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Afrique- Guerre en RDC et Union Européenne

Afrique- Guerre en RDC et Union Européenne

Le conflit actuel entre la République Démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda remonte aux années ’90. Depuis donc pratiquement 30 ans, aucun processus de résolution n’a été réellement mis en place par les acteurs, par des instances internationales, ou par l’Europe. Mais s’agit-il réellement d’une guerre entre États ? Ne faut-il pas tenir compte de beaucoup d’autres facteurs, et développer des processus de résolution appropriés ? Par Gérard Vespierre (*) analyste géopolitique. dans La Tribune

Le conflit entre la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda est complexe, enraciné dans des tensions politiques et économiques, mais il est aussi conforté par le manque de bonne gouvernance. Il se concentre principalement dans l’est de la RDC, le Kivu, très riche en ressources naturelles. Le Rwanda est accusé de soutenir le groupe rebelle M23, actif dans le Nord-Kivu, tandis que Kigali affirme vouloir protéger ses intérêts sécuritaires face à des groupes armés hostiles opérant depuis la RDC.

Le M23, ou Mouvement du 23 mars, est un groupe armé formé en 2012 par d’anciens rebelles intégrés dans l’armée congolaise. Ils reprochent au gouvernement de Kinshasa de ne pas avoir respecté les accords de paix signés en 2009. Le M23 a repris les armes en 2021, et a gagné du terrain au début de cette année. Son rôle est controversé : certains le voient comme un outil du Rwanda pour influencer la région et accéder aux ressources naturelles, tandis que d’autres soulignent ses revendications liées à la protection de la communauté tutsie.

À la lumière de ces éléments, on constate que ce conflit ne constitue pas une guerre ouverte entre deux États, mais représente le choc de différences ethniques, d’intérêts économiques privés, avec d’importants dispositifs de corruption, touchant les sphères politiques, du Kivu à Kinshasa.

Il faut donc dégager un processus de stabilisation qui tienne absolument compte d’une caractéristique fondamentale, à savoir l’hybridité de la situation. Au lieu d’un processus rigide, il faut dégager un cheminement souple, tant dans le nombre de partis qui doivent être représentés (y compris le M23 que Kinshasa a longtemps exclu)) que dans le calendrier, et la formulation des mesures de résolution à adopter.

L’implication européenne dans le règlement de ce conflit, long, n’a pas été particulièrement efficace. Pourtant, le coût humain en est particulièrement élevé. Selon les estimations disponibles, le nombre de morts s’exprime en centaines de milliers, celui des blessés en dizaines de milliers, et ce sont plusieurs millions de personnes qui ont été déplacées, à l’intérieur de la RDC, ou se sont réfugiées dans les pays voisins.

L’UE a exprimé son soutien à la RDC face aux offensives du groupe rebelle M23. En 2024 Bruxelles a lancé une batterie de sanctions contre des membres du M23 ; en juillet de la même année, l’aide militaire envers le Rwanda est suspendue. Plus récemment, le 17 mars 2025, des sanctions ont été prises contre certaines personnalités et entreprises rwandaises impliquées dans le conflit, conformément à la résolution 2773 du Conseil de sécurité des Nations Unies.

On connaît malheureusement les effets limités, ou au moins tardifs des sanctions, qui plus est, vis-à-vis d’interlocuteurs non gouvernementaux. D’autre part, une stratégie de sanctions, très précise et concentrée, ne reflète pas l’enchevêtrement des racines du conflit, la pluralité des causes. Cette diversité d’origines implique une diversité des champs de résolution.

Paris et Bruxelles ont invité le président du sénat congolais, Jean-Michel Sama Lukonde, accompagné d’une délégation de sénateurs, fin mars. L’Union européenne souhaitait ainsi consolider les engagements européens en faveur de la paix et de la sécurité dans la région. Mais une telle démarche ne représente pas un format permettant d’engager un réel processus de règlement. Elle n’offre donc pas de résultat possible.

Naturellement Bruxelles s’applique à soutenir les initiatives diplomatiques aboutissant au dialogue, mais sans toutefois organiser ce dernier. Cette stratégie risque d’accentuer la perte d’influence européenne dans la région des Grands Lacs. Les initiatives politiques de résolution de ce conflit se situent donc ailleurs.

Doha a en effet organisé le 19 mars, une réunion entre Félix Tshisekedi, président du Congo, et Paul Kagame, président du Rwanda. Les deux présidents se sont donc entendus pour engager des discussions de paix et ont décidé un cessez-le-feu immédiat, et inconditionnel.

Cette réunion se tenait au lendemain du jour où devait intervenir une discussion en Angola, à Luanda, entre la RDC et le groupe armé rebelle M23. Ce dernier a annulé sa participation à la suite d’une série de sanctions décidées par Bruxelles, la veille de cette rencontre. Une action qui, selon le M23 sabote le processus en prenant parti pour la RDC. On retrouve dans cette réaction l’inadéquation du profil des décisions de l’UE, par rapport au profil du problème.

La diplomatie qatarie s’est donc posée habilement en médiateur, et non pas en soutien à l’un ou l’autre des partis. Ces pourparlers ont également mis en avant la nécessité de poursuivre les discussions dans le cadre d’un processus de médiation régionale, tels que ceux déjà entrepris à Luanda et Nairobi. Il a même été convenu de les coordonner afin de renforcer leur efficacité. Les négociations se poursuivent à ce jour, dans un contexte de baisse de l’intensité des combats. Le M23 a d’ailleurs évacué la ville de Walikale pour favoriser le dialogue.

Ces discussions offrent un nouvel espoir pour une résolution pacifique, bien que des défis majeurs restent à relever, à savoir le retrait des groupes armés du Kivu, l’instauration d’un dialogue inclusif, et finalement, les garanties sécuritaires régionales. Cela sera-t-il l’occasion d’inviter prochainement des représentants du M23 à se joindre aux discussions, directement, ou dans un premier temps, séparément ?

Les deux présidents, Paul Kagame et Félix Tshisekedi ont tenu à exprimer leur reconnaissance envers Sheikh Tamim bin Hamad Al Thani, soulignant l’importance du rôle de médiateur joué par Doha, et les progrès obtenus.

Des voix européennes se lèvent néanmoins pour appeler, dans le cadre de ce conflit, à plus d’efficacité dans la politique extérieure de l’Union. Une levée des sanctions, par exemple, pourrait participer à réduire l’isolement de l’UE.

Plusieurs responsables européens, à l’image Hilde Vautmans, ont souligné l’importance de transformer les engagements en actions concrètes, afin de parvenir à garantir la souveraineté, et l’intégrité territoriale de la RDC.

Souhaitons que nous puissions voir à l’œuvre dans la résolution de ce conflit, à la fois, l’efficacité d’une médiation régionale, et des engagements européens porteurs de résultats.

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(*) Diplômé de l’ISC Paris, Maîtrise de gestion, DEA de Finances Dauphine PSL, Fondateur du média web : www.le-monde-decrypte.com Chroniqueur géopolitique sur IdFM 98.0

Afrique : avenir démographique

Afrique : avenir démographique

 

L’Afrique est en pleine transition démographique et sa jeunesse est souvent présentée comme un moteur pour son développement. Toutefois, la croissance de la population du continent entraîne aussi la croissance du nombre de personnes âgées, encore largement exclues de l’ordre des priorités des responsables africains. De nouvelles politiques publiques pourraient toutefois être envisagées… De tous les champs d’étude de la démographie africaine, ce n’est pas le vieillissement qui vient d’emblée à l’esprit, tant le continent est associé à la jeunesse.

Pour en savoir un peu plus sur cet enjeu encore largement ignoré, l’Institut national des études démographiques (INED) et l’Agence française de développement (AFD) ont produit une étude qui présente, à partir des données statistiques disponibles, l’état des politiques publiques existantes et les perspectives quant à leur mise en œuvre.(dabs The Conversation)

L’âge médian, c’est-à-dire l’âge qui sépare la population en deux parties numériquement égales – l’une plus jeune et l’autre plus âgée –, est de 38 ans en Europe et de 30 ans en Asie. En Afrique, il est de 19 ans environ, ce qui en fait le continent le plus jeune au monde.

Cette forte dynamique démographique s’exprime aussi par le fait que plus de 60 % de la population africaine a moins de 25 ans. Dans la plupart des pays subsahariens (hors Afrique australe), de forts taux de fécondité ont contribué – et contribuent toujours – à une augmentation rapide de la population. Des projections estiment que la population africaine pourrait atteindre 2,5 milliards de personnes d’ici 2050 (elle en compte aujourd’hui près de 1,5 milliard). Sur ces 2,5 milliards de personnes, les 60 ans et plus seront environ 215 millions, soit un peu plus de 8 %. En 2023, seulement 5 à 6 % de la population africaine était âgée de 60 ans et plus. Cette moyenne statistique ne doit pas masquer le fait qu’il existe de grandes disparités selon les pays : 3 à 4 % en Ouganda et au Niger contre 7 à 9 % en Afrique du Sud et en Tunisie. À titre comparatif, en Europe, cette part de la population représente 25 % de la population totale, en Amérique du Nord 16 % et en Asie 12 %.

La part relativement faible des personnes âgées, en particulier dans les pays sub-sahariens, explique l’engagement très limité des décideurs à mettre en place des systèmes robustes de protection sociale qui leur seraient destinés, alors même qu’elles vivent souvent dans des conditions de vie très précaires, combinant pauvreté et formes de vulnérabilité spécifiques entraînées par la vieillesse.

Les personnes âgées en Afrique dépendent encore très largement des soutiens familiaux voire des structures communautaires proches (ménages, familles, voisins), mais ces structures sociales changent vite avec l’urbanisation et les effets plus larges de la mondialisation : le changement des modes de consommation et l’amplification de l’utilisation des réseaux sociaux entraînent une évolution des valeurs socio-anthropologiques.

Bien que les personnes âgées représentent actuellement – et pour les années à venir – une part réduite de la population africaine (en pourcentage), leur nombre est appelé à augmenter du fait de la forte croissance démographique du continent. De ce fait, de nouveaux défis en matière de santé publique, de protection sociale et de pensions de retraite devront être relevés.

Le premier de ces défis a trait à l’extension du taux de couverture sociale de la population, qui doit se produire en prenant en compte le poids de l’informalité dans l’économie. Afin de garantir une protection des individus face aux risques sociaux au sens large (maladie, chômage, accidents du travail, vieillesse), il est essentiel d’articuler cette protection au système informel, qui représente environ 80 % de l’emploi en Afrique.

Pour ce faire, la protection pourrait s’engager dans trois voies. Tout d’abord, la mise en œuvre de régimes contributifs « flexibles » qui valoriseraient des cotisations basées sur des revenus irréguliers liés à l’informalité. Ensuite, la valorisation des systèmes communautaires tels que la tontine qui pourraient être mieux étendus et mutualisés, ainsi que la promotion de mutuelles de santé adaptées aux travailleurs indépendants, aux petites entités de production et de commerce. Enfin, l’extension des paiements digitalisés via « le mobile money » qui permettrait de simplifier les cotisations et les prestations, comme c’est déjà largement le cas au Rwanda ou au Kenya.

La mise en œuvre de la protection sociale des personnes âgées repose cependant sur plusieurs conditions préalables. La première tient aux capacités des États à solliciter les compétences humaines et techniques nécessaires pour lever l’impôt et à utiliser les recettes fiscales pour financer la protection sociale. Il faut également programmer le couplage de la couverture maladie à celle de la retraite, pour garantir aux individus, tout au long de leur vie active et au-delà, une sécurité financière qui leur permette d’accéder aux soins. En outre, il faudra combiner les contributions prélevées sur les revenus des travailleurs du secteur formel (pour financer la couverture santé et les droits aux pensions de retraite) avec une prise en charge sur fonds publics des travailleurs informels, des personnes sans emploi et/ou des populations vulnérables au sens large (femmes isolées, individus en situation de handicap, par exemple). Pour cela, d’autres sources de financement doivent être envisagées : taxes sur les produits de luxe, les véhicules neufs et les carburants, sur les billets d’avion ou les transactions financières…

Les arbitrages à faire entre des priorités « concurrentes » seront difficiles. D’un côté, il s’agira d’investir massivement dans l’éducation et la formation professionnelle pour faire de la jeunesse africaine un moteur de croissance économique. Mais d’un autre côté, il faudra également construire et réformer les systèmes de santé et de protection sociale en vue de répondre aux besoins d’une population vieillissante plus nombreuse. En d’autres termes, c’est une gestion proactive du dividende démographique (soit la chance pour les pays qui connaissent un rajeunissement démographique de voir leur économie croître temporairement) qui pourra garantir une meilleure prise en compte des enjeux liés au vieillissement de la population.

Quels que soient les scénarios privilégiés pour la mise en œuvre de la protection sociale des seniors, il faudra recueillir et analyser des données sociodémographiques fiables et complètes. Or la question des statistiques démographiques reste un sujet d’inquiétude en Afrique. En effet, les insuffisances dans ce domaine ont des conséquences significatives sur le développement du continent.

Dans de nombreux pays africains, on constate une grande faiblesse des systèmes d’état civil insuffisamment financés et manquant de ressources humaines, un recours de plus en plus rare aux recensements, à la collecte et au traitement des données. De plus, comptabiliser les populations vivant dans des zones de conflit ou d’insécurité alimentaire reste particulièrement difficile, de même qu’identifier les causes de décès.

La capacité du financement de la protection sociale des personnes âgées, qui devrait reposer sur une vision stratégique et une volonté politique, reste problématique. Des solutions existent, qui vont de la mobilisation accrue des ressources nationales par l’impôt, et des actions innovantes dans les systèmes de collecte et de gestion, au soutien des partenaires internationaux sur des initiatives pilotes et des subventions ciblées et à l’inclusion du secteur informel dans des systèmes contributifs adaptés.

La problématique du vieillissement se présente en tout état de cause comme un révélateur des questionnements fondamentaux quant au développement de la plupart des pays africains.

En premier lieu, il s’agit de considérer dans quel modèle de croissance économique et de soutenabilité les pays du continent seront engagés lorsque les cohortes de personnes âgées auront augmenté. De plus, les politiques publiques liées au vieillissement devront aussi intégrer la nécessaire adaptation au dérèglement climatique dont on sait déjà qu’il touchera tout particulièrement le continent africain. Cela devra se faire via la mise en place de systèmes d’alerte propres aux personnes âgées, de pratiques de diagnostic des effets climatiques extrêmes sur les personnes vulnérables que sont les personnes âgées, de logements adaptés, de systèmes de veille et de divers systèmes d’entraide de proximité.

Troisièmement, la croissance d’une population de plus en plus âgée, en nombre sinon en pourcentage, aura-t-elle vraiment pu bénéficier d’un dividende démographique qui reste encore décalé et incertain dans la plupart des pays subsahariens – hors Afrique australe ? Sur ce point, l’expérience des pays « devanciers » d’Asie de l’Est et du Sud-Est, en particulier, ne semble plus être un exemple qu’il est possible (voire souhaitable vu leur coût environnemental) de suivre, notamment en matière d’investissements massifs dans les infrastructures de transport et d’énergie carbonée.

Pour les décideurs des pays d’Afrique subsaharienne ainsi que pour d’autres acteurs locaux (entreprises, organisations de la société civile), il est donc crucial d’anticiper le vieillissement programmé des populations. Or les pays développés ont historiquement vu leur économie se développer grâce à un modèle industriel et manufacturier où le salariat formel a été à la base de la construction des systèmes de protection sociale. De sorte que le défi actuel pour l’Afrique, face au vieillissement de sa population, est de penser des politiques publiques adaptées à un modèle économique qui repose encore très largement sur une économie « informelle ».

Afrique : repositionner les intérêts économiques Français

Afrique : repositionner les intérêts économiques Français

 

La France voit s’effriter ses positions commerciales en Afrique. En face, les sociétés chinoises, turques ou indiennes ne cessent de gagner du terrain, mais Paris reste le deuxième investisseur sur le continent, observe Marie de Vergès, dans sa chronique. Le président du Nigeria, Bola Tinubu, a beau avoir 72 ans, on aime le voir à Paris comme une figure du renouveau. Le visage d’un partenariat avec le continent africain fondé sur l’économie plutôt que les aspects politico-sécuritaires. Sa visite d’Etat fin novembre, en compagnie d’un aréopage d’hommes d’affaires, devait illustrer ce changement de logiciel prôné par l’Elysée.

par Marie de Vergès dans Le MondeLas, le raout a été largement éclipsé par la fin des accords de défense entre la France et le Tchad, annoncée au même moment, et sans préavis, par N’Djamena. Après les retraits forcés des troupes françaises au Mali, au Burkina Faso et au Niger, cette rupture unilatérale sonne comme un rappel de la perte d’influence de la France sur le continent. Un recul diplomatique et militaire qui va de pair, quoi que plaide Paris, avec un inexorable déclin commercial.

Les parts françaises du marché au sud du Sahara ont été divisées par deux en vingt ans. De 7 % en 2005, elles atteignaient seulement 3,2 % en 2023. La chute est particulièrement marquée dans certaines anciennes colonies, comme au Sénégal où les entreprises hexagonales ont perdu 12 points depuis 2006. Les exportations augmentent en volume, mais beaucoup moins que la taille du marché africain. En face, les sociétés chinoises, turques ou indiennes ne cessent de gagner du terrain.

Quelles leçons en tirer ?

D’abord, ne pas céder au fatalisme. Les statistiques douanières traduisent imparfaitement la réalité de la présence de la France qui, en capital accumulé, reste le deuxième investisseur en Afrique, derrière le Royaume-Uni. D’Orange à Danone, en passant par le fonds d’infrastructures Meridiam, de grands groupes ont des positions bien établies. Et développent des stratégies de croissance, comme en témoigne le rachat par Canal+ de l’opérateur audiovisuel sud-africain MultiChoice.

Mais, dans le même temps, des départs frappent les esprits. Celui des banques tricolores, par exemple, qui désertent les unes après les autres. Même la Société générale, longtemps si fière de son empreinte africaine, cède toutes ses filiales depuis un an et demi. En flux, les investissements français en Afrique sont d’ailleurs en baisse continue depuis plusieurs années.

Afrique-France, les raisons d’une débâcle

Afrique-France, les raisons d’une débâcle 

Après un probable départ des troupes françaises du Sénégal et du Tchad, Paris va voir sa présence militaire sur le continent être réduite à peau de chagrin. par  Antoine Malo dans « la Tribune ».

Une douche glaciale. À Paris, c’est l’effet qu’a eu l’annonce surprise de N’Djamena, jeudi, de vouloir rompre la coopération militaire avec la France. Depuis des décennies, le Tchad, où 1 000 soldats sont encore positionnés, constitue la pierre angulaire du dispositif sécuritaire français au Sahel. Il est devenu encore plus stratégique après les départs forcés du Mali, du Burkina Faso et du Niger.

L’annonce tchadienne est d’autant plus mal vécue que le président sénégalais a demandé au même moment le départ des dernières troupes françaises sur son sol. Surtout, elle survient quelques jours après la remise par Jean-Marie Bockel, envoyé personnel d’Emmanuel Macron sur le continent, d’un rapport sur la reconfiguration du dispositif militaire en Afrique.

Certes, le document, qui n’a pas été rendu public, prévoit de réduire à 300 hommes la présence française au Tchad. Mais dans l’esprit de l’ancien secrétaire d’État à la ­Coopération de Nicolas Sarkozy, N’Djamena restait une place forte. « Il faut rester, et bien sûr nous resterons », avait-il martelé en mars. Ce projet avait semble-t‑il l’assentiment du président tchadien, Mahamat Idriss Déby.

Comment expliquer la volte-face de ce dernier ? Au ministère des Armées, on se perd en conjectures : « C’est quoi ? un coup politique ?» s’y agaçait-on vendredi. Pour Gérard Gérold, chercheur associé à la Fondation pour la recherche stratégique, ce choix serait motivé par divers facteurs. « D’abord, le président Déby s’est tourné vers une coopération élargie à d’autres pays. Il s’est rendu à Moscou l’année dernière, et surtout il bénéficie d’un soutien financier des Émirats arabes unis. » Le mois dernier, Abou Dhabi a encore octroyé un prêt de 500 millions de dollars à N’Djamena.

Les dirigeants français n’ont toujours pas compris ce qui se passait en Afrique. Le prochain dossier, ce sera la disparition du Franc CFA .

Ensuite, le chef de l’État tchadien a sans doute peu goûté que la justice française ouvre une enquête pour « détournement de fonds publics » à son encontre pour l’achat de 900 000 euros d’articles de luxe à Paris. Surtout, les autorités tchadiennes peuvent douter du soutien militaire de leur partenaire historique. Ainsi, leurs soldats n’ont reçu aucune aide des troupes françaises lors de l’opération menée le mois dernier contre les islamistes de Boko Haram. Surtout, avec seulement 300 hommes répartis sur trois emprises, le plan Bockel ne permettait plus, comme ce fut le cas pendant des décennies, de protéger le régime d’éventuelles offensives rebelles.

Le résultat est donc ce nouveau camouflet pour la France en Afrique où, si le plan Bockel est suivi, la présence militaire se réduira comme peau de chagrin avec seulement, outre Djibouti, une centaine d’hommes au Gabon et un nombre identique en Côte d’Ivoire. Dans l’entourage de Sébastien Lecornu, on essaie pourtant de positiver la chose : « On est presque soulagés des décisions tchadienne et sénégalaise. Ça va nous permettre d’économiser 2 milliards d’euros qui pourront être mis ailleurs. »

Il n’en reste pas moins que l’influence de Paris sur le continent n’en finit plus de décroître. « On est de moins en moins respectés, de moins en moins crédibles », fusille un fin connaisseur de la région. Même constat chez Gérard Gerold : « Les dirigeants français n’ont toujours pas compris ce qui se passait en Afrique. » Et de prédire de nouvelles déconvenues. « Le prochain dossier, ce sera la disparition du Franc CFA », annonce-t-il.

 

International Afrique: La France virée aussi du Tchad !

International Afrique: La France virée aussi  du Tchad !

 

Sans doute aussi sous influence russe voire chinoise, la France se voit contrainte de quitter aussi le Tchad. Un peu comme au Niger, au Mali ou au Burkina Faso. Sans parler aussi du Sénégal qui opère discrètement son virage.

Progressivement des pays d’Afrique quitte l’ancien colonisateur pour de nouveaux au détriment du développement économique et de la démocratie. Les nouveaux colonisateurs ne se privent pas en effet d’arroser copieusement les responsables africains et de se payer sur la bête en exploitant outrageusement les ressources . De leur côté, les régimes autoritaires d’Afrique se satisfont d’une démocratie type russe qui dispense d’une épreuve électorale transparente. Les nouvelles oligarchies peuvent alors sera lire encore davantage les poches. Bref, les pays sous influence russe prennent  encore 50 ans de retard

En cause aussi l’incurie diplomatique de la France et les contradictions permanentes de Macron dont  la politique internationale est aussi indigente que sa politique intérieure.

Officiellement, «Ce n’est pas une rupture avec la France comme le Niger ou ailleurs», a néanmoins assuré à l’AFP le ministre tchadien joint par téléphone. «Cette décision, prise après une analyse approfondie, marque un tournant historique. En effet, après 66 ans de la proclamation de la république du Tchad, il est temps pour le Tchad d’affirmer sa souveraineté pleine et entière, et de redéfinir ses partenariats stratégiques selon les priorités nationales», a-t-il expliqué dans le communiqué.

 

Afrique: La France virée aussi du Tchad !

Afrique: La France virée aussi  du Tchad !

 

Sans doute aussi sous influence russe voire chinoise, la France se voit contrainte de quitter aussi le Tchad. Un peu comme au Niger, au Mali ou au Burkina Faso. Sans parler aussi du Sénégal qui opère discrètement son virage.

Progressivement des pays d’Afrique quitte l’ancien colonisateur pour de nouveaux au détriment du développement économique et de la démocratie. Les nouveaux colonisateurs ne se privent pas en effet d’arroser copieusement les responsables africains et de se payer sur la bête en exploitant outrageusement les ressources .

En cause aussi l’incurie diplomatique de la France et les contradictions permanentes de Macron dont  la politique internationale est aussi indigente que sa politique intérieure.

Officiellement, «Ce n’est pas une rupture avec la France comme le Niger ou ailleurs», a néanmoins assuré à l’AFP le ministre tchadien joint par téléphone. «Cette décision, prise après une analyse approfondie, marque un tournant historique. En effet, après 66 ans de la proclamation de la république du Tchad, il est temps pour le Tchad d’affirmer sa souveraineté pleine et entière, et de redéfinir ses partenariats stratégiques selon les priorités nationales», a-t-il expliqué dans le communiqué.

 

Afrique : la France a aussi quitté le Sénégal

Afrique : la France a aussi quitté le Sénégal

Nouvelle preuve de la perte d’influence de la France qui devra quitter le Sénégal après le Tchad et après le Burkina Faso, le Niger, et le Mali. À chaque fois les pays africains justifient le retrait français par la nécessité de défendre la souveraineté des pays. En réalité des pays de plus en plus sous influence russe et chinois qui ne prennent pas de gants avec les ressources locales qu’ils pillent et avec la démocratie qu’ils bafouent. De quoi retarder encore d’une bonne cinquantaine d’années le développement africain.

Le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye a donc indiqué jeudi dans un entretien avec l’AFP que la France allait devoir fermer ses bases militaires au Sénégal, dont la présence est incompatible selon lui avec la souveraineté de son pays. «Le Sénégal est un pays indépendant, c’est un pays souverain et la souveraineté ne s’accommode pas de la présence de bases militaires dans un pays souverain», a dit Bassirou Diomaye Faye dans cet entretien au palais présidentiel.

Afrique: La France quitte aussi le Tchad !

Afrique: La France quitte aussi le Tchad !

 

Sans doute aussi sous influence russe voire chinoise, la France se voit contrainte de quitter aussi le Tchad. Un peu comme au Niger, au Mali ou au Burkina Faso. Sans parler aussi du Sénégal qui opère discrètement son virage.

Progressivement des pays d’Afrique quitte l’ancien colonisateur pour de nouveaux au détriment du développement économique et de la démocratie. Les nouveaux colonisateurs ne se privent pas en effet d’arroser copieusement les responsables africains et de se payer sur la bête en exploitant outrageusement les ressources .

En cause aussi l’incurie diplomatique de la France et les contradictions permanentes de Macron dont  la politique internationale est aussi indigente que sa politique intérieure.

Officiellement, «Ce n’est pas une rupture avec la France comme le Niger ou ailleurs», a néanmoins assuré à l’AFP le ministre tchadien joint par téléphone. «Cette décision, prise après une analyse approfondie, marque un tournant historique. En effet, après 66 ans de la proclamation de la république du Tchad, il est temps pour le Tchad d’affirmer sa souveraineté pleine et entière, et de redéfinir ses partenariats stratégiques selon les priorités nationales», a-t-il expliqué dans le communiqué.

 

International-Érosion de l’influence française en Afrique

International-Érosion de l’influence française en Afrique 

Quel bilan tirer du XIXe Sommet de la Francophonie, qui s’est tenu début octobre en France, pour la première fois depuis 33 ans ? Malgré une union de façade des pays de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) réunis sous la bannière de la célébration de la langue française, cet événement a mis en lumière les tensions entre certains gouvernements africains et l’érosion de l’influence de Paris en Afrique. Le 19e sommet de la Francophonie, qui s’est tenu à Villers-Cotterêts les 4 et 5 octobre 2024, s’inscrit dans un contexte mondial marqué par des tensions géopolitiques fortes. Ce sommet, symboliquement organisé dans la ville où les ordonnances de 1539 ont fait du français une langue administrative, permet de réfléchir à la place de la Francophonie dans le monde contemporain. Cette édition visait à donner un nouvel élan à la langue française sur la scène internationale, un an après l’inauguration de la la Cité de la langue française par Emmanuel Macron, dans un format moins institutionnel et plus centré sur des priorités telles que la paix. En choisissant un lieu symbolique pour l’affirmation de la langue française, l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) revient aux fondamentaux du traité de Niamey du 20 mars 1970, avec la langue et la culture comme priorités. Ce traité, signé notamment par les pères fondateurs (Léopold Sédar Senghor, Hamani Diori, Habib Bourguiba et le prince Norodom Sihanouk), a créé l’Agence de coopération culturelle et technique (ACCT), posant les jalons de la future OIF.

 

par 

Associate Professor in French Studies (cultural studies), head of the Centre for Canadian Studies, Stockholm University dans The Conversation 

Les précédents sommets qui ont eu lieu dans l’Hexagone se sont déroulés il y a 33 et 38 ans (à Paris en 1986 et à Chaillot en 1991). Celui de 2024 permet à la France de réaffirmer sa position, à un moment où elle cherche à retrouver une place de premier plan dans un espace francophone en croissance avec 56 États membres, 34 membres observateurs et 5 gouvernements associés. Mais cela suffit-il à contrer l’érosion de son influence, notamment en Afrique ?

Depuis le sommet de Chaillot en 1991, le nombre de membres de l’OIF a doublé, atteignant 93 pays dont cinq viennent d’être entérinés par le sommet de Villers-Cotterêts. Si cette augmentation peut sembler significative, elle cache des réalités plus complexes. Les nouveaux membres ne sont pas tous des pays où le français est une langue dominante, mais souvent des États qui cherchent à renforcer leurs liens diplomatiques ou économiques avec l’Organisation, comme l’Angola ou le Chili.

Parmi les 93 pays membres, 33 proviennent du continent africain, soit environ le tiers, comme l’a souligné dans son discours l’actuelle secrétaire générale de la Francophonie, la Rwandaise Louise Mushikiwabo.

Cependant, au-delà de la simple participation des États africains à l’organisation, ce sommet met en évidence le déclin progressif de l’influence de la France en Afrique francophone, où Paris éprouve des difficultés à renouveler ses relations avec ses anciennes colonies, alors que les équilibres géopolitiques évoluent sur le continent.

Avec les récents coups d’État en Afrique de l’Ouest (Mali, Niger, Burkina Faso), Paris a perdu des partenaires stratégiques avec de nouveaux leaders sensibles aux thèses panafricanistes et soucieux de limiter l’influence de la France. Les panafricanismes rassemblent les idéologies qui valorisent une solidarité entre les peuples africains et afro-descendants.

Dans ce contexte, les récentes ouvertures diplomatiques à l’égard de la Guinée, sous Mamadi Doumbouya, témoignent des efforts de la France pour redéfinir ses relations avec ces pays connaissant une transition institutionnelle. En effet, la Guinée fait partie des pays qui ont connu un coup d’État, en 2021, et dont l’appartenance à l’OIF avait été suspendue il y a trois ans.

La fin de cette suspension montre un début de normalisation des rapports entre la Guinée, l’OIF et la France.

Ce sommet intervient par ailleurs au moment où les déclarations de Robert Bourgi dans la presse, à la suite de la publication de ses Mémoires, réveillent le fantôme de la Françafrique. Né à Dakar en 1945, cet avocat et conseiller politique franco-libanais, spécialiste des questions africaines, est un représentant controversé de la « Françafrique ». Il a joué un rôle clé pendant trente ans dans les relations entre la France et ses anciennes colonies africaines, succédant à Jacques Foccart.

Par rapport à cette situation, la secrétaire générale de la Francophonie, Louise Mushikiwabo a dénoncé les voix critiques qui voudraient confondre la Francophonie avec la Françafrique : « Non, la Francophonie n’est pas la Françafrique. Elle n’est pas seulement hexagonale ou africaine, elle est mondiale », a-t-elle ainsi affirmé dans son discours d’ouverture.

Avec l’affaiblissement de la position de Paris en Afrique, l’OIF pourrait paradoxalement tirer son épingle du jeu et se positionner comme acteur diplomatique multilatéral en Afrique.

Au-delà des rencontres organisées autour de la jeunesse, l’OIF tente d’ouvrir une voie pour pouvoir ménager un espace d’échanges entre les pays du Sud global et les pays du Nord. Cependant, cette vision utopique exagère le rôle de la Francophonie qui se trouve en prise avec un certain nombre de conflits.

En l’occurrence, le différend entre le Rwanda et la République Démocratique du Congo (RDC) illustre de manière spectaculaire cette dissonance. La RDC accuse notamment le Rwanda de vouloir la déstabiliser en soutenant la milice M23, à majorité tutsie, présente sur le territoire congolais. La France avait soutenu en 2018 la candidature de la Rwandaise Louise Mushikiwabo au poste de secrétaire générale,faisant les yeux doux au régime de Paul Kagamé et pensant ainsi solder la mémoire du génocide de 1994.

Le prix de cette alliance est la difficulté à faire vivre les valeurs de la Francophonie, qui sont le respect du droit et de la démocratie.

Cette perte de crédibilité de la France pourrait constituer une opportunité pour que l’OIF émerge comme cette plate-forme multilatérale nécessaire pour renforcer les liens entre les pays francophones. Il faut rappeler que le deuxième secrétaire général de l’organisation, le Sénégalais Abdou Diouf s’était au cours de son mandat (2003-2014) considérablement investi dans cette diplomatie multilatérale, avec notamment des actions de médiation en Afrique et une attention portée à la reconstruction des États après des conflits.

Louise Mushikiwabo s’inscrit plutôt dans une volonté de renforcer ces plates-formes de dialogue, dans l’héritage de l’action d’Abdou Diouf. Son objectif est de ramener les pays tels que le Mali, le Burkina Faso et le Niger vers la famille francophone en les faisant réadhérer à l’Organisation.

Il faudra alors démontrer que cette famille n’est plus dominée par la voix de la France, ce qui est mis en doute par beaucoup d’observateurs.

On a ici en réalité un paradoxe : l’accueil du sommet à Villers-Cotterêts donne davantage une image patrimoniale de la Francophonie, comme si finalement cette dernière était appelée à se recentrer sur la langue et la culture, au moment où les tensions géopolitiques croissent et les conflits locaux se multiplient.

Un sommet de la Francophonie devrait pourtant annoncer des ambitions géopolitiques en matière de démocratie, de coopération, de sécurité et de paix alors que ce dernier a révélé une prudence dans les expressions et une certaine prise de distance avec la France.

La Tunisie était en pleine élection présidentielle, accentuant son tournant autoritaire, le Sénégal, l’un des pays clés de la Francophonie historique, choisissait une représentation minimaliste avec notamment l’absence du nouveau président Bassirou Diomaye Faye officiellement pour des contraintes d’agenda après la participation à la 79ᵉ Assemblée générale des Nations-Unies.

Le sommet de Villers-Cotterêts reflète-t-il une volonté de recentrer la Francophonie sur la coopération linguistique, au détriment de ses ambitions géopolitiques ? Si tel est le cas, cet événement pourrait bien symboliser un repositionnement vers une Francophonie davantage axée sur la promotion de la langue et de la culture, tout en laissant des interrogations sur son influence politique à l’échelle internationale.

Quel rôle de la France en Afrique ?

Quel rôle de la France en Afrique ?

 

Face aux soubresauts mortifères récurrents dans la corne de l’Afrique élargie (Éthiopie, Erythrée, Somalie, Djibouti et Soudan), la France, pourtant membre permanent du Conseil de sécurité, est complètement absente sur le plan diplomatique à la résolution de ces conflits. Et pourtant elle pourrait renouer avec son passé en revisitant de fond en comble la vieille amitié entre Paris et Addis Abeba, qui date du général de Gaulle et du Négus. Par le groupe de réflexions Mars*.( dans la Tribune)

« On observera que la religion ne joue aucun rôle dans ces conflits, que ce soit au Soudan, où tous les protagonistes sont musulmans sunnites, ou en Éthiopie, où les ethnies amhara et tigréennes sont censées partager la même foi chrétienne orthodoxe »
Au commencement était le Nil. Le Nil était auprès des dieux, et le Nil était dieu. Si le grand fleuve africain est pour ainsi dire absent de la mythologie et de la cosmogonie de l’ancienne Égypte, c’est qu’il est en réalité, dans l’histoire des peuples qui le bordent, la divinité suprême, celle qui les nourrit généreusement et dont les terribles colères, qu’il sorte de son lit ou retourne à l’étiage, font leur effroi. Ces caractéristiques valent autant de nos jours que pour l’Antiquité la plus haute. C’est le propre d’une divinité éternelle. Cela fait près de soixante siècles que l’histoire des peuples que le Nil unit, de gré ou de force, dépendent de ses humeurs. Et quand les hommes s’aventurent à prétendre les contrôler, le Nil se venge et, tel Jupiter, rend fous ceux qu’il veut perdre.

C’est bien ce qui est en train de se passer sous nos yeux, aveuglés par la guerre en Ukraine et au Proche-Orient, et les bruits de bottes autour de Taïwan.

Difficile à vrai dire de résumer en quelques lignes les événements tragiques de ces dernières années dans le bassin du Nil. L’année 2011 n’est pas seulement celle des révolutions arabes et de la période de troubles qui a suivi, notamment en Égypte, qui a su en sortir au prix d’un coup de force militaire, et surtout au Yémen, qui ne parvient pas à sortir du temps des troubles. Certes, géographiquement, « l’Arabie heureuse » n’appartient pas au bassin du Nil. Mais historiquement, elle lui est liée depuis les temps antiques de la reine de Saba.

Et c’est aussi en 2011 que l’Éthiopie lance le GERD (Grand Ethiopian Renaissance Dam), projet de développement proprement « pharaonique » de barrage sur le Nil bleu, censé alimenter en électricité la moitié des quelque 120 millions d’Éthiopiens. Or le Nil bleu, qui prend sa source au cœur de l’Abyssinie, au lac Tana, lui-même alimenté par les multiples sources des hauts plateaux éthiopien, est le principal affluent du grand Nil qui sort de Khartoum, la capitale du Soudan édifiée au confluent du Nil bleu et du Nil blanc, fleuve déjà immense qui paresse depuis les grands lacs d’Afrique centrale où nul n’a jamais trouvé sa source, même Livingstone. Les divinités n’ont pas de nombril.

Aujourd’hui, fin 2024, le projet suscite une alliance de fait entre les voisins de l’Éthiopie (hormis le Kenya) parrainée par le régime égyptien, qui reproche à Addis Abeba une gestion trop peu inclusive de la richesse suprême qu’est l’eau du Nil. Et cette alliance n’entretient pas que des velléités pacifiques à l’encontre de l’Éthiopie. Comment en est-on arrivé là, au bord d’une nouvelle guerre interétatique, la première du siècle née d’un conflit lié à l’accès à la ressource en eau ?

En lançant le GERD (anagramme du DERG, la sinistre junte communiste qui succéda à l’empire du Négus de 1974 à 1991), les intentions du gouvernement d’Addis Abeba n’étaient pas purement orientées vers la prospérité de ses peuples. Usé par vingt années d’un pouvoir sans partage, le parti du Premier ministre Meles Zenawi, puis Haile Mariam Dessalegn, (le président fédéral n’a en Éthiopie qu’un rôle protocolaire), dominé par l’ethnie tigréenne, minoritaire, cherchait avant tout à se relégitimer face aux tendances centrifuges encouragées par un fédéralisme ethnique voulant rompre avec l’unitarisme de l’empire des Negus, historiquement dominé par l’ethnie amhara qui lui a donné notamment sa langue véhiculaire.

Arrivé en 2018 à l’issue d’une révolution de palais au sein du parti au pouvoir, le nouveau Premier ministre Abiy Ahmed, ancien officier de renseignement issu par son père de l’ethnie oromo (numériquement majoritaire mais historiquement dominée par les Amharas, l’ethnie de sa mère), a voulu marquer les esprits en mettant un terme au conflit territorial avec l’Érythrée qui durait depuis trop longtemps, recevant ainsi le prix Nobel de la Paix 2019. Fort de cette reconnaissance internationale, Abiy Ahmed a relancé son pays dans une politique impériale, en interne en réprimant les tendances centrifuges, et vers l’extérieur en poursuivant le projet GERD au mépris du droit international relatif au partage de la ressource en eau.

Il en est résulté en interne une guerre civile implacable contre l’ex-ethnie dominante tigréenne, et en politique étrangère la coalition de tous ses voisins inquiets du remplissage unilatéral de l’immense lac de barrage situé en amont de la frontière soudanaise. Et il n’est pas exclu que la rébellion tigréenne, réprimée avec une férocité incongrue de la part d’un lauréat du Nobel, ait été suscitée, encouragée, voire armée par les services de renseignement égyptiens, dont on connaît les capacités.

Cette coalition, en germe depuis trois ans, s’est cristallisée dans un sommet tripartite inédit qui s’est tenu le 11 octobre dernier à Asmara, capitale de l’Érythrée, pays théoriquement en paix avec l’Éthiopie depuis 2019 mais qui pourrait se joindre à une intervention des deux autres participants au sommet : l’Égypte et la Somalie, qui ont signé en août un accord militaire dont on voit sans peine contre qui il peut être dirigé.

Il est vrai que l’Éthiopie, immense pays enclavé à la recherche d’un accès à la mer, a pour le moins manqué de tact à l’égard de son voisin somalien en passant un accord commercial avec la province sécessionniste du Somaliland ayant pour objet les facilités portuaires de Berbera, le port de Djibouti étant engorgé et celui d’Assab toujours inaccessible. Et voici comment le bassin du Nil communique avec la mer Rouge et la péninsule arabique. Notons en passant que les facilités portuaires de Berbera sont contrôlées depuis 2016 par la société émirienne Dubai Ports (qui y a évincé le groupe français Bolloré). Or les EAU sont un acteur à part entière de la tragédie en cours.

Il est en effet notoire que les services émiriens parrainent la rébellion des paramilitaires du général Dogolo « Hemeti » qui déchire le Soudan depuis plus d’un an. Alliés à la junte militaire (parrainée par l’Égypte) qui a renversé en 2019 le régime d’Omar el-Béchir, longtemps allié de l’Iran puis des Frères musulmans (et donc du Qatar), les paramilitaires soudanais sont les héritiers des milices arabes (Janjawid et autres), que les massacres des populations non arabes du Darfour et du Sud-Soudan ont rendues tristement célèbres dans la décennie 2000.

Pour les éloigner autant que pour sceller dans le sang son renversement d’alliance au profit de l’Arabie saoudite de MBS, le régime Béchir les a ensuite envoyés combattre au Yémen contre la rébellion des Houthis, soutenus par ses anciens alliés iraniens, aux côtés des Émiriens et des Saoudiens dont ils constituaient l’essentiel de l’infanterie. Les paramilitaires en sont revenus considérablement aguerris et enrichis. Manipulés dans un premier temps par l’armée régulière contre un régime Béchir à bout de souffle, puis contre le pouvoir civil issu d’une révolution (relativement) pacifique, ils ont fini (avec l’aide des mercenaires russes de Wagner) par se retourner contre la junte (dont les chefs ont tous été formés dans les académies militaires égyptiennes) dans une guerre civile dont on ne voit ni le sens ni l’issue.

Il n’est donc pas exclu que les services égyptiens finissent par s’entendre avec les services émiriens (qui partagent une commune détestation des Frères musulmans) pour mettre fin à la guerre inter-soudanaise et réorienter contre le voisin éthiopien l’ardeur belliqueuse des paramilitaires soudanais (qui font la guerre depuis plus de 20 ans). Il reste en effet toujours quelques querelles territoriales à régler dans la zone frontalière que traverse le Nil bleu.

Affaiblie par la rébellion tigréenne qui a révélé les piètres capacités de son armée, pâle héritière de la puissante armée rouge du DERG, l’Éthiopie ne tiendrait sans doute pas longtemps contre ses ennemis coalisés. Or le temps n’est plus où le régime Zenawi était l’un des principaux points d’appuis américains en Afrique et il est peu probable que les Etats-Unis volent au secours d’un allié aussi controversé, quel que soit le locataire de la Maison Blanche. Il en va de même des Israéliens, traditionnellement proches des Éthiopiens (d’aucuns diraient depuis le roi Salomon) mais dont les services et les forces armées sont aujourd’hui orientés contre l’Iran et ses proxies. Or l’Iran, qui ne semble pas jouer de rôle majeur dans la guerre civile soudanaise, ne parraine aucun des acteurs de la tragédie en cours.

Il n’en va pas de même des autres puissances régionales que sont non seulement l’Égypte et les EAU, mais aussi l’Arabie saoudite et même la Turquie. Du côté saoudien, dans un geste de haute politique qui n’est pas sans rappeler le modèle gaullien, le prince héritier MBS a voulu sortir de la guerre au Yémen pour se consacrer à ses projets de développement du littoral de la mer Rouge. Et la guerre civile soudanaise, tout comme la domination houthie du littoral yéménite, n’y est en rien favorable. Quant aux Turcs, ils cherchent à renouer avec l’héritage ottoman, qui a contrôlé le Hedjaz jusqu’au Yémen jusqu’à l’avènement, précisément, des Saoud. Cela se traduit entre autres par l’intervention de mercenaires turcs aux côtés du gouvernement légal somalien, et par un rapprochement inattendu avec le régime égyptien tirant un trait sur la période Morsi.

On observera que la religion ne joue aucun rôle dans ces conflits, que ce soit au Soudan, où tous les protagonistes sont musulmans sunnites, ou en Éthiopie, où les ethnies amhara et tigréenne sont censées partager la même foi chrétienne orthodoxe. Cela prouve-t-il, aujourd’hui comme dans l’Antiquité la plus lointaine, que la divinité au-dessus des religions demeure le Nil ?

Mais, direz-vous, en quoi est-ce que ces histoires lointaines intéressent la France ? Le drapeau tricolore ne s’est plus trempé dans les eaux du Nil depuis Fachoda. Pourtant, notre pays garde encore des intérêts limitrophes de la région en cause : au Tchad, résigné à subir les soubresauts des massacres récurrents dans le Darfour voisin ; à Djibouti, morceau d’Éthiopie arraché sous notre Second empire à l’empire abyssin à l’occasion d’une de ses périodes d’anarchie tout aussi récurrentes.
La France, membre permanent du Conseil de sécurité, pourrait pourtant jouer dans la région un rôle diplomatique de tout premier plan du fait des bonnes relations qu’elle entretient, aujourd’hui comme historiquement, avec les principaux acteurs de la tragédie en cours. En suscitant une médiation permettant de parvenir à une solution négociée au problème du remplissage du GRED, notre pays préserverait l’Éthiopie d’une nouvelle déconfiture militaire tout en lui évitant de perdre la face.

La France renouerait ainsi avec la vieille amitié entre de Gaulle et le Négus, nouée dans les combats de la Libération. Elle se ferait pour longtemps une amie influente en Afrique (l’UA siège à Addis) sans pour autant se fâcher avec les autres parties au conflit, qui restent des partenaires voire des alliés. Ce serait pour notre pays un retour en Afrique par la grande porte après les échecs que l’on sait. Cela serait en outre cohérent avec notre stratégie pour l’indopacifique, que les soubresauts en Nouvelle-Calédonie n’aident pas à crédibiliser.

Quelle place de la France en Afrique et dans le monde
L’action diplomatique, non la diplomatie des poignées de main devant les caméras, mais celle, beaucoup plus efficace, qui emprunte des canaux discrets, voire secrets, ne nécessite pas de grands moyens budgétaires. Encore faudrait-il que notre pays renoue avec un destin, une vocation, ou plus simplement une stratégie. Toutes les puissances régionales en ont une, qu’elles mettent en œuvre avec application. Quelle est la grande stratégie de notre pays, au-delà des échéances électorales qui se succèdent à un rythme accéléré? Avons-nous décidé de sortir de l’Histoire ?

Il nous manque depuis trop longtemps une volonté, de la persévérance, et par-dessus tout, une vision et une compréhension de notre juste place dans le monde. Le beau projet du « Louvre Abu Dhabi » aurait-il vu le jour sans Champollion ? De Gaulle disait que derrière les victoires d’Alexandre se tenait Aristote. Il aurait pu ajouter que derrière les découvertes de Champollion se trouvait Bonaparte.

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* Le groupe Mars, constitué d’une trentaine de personnalités françaises issues d’horizons différents, des secteurs public et privé et du monde universitaire, se mobilise pour produire des analyses relatives aux enjeux concernant les intérêts stratégiques relatifs à l’industrie de défense et de sécurité et les choix technologiques et industriels qui sont à la base de la souveraineté de la France.
Le groupe de réflexions Mars*

Afrique- Rwanda : alerte virus de Marburg

Afrique- Rwanda : alerte virus de Marburg

Le virus de Marburg particulièrement mortel provoque une fièvre hémorragique similaire à Ebola. Le bilan, depuis l’annonce des premières infections à ce virus le 28 septembre, s’élève à 12 morts, des travailleurs médicaux pour la plupart. Selon le ministère de la Santé rwandais, quelque 41 cas d’infection ont été recensés. 

Avec un taux de mortalité pouvant aller jusqu’à 88%, ce virus très dangereux cause une forte fièvre souvent accompagnée d’hémorragies touchant plusieurs organes. Le virus de Marburg fait partie de la famille des filovirus, à laquelle appartient également le virus Ebola, qui a déjà causé plusieurs épidémies meurtrières en Afrique.

Politique-Afrique du Sud : recul de l’ANC

Politique-Afrique du Sud :  recul de l’ANC

Si la montée en puissance du parti de Jacob Zuma ( ancien de l’ANC) explique partiellement le revers du Congrès national africain aux élections générales du 29 mai, la politiste Marianne Séverin invite, dans une tribune au « Monde », à prendre en compte l’échec du parti de Nelson Mandela à faire advenir une Afrique du Sud socialement juste.

 

par Marianne Séverin, politiste, dans Le Monde


Les élections générales du 29 mai en Afrique du Sud ont été déclarées « free and fair » (« libres et justes »), par la Commission électorale indépendante, malgré la contestation des résultats par des partis d’opposition. Nous n’en attendions pas moins. Au lendemain du scrutin législatif (tenu lors des élections générales et provinciales), cette annonce nous montre que, quelles que soient les crises que peut traverser le pays, le peuple sud-africain dans son ensemble tient à la bonne tenue des processus électoraux. La démocratie sud-africaine, que l’on pouvait décrire encore récemment comme « adolescente », est donc désormais entrée dans une phase adulte, à la suite de la normalisation du contexte politique.

Conformément aux « prédictions » des instituts de sondage, des centres de recherche universitaires et de la presse sud-africaine libre, les élections ont vu le Congrès national africain [ANC, parti de centre gauche présidé par Nelson Mandela dans les années 1990] perdre sa majorité absolue. Alors qu’il totalisait 57 % des voix en 2019 (soit 230 sièges), il a, cette fois, rassemblé 40,2 % des voix (soit 159 sièges). Tenant pour certaine sa toute-puissance politique, l’ANC a ainsi été sommé de rendre des comptes sur ses défaillances. Privé de 71 sièges à l’Assemblée nationale, le parti n’a aujourd’hui pas d’autre choix que de négocier, s’il veut parvenir à créer une coalition cohérente pour une Afrique du Sud démocratique et stable. Les 58,64 % des électeurs qui se sont déplacés pour ce scrutin ont ainsi bouleversé le paysage politique sud-africain.

Politique- » La France en Afrique est devenue marginale

 

Politique- » La France en Afrique est devenue marginale »

  ».Depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2017, l’armée française s’est retirée du Mali, du Burkina Faso et du Niger. Journaliste d’investigation, Leslie Varenne publie un livre dans lequel elle retrace l’itinéraire et les décisions prises par le chef de l’État qui ont affaibli la voix de la France.

 

 

À noter que si les grandes décisions géopolitiques( opération militaire, soutien à des chefs d’Etat, dettes etc. ) ont contribué à la perte d’influence de la France le principal facteur explicatif est sans doute l’incapacité à aider au développement économique en comparaison par exemple aux Chinois qui discrètement mais aussi à leur profit interviennent surtout dans le domaine économique. NDLR

 

Le JDD. Vous signez « Emmanuel au Sahel, itinéraire d’une défaite » avec les éditions Max Milo. Quel bilan de l’action d’Emmanuel Macron au Sahel ?

 Leslie Varenne. C’est un bilan catastrophique. Dans le livre, je retrace toutes les étapes qui nous ont conduits à cet échec. La faute remonte à Nicolas Sarkozy avec la Libye et la Côte d’Ivoire. Elle remonte aussi à François Hollande. Si l’opération Serval lancée au Mali a été un succès, sa transformation en Barkhane est un échec complet. Emmanuel Macron hérite de trente ans de bêtises de la France sur le continent africain. Il ne connaît pas l’Afrique et n’en prend pas la mesure quand il arrive à l’Élysée. Aujourd’hui, l’influence de la France en Afrique est devenue marginale.

 » La France en Afrique est devenue marginale « 

 » La France en Afrique est devenue marginale « 

. Depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2017, l’armée française s’est retirée du Mali, du Burkina Faso et du Niger. Journaliste d’investigation, Leslie Varenne publie un livre dans lequel elle retrace l’itinéraire et les décisions prises par le chef de l’État qui ont affaibli la voix de la France.

 

Le JDD. Vous signez « Emmanuel au Sahel, itinéraire d’une défaite » avec les éditions Max Milo. Quel bilan de l’action d’Emmanuel Macron au Sahel ?

 Leslie Varenne. C’est un bilan catastrophique. Dans le livre, je retrace toutes les étapes qui nous ont conduits à cet échec. La faute remonte à Nicolas Sarkozy avec la Libye et la Côte d’Ivoire. Elle remonte aussi à François Hollande. Si l’opération Serval lancée au Mali a été un succès, sa transformation en Barkhane est un échec complet. Emmanuel Macron hérite de trente ans de bêtises de la France sur le continent africain. Il ne connaît pas l’Afrique et n’en prend pas la mesure quand il arrive à l’Élysée. Aujourd’hui, l’influence de la France en Afrique est devenue marginale.
 

Afrique-Sénégal, Côte d’Ivoire: deux situations contrastées

Afrique-Sénégal, Côte d’Ivoire: deux situations contrastées 

 L’élection du nouveau président sénégalais Bassirou Diomaye Faye met un point final à la grande tension politique intérieure, et à l’imbroglio pré-électoral. Mais le projet de sortie du franc CFA et la très probable renégociation des accords militaires risquent de générer un climat politique et économique difficile avec la France. En comparaison, la situation en Côte d’Ivoire, sans être exclue de difficultés, est plus apaisée. Elle a permis à ce pays d’obtenir de très bons résultats économiques, ces 10 dernières années. Par Gérard Vespierre (*) président de Strategic Conseils dans « La Tribune ».

Le véritable leader de l’opposition sénégalaise, depuis des années, Osmane Sonko, avait été placé dans l’impossibilité de se présenter par la justice sénégalaise. Il a donc mené campagne en faveur de Bassirou Diomaye Faye. Le slogan électoral « Faye c’est Sonko » résumait avec force cette stratégie, gardant intact le leadership de l’opposant historique. La nomination de Sonko comme Premier ministre confirme l’importance du pouvoir qui sera le sien. On est ainsi proche d’une « inversion institutionnelle » entre président et Premier ministre. Comment dans le temps, les institutions et le pays vivront cette situation ? Inconnue non négligeable….

La présence à la cérémonie d’investiture du nouveau président des représentants des régimes putschistes guinéen, burkinabé et malien illustrent la volonté de rupture des futurs choix politiques du Sénégal.

Le nouveau président a fait du projet de sortie du franc CFA un argument de campagne, s’inscrivant ainsi dans le courant anti-français de la région sahélienne.

Un tel choix politique et économique, pour tous les pays utilisant le Franc CFA, est en réflexion depuis 2019, autour d’une monnaie dénommée Eco. Ce projet regroupe 15 pays, et 350 millions d’habitants de l’Afrique de l’Ouest. La présence du Nigéria, et ses 225 millions de citoyens constituerait un atout, mais aussi un problème de négociation pour les 14 autres membres.

Le nouveau président a déjà signifié son intention de « revisiter » le partenariat avec la France, et donc sa présence militaire. Cette « revisite » s’appliquera aux accords déjà conclus avec d’autres pays, concernant les accords de pêche, et dans les très prometteurs secteurs pétroliers et gaziers. La crédibilité contractuelle du Sénégal en sera donc affectée. Les incertitudes politiques ont impacté les résultats économiques du pays.

En 2022, la croissance économique s’est ralentie à 4,2% en raison des pressions inflationnistes, et des conditions pluviométriques défavorables à son agriculture. Elle a diminué de 2% par rapport à 2021 par la baisse de l’investissement privé, des exportations, et de la production industrielle.

Cette situation défavorable a poussé la dette publique à 76,6% du PIB. Les recettes attendues des hydrocarbures devraient permettre de réduire le déficit budgétaire à 3% du PIB. Mais, la volonté de modifier les accords déjà signés pourraient retarder l’arrivée des recettes gazières.

La Côte d’Ivoire montre un profil différent. Elle affiche, depuis plus de 10 ans, un des taux de croissance les plus élevés et soutenus des pays de l’Afrique subsaharienne. Sa croissance a atteint 6,7% en 2022, grâce aux investissements publics et une forte consommation intérieure. Sa population proche de 30 millions d’habitants, et 50% supérieure à celle du Sénégal, contribue à cette tendance.

Au cours des 12 dernières années, la Côte d’Ivoire a réduit sa dette de 69% à 58% du PIB, tendance suffisamment rare pour être notée et mise en avant. Cette diminution s’appuie sur un fort taux d’investissements, atteignant 24% du budget 2024. L’organisation réussie, en janvier dernier, de la Coupe d’Afrique des Nations, avec stades et infrastructures dédiées (transport, hôtellerie, sécurité) en est une très visible illustration.

Les analyses de viabilité de la dette (AVD) menées sur toute cette période, ainsi que les dernières conclusions du FMI de décembre 2023, permettent de « classer comme modéré » le risque de surendettement de la Côte d’Ivoire.

 Outre ce niveau de risque, appréciable, il existe une véritable stratégie de gestion de la dette à moyen terme (SDMT), les emprunts 2023-2026 étant prévus à 55% locaux. En corollaire, le risque de change est réellement maîtrisé, puisque 88,5% du montant de la dette n’est pas sujette aux fluctuations de change.
La Côte d’Ivoire a organisé, il y a 6 mois, des élections municipales et régionales. Elles ont été remportées confortablement par le parti au pouvoir (RHDP) en place depuis 2011. Autre contraste avec le proche voisin sénégalais.

Cette double élection avait valeur de test en vue du scrutin présidentiel de l’an prochain. Elle fut saluée comme inclusive et paisible par l’ensemble des observateurs. Depuis la résolution des tensions liées au scrutin présidentiel de 2020, et la réélection du président Ouattara, la Côte d’Ivoire connaît stabilité politique et sociale. Le pays doit cependant faire face à un défi humanitaire dans sa région nord, frontalière avec le Burkina Fasso, en raison du flux de réfugiés fuyant les violences djihadistes.

La situation est donc contrastée entre ces deux pays, tous deux en relation étroite avec la France, dans une région fortement agitée d’un point de vue politique, sécuritaire et économique, et où le rôle de notre pays est fortement contesté.

L’apaisement politique, et une saine gestion économique, orientée sur l’investissement dans la transformation des ressources, et la création des nécessaires infrastructures constituent les bases du modèle de développement attendu par les populations.

La Côte d’Ivoire semble correspondre, au plus près, à cette attente.

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(*) diplômé de l’ISC Paris, DEA Finances Dauphine PSL, Fondateur du média web : www.le-monde-decrypte.com  Chroniqueur géopolitique sur IdFM 98.0

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