Brexit : « pour un accord » (L’économiste allemand Marcel Fratzscher )
L’économiste allemand Marcel Fratzscher estime, dans sa chronique, que la priorité doit être donnée à un accord à l’amiable avec Londres. Un point de vue assez partagée en Allemagne qui veut sauver ses échanges avec le Royaume-Uni
Chronique.
Quand allons-nous enfin savoir si un accord sur le Brexit est possible ou non ? Quelle que soit la décision, elle aura des implications importantes à long terme pour l’Europe, non seulement en matière de commerce et de réglementation commune, mais également sur la place que l’Union européenne (UE) va tenir dans le monde.
Même si un Brexit sans accord risque de faire de gros dégâts sur les chaînes d’approvisionnement dans les mois qui viennent, les coûts politiques, sociaux et stratégiques à venir sont beaucoup plus importants. Pour être en mesure de défendre ses intérêts vis-à-vis de la Chine et des Etats-Unis, l’UE doit maintenir une relation solide avec le Royaume-Uni.
Un Brexit sans accord priverait l’Europe des fondations de ses relations futures avec le Royaume-Uni. L’objectif doit être d’établir un partenariat fort à long terme, qui respecte la souveraineté du Royaume-Uni et donne à chaque partie suffisamment de marge de manœuvre pour défendre ses intérêts.
Il est tout aussi important pour l’UE que pour le Royaume-Uni de bâtir une relation forte, qui permette de parvenir à une prospérité mutuelle. La Grande-Bretagne a beaucoup à offrir à l’Europe, précisément dans des domaines où cette dernière est démunie. Par exemple, en tant que seul centre financier mondial du continent, la City pourrait jouer un rôle déterminant dans le maintien du statut de l’Europe en tant que place boursière attractive pour les investissements internationaux.
Bien entendu, si aucun accord n’est finalement conclu, cela risque de menacer sérieusement le Royaume-Uni, dont l’intégrité nationale dépend en grande partie de l’Accord du Vendredi Saint de 1998 et de l’absence de frontière physique entre l’Irlande du Nord et la République d’Irlande. Mais, comme le montrent les derniers défis internes de la Pologne et de la Hongrie, l’UE ne peut pas non plus considérer sa propre intégrité comme acquise. Nul n’est assez naïf pour croire que l’adoption d’une ligne dure face au Royaume-Uni va décourager ces gouvernements de jouer les trouble-fêtes.
Perspective de long terme
La décision rationnelle est donc que tout le monde s’entende sur un accord et passe à autre chose. L’UE a un certain avantage dans ces négociations. Elle sait que le Brexit ne va pas changer grand-chose à son fonctionnement interne, alors que le Royaume-Uni est confronté à la tâche monumentale de reconstruire ses institutions. Mais compte tenu de l’intérêt de l’UE pour un Royaume-Uni post-Brexit prospère, elle devrait faire le premier pas vers la sortie de l’impasse actuelle, en adoptant une posture plus conciliante sur le maintien de l’équivalent des régimes existants d’aide d’État et de règlement des différends. En outre, l’UE doit en finir avec son intransigeance sur les droits de pêche, qui sont économiquement peu importants mais politiquement puissants au sein du Royaume-Uni, à l’heure où ce pays tente de faire preuve d’un certain degré de souveraineté.