» la guerre contre Daech est presque achevée »(Sirwan Barzani )
Sirwan Barzani, général de brigade peshmerga considère que la guerre est bientôt finie, évoque les combats qu’il reste à mener et parle de l’avenir politique du Kurdistan qu’il souhaite voir indépendant. Dans une interview au JDD.
A la faveur de l’offensive sur Mossoul, les peshmergas ont conquis de nouveaux territoires. Vous avez établi dans ces zones de solides lignes de défense. Peut-on les considérer comme les nouvelles frontières du Kurdistan?
Bien sûr qu’il faut les considérer comme telles. D’ailleurs, ce ne sont pas de nouvelles frontières mais plutôt un retour aux frontières réelles et historiques du Kurdistan. Cela ne concerne pas seulement les zones proches de Mossoul. Dans les autres territoires où nous sommes maintenant implantés, nous allons creuser des tranchées identiques. Nous devons le faire pour garantir la sécurité de notre peuple et du Kurdistan car on ne sait jamais ce qu’il peut se passer après que Daech sera défait. Qui gouvernera Mossoul? Un autre Daech va-t-il apparaître? On ne veut pas voir le même scénario se répéter sur notre terre.
Mais Bagdad pourrait remettre en question ces nouvelles frontières…
Il faut effectivement que l’on discute avec Bagdad sur ce sujet. Il doit même faire l’objet d’un référendum dans le futur. Mais pour l’instant, nous nous devons de protéger ces territoires.
L’offensive sur Mossoul a-t-elle permis de réchauffer les relations entre le Kurdistan et Bagdad?
Tout à fait. C’est même la première fois dans l’histoire que l’armée irakienne et les peshmergas combattent côte à côte. Notre président et des délégations du Kurdistan sont aussi allés auparavant à Bagdad, où il y a eu une série de rencontres très fructueuses. Nous espérons qu’après Daech et la reprise de Mossoul, nous parvenions ensemble à un accord satisfaisant.
Quelles ont été la teneur des discussions à Bagdad et à quoi aspirez-vous?
D’abord nous avons bien sûr discuté de la nécessaire coordination de nos forces pour lancer cette opération conjointe. Ensuite, nous avons évoqué notre future indépendance. Bagdad nous a répondu que c’était un sujet qui pouvait être débattu. Que le gouvernement irakien accepte officiellement de discuter d’une possible division du pays est quelque chose de nouveau pour nous et cela nous semble très positif. Nous avons aussi envisagé la gouvernance de Mossoul et de sa région quand Daech en aura été chassé.
Pourquoi vouloir la division de l’Irak? Un système fédéral ne serait-il pas préférable?
L’Irak est aujourd’hui comme un mauvais mariage et donc il n’y a qu’une solution pour s’en sortir : le divorce. Si le pays n’est pas divisé alors un nouvel Etat islamique réapparaîtra, c’est certain. Et nous, les Kurdes, nous ne voulons plus de guerre, nous sommes fatigués. Quant au fédéralisme, les mentalités sont telles en Irak qu’il est impossible que cela fonctionne.
La guerre contre l’Etat islamique est-elle finie pour les Peshmergas?
Non, pas complètement. Il ne faut pas oublier que Daech est le groupe terroriste le plus puissant du monde. Mais s’il l’on considère seulement la pression qu’il exerce sur le territoire du Kurdistan, on peut dire que 97% de la guerre est achevée. Il reste simplement des zones où nous attendons les troupes irakiennes pour intervenir, par exemple dans la région Hawija et certaines zones à l’est, au sud et au sud-ouest de Kirkouk. Mais cela ne se déroulera sans doute qu’après la bataille de Mossoul.
A Hawija, vous allez combattre aux côtés des milices chiites des Unités de la Mobilisation populaire (UMP). Vos relations sont pourtant tendues…
Effectivement, nous sommes censés avancer du nord vers le sud tandis que les Hachd al-Chaabi (UMP) avanceront du sud vers le nord. L’armée irakienne doit elle aussi participer, en attaquant par l’est. Travailler avec les UMP ne nous pose pas de problème. Nous nous coordonnons à travers Bagdad et avons tenu des réunions récemment à Kirkouk pour parler du sujet. Et puis ces milices ont depuis cette semaine un statut officiel à Bagdad, non (ironique)? Quelles différences y-a-t-il entre les milices chiites et certaines divisions de l’armée irakienne? Je n’en vois pas vraiment. Certaines de ces divisions sont même dirigées par des commandants de Hachd al-Chaabi.
L’offensive sur Mossoul a été fortement ralentie ces dernières semaines. Comprenez-vous pourquoi?
Ce n’est pas vrai. La Golden division (troupes d’élite du contre-terrorisme) fait du bon travail et avance plutôt bien à l’est. Après, ils sont les seuls à être entrés dans la ville. Et c’est ce que je ne comprends pas : pourquoi les autres divisions de l’armée irakienne ne sont-elles pas toutes autour de la ville elles aussi? Au sud, par exemple, ils sont encore à 10 km de Mossoul. Ce n’était pas le plan initial qui prévoyait que la ville serait d’abord totalement encerclée puis attaquée sur différents fronts.