Electricité : une Agence nationale indépendante pour réguler les prix ?
Marchés et planification, c’est la proposition des économistes Etienne Beeker, Dominique Finon et Jacques Percebois préconisent, dans une tribune au « Monde », la création d’une agence nationale indépendante chargée d’acheter la totalité de l’électricité de gros aux producteurs et de la revendre aux distributeurs, de façon à stabiliser les prix tout en garantissant à la filière des horizons d’investissement.
Une idée intéressante mais qui pose la question de la réalité de l’indépendance d’une telle agence vis-à-vis d’une énergie au caractère très stratégique surtout pour la France qui a choisi une voie particulière NDLR
Le modèle actuel du marché européen de l’électricité présente deux défauts importants : le mode de formation des prix de court terme sur un marché horaire, ce qui expose les consommateurs à un risque excessif de volatilité des prix comme on le voit actuellement, et le défaut d’incitation à investir dans tous les types d’équipement, dont ceux contribuant à la transition énergétique.
Pour remédier à ces défauts, une solution efficace combinant planification et marché existe : il s’agit du modèle de l’« acheteur central », qui reprend des propositions d’amélioration envisagées par Bruxelles dans sa communication du 18 mai « REPowerEU », en poussant leur logique jusqu’au bout.
Commençons par les défauts. Les prix de gros du kilowattheure (kWh) résultent de l’organisation en marché « à pas horaires », où le prix s’aligne heure par heure sur le coût marginal de la dernière unité de production appelée à fournir sur le réseau européen interconnecté, souvent une centrale à gaz.
Cette organisation du marché présente le triple inconvénient de donner des prix de court terme ne reflétant pas les coûts de production des kWh, de suivre la volatilité des prix des combustibles (ce qui expose les consommateurs à des épisodes prolongés de prix élevés) et enfin de rendre impossibles les anticipations de long terme pour un investisseur potentiel.
Ce dernier point explique que le marché à terme (à un horizon plurimensuel) associé au marché « spot » (au « pas horaire » et journalier) ne puisse pas offrir de produits de couverture de risques à horizon éloigné, à l’inverse des marchés de matières premières.
L’Agence de coopération des régulateurs de l’énergie (ACER), que la Commission européenne a mandatée pour analyser les problèmes d’organisation des marchés électriques, considère pourtant que cette organisation « garantit un approvisionnement en électricité efficace et sûr dans des conditions de marché relativement normales », et à ce titre mérite d’être conservée (« ACER’s final assessement of the EU wholesale electricity market design », avril 2022).
L’ACER met alors en garde contre des mesures pour protéger les consommateurs, comme les plafonds de prix demandés par l’Espagne (ce qui vient d’être accepté pour le gaz) et la France, car ils généreraient trop de distorsions du fonctionnement du marché intégré. Elle recommande de n’utiliser que les mesures compensatoires que l’on connaît (chèque énergie, déductions fiscales).
Le rapport reconnaît toutefois que les aspects de long terme ne sont pas suffisamment pris en compte pour assurer la transition énergétique.