Afrique : » Bolloré a usurpé des droits de propriété » (Rocard)
La société Geftarail soutenue par Rocard a déposé, le 5 novembre, une requête devant la Cour Internationale d’Arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale pour demander l’arrêt immédiat des travaux, qui ont démarré au Niger et au Bénin. En effet, cette société française a monté un autre projet, soutenu par l’ex Premier Ministre Michel Rocard, et signé un accord avec quatre Etats africains pour le mettre en œuvre. La requête, déposée par le cabinet d’avocats parisien Betto Seraglini et que Challenges a pu consulter, détaille les contrats signés par Geftarail. L’affaire est ancienne. C’est en 1999 que le Bénin, le Burkina Faso et le Niger, rejoints ensuite par le Togo, ont confié à cette société d’ingénierie « la mise en place d’une structure juridique concessionnaire chargée de la réalisation et de l’exploitation du réseau ferroviaire interconnecté ». Puis, en 2002, Geftarail et ces Etats ont créé Africarail, contrôlée à 90% par la société française, une entité qui a obtenu « le droit de construire le long du tracé de l’axe ferroviaire entre les villes de Kaya (Burkina Faso), Niamey (Niger) et Parakou (Bénin) ». Depuis, Africarail a cherché à financer son projet, qu’elle avait chiffré à 10 milliards d’euros. En 2011, un comité de pilotage « ferroviaire et minier » a été créé à Bercy, présidé par Michel Rocard et associant des groupes français -dont Bolloré- pour réunir les fonds. Sans succès. Quatre ans plus tard, Vincent Bolloré vient de lancer seul ce projet pharaonique de 3.000 kilomètres, qui prévoit la construction de 1.170 kilomètres de voie, le reste étant à réhabiliter. Dans leur requête, les plaignants dénoncent la décision du Niger et du Bénin « d’autoriser le groupe Bolloré à construire et exploiter une partie du chemin de fer du projet Africarail, en violation des droits concédés ». Ils demandent une astreinte de 50.000 euros par jour de retard dans « l’exécution des mesures provisoires et conservatoires ordonnées par le Tribunal Arbitral », soit la suspension des travaux qu’ils espèrent obtenir. Cette contestation est vivement soutenue par Michel Rocard. « Vincent Bolloré a usurpé les droits de propriété intellectuelle. Il viole des accords qui ont été passés avec les Etats africains. C’est un délit », nous confie dans ses bureaux parisiens l’ex-locataire de Matignon, 85 ans, qui a alerté François Hollande : « J’ai dit au président que la cérémonie de signature du contrat entre le Bénin, le Niger et le groupe Bolloré, à laquelle il devait participer (début juillet dernier, Ndlr), risquait d’être perturbée par les contentieux sur ce dossier », nous confie Rocard. Côté Bolloré, on dément. Il n’a jamais été question d’associer le chef de l’Etat français à la signature de la convention avec le Bénin et du Niger, qui a finalement été signée le 13 août. « Si des engagements ont été pris préalablement par les Etats, le Groupe Bolloré n’est pas directement concerné par cette procédure », affirme un porte-parole du groupe. L’autre argument avancé par l’industriel breton, c’est sa capacité à mener à bien un chantier historique. « C’est un projet majeur en Afrique de l’Ouest. Historiquement il date de 1904, une partie de la boucle ferroviaire a été réalisée et s’est arrêtée dans les années 30, relève Ange Mancini, conseiller de Vincent Bolloré, qui supervise la construction de la boucle ferroviaire. Il y a eu jusqu’alors beaucoup d’études portant sur les projets de réhabilitation du réseau existant et la construction de nouveaux tronçons, mais elles n’ont jamais débouché. Chez Bolloré, nous avons montré que l’on fait les choses et surtout on investit sur fonds propres ». N’empêche, cette procédure pourrait perturber ce méga projet. Vincent Bolloré a prévu de faire un appel au marché au printemps prochain, en introduisant à la Bourse de Paris une société visant à financer une partie des 2,5 milliards de travaux. Les investisseurs viendront-ils s’il y a un risque juridique ?( info Challenges)