Des taux de réussite à 95 % et plus vont tuer le Bac
L’augmentation globale des notes a abouti à un taux record de réussite peu compatible avec la restauration de la valeur du baccalauréat, pourtant un des objectifs de sa réforme. ( papier du Monde)
Analyse.
La réforme du baccalauréat, annoncée au début de 2018 par Jean-Michel Blanquer, alors ministre de l’éducation nationale, poursuivait plusieurs objectifs. Le premier était la « reconquête du mois de juin » permise, espérait-on, par la simplification de l’examen. Le deuxième objectif, sans doute le plus ambitieux, était d’améliorer le « moins trois, plus trois », c’est-à-dire la transition entre l’enseignement secondaire (trois ans avant le bac) et l’université (trois ans après). Le baccalauréat devait être plus « tourné » vers le supérieur, dont il est officiellement le premier diplôme. La prise en compte des notes de spécialité dans Parcoursup devait y concourir. Le dernier objectif était « la restauration de la valeur de l’examen ».
Sur le premier objectif, le résultat est limité : entre 30 % et 40 % des élèves de collège et de lycée ont été libérés bien avant la date officielle du 7 juillet, selon le syndicat SNES-FSU. Sur les deux derniers points, la réforme du baccalauréat s’est pris les pieds dans le tapis : l’inflation généralisée des notes, sous l’effet combiné de l’introduction du contrôle continu pour 40 % de la note finale, du Covid-19 et de Parcoursup, a abouti à un taux record de réussite peu compatible avec la « restauration » de sa valeur.
En 2020, il s’agissait d’éviter le crash collectif d’une cohorte d’élèves à peine sortie de confinement. En l’absence de copies d’examen, les bulletins scolaires – forcément disparates – ont été harmonisés en masse, toujours à la hausse. Un an plus tard, alors que quelques épreuves avaient pu se tenir, la bienveillance est restée de mise et le taux de réussite au bac général s’est stabilisé au-dessus de 95 %.
Le taux d’admis pour 2022 n’est pas encore connu. Mais sur le terrain, l’inflation des notes semble parfois irréversible. Une partie des enseignants considère qu’il ne lui revient pas de limiter l’avenir de ses élèves, alors que le dossier scolaire des deux dernières années de scolarité compte dans Parcoursup. Les notes aux épreuves de spécialité de la mi-mai, elles, ont aussi, semble-t-il, été harmonisées à la hausse pour éviter de pérenniser des réputations de « spécialité difficile ».
Quant à l’effet Covid-19, il laisse des traces même s’il devrait s’estomper avec le temps. Acceptera-t-on, d’ici deux ou trois ans, alors que les candidats marqués par la pandémie ne seront plus là, de faire redescendre le taux d’admission de cinq points ?
Le système français, friand de concours en tout genre à l’aune desquels il aime mesurer son attachement au mérite républicain, pourrait trouver ici l’occasion de faire son aggiornamento. En effet, nul n’a besoin que d’autres aient échoué pour donner de la valeur à ce qu’il a réussi.