Fin de la Ve République ?
Après les législatives la France est menacée de paralysie politique estime un papier de la Tribune qui pose aussi la question de la fin possible de la Ve République
Le second tour a amplifié, tout en la confirmant, la déconfiture électorale de la majorité présidentielle. Ensemble n’obtient qu’une majorité toute relative et face à la poussée de la Nupes et du RN, va devoir s’allier pour gouverner. Avec la droite républicaine ou avec la gauche de gouvernement ? Ou les deux selon les circonstances, comme Rocard entre 1988 et 1991 ? De la réponse dépendra le sort du gouvernement d’Elisabeth Borne, réélue dans le Calvados. Face au risque d’un blocage du pays, Emmanuel Macron entame son second mandat par un désaveu qui rend la situation politique très instable dans un moment où l’économie le sera tout autant.
Au terme de deux interminables campagnes électorales, présidentielle et législatives, c’est un échiquier politique inattendu et totalement inédit qui sort des urnes en ce début d’été 2022 avec une Assemblée nationale qui reflète les divisions et les fractures apparues au cours du premier mandat d’Emmanuel Macron. Le président de la République réélu en avril va devoir affronter dans les prochains mois une situation très instable avec une absence de majorité absolue, pour la première fois depuis Mitterrand en 1988 ou les débuts de la Vème République.
Le fait majoritaire, qui servait d’ancre au fonctionnement des institutions depuis soixante ans, a volé en éclat lors du second tour des législatives et c’est un revers majeur pour la macronie qui, tout en arrivant en tête, tremble sur ses bases. Avec des personnalités emblématiques comme le président de l’Assemblée sortante, Richard Ferrand, battu par la Nupes, tout comme l’ancien ministre de l’Intérieur Christophe Castaner, mais aussi la ministre de la planification écologique Amélie de Montchalin, La République en Marche a été sanctionnée durement. « Donnez moi une majorité pour agir » avait demandé Emmanuel Macron avant de se rendre à Kiev en milieu de semaine : les Français dans leur majorité, ont choisi de le sanctionner en envoyant à l’Assemblée une majorité introuvable.
Ce séisme politique est d’autant plus spectaculaire qu’il s’accompagne de changements tectoniques dans le rapport des forces. Pour la première fois, et c’est la grande surprise de ce second tour des législatives, le Rassemblement national remporterait entre 80 et 95 sièges, soit plus que la droite républicaine, ce qui constitue une victoire incontestable pour la finaliste de la présidentielle, Marine le Pen, largement réélue dans le Nord.
Quant à la poussée de la Nupes, elle ne permet pas à Jean-Luc Mélenchon, qui ne se représentait pas à Marseille, de réussir son pari : se faire « élire Premier ministre » en imposant une cohabitation. Le coup marketing est réel, avec une alliance des gauches hier irréconciliables, mais son appel à la jeunesse n’a pas été entendu, 78% des 18-24 ans s’étant abstenus à nouveau au second tour. Il reste aussi à voir si la Nupes restera unie alors que les députés siégeront dans leurs groupes respectifs (France Insoumise, PC, PS, EELV).
S’il n’y a donc pas de majorité alternative au bloc central Ensemble !, qui reste la première force politique du pays, Emmanuel Macron devra tendre la main pour gouverner, ce qui n’est pas son tempérament. Une alliance naturelle semble possible avec la droite républicaine même si celle-ci n’obtient qu’une soixantaine de députés. Mais ce serait aussi la fin du « en même temps », du « et de droite et de gauche », l’ambiguïté originelle du macronisme. A moins que le chef de l’Etat tente de louvoyer en draguant entre la gauche et la droite de gouvernement en fonction des projets de loi, ce qui ne sera pas aisé et expose le pays à un risque réel de paralysie sur les choix essentiels.
Devenu un « président minoritaire », comme l’a qualifié dimanche Marine le Pen, le chef de l’Etat sera en permanence pris en étau entre deux oppositions de force presque égale : la Nupes et son programme de gauche radicale et écologique ne le ménagera pas sur les retraites ou la nécessaire rigueur budgétaire que va imposer la remontée des taux d’intérêt. Et le RN sera tout aussi virulent sur le pouvoir d’achat ou sur les questions de sécurité ou d’immigration.
D’une certaine façon, nous avons donc peut-être assisté ce dimanche 19 mai à la fin de la Vème République telle que nous l’avons connue. Le régime, bousculé par la révolte des Gilets Jaunes au cours du premier quinquennat, bascule dans un parlementarisme qui reste à inventer dans un pays longtemps résigné à une pratique proche de la monarchie présidentielle. C’est à coup sûr la fin de l’hyper-présidence, l’exécutif étant contraint à une culture du compromis politique, ce qui n’est pas forcément une mauvaise nouvelle pour répondre à la crise démocratique.
Pour Emmanuel Macron, le changement, c’est donc maintenant. Après une telle claque électorale, le président de la République va devoir prendre des décisions rapides : comme l’a dit Bruno Le Maire, « gouverner ne va pas être simple, il va falloir faire preuve de beaucoup d’imagination ». Macron pourra-t-il maintenir à Matignon Elisabeth Borne, certes réélue dans le Calvados, mais très fragilisée par la défaite de la majorité qu’elle était censée conduire à la victoire ? Elle a appelé dimanche soir à construire « une majorité d’action », un concept bien flou… Quel sera le sort de la réforme emblématique des retraites ? La droite se laissera-t-elle tentée comme le maire de Meaux Jean-François Copé par un « pacte de gouvernement » avec Ensemble ? Sur quelles bases ? Quel est enfin le risque de blocage du pays sous la pression d’un quatrième tour social dans la rue et d’un parlement rendu incandescent par la poussée de la Nupes ?
Une chose est sûre, la stratégie d’ouverture à gauche en nommant Elisabeth Borne est un échec patent dont le président, qui a longtemps hésité à nommer Catherine Vautrin pour faire campagne à droite, devra tirer toutes les conclusions politiques. Quant à la possibilité d’une dissolution, le chef de l’Etat ne pourra pas en user avant dans un an, ce qui nous promet douze mois agités dans un contexte économique et géopolitique particulièrement incertain.
Comment affronter la future crise de la tech
Comment affronter la future crise de la tech
Le krach boursier annoncé des entreprises tech et les mises en garde des fonds de capital-risque causent déboires et sueurs froides aux start-up et entreprises. Comment les relations publiques peuvent-elles aider les entreprises tech à surmonter ces difficultés ? Les communicants de l’agence internationale de RP Red Lorry Yellow Lorry, spécialisée en Tech B2B, partagent leurs conseils aux entreprises pour anticiper les défis des prochains mois. Par Hélène Joubert, Jack Benda, Elisabeth-Astrid Beretta, Lena Grün et Justin Ordman - consultants UK, Allemagne, France et US de Red Lorry Yellow Lorry PR.
L’effondrement du Nasdaq (28% de pertes depuis janvier, soit 1000 milliards de dollars) a entraîné une crise sans précédent des valorisations tech. La hausse des taux d’intérêts a pénalisé le financement des valorisations technologiques et le problème se manifeste dans les marchés privés. Softbank a annoncé 27 milliards de dollars de pertes pour ses Vision Funds sur l’année fiscale passée, Ark Innovation a perdu 55% depuis le début de 2022. Des start-up comme Klarna ont dû licencier 10% de leurs effectifs pour espérer atteindre leurs objectifs.
Les relations publiques peuvent être d’une grande aide aux entreprises dans cette période d’une grande complexité. Quelques bonnes pratiques d’anticipation peuvent aider à garder le cap.
Après une période faste pour la tech, les temps sont à la prudence. Face à des atermoiements financiers, aux craintes de leurs clients, fournisseurs, partenaires et employés, les entreprises tech se demandent comment rassurer. Pour cela, il faut se saisir en amont des leviers stratégiques qu’offre la communication.
« Plus que jamais, les communicants doivent se saisir des enjeux stratégiques de leur entreprise, en ayant une vue holistique de celle-ci : dynamique concurrentielle, pression financière, road-map des Go to Market, culture et mission…. », explique Hélène Joubert, Directrice Europe de Red Lorry Yellow Lorry. « Ce n’est qu’en ce faisant, que la communication peut venir répondre aux enjeux réputationnels de l’entreprise et devenir un asset primordial pour maintenir la crédibilité de l’organisation ainsi que son levier d’influence. » On doit donc envisager la communication comme un levier devant être intégré à la stratégie et à la gouvernance d’entreprise.
Dans un contexte de tension, les esprits sont plus agités qu’à l’accoutumée et tout message raisonne davantage qu’en temps normal. Qui plus est, selon Jack Benda, directeur de comptes senior au UK, « il faut oublier toute idée de séparation entre la communication interne et externe. Toute information peut fuiter à tout moment. Il faut maintenir une cadence de communication régulière et communiquer de la manière la plus transparente possible, dans la mesure du raisonnable ».
Aussi, est-il crucial de comprendre vos parties prenantes et les messages qui les intéressent. « Le fait que vous ne puissiez pas séparer vos messages en cas de crise représente un véritable défi en matière de gestion des parties prenantes. Les différentes parties prenantes ont des priorités différentes et parfois divergentes – le personnel s’intéresse aux salaires et à la sécurité de l’emploi ; les investisseurs s’intéressent au rendement ; les clients s’intéressent à la continuité des services. Essayer de trouver des messages qui garantissent la transparence tout en satisfaisant toutes ces parties est l’un des plus gros défis, et nécessite souvent l’œil impartial d’un expert externe en communication », spécifie-t-il.
Pas toutes les entreprises tech ne sont à risque d’effondrement, la valeur ajoutée de certaines est une constante. Certains financements ne sont que retardés. Néanmoins, « il faut se méfier d’un effet boule de neige qui provoquerait des rétractations. Il va falloir visibiliser la pérennité des business models, les relais de croissance, afficher des ambitions réalistes, souligner l’expérience des dirigeants, la compliance des entreprises, mettre en exergue les dispositifs qui assurent leur bonne gestion, les externalités positives… », selon Elisabeth-Astrid Beretta, consultante senior en France.
Cependant, il incombe aux dirigeants de donner des perspectives plus larges. Pour renforcer le message, il conviendra de l’alimenter de faits tangibles et de données concrètes, laissant entrevoir un dénouement heureux à cette conjecture. »Irriguer son écosystème d’études de marché inédites, de données, peut aider à consolider le soutien des parties-prenantes, à évaluer le contexte et à laisser entrevoir non pas ‘si’, mais approximativement ‘quand et comment’ une entreprise ou un marché sortiront d’une mauvaise passe », conclut-elle.
Après deux ans de pandémie, d’une inflation croissante, d’une récession imminente et avec une guerre en Europe, la santé mentale des individus est mise à rude épreuve. Selon le rapport de Sapien Lab de mai 2022, la moitié des jeunes adultes (donc entrants sur le monde du travail) ont vu leur santé mentale décliner au cours de la deuxième année de pandémie : ils sont pourtant tous les jours au travail. Il faut prioriser leur bien-être. En plus, recruter est difficile et les employés constituent un groupe de pression officieux qui peut médiatiquement apporter ou retirer son soutien à une entreprise.
Tenir compte de leur bien-être se reflète dans la manière dont on communique avec eux, surtout en cas de crise. Pour éviter toute confusion, la désinformation et les rumeurs, « il faut communiquer avec ses équipes sur un plan personnel, et ne pas les inonder de messages énigmatiques, de jargon et d’annoncer des changements radicaux dans votre entreprise par des mails collectifs. Il faut leur parler directement avant qu’ils ne commencent à s’interroger. Parfois, cela implique d’admettre que vous ne pouvez pas entièrement prédire ou saisir l’effet à long terme des événements sur votre entreprise « , conseille Lena Grün, directrice de comptes en Allemagne. Néanmoins, la communication ne doit pas être à sens unique : « Idéalement il faut permettre aux collaborateurs un moyen de poser des questions pour démystifier certaines fausses informations qui pourraient déjà s’être répandues », ajoute-t-elle.
Face à la démultiplication des outils de communication et des relais d’opinion, il convient d’être présent sur tous les fronts. « Il faut investir dans les outils marketing qui aideront à mieux jauger de l’efficacité d’une campagne, afin de pouvoir rapidement rediriger une éventuelle mauvaise stratégie et d’optimiser le budget marketing. Il est nécessaire également de tirer parti des réseaux sociaux, sur lesquels il est possible de lancer des campagnes et de cibler le public adéquat avec une barrière d’entrée à faible coût. Notamment à travers une stratégie de contenus… », recommande Justin Ordman, Head of Enterprise IT practice.
C’est souvent la première tentation des entreprises en période de difficulté mais il faut s’abstenir de réduire les budgets en relations publiques. C’est au contraire le moment d’exploiter les leviers qu’elles offrent. « Il ne faut surtout pas disparaître. Les autres entreprises se retireront en période de récession, et celles qui maintiendront la visibilité de leur marque gagneront des parts de marché dans leur secteur. Investir dans les relations publiques aujourd’hui, c’est aussi se préparer pour l’avenir », ajoute-t-il.
Rappelons-le, si certaines valorisations ont été surpayées, bénéficiant d’un engouement désormais obsolète au sortir des cycles de confinement, c’est loin d’être le cas de très nombreux services et de technologies à réelle valeur-ajoutée sur lesquels les investisseurs ne cesseront pas de miser.
Certaines technologies apporteront même des solutions et une richesse réputationnelle aux autres entreprises dans cette phase compliquée. En revanche, même les plus performantes pourraient pâtir de la frilosité généralisée des investisseurs, et certaines bonnes pratiques de gestion réputationnelles peuvent anticiper et dépasser le problème. Et pour cause, le lancement prochain d’Euronext Tech Leaders, l’indice boursier des valorisations tech européennes, donne un horizon au secteur.
Hélène Joubert, Jack Benda, Elisabeth-Astrid Beretta, Lena Grün et Justin Ordman