes du cerveau. Ça reste fragile, et on n’en est pas encore à diagnostiquer Alzheimer grâce à une prise de sang.

 

Le dépistage, c’est pour demain ou après-demain, mais que faire dès aujourd’hui?
On a l’idée de créer des centres de prévention de la démence et je vais d’ailleurs en parler mardi, lors d’une conférence à l’Académie de médecine. Je les imagine comme des structures de repérage des facteurs de risque dont certains sont modifiables par des interventions ciblées. En complément, nous développons, avec l’agence régionale de santé d’Île-de-France, une application de repérage de troubles cognitifs accessible sur smartphone. Ce projet baptisé Santé-Cerveau va permettre aux gens de s’évaluer au moyen de questionnaires et de tests validés. Ça leur donnera des indications sur leur fonctionnement cognitif. Au besoin, ils seront mis en contact avec le centre mémoire le plus proche de chez eux. En mobilisant la population, on peut espérer retarder un peu l’entrée dans la maladie.

Boire du café contre Parkinson, Alzheimer et la sclérose en plaque

Boire du café contre Parkinson, Alzheimer et la sclérose en plaque

 

d’après un info parue dans les Echos « La consommation de caféine a déjà été liée à une réduction du risque de la maladie de Parkinson et d’Alzheimer et notre étude montre aussi des effets protecteurs potentiels contre la sclérose en plaques », souligne la Dr Ellen Mowry, une neurologue de la faculté de médecine de l’Université Johns Hopkins à Baltimore, principal auteur de cette analyse. Cela « conforte l’idée que cette substance pourrait avoir des effets bénéfiques pour le cerveau », a-t-elle ajouté.  Les résultats feront l’objet d’une présentation à la conférence annuelle de l’Académie américaine de neurologie qui se tiendra à Washington du 18 au 25 avril prochain. Les chercheurs ont analysé une étude suédoise menée sur 1.629 personnes atteintes de sclérose en plaques et 2.807 autres sujets sains. Ils ont également analysé les données d’une recherche aux Etats-Unis conduite sur 1.159 personnes souffrant de cette maladie et 1.172 autres qui étaient bonne santé. Les études ont établi les habitudes de consommation de café parmi les participants atteints de sclérose en plaques de un à cinq ans avant l’apparition des symptômes aux Etats-Unis et jusqu’à dix ans avant dans le groupe suédois. Les chercheurs les ont comparées avec la consommation de caféine des participants en bonne santé pendant des périodes similaires. D’autres facteurs ont également été pris en compte, comme l’âge, le sexe, l’indice de masse corporelle et les habitudes d’exposition au soleil. Dans le groupe suédois, ceux qui ne buvaient pas de café avaient une fois et demie plus de risques de développer la sclérose en plaques que ceux qui en prenaient au moins six tasses quotidiennement.  Dans la cohorte américaine, l’accroissement du risque pour cette maladie a été similaire mais comparé à ceux qui consommaient au moins quatre cafés par jour un an avant l’apparition des symptômes. « La caféine devrait faire l’objet de recherche sur son impact sur les rechutes et les handicaps dans la sclérose en plaques », estime Dr Ellen Mowry

 

« L’Alzheimer spirituel » menace les cardinaux (le pape François)

« L’Alzheimer spirituel » menace les cardinaux (le pape François)

D’après le pape François «L’Alzheimer spirituel », « la fossilisation mentale et spirituelle », « le cœur de pierre », « le terrorisme des bavardages », « la schizophrénie existentielle » menacent les cardinaux. Mais aussi « l’exhibitionnisme mondain », « la planification d’expert-comptable », « les cercles fermés », « les têtes d’enterrement »… « La guérison est le fruit de la prise de conscience de la maladie », a plaidé le pape en appelant les cardinaux à laisser « l’Esprit saint » inspirer leurs actions, sans se reposer sur leurs dons intellectuels ou d’organisation. Depuis son élection en mars 2013, François avait déjà souvent tempêté contre des attitudes mondaines, carriéristes voire dissolues, mais jamais en des termes aussi virulents. Il a appelé chacun à ne pas tomber dans les différents pièges que tend le pouvoir clérical. « Facétieux, le pape argentin a évoqué la tentation de « se sentir immortel » et a invité les prélats à se rendre dans les cimetières où reposent « tant de gens qui se considéraient comme indispensables ». La double vie est un des fléaux les plus graves dénoncés : certains « créent leur monde parallèle, dans lequel ils mettent de côté ce qu’ils enseignent avec sévérité aux autres et mènent une vie cachée et souvent dissolue ». Certains prélats « sont totalement prisonniers de leurs passions, leurs caprices et leurs manies », a insisté Jorge Bergoglio. Fustigeant la calomnie, il a fait état du cas d’un prêtre du Vatican « qui appelait les journalistes pour raconter et inventer des choses sur la vie privée de ses confrères » afin d’être « à la une des journaux ».  Il a aussi dénoncé implicitement la lutte de pouvoirs qui se poursuit aujourd’hui dans le petit Etat, parfois entre pro et anti-Bergoglio: « Certains sont capables de calomnier, diffamer et discréditer les autres, jusque dans les journaux ». Des cardinaux se sont ainsi querellés par médias interposés autour du synode d’octobre sur la famille, en particulier sur la question des divorcés remariés et des homosexuels. Le « pape de l’autre bout du monde », qui a expliqué qu’il se sentait parfois « anticlérical », a engagé une profonde réforme de la curie, qui devrait se traduire par des fusions de « ministères » et une ouverture aux laïcs, mais pas avant 2016.

 




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