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Niger et Afrique: La versatilité et la manipulation des foules

Niger et Afrique: La versatilité et la manipulation des foules

L’exemple du Mali Hier-du Niger aujourd’hui- vis-à-vis des rapports avec la France témoigne bien de la versatilité et des manipulations opérées par des forces politiques intérieures mais aussi extérieures.

Au Mali par exemple faut-il se rappeler qu’en 2013 les armées françaises ont été accueillies dans un enthousiasme débordant quand les militaires français sont intervenus pour arrêter les avancées des islamistes et sauver l’État. À l’inverse en 2020 après le nouveau putsch des militaires, la France a été prise pour cible par les manifestants. La preuve qu’il est facile de manipuler quelques centaines ou quelques milliers de personnes en s’appuyant sur le populisme, les rancœurs locales et la corruption pour mobiliser dans un sens ou dans un autre. Avec quelques bières et quelques billets de mille franc CFA (environ 1,5 €) on peut grossir les quelques dizaines de militants politisés avec des centaines et des milliers de participants.

C’est à peu près le phénomène se passe aussi Niger ou la France jusque-là n’avait jamais rencontré de problème majeur. C’est un concours de circonstances qui a permis d’agglomérer tous les mécontentements : le mécontentement contre la vie chère, le mécontentement de certains vis-à-vis du gouvernement, le mécontentement des militaires se jugeant mal rémunérés. Et de brandir des pancartes contre le néo colonialisme en réclamant la venue des dictateurs et des criminels de Poutine et Wagner.

La versatilité des foules ce manifestera avant peu car les conséquences sociales seront terribles dans la mesure où le Niger dépend à 40 % des aides extérieure. En 2013, les armées françaises se sont déployées en urgence au Mali à la demande des autorités maliennes afin de stopper l’offensive des groupes armés terroristes vers Bamako. L’intervention de la France a permis d’éviter l’effondrement de l’État malien ainsi que la prise du pouvoir par des groupes djihadistes.

Entre les dérives autoritaires d’un régime militaire, arrivé au pouvoir par la force en août 2020 dans un contexte de mouvement populaire contre le président Ibrahim Boubacar Keïta (2013-2020), et le départ de la mission française « Barkhane » (2014-2022), le Mali s’enlise dans une crise politique profonde. Pendant ce temps, la menace djihadiste, originellement concentrée dans le Sahel, se diffuse en Afrique de l’Ouest

Niger et Afrique : l’échec de la politique française de développement

Niger et Afrique : l’échec de la politique française de développement


Le rejet de la France en tant que porte-drapeau du néo colonialisme est patent dans les pays les plus pauvres de l’Afrique. Le sentiment antifrançais est plus généralement anti occidental se nourrit surtout de la pauvreté et plus généralement de l’échec total de la politique de développement. Du coup, on fait porter le chapeau du rejet aux militaires français pourtant là pour préserver l’indépendance des pays visés vis-à-vis du terrorisme islamique. L’histoire démontrera assez rapidement que les velléités d’indépendance et de souveraineté de ces pays pour sont illusoires face à la pieuvre islamique. D’autant que les déstabilisations sont favorisées par la Russie . Une sorte de revanche par rapport au soutien de l’Ouest à l’Ukraine.

Les forces militaires ont fait ce qu’elles ont pu pour limiter la progression du terrorisme mais il est évident que l’armée échantillonnaire de la France ne disposait pas des moyens suffisants pour permettre à l’opération Barkhane de réussir. Mais la grande insuffisance n’est pas seulement liée aux questions de défense mais sans doute et prioritairement à la problématique du développement.

Le Niger en particulier, l’un des pays les plus pauvres du monde dont le revenu moyen est de l’ordre de 30 à 50 € par mois est particulièrement perméable aux théories prétendant lutter contre le néo colonialisme mais des théories qui en fait en fait ont surtout pour objectif de conforter encore un peu plus la corruption généralisée grâce à l’oppression des dictatures.

Reste que la responsabilité de l’échec du développement est aussi largement à imputer aux occidentaux et surtout à la France. La France qui a pensé suffisant d’apporter une contribution militaire pour essayer de sauver des Etats qui n’ont qu’une réalité virtuelle ( Au u Niger et au Mali par exemple l’État n’existe réellement que dans les capitales).

Concernant le développement économique, on a comme d’habitude opéré des transferts financiers via les institutions et les gouvernements; des apports qui se sont perdus dans les sables et les poches des responsables.

Or ce qui ronge ces pays structurellement pauvres en ressources, c’est d’abord la corruption et le manque de compétence en organisation et en gestion. Certes il y a des investissements lourds à opérer en particulier concernant le transport mais l’essentiel des efforts devrait être orienté sur des aspects plus soft, beaucoup moins coûteux mais plus efficaces pour servir la richesse nationale et sa redistribution. C’est toute la politique de développement qui a revoir : la composition et le rôle de la représentation française notamment diplomatique largement coupée des réalités sociaux économiques. C’est sans doute d’abord aux chercheurs en socio-économique de faire le bilan des échecs cumulés de la présence française dans les pays les plus pauvres et les plus fragiles de l’Afrique

Afrique Niger: Des manifestants manipulés

Afrique Niger: Des manifestants manipulés

La chercheuse Lova Rinel, spécialiste des relations entre la France et l’Afrique, analyse les raisons du putsch et les manifestations d’hostilité vis-à-vis de de la France dans le Figaro.

Selon le Canard Enchaîné, Emmanuel Macron s’en serait pris au patron de la Direction générale du renseignement extérieur (DGSE), en plein conseil de Défense, lui reprochant de ne pas avoir vu venir le coup d’État au Niger. Cet événement était-il prévisible? Pourquoi?

Lova RINEL. – En réalité, d’après l’article du Canard Enchaîné, c’est qu’il y a une erreur sur le rôle de nos services de renseignements. le président Emmanuel Macron a raison de se mettre en colère car, dans les faits, le coup d’État n’a pas été renseigné. La Direction du renseignement militaire (DRM) a aussi son rôle car elle a pour mission la surveillance des forces armées, elle n’a pas averti la présidence de ce putsch. C’est un échec des renseignements français dans leur ensemble.

Néanmoins, compte tenu des informations qui remontent aujourd’hui, jeter la pierre sur les services semble aisé. La nature de ce putsch est différente des coups d’État politiques «habituels». Ce putsch n’est pas un putsch politique mais un putsch de «promotion».

Enfin, on peut s’interroger sur le dispositif militaire d’urgence par la France au Niger, d’autant que cette zone a été considérée comme depuis le coup d’État au Mali. Il est étonnant que l’État-major des armées n’ait rien prévu dans une telle situation.

Peut-on pour autant comparer la situation au Niger à celle du pays voisin le Mali, victime d’un coup d’État en 2021?

Non. Assimi Goita (NDLR, le président intérimaire du Mali) est davantage soutenu par le peuple et ce, même après deux ans au pouvoir; la junte reste populaire. Certes, il y a des mécontentements mais la junte reste légitime, ce qui n’est pas le cas du Général Tiani Abdouramane au Niger. Il est non seulement contesté au sein de l’armée nigérienne mais en plus, il n’est pas soutenu par le peuple. Le bilan du président Mohamed Bazoum. Son bilan est plutôt positif. Le pays n’a connu aucun jour de grève, les efforts pour la scolarisation ont été palpables et la sécurité du pays a été reconnue.

Au Niger, la junte n’a pas fait un coup d’État par idéologie politique, mais pour des « raisons personnelles », bien qu’elle prétend le contraire.

Au Niger, la junte n’a pas fait un coup d’État par idéologie politique, mais pour des «raisons personnelles», bien qu’elle prétende le contraire en invoquant des supposées «raisons coloniales».

Pour ces différentes raisons, le cas du Mali et celui du Niger ne se ressemblent pas. Les confondre est un objectif pour les putschistes du Niger afin de légitimer leur posture. Pour le Mali, où le mouvement panafricaniste anti-France est en marche, appuyer le général Tiani entre dans le cadre de la propagande du régime. Assimi Goita n’a d’ailleurs rien de commun avec le général Tiani, qui correspond davantage à ce que le régime malien actuel dénonce. Mais à ce stade, l’enjeu est ailleurs pour Assimi Goita, qui veut avant tout communiquer sur la détestation de la France. Il en va, pour lui, de sa crédibilité existentielle.

Après le renversement du président nigérien Mohamed Bazoum, des centaines de partisans des militaires qui ont pris de force le pouvoir se sont rassemblés dans la capitale nigérienne, munie de pancartes anti-françaises et de drapeaux russes. Le sentiment anti-français s’est-il accéléré dans ce pays ces dernières années? A-t-on sous-estimé ces dernières années le soft power russe dans la région?

Ce qu’on a d’abord raté, c’est la crise économique liée au Covid sur le continent africain. Cela a été désastreux pour des populations qui se sont appauvries du jour au lendemain. La situation économique est le point central des contestations anti-France que nous voyons. Ensuite, les Africains qui ont connu dans leur histoire la colonisation ont des comptes à régler avec la France et cela n’a pas été fait. On assiste à un rejet de ce que l’on appelle la Françafrique, mais de manière plus populiste qu’intellectuelle. J’entends par là que le discours anti-français précède le discours panafricain, contrairement à la période des indépendances, marquée par un discours fort d’une union africaine qui avait pour corolaire le dégagisme de la puissance coloniale, en l’occurrence la France.

Les Français découvrent qu’une partie des Africains sont aussi comme eux: ils cèdent aux sirènes du populisme en pleine crise. Il serait faux de dire que tous les Français détestent les Africains et vice versa. Une partie de la population pense que la France est responsable de sa misère.

La France ne dépend pas du Niger, même pas sur l’uranium, il est le troisième fournisseur, que la France achète à un prix supérieur au marché, une faveur que l’on fait au Niger tout comme les prêts qu’on lui concède où la France perd de l’argent.

La France paye ses errances politiques depuis 60 ans, le conservatisme idéologique des administrateurs sur ces sujets et surtout l’éloignement de l’État français avec le terrain et les populations africaines. On assiste à la fin de la Françafrique, tant mieux, et rien n’aurait pu l’en empêcher, pas même Emmanuel Macron. C’est le sens de l’histoire. En n’intervenant pas au Niger, la France, la France pourrait améliorer par la suite sa relation avec le Niger. La rupture devait se faire, elle est douloureuse mais pas si handicapante, au contraire. Il fallait couper cette relation malsaine.

La France ne dépend pas du Niger, y compris en ce qui concerne l’uranium. Le Niger est le troisième fournisseur en uranium, que la France lui achète à un prix supérieur au marché. C’est une faveur que l’on fait à ce pays tout comme les prêts qu’on lui concède et qui font perdre de l’argent à la France. Ce n’est pas le cas des prêts accordés au Brésil par exemple. Enfin, il faut rappeler que la France via l’Agence française de développement (AFD) alloue environ 800 millions d’euros et l’aide internationale représente 55% du budget de l’État du Niger.

Ne surestime-t-on pas parfois l’influence de la Russie dans la région?

Pour la Russie c’est plus subtil, il y a depuis le 24 juin dernier une réelle dualité entre Wagner, d’Evguei Prigogine et la Russie de Vladimir Poutine. D’ailleurs, il faut noter que la Russie a condamné le putsch -on peut le comprendre compte tenu de ce qu’a lui-même vécu Vladimir Poutine- tandis que le patron de Wagner s’est exprimé pour soutenir les putschistes. Les drapeaux russes dans cette affaire nigérienne ont été distribués de façon totalement opportuniste, à la dernière minute, par les hommes de Wagner sur place. Il n’y a aucun lien avec le déroulé du coup d’État. Il convient d’être prudent et je suis totalement en désaccord avec l’analyse portée par quelques collègues qui affirment que c’est la résultante du groupe paramilitaire. Ce serait leur donner plus de force qu’ils n’en ont pas réellement et cela participe à leur propre promotion.

Pour autant, la Russie influe-t-elle de la même manière au Niger qu’au Mali ou ailleurs?

Non avant le coup d’État, la présence de Wagner au Niger avait été localisée comme étant «en repérage» certainement à la recherche du maillon faible pour une prochaine présence. Au Mali c’est totalement différent, les éléments de Wagner ne se cachent pas, au contraire et ils y sont comme chez eux. Il faut rappeler qu’avant le putsch, le président Bazoum était l’allié stratégique de la France. Ce qu’il faut donc comprendre, c’est que du côté de l’État, la Russie n’avait aucune prise. Néanmoins sur les réseaux sociaux et à la radio -via des messages de propagande- Wagner était en première ligne, contrairement au pouvoir russe.

Politique-Putschs Afrique : Une épidémie contagieuse ?

Politique-Putschs Afrique : Une épidémie contagieuse ?

par
Thierry Vircoulon
Coordinateur de l’Observatoire pour l’Afrique centrale et australe de l’Institut Français des Relations Internationales, membre du Groupe de Recherche sur l’Eugénisme et le Racisme, Université Paris Cité dans The conversation.


Depuis 2020, une étonnante épidémie de putschs (cinq en deux ans) a frappé la zone comprise entre les 10e et le 20e parallèles nord, qui va du Soudan à la Guinée. De Khartoum à Conakry, des militaires ont pris le pouvoir entre 2020 et 2022 et entendent y rester. Le Niger est le dernier exemple en date, cette fois en 2023, pour ce qui devenue la « bande des juntes ». Analyse d’une tendance qui, malgré les promesses des putschistes, n’annonce nullement l’avènement – ou la restauration – de la démocratie dans les pays concernés.

Au Mali, le 18 août 2020, le colonel Assimi Goïta a renversé le président Ibrahim Boubacar Keïta, au pouvoir depuis 2013. En mai 2021, le colonel Assimi Goïta a démis et remplacé le président de la transition, Bah N’Daw.

Au Tchad, le 21 avril 2021, le général Mahamat Déby a succédé avec l’appui d’un Conseil militaire de transition (CMT) à son père tué en pleine opération militaire.

En Guinée, le 5 septembre 2021, le colonel Doumbouya a renversé le président Alpha Condé réélu depuis 2010.

Au Soudan, le 25 octobre 2021, le général Abdel Fatah al-Burhane a fait un putsch au sein de la transition ouverte par la chute du régime d’el-Béchir en 2019 en mettant fin au gouvernement civilo-militaire et en arrêtant le premier ministre Hamdok, en poste depuis 2019.

Au Burkina Faso, le 24 janvier 2022, le colonel Damiba a renversé le président Roch Marc Christian Kaboré élu depuis 2015. En octobre 2022, le capitaine Ibrahim Traoré a démis et remplacé le lieutenant-colonel Damiba.

Bien que tous ces pays aient une longue histoire de pouvoirs militaires, il faut distinguer, dans cette succession de coups de force, les « putschs de guerre », les « putschs de paix » et le putsch consenti tchadien. Les premiers (Mali et Burkina Faso) sont motivés par la défaite progressive face aux groupes djihadistes et le mécontentement consécutif des militaires vis-à-vis du pouvoir civil.

Les noms que se sont donnés les putschistes au Burkina Faso (Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration, MPSR) et au Mali (Comité national pour le salut du peuple, CNSP) illustrent leur motivation : prendre les rênes de la guerre pour sauver le pays face à ses ennemis.

Parmi ces cinq coups d’État, le Tchad est un cas particulier car il peut être qualifié de putsch consenti. En effet, il n’y a pas eu de renversement du pouvoir, mais une succession familiale anticonstitutionnelle dans laquelle l’oligarchie militaire a joué un rôle-clé.

Après le décès inattendu du président Déby, le président de l’Assemblée nationale Haroun Kabadi a renoncé à être président par intérim comme le prévoyait la Constitution, au profit d’un des fils de Déby et d’un groupe de généraux (Conseil militaire de transition, CMT). Dans la mesure où les protestations ont été minoritaires et vite réprimées, la succession militaro-dynastique a été consentie par la majorité de la classe politique, y compris des figures historiques de l’opposition.

Quant aux « putschistes de paix » (Guinée, Soudan), ils ont – de même qu’au Tchad – pris le pouvoir pour préserver des intérêts, avant tout ceux de l’armée. Au Soudan, la transition prenait une direction dangereuse pour l’oligarchie militaire, le comité de démantèlement du régime d’Omar el-Béchir commençant à s’intéresser de près à son empire économique. Le putsch a donc mis un coup d’arrêt à la « débachirisation » du pays et s’est traduit par le retour aux affaires de plusieurs fidèles d’el-Béchir.

Au Tchad, le demi-putsch visait la conservation du pouvoir par le groupe militaro-clanique qui soutenait Idriss Déby. En Guinée, si le Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD) a justifié son putsch par la nécessité de « fonder une nation et de bâtir un État », il représente aussi et surtout des intérêts particuliers à l’intérieur des forces de sécurité. Dans ces trois pays, des mesures salariales en faveur des forces de sécurité ont d’ailleurs rapidement été ordonnées par les nouveaux dirigeants.

Gagner du temps, s’installer au pouvoir
Ces juntes ne sont pas uniformes. En revanche, elles ont toutes la même stratégie pour résister à un retour rapide à l’ordre constitutionnel, qui est une demande à la fois interne (partis politiques, organisations de la société civile) et externe (Cédéao, Union africaine, UE, ONU, etc.).

Les juntes font des concessions cosmétiques et gagnent du temps en retardant l’application du schéma habituel de retour à l’ordre constitutionnel. Élaboré au fil des nombreuses transitions en Afrique (Tchad 1993-1997, République démocratique du Congo 2003-2006, Centrafrique 2014-2016, etc.), ce schéma prévoit l’inéligibilité des dirigeants des gouvernements de transition et trois étapes politiques :

Un dialogue national. Il permet généralement de créer un consensus sur les principes de la future Constitution et de l’organisation des élections.

Une nouvelle Constitution. Elle est généralement validée par un référendum.

Des élections présidentielle et législatives. La mise en place d’un gouvernement et d’un Parlement élus au suffrage universel clôture la transition.

Pour l’heure, seules les autorités maliennes, tchadiennes et guinéennes ont franchi la première étape. Encore ont-elles mis un an pour organiser un dialogue national qui a été en partie boycotté et qui a abouti, au Tchad, à une répression violente.

Au Soudan, la tentative d’organiser un dialogue entre militaires et civils a échoué au printemps 2022 pour réussir en décembre. Dans tous les pays, les putschistes ont refusé l’idée d’une transition courte (entre six et dix-huit mois selon les pays) voulue par la Cédéao et l’UA. La perspective d’élections en 2022 s’est donc rapidement éloignée et, après de longues négociations, les pouvoirs putschistes ont fini par accepter une transition en deux ans.

Théoriquement, toutes ces transitions militaires devraient donc s’achever par des élections en 2024. Si cette date est respectée, seul le Burkina Faso aura connu une transition de deux ans, et les autres putschistes seront restés au pouvoir trois ou quatre ans avant l’échéance électorale. Ils auront donc réussi à imposer des transitions longues, décrocher quelques années de pouvoir et, pour certains d’entre eux (Tchad, Mali, Soudan), refuser le principe de l’inéligibilité des dirigeants des juntes aux prochaines échéances électorales. Dans ces trois pays, l’installation des putschistes aux commandes du pays pendant plusieurs années et la possibilité de se présenter aux élections ne laissent guère de doutes sur leur intention de conserver le pouvoir après la transition.

En outre, quelques concessions secondaires des juntes permettent d’atténuer les pressions internes et externes. En supprimant le CMT à la fin 2022, Mahamat Deby a donné la fausse impression d’une démilitarisation de la transition et, avec l’accord de décembre 2022, le général Abdel Fatah al-Burhane rend possible le retour à un gouvernement civilo-militaire de transition au Soudan en 2023.

Même si les juntes promettent toutes le retour à l’ordre constitutionnel, le chemin de la transition est semé d’embûches.

Les élections sont hypothéquées au Mali et au Burkina Faso par la situation sécuritaire. Tant qu’une majeure partie du territoire national restera inaccessible aux forces armées et aux fonctionnaires, organiser des élections et mener une campagne électorale sera irréaliste. Le Soudan, où les conflits se multiplient dans un climat politique confus, peut aussi être forcé de reporter les élections pour des raisons d’insécurité.

Par ailleurs, outre l’assaut de rébellions agressives, deux menaces planent sur ces transitions militaires : le putsch dans le putsch (comme ceux qui ont eu lieu au Mali en mai 2021 et au Burkina Faso en octobre 2022), et la contestation populaire.

D’autres coups de force entre militaires sont envisageables car l’appareil sécuritaire des cinq juntes considérées est travaillé par des rivalités de groupes et de personnes que le marasme sécuritaire et économique ne fait qu’accentuer. Pour les putschistes, l’état de grâce a été de courte durée car leur base sociale est réduite, la situation socio-économique s’aggrave et, au Mali et au Burkina Faso, les juntes sont incapables de concrétiser leur promesse de retour de la sécurité.

L’acceptation populaire des juntes étant essentiellement fondée sur le discrédit des pouvoirs précédents et l’espoir d’une amélioration sécuritaire et socio-économique, le désenchantement peut aisément se transformer en mobilisations contestataires. Alors qu’en Guinée le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC) interdit en août 2022 exprime le désenchantement vis-à-vis de la junte, qu’au Soudan les comités de résistance ayant fait tomber le régime d’el-Béchir restent mobilisés contre le pouvoir militaire et qu’au Mali la junte est ouvertement critiquée, le gouvernement de transition tchadien a déjà été menacé par la rue et par des militaires mécontents.

Enfin, si les juntes réussissent à se maintenir, elles organiseront des élections dans des scènes politiques nationales sinistrées. Dans ces cinq pays, la société civile est épuisée et affaiblie, la classe politique est discréditée, l’opposition est incapable de s’unir et peine à se renouveler, et le paysage politique est fragmenté à l’extrême (le Tchad, le Burkina Faso et la Guinée comptent chacun environ 200 partis). Les élections prévues en 2024 se joueront entre des forces politiques probablement divisées, à court de moyens et d’idées et face à des électeurs appauvris et mécontents.

Pour les putschistes qui sont au pouvoir et entendent y rester, ces scrutins constitueront l’occasion idéale d’être légitimés par les urnes – même en recourant à la fraude électorale.

Pour l’instant, la situation reste confuse au Niger, tandis que la Cedeao (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest) a exigé un retour à l’ordre et que des manifestations ont eu lieu devant l’ambassade de France à Niamey.

Alors qu’en Afrique de l’Ouest, les transitions des années 1990 ont ouvert la voie vers la démocratie, les transitions militaires actuelles inaugurent une nouvelle période d’instabilité et risquent fort d’aboutir à des régimes pseudo-civils où les militaires conserveront plus ou moins discrètement l’essentiel du pouvoir.

Politique: Niger et Afrique : l’échec d’abord de la politique française de développement

Politique: Niger et Afrique : l’échec d’abord de la politique française de développement


Le rejet de la France en tant que porte-drapeau du néo colonialisme est patent dans les pays les plus pauvres de l’Afrique. Le sentiment antifrançais est plus généralement anti occidental se nourrit surtout de la pauvreté et plus généralement de l’échec total de la politique de développement. Du coup, on fait porter le chapeau du rejet aux militaires français pourtant là pour préserver l’indépendance des pays visés vis-à-vis du terrorisme islamique. L’histoire démontrera assez rapidement que les velléités d’indépendance et de souveraineté de ces pays pour sont illusoires face à la pieuvre islamique. D’autant que les déstabilisations sont favorisées par la Russie . Une sorte de revanche par rapport au soutien de l’Ouest à l’Ukraine.

Les forces militaires ont fait ce qu’elles ont pu pour limiter la progression du terrorisme mais il est évident que l’armée échantillonnaire de la France ne disposait pas des moyens suffisants pour permettre à l’opération Barkhane de réussir. Mais la grande insuffisance n’est pas seulement liée aux questions de défense mais sans doute et prioritairement à la problématique du développement.

Le Niger en particulier, l’un des pays les plus pauvres du monde dont le revenu moyen est de l’ordre de 30 à 50 € par mois est particulièrement perméable aux théories prétendant lutter contre le néo colonialisme mais des théories qui en fait en fait ont surtout pour objectif de conforter encore un peu plus la corruption généralisée grâce à l’oppression des dictatures.

Reste que la responsabilité de l’échec du développement est aussi largement à imputer aux occidentaux et surtout à la France. La France qui a pensé suffisant d’apporter une contribution militaire pour essayer de sauver des Etats qui n’ont qu’une réalité virtuelle ( Au u Niger et au Mali par exemple l’État n’existe réellement que dans les capitales).

Concernant le développement économique, on a comme d’habitude opéré des transferts financiers via les institutions et les gouvernements; des apports qui se sont perdus dans les sables et les poches des responsables.

Or ce qui ronge ces pays structurellement pauvres en ressources, c’est d’abord la corruption et le manque de compétence en organisation et en gestion. Certes il y a des investissements lourds à opérer en particulier concernant le transport mais l’essentiel des efforts devrait être orienté sur des aspects plus soft, beaucoup moins coûteux mais plus efficaces pour servir la richesse nationale et sa redistribution. C’est toute la politique de développement qui a revoir : la composition et le rôle de la représentation française notamment diplomatique largement coupée des réalités sociaux économiques. C’est sans doute d’abord aux chercheurs en socio-économique de faire le bilan des échecs cumulés de la présence française dans les pays les plus pauvres et les plus fragiles de l’Afrique

Niger et Afrique : l’échec d’abord de la politique française de développement

Niger et Afrique : l’échec d’abord de la politique française de développement


Le rejet de la France en tant que porte-drapeau du néo colonialisme est patent dans les pays les plus pauvres de l’Afrique. Le sentiment antifrançais est plus généralement anti occidental se nourrit surtout de la pauvreté et plus généralement de l’échec total de la politique de développement. Du coup, on fait porter le chapeau du rejet aux militaires français pourtant là pour préserver l’indépendance des pays visés vis-à-vis du terrorisme islamique. L’histoire démontrera assez rapidement que les velléités d’indépendance et de souveraineté de ces pays pour sont illusoires face à la pieuvre islamique. D’autant que les déstabilisations sont favorisées par la Russie . Une sorte de revanche par rapport au soutien de l’Ouest à l’Ukraine.

Les forces militaires ont fait ce qu’elles ont pu pour limiter la progression du terrorisme mais il est évident que l’armée échantillonnaire de la France ne disposait pas des moyens suffisants pour permettre à l’opération Barkhane de réussir. Mais la grande insuffisance n’est pas seulement liée aux questions de défense mais sans doute et prioritairement à la problématique du développement.

Le Niger en particulier, l’un des pays les plus pauvres du monde dont le revenu moyen est de l’ordre de 30 à 50 € par mois est particulièrement perméable aux théories prétendant lutter contre le néo colonialisme mais des théories qui en fait en fait ont surtout pour objectif de conforter encore un peu plus la corruption généralisée grâce à l’oppression des dictatures.

Reste que la responsabilité de l’échec du développement est aussi largement à imputer aux occidentaux et surtout à la France. La France qui a pensé suffisant d’apporter une contribution militaire pour essayer de sauver des Etats qui n’ont qu’une réalité virtuelle ( Au u Niger et au Mali par exemple l’État n’existe réellement que dans les capitales).

Concernant le développement économique, on a comme d’habitude opéré des transferts financiers via les institutions et les gouvernements; des apports qui se sont perdus dans les sables et les poches des responsables.

Or ce qui ronge ces pays structurellement pauvres en ressources, c’est d’abord la corruption et le manque de compétence en organisation et en gestion. Certes il y a des investissements lourds à opérer en particulier concernant le transport mais l’essentiel des efforts devrait être orienté sur des aspects plus soft, beaucoup moins coûteux mais plus efficaces pour servir la richesse nationale et sa redistribution. C’est toute la politique de développement qui a revoir : la composition et le rôle de la représentation française notamment diplomatique largement coupée des réalités sociaux économiques. C’est sans doute d’abord aux chercheurs en socio-économique de faire le bilan des échecs cumulés de la présence française dans les pays les plus pauvres et les plus fragiles de l’Afrique

Putschs en Afrique : Une maladie contagieuse

Putschs en Afrique : Une maladie contagieuse

par
Thierry Vircoulon
Coordinateur de l’Observatoire pour l’Afrique centrale et australe de l’Institut Français des Relations Internationales, membre du Groupe de Recherche sur l’Eugénisme et le Racisme, Université Paris Cité dans The conversation.

Depuis 2020, une étonnante épidémie de putschs (cinq en deux ans) a frappé la zone comprise entre les 10e et le 20e parallèles nord, qui va du Soudan à la Guinée. De Khartoum à Conakry, des militaires ont pris le pouvoir entre 2020 et 2022 et entendent y rester. Le Niger est le dernier exemple en date, cette fois en 2023, pour ce qui devenue la « bande des juntes ».

Analyse d’une tendance qui, malgré les promesses des putschistes, n’annonce nullement l’avènement – ou la restauration – de la démocratie dans les pays concernés.

Au Mali, le 18 août 2020, le colonel Assimi Goïta a renversé le président Ibrahim Boubacar Keïta, au pouvoir depuis 2013. En mai 2021, le colonel Assimi Goïta a démis et remplacé le président de la transition, Bah N’Daw.

Au Tchad, le 21 avril 2021, le général Mahamat Déby a succédé avec l’appui d’un Conseil militaire de transition (CMT) à son père tué en pleine opération militaire.

En Guinée, le 5 septembre 2021, le colonel Doumbouya a renversé le président Alpha Condé réélu depuis 2010.

Au Soudan, le 25 octobre 2021, le général Abdel Fatah al-Burhane a fait un putsch au sein de la transition ouverte par la chute du régime d’el-Béchir en 2019 en mettant fin au gouvernement civilo-militaire et en arrêtant le premier ministre Hamdok, en poste depuis 2019.

Au Burkina Faso, le 24 janvier 2022, le colonel Damiba a renversé le président Roch Marc Christian Kaboré élu depuis 2015. En octobre 2022, le capitaine Ibrahim Traoré a démis et remplacé le lieutenant-colonel Damiba.

Bien que tous ces pays aient une longue histoire de pouvoirs militaires, il faut distinguer, dans cette succession de coups de force, les « putschs de guerre », les « putschs de paix » et le putsch consenti tchadien. Les premiers (Mali et Burkina Faso) sont motivés par la défaite progressive face aux groupes djihadistes et le mécontentement consécutif des militaires vis-à-vis du pouvoir civil.

Les noms que se sont donnés les putschistes au Burkina Faso (Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration, MPSR) et au Mali (Comité national pour le salut du peuple, CNSP) illustrent leur motivation : prendre les rênes de la guerre pour sauver le pays face à ses ennemis.

Parmi ces cinq coups d’État, le Tchad est un cas particulier car il peut être qualifié de putsch consenti. En effet, il n’y a pas eu de renversement du pouvoir, mais une succession familiale anticonstitutionnelle dans laquelle l’oligarchie militaire a joué un rôle-clé.

Après le décès inattendu du président Déby, le président de l’Assemblée nationale Haroun Kabadi a renoncé à être président par intérim comme le prévoyait la Constitution, au profit d’un des fils de Déby et d’un groupe de généraux (Conseil militaire de transition, CMT). Dans la mesure où les protestations ont été minoritaires et vite réprimées, la succession militaro-dynastique a été consentie par la majorité de la classe politique, y compris des figures historiques de l’opposition.

Quant aux « putschistes de paix » (Guinée, Soudan), ils ont – de même qu’au Tchad – pris le pouvoir pour préserver des intérêts, avant tout ceux de l’armée. Au Soudan, la transition prenait une direction dangereuse pour l’oligarchie militaire, le comité de démantèlement du régime d’Omar el-Béchir commençant à s’intéresser de près à son empire économique. Le putsch a donc mis un coup d’arrêt à la « débachirisation » du pays et s’est traduit par le retour aux affaires de plusieurs fidèles d’el-Béchir.

Au Tchad, le demi-putsch visait la conservation du pouvoir par le groupe militaro-clanique qui soutenait Idriss Déby. En Guinée, si le Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD) a justifié son putsch par la nécessité de « fonder une nation et de bâtir un État », il représente aussi et surtout des intérêts particuliers à l’intérieur des forces de sécurité. Dans ces trois pays, des mesures salariales en faveur des forces de sécurité ont d’ailleurs rapidement été ordonnées par les nouveaux dirigeants.

Gagner du temps, s’installer au pouvoir
Ces juntes ne sont pas uniformes. En revanche, elles ont toutes la même stratégie pour résister à un retour rapide à l’ordre constitutionnel, qui est une demande à la fois interne (partis politiques, organisations de la société civile) et externe (Cédéao, Union africaine, UE, ONU, etc.).

Les juntes font des concessions cosmétiques et gagnent du temps en retardant l’application du schéma habituel de retour à l’ordre constitutionnel. Élaboré au fil des nombreuses transitions en Afrique (Tchad 1993-1997, République démocratique du Congo 2003-2006, Centrafrique 2014-2016, etc.), ce schéma prévoit l’inéligibilité des dirigeants des gouvernements de transition et trois étapes politiques :

Un dialogue national. Il permet généralement de créer un consensus sur les principes de la future Constitution et de l’organisation des élections.

Une nouvelle Constitution. Elle est généralement validée par un référendum.

Des élections présidentielle et législatives. La mise en place d’un gouvernement et d’un Parlement élus au suffrage universel clôture la transition.

Pour l’heure, seules les autorités maliennes, tchadiennes et guinéennes ont franchi la première étape. Encore ont-elles mis un an pour organiser un dialogue national qui a été en partie boycotté et qui a abouti, au Tchad, à une répression violente.

Au Soudan, la tentative d’organiser un dialogue entre militaires et civils a échoué au printemps 2022 pour réussir en décembre. Dans tous les pays, les putschistes ont refusé l’idée d’une transition courte (entre six et dix-huit mois selon les pays) voulue par la Cédéao et l’UA. La perspective d’élections en 2022 s’est donc rapidement éloignée et, après de longues négociations, les pouvoirs putschistes ont fini par accepter une transition en deux ans.

Théoriquement, toutes ces transitions militaires devraient donc s’achever par des élections en 2024. Si cette date est respectée, seul le Burkina Faso aura connu une transition de deux ans, et les autres putschistes seront restés au pouvoir trois ou quatre ans avant l’échéance électorale. Ils auront donc réussi à imposer des transitions longues, décrocher quelques années de pouvoir et, pour certains d’entre eux (Tchad, Mali, Soudan), refuser le principe de l’inéligibilité des dirigeants des juntes aux prochaines échéances électorales. Dans ces trois pays, l’installation des putschistes aux commandes du pays pendant plusieurs années et la possibilité de se présenter aux élections ne laissent guère de doutes sur leur intention de conserver le pouvoir après la transition.

En outre, quelques concessions secondaires des juntes permettent d’atténuer les pressions internes et externes. En supprimant le CMT à la fin 2022, Mahamat Deby a donné la fausse impression d’une démilitarisation de la transition et, avec l’accord de décembre 2022, le général Abdel Fatah al-Burhane rend possible le retour à un gouvernement civilo-militaire de transition au Soudan en 2023.

Même si les juntes promettent toutes le retour à l’ordre constitutionnel, le chemin de la transition est semé d’embûches.

Les élections sont hypothéquées au Mali et au Burkina Faso par la situation sécuritaire. Tant qu’une majeure partie du territoire national restera inaccessible aux forces armées et aux fonctionnaires, organiser des élections et mener une campagne électorale sera irréaliste. Le Soudan, où les conflits se multiplient dans un climat politique confus, peut aussi être forcé de reporter les élections pour des raisons d’insécurité.

Par ailleurs, outre l’assaut de rébellions agressives, deux menaces planent sur ces transitions militaires : le putsch dans le putsch (comme ceux qui ont eu lieu au Mali en mai 2021 et au Burkina Faso en octobre 2022), et la contestation populaire.

D’autres coups de force entre militaires sont envisageables car l’appareil sécuritaire des cinq juntes considérées est travaillé par des rivalités de groupes et de personnes que le marasme sécuritaire et économique ne fait qu’accentuer. Pour les putschistes, l’état de grâce a été de courte durée car leur base sociale est réduite, la situation socio-économique s’aggrave et, au Mali et au Burkina Faso, les juntes sont incapables de concrétiser leur promesse de retour de la sécurité.

L’acceptation populaire des juntes étant essentiellement fondée sur le discrédit des pouvoirs précédents et l’espoir d’une amélioration sécuritaire et socio-économique, le désenchantement peut aisément se transformer en mobilisations contestataires. Alors qu’en Guinée le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC) interdit en août 2022 exprime le désenchantement vis-à-vis de la junte, qu’au Soudan les comités de résistance ayant fait tomber le régime d’el-Béchir restent mobilisés contre le pouvoir militaire et qu’au Mali la junte est ouvertement critiquée, le gouvernement de transition tchadien a déjà été menacé par la rue et par des militaires mécontents.

Enfin, si les juntes réussissent à se maintenir, elles organiseront des élections dans des scènes politiques nationales sinistrées. Dans ces cinq pays, la société civile est épuisée et affaiblie, la classe politique est discréditée, l’opposition est incapable de s’unir et peine à se renouveler, et le paysage politique est fragmenté à l’extrême (le Tchad, le Burkina Faso et la Guinée comptent chacun environ 200 partis). Les élections prévues en 2024 se joueront entre des forces politiques probablement divisées, à court de moyens et d’idées et face à des électeurs appauvris et mécontents.

Pour les putschistes qui sont au pouvoir et entendent y rester, ces scrutins constitueront l’occasion idéale d’être légitimés par les urnes – même en recourant à la fraude électorale.

Pour l’instant, la situation reste confuse au Niger, tandis que la Cedeao (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest) a exigé un retour à l’ordre et que des manifestations ont eu lieu devant l’ambassade de France à Niamey.

Alors qu’en Afrique de l’Ouest, les transitions des années 1990 ont ouvert la voie vers la démocratie, les transitions militaires actuelles inaugurent une nouvelle période d’instabilité et risquent fort d’aboutir à des régimes pseudo-civils où les militaires conserveront plus ou moins discrètement l’essentiel du pouvoir.

Politique-Afrique : de la démocratie vers les dictatures

Politique-Afrique : de la démocratie vers les dictatures

Par Thierry Vircoulon
Coordinateur de l’Observatoire pour l’Afrique centrale et australe de l’Institut Français des Relations Internationales, membre du Groupe de Recherche sur l’Eugénisme et le Racisme, Université Paris Cité dans The Conversation

Depuis 2020, une étonnante épidémie de putschs (cinq en deux ans) a frappé la zone comprise entre les 10e et le 20e parallèles nord, qui va du Soudan à la Guinée. De Khartoum à Conakry, des militaires ont pris le pouvoir entre 2020 et 2022 et entendent y rester. Le Niger est le dernier exemple en date, cette fois en 2023, pour ce qui devenue la « bande des juntes ». Analyse d’une tendance qui, malgré les promesses des putschistes, n’annonce nullement l’avènement – ou la restauration – de la démocratie dans les pays concernés.

Commençons par un bref rappel des événements.

Au Mali, le 18 août 2020, le colonel Assimi Goïta a renversé le président Ibrahim Boubacar Keïta, au pouvoir depuis 2013. En mai 2021, le colonel Assimi Goïta a démis et remplacé le président de la transition, Bah N’Daw.

Au Tchad, le 21 avril 2021, le général Mahamat Déby a succédé avec l’appui d’un Conseil militaire de transition (CMT) à son père tué en pleine opération militaire.

En Guinée, le 5 septembre 2021, le colonel Doumbouya a renversé le président Alpha Condé réélu depuis 2010.

Au Soudan, le 25 octobre 2021, le général Abdel Fatah al-Burhane a fait un putsch au sein de la transition ouverte par la chute du régime d’el-Béchir en 2019 en mettant fin au gouvernement civilo-militaire et en arrêtant le premier ministre Hamdok, en poste depuis 2019.

Au Burkina Faso, le 24 janvier 2022, le colonel Damiba a renversé le président Roch Marc Christian Kaboré élu depuis 2015. En octobre 2022, le capitaine Ibrahim Traoré a démis et remplacé le lieutenant-colonel Damiba.

Bien que tous ces pays aient une longue histoire de pouvoirs militaires, il faut distinguer, dans cette succession de coups de force, les « putschs de guerre », les « putschs de paix » et le putsch consenti tchadien. Les premiers (Mali et Burkina Faso) sont motivés par la défaite progressive face aux groupes djihadistes et le mécontentement consécutif des militaires vis-à-vis du pouvoir civil.

Les noms que se sont donnés les putschistes au Burkina Faso (Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration, MPSR) et au Mali (Comité national pour le salut du peuple, CNSP) illustrent leur motivation : prendre les rênes de la guerre pour sauver le pays face à ses ennemis.

Parmi ces cinq coups d’État, le Tchad est un cas particulier car il peut être qualifié de putsch consenti. En effet, il n’y a pas eu de renversement du pouvoir, mais une succession familiale anticonstitutionnelle dans laquelle l’oligarchie militaire a joué un rôle-clé.

Après le décès inattendu du président Déby, le président de l’Assemblée nationale Haroun Kabadi a renoncé à être président par intérim comme le prévoyait la Constitution, au profit d’un des fils de Déby et d’un groupe de généraux (Conseil militaire de transition, CMT). Dans la mesure où les protestations ont été minoritaires et vite réprimées, la succession militaro-dynastique a été consentie par la majorité de la classe politique, y compris des figures historiques de l’opposition.
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Quant aux « putschistes de paix » (Guinée, Soudan), ils ont – de même qu’au Tchad – pris le pouvoir pour préserver des intérêts, avant tout ceux de l’armée. Au Soudan, la transition prenait une direction dangereuse pour l’oligarchie militaire, le comité de démantèlement du régime d’Omar el-Béchir commençant à s’intéresser de près à son empire économique. Le putsch a donc mis un coup d’arrêt à la « débachirisation » du pays et s’est traduit par le retour aux affaires de plusieurs fidèles d’el-Béchir.

Au Tchad, le demi-putsch visait la conservation du pouvoir par le groupe militaro-clanique qui soutenait Idriss Déby. En Guinée, si le Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD) a justifié son putsch par la nécessité de « fonder une nation et de bâtir un État », il représente aussi et surtout des intérêts particuliers à l’intérieur des forces de sécurité. Dans ces trois pays, des mesures salariales en faveur des forces de sécurité ont d’ailleurs rapidement été ordonnées par les nouveaux dirigeants.

Ces juntes ne sont pas uniformes. En revanche, elles ont toutes la même stratégie pour résister à un retour rapide à l’ordre constitutionnel, qui est une demande à la fois interne (partis politiques, organisations de la société civile) et externe (Cédéao, Union africaine, UE, ONU, etc.).

Les juntes font des concessions cosmétiques et gagnent du temps en retardant l’application du schéma habituel de retour à l’ordre constitutionnel. Élaboré au fil des nombreuses transitions en Afrique (Tchad 1993-1997, République démocratique du Congo 2003-2006, Centrafrique 2014-2016, etc.), ce schéma prévoit l’inéligibilité des dirigeants des gouvernements de transition et trois étapes politiques :

Un dialogue national. Il permet généralement de créer un consensus sur les principes de la future Constitution et de l’organisation des élections.

Une nouvelle Constitution. Elle est généralement validée par un référendum.

Des élections présidentielle et législatives. La mise en place d’un gouvernement et d’un Parlement élus au suffrage universel clôture la transition.

Pour l’heure, seules les autorités maliennes, tchadiennes et guinéennes ont franchi la première étape. Encore ont-elles mis un an pour organiser un dialogue national qui a été en partie boycotté et qui a abouti, au Tchad, à une répression violente.

Au Soudan, la tentative d’organiser un dialogue entre militaires et civils a échoué au printemps 2022 pour réussir en décembre. Dans tous les pays, les putschistes ont refusé l’idée d’une transition courte (entre six et dix-huit mois selon les pays) voulue par la Cédéao et l’UA. La perspective d’élections en 2022 s’est donc rapidement éloignée et, après de longues négociations, les pouvoirs putschistes ont fini par accepter une transition en deux ans.

Théoriquement, toutes ces transitions militaires devraient donc s’achever par des élections en 2024. Si cette date est respectée, seul le Burkina Faso aura connu une transition de deux ans, et les autres putschistes seront restés au pouvoir trois ou quatre ans avant l’échéance électorale. Ils auront donc réussi à imposer des transitions longues, décrocher quelques années de pouvoir et, pour certains d’entre eux (Tchad, Mali, Soudan), refuser le principe de l’inéligibilité des dirigeants des juntes aux prochaines échéances électorales. Dans ces trois pays, l’installation des putschistes aux commandes du pays pendant plusieurs années et la possibilité de se présenter aux élections ne laissent guère de doutes sur leur intention de conserver le pouvoir après la transition.

En outre, quelques concessions secondaires des juntes permettent d’atténuer les pressions internes et externes. En supprimant le CMT à la fin 2022, Mahamat Deby a donné la fausse impression d’une démilitarisation de la transition et, avec l’accord de décembre 2022, le général Abdel Fatah al-Burhane rend possible le retour à un gouvernement civilo-militaire de transition au Soudan en 2023.

Même si les juntes promettent toutes le retour à l’ordre constitutionnel, le chemin de la transition est semé d’embûches.

Les élections sont hypothéquées au Mali et au Burkina Faso par la situation sécuritaire. Tant qu’une majeure partie du territoire national restera inaccessible aux forces armées et aux fonctionnaires, organiser des élections et mener une campagne électorale sera irréaliste. Le Soudan, où les conflits se multiplient dans un climat politique confus, peut aussi être forcé de reporter les élections pour des raisons d’insécurité.

Par ailleurs, outre l’assaut de rébellions agressives, deux menaces planent sur ces transitions militaires : le putsch dans le putsch (comme ceux qui ont eu lieu au Mali en mai 2021 et au Burkina Faso en octobre 2022), et la contestation populaire.

D’autres coups de force entre militaires sont envisageables car l’appareil sécuritaire des cinq juntes considérées est travaillé par des rivalités de groupes et de personnes que le marasme sécuritaire et économique ne fait qu’accentuer. Pour les putschistes, l’état de grâce a été de courte durée car leur base sociale est réduite, la situation socio-économique s’aggrave et, au Mali et au Burkina Faso, les juntes sont incapables de concrétiser leur promesse de retour de la sécurité.

L’acceptation populaire des juntes étant essentiellement fondée sur le discrédit des pouvoirs précédents et l’espoir d’une amélioration sécuritaire et socio-économique, le désenchantement peut aisément se transformer en mobilisations contestataires. Alors qu’en Guinée le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC) interdit en août 2022 exprime le désenchantement vis-à-vis de la junte, qu’au Soudan les comités de résistance ayant fait tomber le régime d’el-Béchir restent mobilisés contre le pouvoir militaire et qu’au Mali la junte est ouvertement critiquée, le gouvernement de transition tchadien a déjà été menacé par la rue et par des militaires mécontents.

Enfin, si les juntes réussissent à se maintenir, elles organiseront des élections dans des scènes politiques nationales sinistrées. Dans ces cinq pays, la société civile est épuisée et affaiblie, la classe politique est discréditée, l’opposition est incapable de s’unir et peine à se renouveler, et le paysage politique est fragmenté à l’extrême (le Tchad, le Burkina Faso et la Guinée comptent chacun environ 200 partis). Les élections prévues en 2024 se joueront entre des forces politiques probablement divisées, à court de moyens et d’idées et face à des électeurs appauvris et mécontents.

Pour les putschistes qui sont au pouvoir et entendent y rester, ces scrutins constitueront l’occasion idéale d’être légitimés par les urnes – même en recourant à la fraude électorale.

Pour l’instant, la situation reste confuse au Niger, tandis que la Cedeao (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest) a exigé un retour à l’ordre et que des manifestations ont eu lieu devant l’ambassade de France à Niamey.

Alors qu’en Afrique de l’Ouest, les transitions des années 1990 ont ouvert la voie vers la démocratie, les transitions militaires actuelles inaugurent une nouvelle période d’instabilité et risquent fort d’aboutir à des régimes pseudo-civils où les militaires conserveront plus ou moins discrètement l’essentiel du pouvoir.

Crise au Niger et en Afrique: Macron part en vacances à Brégançon !

Crise au Niger et en Afrique: Macron part en vacances à Brégançon

Alors que la crise s’amplifie dans le Sahel menaçant de contaminer même toute l’Afrique de l’Ouest, le président français choisit de prendre des vacances au fort de Brégançon.

On aura sans doute noté qu’à chaque crise un peu importante Macron a l’habitude de prendre du champ pour ne pas trop se brûler les ailes. C’est ainsi notamment qu’il a prétexté des voyages à l’étranger pour ne pas avoir à répondre aux questions posées par la mobilisation sur les retraites.

De la même manière le président est resté particulièrement muet pendant la crise des quartiers. Il explique maintenant que c’était une attitude politique pour ne pas jeter de lui sur le feu. En réalité le président était une nouvelle fois paralysé.

Cette fois, c’est la crise du Sahel qui risque de rendre contagieuse l’épidémie de putschs. Les conséquences pourraient être terribles cat c’est toute l’Afrique de l’Ouest qui pourrait être contaminé et la France ne peut se désintéresser de l’instabilité qui progresse en particulier grâce aux manipulations de la Russie.

Une autre conséquence directe sera l’augmentation de l’immigration en provenance de ces zones.

On comprend mal que le chef de l’État est choisi ce moment pour se retirer au fort de Brégançon à y prendre des vacances.

Putschs Afrique : Une épidémie contagieuse ?

Putschs Afrique : Une épidémie contagieuse ?

par
Thierry Vircoulon
Coordinateur de l’Observatoire pour l’Afrique centrale et australe de l’Institut Français des Relations Internationales, membre du Groupe de Recherche sur l’Eugénisme et le Racisme, Université Paris Cité dans The conversation.

Depuis 2020, une étonnante épidémie de putschs (cinq en deux ans) a frappé la zone comprise entre les 10e et le 20e parallèles nord, qui va du Soudan à la Guinée. De Khartoum à Conakry, des militaires ont pris le pouvoir entre 2020 et 2022 et entendent y rester. Le Niger est le dernier exemple en date, cette fois en 2023, pour ce qui devenue la « bande des juntes ».

Analyse d’une tendance qui, malgré les promesses des putschistes, n’annonce nullement l’avènement – ou la restauration – de la démocratie dans les pays concernés.

Au Mali, le 18 août 2020, le colonel Assimi Goïta a renversé le président Ibrahim Boubacar Keïta, au pouvoir depuis 2013. En mai 2021, le colonel Assimi Goïta a démis et remplacé le président de la transition, Bah N’Daw.

Au Tchad, le 21 avril 2021, le général Mahamat Déby a succédé avec l’appui d’un Conseil militaire de transition (CMT) à son père tué en pleine opération militaire.

En Guinée, le 5 septembre 2021, le colonel Doumbouya a renversé le président Alpha Condé réélu depuis 2010.

Au Soudan, le 25 octobre 2021, le général Abdel Fatah al-Burhane a fait un putsch au sein de la transition ouverte par la chute du régime d’el-Béchir en 2019 en mettant fin au gouvernement civilo-militaire et en arrêtant le premier ministre Hamdok, en poste depuis 2019.

Au Burkina Faso, le 24 janvier 2022, le colonel Damiba a renversé le président Roch Marc Christian Kaboré élu depuis 2015. En octobre 2022, le capitaine Ibrahim Traoré a démis et remplacé le lieutenant-colonel Damiba.

Bien que tous ces pays aient une longue histoire de pouvoirs militaires, il faut distinguer, dans cette succession de coups de force, les « putschs de guerre », les « putschs de paix » et le putsch consenti tchadien. Les premiers (Mali et Burkina Faso) sont motivés par la défaite progressive face aux groupes djihadistes et le mécontentement consécutif des militaires vis-à-vis du pouvoir civil.

Les noms que se sont donnés les putschistes au Burkina Faso (Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration, MPSR) et au Mali (Comité national pour le salut du peuple, CNSP) illustrent leur motivation : prendre les rênes de la guerre pour sauver le pays face à ses ennemis.

Parmi ces cinq coups d’État, le Tchad est un cas particulier car il peut être qualifié de putsch consenti. En effet, il n’y a pas eu de renversement du pouvoir, mais une succession familiale anticonstitutionnelle dans laquelle l’oligarchie militaire a joué un rôle-clé.

Après le décès inattendu du président Déby, le président de l’Assemblée nationale Haroun Kabadi a renoncé à être président par intérim comme le prévoyait la Constitution, au profit d’un des fils de Déby et d’un groupe de généraux (Conseil militaire de transition, CMT). Dans la mesure où les protestations ont été minoritaires et vite réprimées, la succession militaro-dynastique a été consentie par la majorité de la classe politique, y compris des figures historiques de l’opposition.

Quant aux « putschistes de paix » (Guinée, Soudan), ils ont – de même qu’au Tchad – pris le pouvoir pour préserver des intérêts, avant tout ceux de l’armée. Au Soudan, la transition prenait une direction dangereuse pour l’oligarchie militaire, le comité de démantèlement du régime d’Omar el-Béchir commençant à s’intéresser de près à son empire économique. Le putsch a donc mis un coup d’arrêt à la « débachirisation » du pays et s’est traduit par le retour aux affaires de plusieurs fidèles d’el-Béchir.

Au Tchad, le demi-putsch visait la conservation du pouvoir par le groupe militaro-clanique qui soutenait Idriss Déby. En Guinée, si le Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD) a justifié son putsch par la nécessité de « fonder une nation et de bâtir un État », il représente aussi et surtout des intérêts particuliers à l’intérieur des forces de sécurité. Dans ces trois pays, des mesures salariales en faveur des forces de sécurité ont d’ailleurs rapidement été ordonnées par les nouveaux dirigeants.

Gagner du temps, s’installer au pouvoir
Ces juntes ne sont pas uniformes. En revanche, elles ont toutes la même stratégie pour résister à un retour rapide à l’ordre constitutionnel, qui est une demande à la fois interne (partis politiques, organisations de la société civile) et externe (Cédéao, Union africaine, UE, ONU, etc.).

Les juntes font des concessions cosmétiques et gagnent du temps en retardant l’application du schéma habituel de retour à l’ordre constitutionnel. Élaboré au fil des nombreuses transitions en Afrique (Tchad 1993-1997, République démocratique du Congo 2003-2006, Centrafrique 2014-2016, etc.), ce schéma prévoit l’inéligibilité des dirigeants des gouvernements de transition et trois étapes politiques :

Un dialogue national. Il permet généralement de créer un consensus sur les principes de la future Constitution et de l’organisation des élections.

Une nouvelle Constitution. Elle est généralement validée par un référendum.

Des élections présidentielle et législatives. La mise en place d’un gouvernement et d’un Parlement élus au suffrage universel clôture la transition.

Pour l’heure, seules les autorités maliennes, tchadiennes et guinéennes ont franchi la première étape. Encore ont-elles mis un an pour organiser un dialogue national qui a été en partie boycotté et qui a abouti, au Tchad, à une répression violente.

Au Soudan, la tentative d’organiser un dialogue entre militaires et civils a échoué au printemps 2022 pour réussir en décembre. Dans tous les pays, les putschistes ont refusé l’idée d’une transition courte (entre six et dix-huit mois selon les pays) voulue par la Cédéao et l’UA. La perspective d’élections en 2022 s’est donc rapidement éloignée et, après de longues négociations, les pouvoirs putschistes ont fini par accepter une transition en deux ans.

Théoriquement, toutes ces transitions militaires devraient donc s’achever par des élections en 2024. Si cette date est respectée, seul le Burkina Faso aura connu une transition de deux ans, et les autres putschistes seront restés au pouvoir trois ou quatre ans avant l’échéance électorale. Ils auront donc réussi à imposer des transitions longues, décrocher quelques années de pouvoir et, pour certains d’entre eux (Tchad, Mali, Soudan), refuser le principe de l’inéligibilité des dirigeants des juntes aux prochaines échéances électorales. Dans ces trois pays, l’installation des putschistes aux commandes du pays pendant plusieurs années et la possibilité de se présenter aux élections ne laissent guère de doutes sur leur intention de conserver le pouvoir après la transition.

En outre, quelques concessions secondaires des juntes permettent d’atténuer les pressions internes et externes. En supprimant le CMT à la fin 2022, Mahamat Deby a donné la fausse impression d’une démilitarisation de la transition et, avec l’accord de décembre 2022, le général Abdel Fatah al-Burhane rend possible le retour à un gouvernement civilo-militaire de transition au Soudan en 2023.

Même si les juntes promettent toutes le retour à l’ordre constitutionnel, le chemin de la transition est semé d’embûches.

Les élections sont hypothéquées au Mali et au Burkina Faso par la situation sécuritaire. Tant qu’une majeure partie du territoire national restera inaccessible aux forces armées et aux fonctionnaires, organiser des élections et mener une campagne électorale sera irréaliste. Le Soudan, où les conflits se multiplient dans un climat politique confus, peut aussi être forcé de reporter les élections pour des raisons d’insécurité.

Par ailleurs, outre l’assaut de rébellions agressives, deux menaces planent sur ces transitions militaires : le putsch dans le putsch (comme ceux qui ont eu lieu au Mali en mai 2021 et au Burkina Faso en octobre 2022), et la contestation populaire.

D’autres coups de force entre militaires sont envisageables car l’appareil sécuritaire des cinq juntes considérées est travaillé par des rivalités de groupes et de personnes que le marasme sécuritaire et économique ne fait qu’accentuer. Pour les putschistes, l’état de grâce a été de courte durée car leur base sociale est réduite, la situation socio-économique s’aggrave et, au Mali et au Burkina Faso, les juntes sont incapables de concrétiser leur promesse de retour de la sécurité.

L’acceptation populaire des juntes étant essentiellement fondée sur le discrédit des pouvoirs précédents et l’espoir d’une amélioration sécuritaire et socio-économique, le désenchantement peut aisément se transformer en mobilisations contestataires. Alors qu’en Guinée le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC) interdit en août 2022 exprime le désenchantement vis-à-vis de la junte, qu’au Soudan les comités de résistance ayant fait tomber le régime d’el-Béchir restent mobilisés contre le pouvoir militaire et qu’au Mali la junte est ouvertement critiquée, le gouvernement de transition tchadien a déjà été menacé par la rue et par des militaires mécontents.

Enfin, si les juntes réussissent à se maintenir, elles organiseront des élections dans des scènes politiques nationales sinistrées. Dans ces cinq pays, la société civile est épuisée et affaiblie, la classe politique est discréditée, l’opposition est incapable de s’unir et peine à se renouveler, et le paysage politique est fragmenté à l’extrême (le Tchad, le Burkina Faso et la Guinée comptent chacun environ 200 partis). Les élections prévues en 2024 se joueront entre des forces politiques probablement divisées, à court de moyens et d’idées et face à des électeurs appauvris et mécontents.

Pour les putschistes qui sont au pouvoir et entendent y rester, ces scrutins constitueront l’occasion idéale d’être légitimés par les urnes – même en recourant à la fraude électorale.

Pour l’instant, la situation reste confuse au Niger, tandis que la Cedeao (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest) a exigé un retour à l’ordre et que des manifestations ont eu lieu devant l’ambassade de France à Niamey.

Alors qu’en Afrique de l’Ouest, les transitions des années 1990 ont ouvert la voie vers la démocratie, les transitions militaires actuelles inaugurent une nouvelle période d’instabilité et risquent fort d’aboutir à des régimes pseudo-civils où les militaires conserveront plus ou moins discrètement l’essentiel du pouvoir.

Afrique et Niger l’échec d’abord de la politique française de développement

Afrique et Niger l’échec d’abord de la politique française de développement


Le rejet de la France en tant que porte-drapeau du néo colonialisme est patent dans les pays les plus pauvres de l’Afrique. Le sentiment antifrançais et anti occidental se nourrit surtout de la pauvreté et plus généralement de l’échec total de la politique de développement. Du coup, on fait porter le chapeau du rejet aux militaires français pourtant là pour préserver l’indépendance des pays visés vis-à-vis du terrorisme islamique. L’histoire démontrera assez rapidement que les velléités d’indépendance et de souveraineté de ces pays pour sont illusoires face à la pieuvre islamique. D’autant que les déstabilisations sont favorisées par la Russie . Une sorte de revanche par rapport au soutien de l’Ouest à l’Ukraine.

Les forces militaires ont fait ce qu’elles ont pu pour limiter la progression du terrorisme mais il est évident que l’armée échantillonnaire de la France ne disposait pas des moyens suffisants pour permettre à l’opération Barkhane de réussir. Mais la grande insuffisance n’est pas seulement liée aux questions de défense mais sans doute et prioritairement à la problématique du développement.

Le Niger en particulier, l’un des pays les plus pauvres du monde dont le revenu moyen est de l’ordre de 30 à 50 € par mois est particulièrement perméable aux théories prétendant lutter contre le néo colonialisme mais des théories qui en fait en fait ont surtout pour objectif de conforter encore un peu plus la corruption généralisée grâce à l’oppression des dictatures.

Reste que la responsabilité de l’échec du développement est aussi largement à imputer aux occidentaux et surtout à la France. La France qui a pensé suffisant d’apporter une contribution militaire pour essayer de sauver des Etats qui n’ont qu’une réalité virtuelle ( Au Niger et au Mali par exemple l’État n’existe réellement que dans les capitales).

Concernant le développement économique, on a comme d’habitude opéré des transferts financiers via les institutions et les gouvernements; des apports qui se sont perdus dans les sables et les poches des responsables.

Or ce qui ronge ces pays structurellement pauvres en ressources, c’est d’abord la corruption et le manque de compétence en organisation et en gestion. Certes il y a des investissements lourds à opérer en particulier concernant le transport mais l’essentiel des efforts devrait être orientés sur des aspects plus soft, beaucoup moins coûteux mais plus efficaces pour servir la richesse nationale et sa redistribution.
C’est toute la politique de développement qui a revoir : la composition et le rôle de la représentation française notamment diplomatique largement coupée des réalités sociaux économiques. C’est sans doute d’abord aux chercheurs en socio-économique de faire le bilan des échecs cumulés de la présence française dans les pays les plus pauvres et les plus fragiles de l’Afrique

Afrique : Une épidémie de putschs

Afrique : Une épidémie de putschs

par
Thierry Vircoulon
Coordinateur de l’Observatoire pour l’Afrique centrale et australe de l’Institut Français des Relations Internationales, membre du Groupe de Recherche sur l’Eugénisme et le Racisme, Université Paris Cité dans The conversation.

Depuis 2020, une étonnante épidémie de putschs (cinq en deux ans) a frappé la zone comprise entre les 10e et le 20e parallèles nord, qui va du Soudan à la Guinée. De Khartoum à Conakry, des militaires ont pris le pouvoir entre 2020 et 2022 et entendent y rester. Le Niger est le dernier exemple en date, cette fois en 2023, pour ce qui devenue la « bande des juntes ».

Analyse d’une tendance qui, malgré les promesses des putschistes, n’annonce nullement l’avènement – ou la restauration – de la démocratie dans les pays concernés.

Au Mali, le 18 août 2020, le colonel Assimi Goïta a renversé le président Ibrahim Boubacar Keïta, au pouvoir depuis 2013. En mai 2021, le colonel Assimi Goïta a démis et remplacé le président de la transition, Bah N’Daw.

Au Tchad, le 21 avril 2021, le général Mahamat Déby a succédé avec l’appui d’un Conseil militaire de transition (CMT) à son père tué en pleine opération militaire.

En Guinée, le 5 septembre 2021, le colonel Doumbouya a renversé le président Alpha Condé réélu depuis 2010.

Au Soudan, le 25 octobre 2021, le général Abdel Fatah al-Burhane a fait un putsch au sein de la transition ouverte par la chute du régime d’el-Béchir en 2019 en mettant fin au gouvernement civilo-militaire et en arrêtant le premier ministre Hamdok, en poste depuis 2019.

Au Burkina Faso, le 24 janvier 2022, le colonel Damiba a renversé le président Roch Marc Christian Kaboré élu depuis 2015. En octobre 2022, le capitaine Ibrahim Traoré a démis et remplacé le lieutenant-colonel Damiba.

Bien que tous ces pays aient une longue histoire de pouvoirs militaires, il faut distinguer, dans cette succession de coups de force, les « putschs de guerre », les « putschs de paix » et le putsch consenti tchadien. Les premiers (Mali et Burkina Faso) sont motivés par la défaite progressive face aux groupes djihadistes et le mécontentement consécutif des militaires vis-à-vis du pouvoir civil.

Les noms que se sont donnés les putschistes au Burkina Faso (Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration, MPSR) et au Mali (Comité national pour le salut du peuple, CNSP) illustrent leur motivation : prendre les rênes de la guerre pour sauver le pays face à ses ennemis.

Parmi ces cinq coups d’État, le Tchad est un cas particulier car il peut être qualifié de putsch consenti. En effet, il n’y a pas eu de renversement du pouvoir, mais une succession familiale anticonstitutionnelle dans laquelle l’oligarchie militaire a joué un rôle-clé.

Après le décès inattendu du président Déby, le président de l’Assemblée nationale Haroun Kabadi a renoncé à être président par intérim comme le prévoyait la Constitution, au profit d’un des fils de Déby et d’un groupe de généraux (Conseil militaire de transition, CMT). Dans la mesure où les protestations ont été minoritaires et vite réprimées, la succession militaro-dynastique a été consentie par la majorité de la classe politique, y compris des figures historiques de l’opposition.

Quant aux « putschistes de paix » (Guinée, Soudan), ils ont – de même qu’au Tchad – pris le pouvoir pour préserver des intérêts, avant tout ceux de l’armée. Au Soudan, la transition prenait une direction dangereuse pour l’oligarchie militaire, le comité de démantèlement du régime d’Omar el-Béchir commençant à s’intéresser de près à son empire économique. Le putsch a donc mis un coup d’arrêt à la « débachirisation » du pays et s’est traduit par le retour aux affaires de plusieurs fidèles d’el-Béchir.

Au Tchad, le demi-putsch visait la conservation du pouvoir par le groupe militaro-clanique qui soutenait Idriss Déby. En Guinée, si le Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD) a justifié son putsch par la nécessité de « fonder une nation et de bâtir un État », il représente aussi et surtout des intérêts particuliers à l’intérieur des forces de sécurité. Dans ces trois pays, des mesures salariales en faveur des forces de sécurité ont d’ailleurs rapidement été ordonnées par les nouveaux dirigeants.

Gagner du temps, s’installer au pouvoir
Ces juntes ne sont pas uniformes. En revanche, elles ont toutes la même stratégie pour résister à un retour rapide à l’ordre constitutionnel, qui est une demande à la fois interne (partis politiques, organisations de la société civile) et externe (Cédéao, Union africaine, UE, ONU, etc.).

Les juntes font des concessions cosmétiques et gagnent du temps en retardant l’application du schéma habituel de retour à l’ordre constitutionnel. Élaboré au fil des nombreuses transitions en Afrique (Tchad 1993-1997, République démocratique du Congo 2003-2006, Centrafrique 2014-2016, etc.), ce schéma prévoit l’inéligibilité des dirigeants des gouvernements de transition et trois étapes politiques :

Un dialogue national. Il permet généralement de créer un consensus sur les principes de la future Constitution et de l’organisation des élections.

Une nouvelle Constitution. Elle est généralement validée par un référendum.

Des élections présidentielle et législatives. La mise en place d’un gouvernement et d’un Parlement élus au suffrage universel clôture la transition.

Pour l’heure, seules les autorités maliennes, tchadiennes et guinéennes ont franchi la première étape. Encore ont-elles mis un an pour organiser un dialogue national qui a été en partie boycotté et qui a abouti, au Tchad, à une répression violente.

Au Soudan, la tentative d’organiser un dialogue entre militaires et civils a échoué au printemps 2022 pour réussir en décembre. Dans tous les pays, les putschistes ont refusé l’idée d’une transition courte (entre six et dix-huit mois selon les pays) voulue par la Cédéao et l’UA. La perspective d’élections en 2022 s’est donc rapidement éloignée et, après de longues négociations, les pouvoirs putschistes ont fini par accepter une transition en deux ans.

Théoriquement, toutes ces transitions militaires devraient donc s’achever par des élections en 2024. Si cette date est respectée, seul le Burkina Faso aura connu une transition de deux ans, et les autres putschistes seront restés au pouvoir trois ou quatre ans avant l’échéance électorale. Ils auront donc réussi à imposer des transitions longues, décrocher quelques années de pouvoir et, pour certains d’entre eux (Tchad, Mali, Soudan), refuser le principe de l’inéligibilité des dirigeants des juntes aux prochaines échéances électorales. Dans ces trois pays, l’installation des putschistes aux commandes du pays pendant plusieurs années et la possibilité de se présenter aux élections ne laissent guère de doutes sur leur intention de conserver le pouvoir après la transition.

En outre, quelques concessions secondaires des juntes permettent d’atténuer les pressions internes et externes. En supprimant le CMT à la fin 2022, Mahamat Deby a donné la fausse impression d’une démilitarisation de la transition et, avec l’accord de décembre 2022, le général Abdel Fatah al-Burhane rend possible le retour à un gouvernement civilo-militaire de transition au Soudan en 2023.

Même si les juntes promettent toutes le retour à l’ordre constitutionnel, le chemin de la transition est semé d’embûches.

Les élections sont hypothéquées au Mali et au Burkina Faso par la situation sécuritaire. Tant qu’une majeure partie du territoire national restera inaccessible aux forces armées et aux fonctionnaires, organiser des élections et mener une campagne électorale sera irréaliste. Le Soudan, où les conflits se multiplient dans un climat politique confus, peut aussi être forcé de reporter les élections pour des raisons d’insécurité.

Par ailleurs, outre l’assaut de rébellions agressives, deux menaces planent sur ces transitions militaires : le putsch dans le putsch (comme ceux qui ont eu lieu au Mali en mai 2021 et au Burkina Faso en octobre 2022), et la contestation populaire.

D’autres coups de force entre militaires sont envisageables car l’appareil sécuritaire des cinq juntes considérées est travaillé par des rivalités de groupes et de personnes que le marasme sécuritaire et économique ne fait qu’accentuer. Pour les putschistes, l’état de grâce a été de courte durée car leur base sociale est réduite, la situation socio-économique s’aggrave et, au Mali et au Burkina Faso, les juntes sont incapables de concrétiser leur promesse de retour de la sécurité.

L’acceptation populaire des juntes étant essentiellement fondée sur le discrédit des pouvoirs précédents et l’espoir d’une amélioration sécuritaire et socio-économique, le désenchantement peut aisément se transformer en mobilisations contestataires. Alors qu’en Guinée le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC) interdit en août 2022 exprime le désenchantement vis-à-vis de la junte, qu’au Soudan les comités de résistance ayant fait tomber le régime d’el-Béchir restent mobilisés contre le pouvoir militaire et qu’au Mali la junte est ouvertement critiquée, le gouvernement de transition tchadien a déjà été menacé par la rue et par des militaires mécontents.

Enfin, si les juntes réussissent à se maintenir, elles organiseront des élections dans des scènes politiques nationales sinistrées. Dans ces cinq pays, la société civile est épuisée et affaiblie, la classe politique est discréditée, l’opposition est incapable de s’unir et peine à se renouveler, et le paysage politique est fragmenté à l’extrême (le Tchad, le Burkina Faso et la Guinée comptent chacun environ 200 partis). Les élections prévues en 2024 se joueront entre des forces politiques probablement divisées, à court de moyens et d’idées et face à des électeurs appauvris et mécontents.

Pour les putschistes qui sont au pouvoir et entendent y rester, ces scrutins constitueront l’occasion idéale d’être légitimés par les urnes – même en recourant à la fraude électorale.

Pour l’instant, la situation reste confuse au Niger, tandis que la Cedeao (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest) a exigé un retour à l’ordre et que des manifestations ont eu lieu devant l’ambassade de France à Niamey.

Alors qu’en Afrique de l’Ouest, les transitions des années 1990 ont ouvert la voie vers la démocratie, les transitions militaires actuelles inaugurent une nouvelle période d’instabilité et risquent fort d’aboutir à des régimes pseudo-civils où les militaires conserveront plus ou moins discrètement l’essentiel du pouvoir.

Afrique et démocratie: l’échec d’abord de la politique française de développement

Afrique et démocratie: l’échec d’abord de la politique française de développement


Le rejet de la France en tant que porte-drapeau du néo colonialisme est patent dans les pays les plus pauvres de l’Afrique. Le sentiment antifrançais est plus généralement anti occidental se nourrit surtout de la pauvreté et plus généralement de l’échec total de la politique de développement. Du coup, on fait porter le chapeau du rejet aux militaires français pourtant là pour préserver l’indépendance des pays visés vis-à-vis du terrorisme islamique. L’histoire démontrera assez rapidement que les velléités d’indépendance et de souveraineté de ces pays pour sont illusoires face à la pieuvre islamique. D’autant que les déstabilisations sont favorisées par la Russie . Une sorte de revanche par rapport au soutien de l’Ouest à l’Ukraine.

Les forces militaires ont fait ce qu’elles ont pu pour limiter la progression du terrorisme mais il est évident que l’armée échantillonnaire de la France ne disposait pas des moyens suffisants pour permettre à l’opération Barkhane de réussir. Mais la grande insuffisance n’est pas seulement liée aux questions de défense mais sans doute et prioritairement à la problématique du développement.

Le Niger en particulier, l’un des pays les plus pauvres du monde dont le revenu moyen est de l’ordre de 30 à 50 € par mois est particulièrement perméable aux théories prétendant lutter contre le néo colonialisme mais des théories qui en fait en fait ont surtout pour objectif de conforter encore un peu plus la corruption généralisée grâce à l’oppression des dictatures.

Reste que la responsabilité de l’échec du développement est aussi largement à imputer aux occidentaux et surtout à la France. La France qui a pensé suffisant d’apporter une contribution militaire pour essayer de sauver des Etats qui n’ont qu’une réalité virtuelle ( Au u Niger et au Mali par exemple l’État n’existe réellement que dans les capitales).

Concernant le développement économique, on a comme d’habitude opéré des transferts financiers via les institutions et les gouvernements; des apports qui se sont perdus dans les sables et les poches des responsables.

Or ce qui ronge ces pays structurellement pauvres en ressources, c’est d’abord la corruption et le manque de compétence en organisation et en gestion. Certes il y a des investissements lourds à opérer en particulier concernant le transport mais l’essentiel des efforts devrait être orienté sur des aspects plus soft, beaucoup moins coûteux mais plus efficaces pour servir la richesse nationale et sa redistribution. C’est toute la politique de développement qui a revoir : la composition et le rôle de la représentation française notamment diplomatique largement coupée des réalités sociaux économiques. C’est sans doute d’abord aux chercheurs en socio-économique de faire le bilan des échecs cumulés de la présence française dans les pays les plus pauvres et les plus fragiles de l’Afrique

Afrique: La dangereuse montée des dictatures

Afrique: La dangereuse montée des dictatures

Par Thierry Vircoulon
Coordinateur de l’Observatoire pour l’Afrique centrale et australe de l’Institut Français des Relations Internationales, membre du Groupe de Recherche sur l’Eugénisme et le Racisme, Université Paris Cité dans The Conversation

Depuis 2020, une étonnante épidémie de putschs (cinq en deux ans) a frappé la zone comprise entre les 10e et le 20e parallèles nord, qui va du Soudan à la Guinée. De Khartoum à Conakry, des militaires ont pris le pouvoir entre 2020 et 2022 et entendent y rester. Le Niger est le dernier exemple en date, cette fois en 2023, pour ce qui devenue la « bande des juntes ». Analyse d’une tendance qui, malgré les promesses des putschistes, n’annonce nullement l’avènement – ou la restauration – de la démocratie dans les pays concernés.

Commençons par un bref rappel des événements.

Au Mali, le 18 août 2020, le colonel Assimi Goïta a renversé le président Ibrahim Boubacar Keïta, au pouvoir depuis 2013. En mai 2021, le colonel Assimi Goïta a démis et remplacé le président de la transition, Bah N’Daw.

Au Tchad, le 21 avril 2021, le général Mahamat Déby a succédé avec l’appui d’un Conseil militaire de transition (CMT) à son père tué en pleine opération militaire.

En Guinée, le 5 septembre 2021, le colonel Doumbouya a renversé le président Alpha Condé réélu depuis 2010.

Au Soudan, le 25 octobre 2021, le général Abdel Fatah al-Burhane a fait un putsch au sein de la transition ouverte par la chute du régime d’el-Béchir en 2019 en mettant fin au gouvernement civilo-militaire et en arrêtant le premier ministre Hamdok, en poste depuis 2019.

Au Burkina Faso, le 24 janvier 2022, le colonel Damiba a renversé le président Roch Marc Christian Kaboré élu depuis 2015. En octobre 2022, le capitaine Ibrahim Traoré a démis et remplacé le lieutenant-colonel Damiba.

Bien que tous ces pays aient une longue histoire de pouvoirs militaires, il faut distinguer, dans cette succession de coups de force, les « putschs de guerre », les « putschs de paix » et le putsch consenti tchadien. Les premiers (Mali et Burkina Faso) sont motivés par la défaite progressive face aux groupes djihadistes et le mécontentement consécutif des militaires vis-à-vis du pouvoir civil.

Les noms que se sont donnés les putschistes au Burkina Faso (Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration, MPSR) et au Mali (Comité national pour le salut du peuple, CNSP) illustrent leur motivation : prendre les rênes de la guerre pour sauver le pays face à ses ennemis.

Parmi ces cinq coups d’État, le Tchad est un cas particulier car il peut être qualifié de putsch consenti. En effet, il n’y a pas eu de renversement du pouvoir, mais une succession familiale anticonstitutionnelle dans laquelle l’oligarchie militaire a joué un rôle-clé.

Après le décès inattendu du président Déby, le président de l’Assemblée nationale Haroun Kabadi a renoncé à être président par intérim comme le prévoyait la Constitution, au profit d’un des fils de Déby et d’un groupe de généraux (Conseil militaire de transition, CMT). Dans la mesure où les protestations ont été minoritaires et vite réprimées, la succession militaro-dynastique a été consentie par la majorité de la classe politique, y compris des figures historiques de l’opposition.
[Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. Abonnez-vous aujourd’hui]

Quant aux « putschistes de paix » (Guinée, Soudan), ils ont – de même qu’au Tchad – pris le pouvoir pour préserver des intérêts, avant tout ceux de l’armée. Au Soudan, la transition prenait une direction dangereuse pour l’oligarchie militaire, le comité de démantèlement du régime d’Omar el-Béchir commençant à s’intéresser de près à son empire économique. Le putsch a donc mis un coup d’arrêt à la « débachirisation » du pays et s’est traduit par le retour aux affaires de plusieurs fidèles d’el-Béchir.

Au Tchad, le demi-putsch visait la conservation du pouvoir par le groupe militaro-clanique qui soutenait Idriss Déby. En Guinée, si le Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD) a justifié son putsch par la nécessité de « fonder une nation et de bâtir un État », il représente aussi et surtout des intérêts particuliers à l’intérieur des forces de sécurité. Dans ces trois pays, des mesures salariales en faveur des forces de sécurité ont d’ailleurs rapidement été ordonnées par les nouveaux dirigeants.

Ces juntes ne sont pas uniformes. En revanche, elles ont toutes la même stratégie pour résister à un retour rapide à l’ordre constitutionnel, qui est une demande à la fois interne (partis politiques, organisations de la société civile) et externe (Cédéao, Union africaine, UE, ONU, etc.).

Les juntes font des concessions cosmétiques et gagnent du temps en retardant l’application du schéma habituel de retour à l’ordre constitutionnel. Élaboré au fil des nombreuses transitions en Afrique (Tchad 1993-1997, République démocratique du Congo 2003-2006, Centrafrique 2014-2016, etc.), ce schéma prévoit l’inéligibilité des dirigeants des gouvernements de transition et trois étapes politiques :

Un dialogue national. Il permet généralement de créer un consensus sur les principes de la future Constitution et de l’organisation des élections.

Une nouvelle Constitution. Elle est généralement validée par un référendum.

Des élections présidentielle et législatives. La mise en place d’un gouvernement et d’un Parlement élus au suffrage universel clôture la transition.

Pour l’heure, seules les autorités maliennes, tchadiennes et guinéennes ont franchi la première étape. Encore ont-elles mis un an pour organiser un dialogue national qui a été en partie boycotté et qui a abouti, au Tchad, à une répression violente.

Au Soudan, la tentative d’organiser un dialogue entre militaires et civils a échoué au printemps 2022 pour réussir en décembre. Dans tous les pays, les putschistes ont refusé l’idée d’une transition courte (entre six et dix-huit mois selon les pays) voulue par la Cédéao et l’UA. La perspective d’élections en 2022 s’est donc rapidement éloignée et, après de longues négociations, les pouvoirs putschistes ont fini par accepter une transition en deux ans.

Théoriquement, toutes ces transitions militaires devraient donc s’achever par des élections en 2024. Si cette date est respectée, seul le Burkina Faso aura connu une transition de deux ans, et les autres putschistes seront restés au pouvoir trois ou quatre ans avant l’échéance électorale. Ils auront donc réussi à imposer des transitions longues, décrocher quelques années de pouvoir et, pour certains d’entre eux (Tchad, Mali, Soudan), refuser le principe de l’inéligibilité des dirigeants des juntes aux prochaines échéances électorales. Dans ces trois pays, l’installation des putschistes aux commandes du pays pendant plusieurs années et la possibilité de se présenter aux élections ne laissent guère de doutes sur leur intention de conserver le pouvoir après la transition.

En outre, quelques concessions secondaires des juntes permettent d’atténuer les pressions internes et externes. En supprimant le CMT à la fin 2022, Mahamat Deby a donné la fausse impression d’une démilitarisation de la transition et, avec l’accord de décembre 2022, le général Abdel Fatah al-Burhane rend possible le retour à un gouvernement civilo-militaire de transition au Soudan en 2023.

Même si les juntes promettent toutes le retour à l’ordre constitutionnel, le chemin de la transition est semé d’embûches.

Les élections sont hypothéquées au Mali et au Burkina Faso par la situation sécuritaire. Tant qu’une majeure partie du territoire national restera inaccessible aux forces armées et aux fonctionnaires, organiser des élections et mener une campagne électorale sera irréaliste. Le Soudan, où les conflits se multiplient dans un climat politique confus, peut aussi être forcé de reporter les élections pour des raisons d’insécurité.

Par ailleurs, outre l’assaut de rébellions agressives, deux menaces planent sur ces transitions militaires : le putsch dans le putsch (comme ceux qui ont eu lieu au Mali en mai 2021 et au Burkina Faso en octobre 2022), et la contestation populaire.

D’autres coups de force entre militaires sont envisageables car l’appareil sécuritaire des cinq juntes considérées est travaillé par des rivalités de groupes et de personnes que le marasme sécuritaire et économique ne fait qu’accentuer. Pour les putschistes, l’état de grâce a été de courte durée car leur base sociale est réduite, la situation socio-économique s’aggrave et, au Mali et au Burkina Faso, les juntes sont incapables de concrétiser leur promesse de retour de la sécurité.

L’acceptation populaire des juntes étant essentiellement fondée sur le discrédit des pouvoirs précédents et l’espoir d’une amélioration sécuritaire et socio-économique, le désenchantement peut aisément se transformer en mobilisations contestataires. Alors qu’en Guinée le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC) interdit en août 2022 exprime le désenchantement vis-à-vis de la junte, qu’au Soudan les comités de résistance ayant fait tomber le régime d’el-Béchir restent mobilisés contre le pouvoir militaire et qu’au Mali la junte est ouvertement critiquée, le gouvernement de transition tchadien a déjà été menacé par la rue et par des militaires mécontents.

Enfin, si les juntes réussissent à se maintenir, elles organiseront des élections dans des scènes politiques nationales sinistrées. Dans ces cinq pays, la société civile est épuisée et affaiblie, la classe politique est discréditée, l’opposition est incapable de s’unir et peine à se renouveler, et le paysage politique est fragmenté à l’extrême (le Tchad, le Burkina Faso et la Guinée comptent chacun environ 200 partis). Les élections prévues en 2024 se joueront entre des forces politiques probablement divisées, à court de moyens et d’idées et face à des électeurs appauvris et mécontents.

Pour les putschistes qui sont au pouvoir et entendent y rester, ces scrutins constitueront l’occasion idéale d’être légitimés par les urnes – même en recourant à la fraude électorale.

Pour l’instant, la situation reste confuse au Niger, tandis que la Cedeao (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest) a exigé un retour à l’ordre et que des manifestations ont eu lieu devant l’ambassade de France à Niamey.

Alors qu’en Afrique de l’Ouest, les transitions des années 1990 ont ouvert la voie vers la démocratie, les transitions m

Afrique : de la démocratie aux dictatures

Afrique : de la démocratie aux dictatures

Par Thierry Vircoulon
Coordinateur de l’Observatoire pour l’Afrique centrale et australe de l’Institut Français des Relations Internationales, membre du Groupe de Recherche sur l’Eugénisme et le Racisme, Université Paris Cité dans The Conversation

Depuis 2020, une étonnante épidémie de putschs (cinq en deux ans) a frappé la zone comprise entre les 10e et le 20e parallèles nord, qui va du Soudan à la Guinée. De Khartoum à Conakry, des militaires ont pris le pouvoir entre 2020 et 2022 et entendent y rester. Le Niger est le dernier exemple en date, cette fois en 2023, pour ce qui devenue la « bande des juntes ». Analyse d’une tendance qui, malgré les promesses des putschistes, n’annonce nullement l’avènement – ou la restauration – de la démocratie dans les pays concernés.

Commençons par un bref rappel des événements.

Au Mali, le 18 août 2020, le colonel Assimi Goïta a renversé le président Ibrahim Boubacar Keïta, au pouvoir depuis 2013. En mai 2021, le colonel Assimi Goïta a démis et remplacé le président de la transition, Bah N’Daw.

Au Tchad, le 21 avril 2021, le général Mahamat Déby a succédé avec l’appui d’un Conseil militaire de transition (CMT) à son père tué en pleine opération militaire.

En Guinée, le 5 septembre 2021, le colonel Doumbouya a renversé le président Alpha Condé réélu depuis 2010.

Au Soudan, le 25 octobre 2021, le général Abdel Fatah al-Burhane a fait un putsch au sein de la transition ouverte par la chute du régime d’el-Béchir en 2019 en mettant fin au gouvernement civilo-militaire et en arrêtant le premier ministre Hamdok, en poste depuis 2019.

Au Burkina Faso, le 24 janvier 2022, le colonel Damiba a renversé le président Roch Marc Christian Kaboré élu depuis 2015. En octobre 2022, le capitaine Ibrahim Traoré a démis et remplacé le lieutenant-colonel Damiba.

Bien que tous ces pays aient une longue histoire de pouvoirs militaires, il faut distinguer, dans cette succession de coups de force, les « putschs de guerre », les « putschs de paix » et le putsch consenti tchadien. Les premiers (Mali et Burkina Faso) sont motivés par la défaite progressive face aux groupes djihadistes et le mécontentement consécutif des militaires vis-à-vis du pouvoir civil.

Les noms que se sont donnés les putschistes au Burkina Faso (Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration, MPSR) et au Mali (Comité national pour le salut du peuple, CNSP) illustrent leur motivation : prendre les rênes de la guerre pour sauver le pays face à ses ennemis.

Parmi ces cinq coups d’État, le Tchad est un cas particulier car il peut être qualifié de putsch consenti. En effet, il n’y a pas eu de renversement du pouvoir, mais une succession familiale anticonstitutionnelle dans laquelle l’oligarchie militaire a joué un rôle-clé.

Après le décès inattendu du président Déby, le président de l’Assemblée nationale Haroun Kabadi a renoncé à être président par intérim comme le prévoyait la Constitution, au profit d’un des fils de Déby et d’un groupe de généraux (Conseil militaire de transition, CMT). Dans la mesure où les protestations ont été minoritaires et vite réprimées, la succession militaro-dynastique a été consentie par la majorité de la classe politique, y compris des figures historiques de l’opposition.
[Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. Abonnez-vous aujourd’hui]

Quant aux « putschistes de paix » (Guinée, Soudan), ils ont – de même qu’au Tchad – pris le pouvoir pour préserver des intérêts, avant tout ceux de l’armée. Au Soudan, la transition prenait une direction dangereuse pour l’oligarchie militaire, le comité de démantèlement du régime d’Omar el-Béchir commençant à s’intéresser de près à son empire économique. Le putsch a donc mis un coup d’arrêt à la « débachirisation » du pays et s’est traduit par le retour aux affaires de plusieurs fidèles d’el-Béchir.

Au Tchad, le demi-putsch visait la conservation du pouvoir par le groupe militaro-clanique qui soutenait Idriss Déby. En Guinée, si le Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD) a justifié son putsch par la nécessité de « fonder une nation et de bâtir un État », il représente aussi et surtout des intérêts particuliers à l’intérieur des forces de sécurité. Dans ces trois pays, des mesures salariales en faveur des forces de sécurité ont d’ailleurs rapidement été ordonnées par les nouveaux dirigeants.

Ces juntes ne sont pas uniformes. En revanche, elles ont toutes la même stratégie pour résister à un retour rapide à l’ordre constitutionnel, qui est une demande à la fois interne (partis politiques, organisations de la société civile) et externe (Cédéao, Union africaine, UE, ONU, etc.).

Les juntes font des concessions cosmétiques et gagnent du temps en retardant l’application du schéma habituel de retour à l’ordre constitutionnel. Élaboré au fil des nombreuses transitions en Afrique (Tchad 1993-1997, République démocratique du Congo 2003-2006, Centrafrique 2014-2016, etc.), ce schéma prévoit l’inéligibilité des dirigeants des gouvernements de transition et trois étapes politiques :

Un dialogue national. Il permet généralement de créer un consensus sur les principes de la future Constitution et de l’organisation des élections.

Une nouvelle Constitution. Elle est généralement validée par un référendum.

Des élections présidentielle et législatives. La mise en place d’un gouvernement et d’un Parlement élus au suffrage universel clôture la transition.

Pour l’heure, seules les autorités maliennes, tchadiennes et guinéennes ont franchi la première étape. Encore ont-elles mis un an pour organiser un dialogue national qui a été en partie boycotté et qui a abouti, au Tchad, à une répression violente.

Au Soudan, la tentative d’organiser un dialogue entre militaires et civils a échoué au printemps 2022 pour réussir en décembre. Dans tous les pays, les putschistes ont refusé l’idée d’une transition courte (entre six et dix-huit mois selon les pays) voulue par la Cédéao et l’UA. La perspective d’élections en 2022 s’est donc rapidement éloignée et, après de longues négociations, les pouvoirs putschistes ont fini par accepter une transition en deux ans.

Théoriquement, toutes ces transitions militaires devraient donc s’achever par des élections en 2024. Si cette date est respectée, seul le Burkina Faso aura connu une transition de deux ans, et les autres putschistes seront restés au pouvoir trois ou quatre ans avant l’échéance électorale. Ils auront donc réussi à imposer des transitions longues, décrocher quelques années de pouvoir et, pour certains d’entre eux (Tchad, Mali, Soudan), refuser le principe de l’inéligibilité des dirigeants des juntes aux prochaines échéances électorales. Dans ces trois pays, l’installation des putschistes aux commandes du pays pendant plusieurs années et la possibilité de se présenter aux élections ne laissent guère de doutes sur leur intention de conserver le pouvoir après la transition.

En outre, quelques concessions secondaires des juntes permettent d’atténuer les pressions internes et externes. En supprimant le CMT à la fin 2022, Mahamat Deby a donné la fausse impression d’une démilitarisation de la transition et, avec l’accord de décembre 2022, le général Abdel Fatah al-Burhane rend possible le retour à un gouvernement civilo-militaire de transition au Soudan en 2023.

Même si les juntes promettent toutes le retour à l’ordre constitutionnel, le chemin de la transition est semé d’embûches.

Les élections sont hypothéquées au Mali et au Burkina Faso par la situation sécuritaire. Tant qu’une majeure partie du territoire national restera inaccessible aux forces armées et aux fonctionnaires, organiser des élections et mener une campagne électorale sera irréaliste. Le Soudan, où les conflits se multiplient dans un climat politique confus, peut aussi être forcé de reporter les élections pour des raisons d’insécurité.

Par ailleurs, outre l’assaut de rébellions agressives, deux menaces planent sur ces transitions militaires : le putsch dans le putsch (comme ceux qui ont eu lieu au Mali en mai 2021 et au Burkina Faso en octobre 2022), et la contestation populaire.

D’autres coups de force entre militaires sont envisageables car l’appareil sécuritaire des cinq juntes considérées est travaillé par des rivalités de groupes et de personnes que le marasme sécuritaire et économique ne fait qu’accentuer. Pour les putschistes, l’état de grâce a été de courte durée car leur base sociale est réduite, la situation socio-économique s’aggrave et, au Mali et au Burkina Faso, les juntes sont incapables de concrétiser leur promesse de retour de la sécurité.

L’acceptation populaire des juntes étant essentiellement fondée sur le discrédit des pouvoirs précédents et l’espoir d’une amélioration sécuritaire et socio-économique, le désenchantement peut aisément se transformer en mobilisations contestataires. Alors qu’en Guinée le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC) interdit en août 2022 exprime le désenchantement vis-à-vis de la junte, qu’au Soudan les comités de résistance ayant fait tomber le régime d’el-Béchir restent mobilisés contre le pouvoir militaire et qu’au Mali la junte est ouvertement critiquée, le gouvernement de transition tchadien a déjà été menacé par la rue et par des militaires mécontents.

Enfin, si les juntes réussissent à se maintenir, elles organiseront des élections dans des scènes politiques nationales sinistrées. Dans ces cinq pays, la société civile est épuisée et affaiblie, la classe politique est discréditée, l’opposition est incapable de s’unir et peine à se renouveler, et le paysage politique est fragmenté à l’extrême (le Tchad, le Burkina Faso et la Guinée comptent chacun environ 200 partis). Les élections prévues en 2024 se joueront entre des forces politiques probablement divisées, à court de moyens et d’idées et face à des électeurs appauvris et mécontents.

Pour les putschistes qui sont au pouvoir et entendent y rester, ces scrutins constitueront l’occasion idéale d’être légitimés par les urnes – même en recourant à la fraude électorale.

Pour l’instant, la situation reste confuse au Niger, tandis que la Cedeao (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest) a exigé un retour à l’ordre et que des manifestations ont eu lieu devant l’ambassade de France à Niamey.

Alors qu’en Afrique de l’Ouest, les transitions des années 1990 ont ouvert la voie vers la démocratie, les transitions militaires actuelles inaugurent une nouvelle période d’instabilité et risquent fort d’aboutir à des régimes pseudo-civils où les militaires conserveront plus ou moins discrètement l’essentiel du pouvoir.

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