Grands projets : respecter la démocratie ou les activistes
L’opposition au projet de liaison ferroviaire Lyon-Turin témoigne de cette tendance française à sacrifier des grands projets stratégiques et d’intérêt général sous la pression de quelques activistes. Dans le pays, plusieurs de ces projets paient les frais de militants minoritaires dans l’opinion et déconnectés des besoins locaux et des enjeux globaux, qu’ils soient économiques ou environnementaux. Par Hervé Guyader, avocat au barreau de Paris, docteur en Droit, président du Comité français pour le droit du commerce international (CFDCI).
Il faut reconnaître que la France s’est faite spécialiste de ces activistes forcenés adeptes d’une décroissance totale, dont l’opposition systématique à des projets locaux a des conséquences délétères au niveau global.
Il est donc peu surprenant de voir la mairie de Paris décider, sous la pression d’une minorité d’écologistes étrangère au quartier de la gare du Nord, d’une volte-face au regard du projet StatioNord de refonte de la gare du Nord en septembre dernier, porté par la foncière Ceetrus, qu’elle avait auparavant soutenu. L’idée était pourtant ambitieuse et promesse d’une belle amélioration pour les voyageurs autant que pour les riverains. Paris va en effet accueillir deux évènements considérables dans les années à venir : la Coupe du monde de Rugby en 2023 et les Jeux Olympiques en 2024, qui devraient drainer des dizaines, voire des milliers de personnes. Quand l’on sait que la Gare du nord est la plus fréquentée d’Europe et que l’on constate le niveau de délinquance qui l’entoure, déploré par les Franciliens eux-mêmes dans les différentes études d’opinion, personne n’oserait contester qu’il est urgent de débuter des travaux de modernisation afin de l’aligner sur les meilleurs standards internationaux. En premier lieu, ceux de la gare de Saint Pancras, à Londres. Le statut de Paris exige d’en faire un phare attractif, éblouissant et non une balise signalant le danger, ce qu’elle est devenue. Nul doute que le remplacement du projet initial par un plan a minima limité à quelques ajustements cosmétiques ne devrait pas régler les problèmes endémiques de la gare et du quartier.
La mairie de Paris se veut le Savonarole de l’écologie et refuse pourtant ce projet d’amélioration de sa plus grande gare. Dans le même temps, la Mairie de Pairs a longtemps soutenu, avant d’y renoncer, l’abattage de plusieurs dizaines d’arbres sur le Champs de Mars pour dégager de l’espace destiné à des commerces. C’est un paradoxe à avoir mené des politiques coercitives contre les automobilistes, tout en sanctionnant le train, censé être son alternative écologiquement la plus viable. Un même destin pourrait toucher le projet de liaison ferroviaire transalpine Lyon-Turin, entre la France et l’Italie, dont la vocation originelle est et demeure le report modal de l’avion, de la voiture et des camions vers le fret maritime et ferroviaire. Sa mise en œuvre prévisionnelle n’est, au mieux, que pour 2030, alors même que le projet a été déclaré d’utilité publique par décret du 23 août 2013 et décidé en 1994. De mêmes types d’oppositions touchent aussi, de manière plus marginale, les projets LGV Bordeaux-Dax et LGV Bordeaux-Toulouse.
Retrouver le sens de la concertation apaisée
La France a pourtant connu des heures de gloire où ses infrastructures la plaçaient au sommet de la modernité. Qu’auraient été le Pont de Normandie et le Pont de Millau s’ils avaient eu à subir le courroux que subissent des projets actuels ? Ils ont pourtant réussi à désenclaver des territoires entiers et favorisé des économies de carburant considérables -et limité des émissions de gaz à effet de serre- au vu des kilomètres de contournement épargnés. Et que dire du Zoo de Beauval et du Parc Disneyland Paris, deux réussites magnifiques, qui n’auraient pas été possibles si un activiste avait pu déceler la présence d’une mouche à défendre. Rappelez-vous qu’à Strasbourg, une élue écologiste avait défrayé la chronique en déclarant vouloir sauvegarder les rats et autres punaises de lit. Personne n’a jamais compris les fondements de cette idée étrange.
Les méthodes de ces minorités activistes sont bien connues. La première est de multiplier les procédures judiciaires destinées à contester les autorisations administratives d’une part pour faire traîner en longueur le projet, dont l’avancement est suspendu à chaque étape. Si le droit au recours est une caractéristique essentielle de l’État de droit, l’on peut déplorer que ceux qui s’en servent le font de manière parasitaire et visent uniquement l’effet suspensif qui lui est lié. Le Projet de Center Parcs dans la forêt de Roybon (Isère) en a ainsi fait les frais en 2020, alors même qu’il promettait la création de 700 emplois et des retombées financières pour la commune. L’autre méthode est l’occupation du terrain par l’implantation d’une « Zone à défendre » (ZAD), dont l’expulsion, qui doit être décidée par la justice, est systématiquement vectrice de violences. En fin de compte, les premières victimes de ces activistes sont les territoires, privés de projets économique ou de mobilité, mais aussi le pays tout entier, qui perd en attractivité dans ce domaine.
L’on devrait pourtant se réjouir que, dans le domaine des projets à impact, la France dispose d’un processus transparent. La participation du public est ainsi garantie à travers la concertation née du débat public et la mesure des conséquences possibles du projet l’est à travers les études d’impact, destinées à saisir les éventuelles conséquences environnementales d’un projet et définir les mesures conservatoires, compensatoires et restauratoires éventuellement nécessaires.
Quelques activistes écologistes ultra minoritaires ne doivent pas pouvoir mettre en péril des projets aussi indispensables que le centre d’enfouissement pour les déchets nucléaires CIGEO de Bure, la rénovation de la Gare du nord ou encore la liaison ferroviaire Lyon-Turin qui a franchi avec succès les innombrables étapes juridiques. Enquêtes publiques comme recours contentieux ont été purgés au bénéfice d’un accueil enthousiaste du projet. Les écolos n’en désarment pourtant pas. Face à ces minorités activistes minoritaires, il est temps que la démocratie retrouve sa fonction et que la majorité qui s’exprime l’emporte. L’écologie ne doit pas tuer l’homme, elle doit le protéger.