Taxe carbone : il faut une acceptabilité sociale
Ce qu’expliquent dans la Tribune Christian Perthuis et Pierre-André Jouvet deux universitaires qui notons le adhèrent à la religion de la régulation par les prix pour des enjeux sociétaux. (Le fameux signal prix) Extrait :
« En économie, le rôle essentiel d’une taxe est « d’internaliser les externalités » pour modifier les choix des ménages comme des entreprises. En rendant relativement plus cher un bien par rapport à un autre, la taxe permet de diminuer l’utilisation du bien taxé et d’orienter les consommations vers un bien réputé plus souhaitable socialement. Dans ces conditions, la taxe remplie parfaitement sa fonction d’incitation. Mais si nous sommes face à un bien dont la consommation est incompressible, autrement dit qui ne peut pas être réduite car il n’y a pas de substitut accessible pour les ménages concernés, alors la taxe s’apparente à une rente prélevée par la puissance publique. Si en plus, cette taxe vient s’additionner aux prélèvements existants alors, il ne faut pas s’étonner d’un manque cruel de consentement à l’impôt ! . L’idée initiale, lors de l’introduction de la taxe carbone en 2014, était de compenser l’apparition de cette taxe environnementale par une baisse proportionnelle des autres prélèvements, et notamment de ceux ayant les effets les plus pénalisant pour l’économie. Il s’agissait donc de basculer vers une fiscalité verte favorisant la transition écologique, tout en veillant à ne pas augmenter le montant du prélèvement fiscal total. La difficulté restant à résoudre est que les ménages payant la nouvelle taxe et ceux bénéficiant de la réduction proportionnelle ne sont pas forcément les mêmes. C’est à ce stade qu’apparaît la nécessité de mettre en place des politiques de compensation et d’accompagnement à court terme. A plus long terme, la possibilité d’avoir des biens de substitution, accessibles à moindre coût par rapport à ceux subissant la taxation, grâce aux efforts de recherche et développement, doit permettre de supprimer peu à peu les compensations. Mettre notre économie sur une trajectoire visant la neutralité carbone en 2050 nécessite de multiples changements de comportements. La politique fiscale est dans ce cas un instrument efficace. Oublier les conditions d’acceptabilité sociale de cette politique fiscale risque de conduire à des reculs face à l’incompréhension des citoyens et, demain, à des trajectoires d’émission de CO2 qui ne nous éloignent de nos objectifs climatiques.
Pierre-André Jouvet est président de l’Université Paris-Lumière et Christian de Perthuis professeur d’économie à l’Université Paris-Dauphine et fondateur de la chaire Economie du climat.