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Déficit extérieur : la faiblesse concerne les biens

Déficit extérieur : la faiblesse concerne les biens

 

L’économiste Sébastien Jean constate, dans une tribune au « Monde », que le déficit commercial français concerne davantage les biens industriels, dont la production est délocalisée, que les services et les investissements à l’étranger, qui se portent plutôt bien.

 

Cent milliards d’euros. Au mois de mars, le déficit commercial de la France sur douze mois a franchi une barre symbolique et frappé les esprits. D’autant que le problème est loin d’être nouveau : il y a presque dix ans, le premier ministre Jean-Marc Ayrault, alarmé de voir le déficit commercial annuel de la France dépasser 70 milliards d’euros, missionnait Louis Gallois pour concevoir un « pacte de compétitivité ». Au-delà de la dégradation récente, liée en grande partie à la hausse des prix de l’énergie et aux perturbations issues de la crise sanitaire, c’est pour le moins le signe d’une incapacité tenace à regagner du terrain, en dépit des pactes, plans, crédits et baisses d’impôts alignés depuis avec régularité et qui ont, de fait, résorbé l’écart de coût salarial unitaire vis-à-vis de l’Allemagne, qui s’était creusé dans les années 2000.

En conclure que le pays « vit au-dessus de ses moyens » serait pourtant hâtif : le besoin de financement extérieur de l’économie est mesuré par son solde courant, qui intègre également les échanges de services et les revenus de ou vers l’étranger ; celui de la France est certes déficitaire, mais il est resté relativement stable au cours de la dernière décennie si l’on excepte l’année 2020, à − 0,7 % du PIB en moyenne (20 milliards d’euros sur douze mois en mars 2022), un niveau très modéré à l’échelle de l’économie.

S’il est une inquiétude en la matière, elle tient plutôt au fait que la situation macroéconomique de la France ne peut s’apprécier que dans le contexte de la zone euro, dont le solde courant est largement excédentaire depuis des années – même si la hausse des prix de l’énergie et les perturbations de la production industrielle l’ont plongé lui aussi en déficit au mois de mars, probablement de façon temporaire.

Ce contexte peut rassurer sur la solidité de la position extérieure de la zone euro prise dans son ensemble, mais il devrait plutôt inquiéter pour le cas particulier de la France. En effet, l’excédent courant de la zone euro est un problème pour ses partenaires, parce qu’il les contraint de fait à absorber son excédent d’épargne dans un monde où elle est déjà surabondante. La question est alors de savoir quelle forme prendrait un rééquilibrage éventuel : s’il passait principalement par une appréciation du taux de change de l’euro, il serait déstabilisant pour l’économie française, car il creuserait son déficit courant du fait de la dégradation de compétitivité. D’où l’importance d’un rééquilibrage macroéconomique au sein même de la zone euro, par des politiques relançant la demande interne des pays fortement créditeurs faisant porter la pression du rééquilibrage sur les pays créditeurs, et pas seulement sur les pays débiteurs – une asymétrie que Keynes avait déjà mise au cœur des discussions de la conférence de Bretton Woods en 1944, et qui reste d’actualité aussi bien en Europe qu’au niveau mondial.

Le déficit extérieur, un sujet ?

Le déficit extérieur, un sujet ?

 

L’économiste Sarah Guillou montre, dans une tribune au « Monde », que l’interprétation d’un solde commercial dépend du point de vue adopté par ceux qui le commentent.

 

Le solde de la balance courante française est le résultat de deux flux – les importations et les exportations – qui subissent deux forces distinctes – la demande et l’offre –, soit quatre dynamiques potentiellement indépendantes. Ajoutons que ces dynamiques peuvent être distinctes pour les marchandises, les services et l’énergie, et que s’y surajoutent les flux de revenus d’actifs (propriétés, brevets, actions, créances de dettes) détenus par des résidents à l’étranger, moins les revenus versés à des non-résidents issus d’actifs détenus en France. Et, comme si cela n’était pas suffisant, les dynamiques des pays concurrents jouent aussi sur le résultat. Autant dire que l’interprétation d’un solde de balance courante n’est jamais univoque !

 

Ainsi, un déficit commercial peut tout autant résulter d’une dramatique hausse du prix de l’énergie – en 2021, le solde commercial énergétique a été responsable de plus de 40 % du déficit commercial des marchandises – que d’une très forte hausse de la consommation des résidents ou encore d’une perte de compétitivité associée à des coûts élevés ou à un manque d’innovation dans les produits exportés. Rappelons d’ailleurs que la compétitivité est un concept relatif : il n’a de sens qu’au regard des concurrents. Si les principaux concurrents de la France mettent en place des politiques qui dégradent très fortement leurs conditions de production, la France en sort, sans effort, plus compétitive. Et réciproquement… Dans ces conditions, l’état de la balance courante française est-il vraiment préoccupant ?

Ce qui inquiète plus aujourd’hui est la dégradation du solde commercial des marchandises depuis 2005 (85 milliards d’euros en 2021, 66 milliards hors énergie), bien que cette dégradation ait temporairement ralenti entre 2012 et 2017. L’inquiétude est accentuée par la perte de parts de marché mondiales, ce qui signifie que les exportations françaises satisfont une part plus faible de la demande mondiale de marchandises. En revanche, les exportations de services présentent une balance positive croissante depuis 2013, culminant à 36 milliards d’euros en 2021. Comme les exportations sont encore essentiellement composées de marchandises, la spécialisation française dans les services restreint le potentiel d’exportations et rend nécessaire d’importer ce qu’on ne produit pas.

Déficit du commerce extérieur : Le résultat aussi des doctrines économiques françaises

Déficit du commerce extérieur : Le résultat aussi des doctrines économiques françaises

 

Les économistes André et Thomas Grjebine considèrent, dans une tribune au « Monde », que le déficit commercial français s’explique par la divergence des stratégies et des doctrines économiques au sein de la zone euro – exportations en Allemagne, soutien de la demande en France.

 

Une zone monétaire comme la zone euro est condamnée à la crise si les priorités économiques des pays qui la composent sont fondamentalement différentes. Or, depuis 1945, l’Allemagne pratique une politique néomercantiliste, et la France une politique de soutien de la demande, avec, par intervalles, des politiques plus restrictives quand la contrainte extérieure devient trop forte.

Ces stratégies opposées, à la source de nos déficits extérieurs persistants et des excédents allemands, ont des fondements théoriques divergents. Du XVIe à la première moitié du XVIIIe siècle, le mercantilisme a accompagné les débuts de l’industrie française. Il s’agissait à la fois d’organiser une politique industrielle tournée vers la production de biens destinés à l’exportation et de décourager les importations de produits finis, via des mesures protectionnistes. L’Allemagne s’inspire de cette doctrine depuis des décennies, sinon depuis Bismarck (1815-1898). Son mercantilisme ne s’exprime pas tant par des mesures protectionnistes que par une politique de l’offre s’appuyant sur une compression de la demande, qui vise à la fois à assurer la compétitivité des entreprises (avec notamment des longues phases de modération salariale) et à limiter les importations. Le consensus social permet d’appliquer cette stratégie avec l’accord des syndicats, soucieux de préserver la compétitivité de l’industrie allemande.

Si l’équilibre extérieur est une priorité pour l’Allemagne, c’est, pour la France, davantage une variable d’ajustement. On peut y voir l’influence des théories classiques du commerce international, qui a toujours été très forte auprès des économistes français. Les théories de « l’avantage absolu » d’Adam Smith (1723-1790) et plus encore de « l’avantage comparatif » de David Ricardo (1772-1823) ont été construites en réaction aux théories mercantilistes en vogue à l’époque : il s’agissait de passer d’un monde où chacun essaie de maximiser ses surplus commerciaux à un monde où chacun a intérêt à l’échange. Peu importe ce que l’on produit, la division du travail doit permettre à chaque pays de s’enrichir, chacun se spécialisant dans les productions pour lesquelles il dispose d’un avantage comparatif. Dans un monde où chacun a intérêt à l’échange, les déficits commerciaux ne sont plus un problème : ils sont mêmes avantageux, car ils permettent de « vivre au-dessus de ses moyens », c’est-à-dire de pouvoir consommer plus que ce qui est produit.

En réalité, ces mécanismes n’ont jamais fonctionné comme Ricardo et ses successeurs les ont décrits. La nature des produits qu’un pays exporte est loin d’être indifférente, et, en pratique, la plupart des pays se sont développés via une stratégie de montée en gamme dans les exportations. Par ailleurs, ces approches néoclassiques négligent les effets dynamiques des déficits commerciaux sur les structures de production, et en particulier le fait que les déficits extérieurs et la désindustrialisation sont intimement liés.

Déficit commercial français : De pire en pire !

Déficit commercial français : De pire en pire !

Véritable baromètre de la compétitivité internationale, les exportations françaises ne cessent de s’écrouler. Et la situation ne cesse d’empirer pour atteindre désormais un déficit de 100 milliards sur un an de la balance commerciale. À noter que dans le même temps l’Allemagne enregistre en moyenne annuelle et depuis longtemps un profit de  l’ordre 200 milliards ! Toute la différence entre un pays qui a musclé son industrie et un autre qui l’ a abandonnée.

Bercy vient d’annoncer que le déficit commercial hexagonal s’était de nouveau creusé de 1,5 milliard d’euros au premier trimestre 2022, pour atteindre 31 milliards. Un record, donc. L’an dernier, à la même époque, ce chiffre se montait à 16,2 milliards.

Déficit, dette, croissance, emploi: Nouvelle dégradation financière

Déficit, dette, croissance, emploi: Nouvelle dégradation financière

L’Ifrap, en partenariat avec l’équipe SEURECO ERASME spécialisée dans la modélisation économique, a réalisé une simulation de l’application des programmes des candidats sur le prochain quinquennat. A 48 heures du premier tour, l’Opinion publie en exclusivité les résultats. 

nota:  L’Ifrap est proche du patronat mais est un des rares instituts à approfondir la thématique économie et finances NDLR

 A quelques heures du premier tour de l’élection présidentielle, l’Ifrap publie une évaluation économétrique de ce que serait l’état des finances publiques du pays après le quinquennat des cinq premiers candidats. Le think tank a recensé l’ensemble des mesures des candidats pour opérer son propre chiffrage budgétaire. « Puis nous avons introduit ces éléments dans un modèle macro-économétrique afin de simuler les conséquences économiques de la mise en œuvre de ces programmes », indique-t-il. Le résultat est enfin comparé à un scénario central basé sur la note de conjoncture de l’Insee de mars 2022 et les estimations des finances publiques du 29 mars 2022.

 

Selon ce scénario de référence, le déficit reviendrait très progressivement vers 3% du PIB en 2027 après une baisse régulière des dépenses publiques dont le poids dans le PIB passerait de 59,1% en 2021 à 52,1% en 2027. Le taux de prélèvements obligatoires (hors cotisations sociales imputées) serait aux alentours de 43%. La dette publique passerait de 112,9% du PIB à 106% du PIB en 2027, notamment grâce à la croissance qui reviendrait à 1,5% en 2027. 650 000 emplois seraient par ailleurs créés de 2022 à 2027, ce qui ramènerait le taux de chômage aux alentours de 7%.

Enfin, après un pic d’inflation à 4,5% en 2022, le taux de croissance de l’indice des prix à la consommation demeurerait supérieur à 2% sur la période et le taux grimperait à 4%. Le solde du commerce extérieur resterait quant à lui déficitaire d’environ 2 points de PIB sur l’ensemble de la période.

« La mise en œuvre du programme proposé par Emmanuel Macron aurait un effet positif sur la croissance : le PIB serait supérieur de 1,6% à son niveau du scénario de référence en 2027. Environ 400 000 emplois supplémentaires seraient créés dont 300 000 dans les secteurs marchands.

Les effets du programme d’Emmanuel Macron sur les finances publiques seraient légèrement positifs. Le solde public atteindrait -2,5% en 2027 (soit 0,3 point de PIB d’amélioration par rapport au scénario de référence). Le poids de la dette publique (107,2% du PIB en 2027) serait allégé de 0,4 point de PIB par rapport au scénario de référence. Le taux de prélèvements obligatoires (43,6%) serait supérieur de 0,5 point de PIB à son niveau du scénario de référence tandis que les dépenses publiques verraient leur poids légèrement augmenter (+0,3 point de PIB par rapport au scénario de référence) pour atteindre 52,5% du PIB.

Le taux d’inflation serait peu différent de celui du scénario de référence tandis que le taux de chômage baisserait légèrement pour atteindre 6,4% (0,6 point inférieur à son niveau du scénario de référence). Il n’y aurait en revanche aucune amélioration, voire une légère détérioration, sur le plan du commerce extérieur et de la compétitivité. Le déficit du commerce extérieur serait renforcé de 0,2 point de PIB par rapport à son niveau du scénario de référence. »

Déficit : le retour à 3 % en 2027 ou à la saint-glinglin

 

Encore une promesse de coiffeur de Macron dont le programme politique va alourdir de manière considérable la dette. Du coup l’objectif , des 3 % est reporté en 2027, plus exactement à la saint-glinglin

Mis en avant en 2017, relégué au second plan en 2022, le redressement des comptes publics reste néanmoins à l’agenda d’Emmanuel Macron. Le chef de l’Etat, candidat à sa réélection, a assuré lors de la présentation de son programme ce jeudi que « l’effort budgétaire » de 50 milliards d’euros qu’il promet pour les cinq prochaines années – en nouvelles dépenses et en baisses d’impôts – serait financé par des économies ( non précisées !) et ne se traduirait pas par un accroissement de la dette.

« Je veux à la fois financer ces mesures et garder nos ancres de finances publiques, qui visent à commencer à réduire la dette à partir de 2026 et à repasser le déficit sous les 3 % du PIB en 2027 », a expliqué le locataire de l’Elysée.

Durant tout le propos liminaire qui a duré pourtant près d’une heure trente, Emmanuel Macron s’est quasiment gardé de prononcer les mots « dette » ou « déficit ». Une absence notable, quand on songe que le quinquennat finissant a été marqué par un « quoi qu’il en coûte » qui a fait bondir l’endettement public à plus de 115 % du PIB .

Pour financer ces fameux 50 milliards, trois grands blocs d’économies ont été esquissés. Il y aura d’abord les grandes réformes autour du travail (retraites, objectif de plein-emploi) qui doivent rapporter 15 milliards. Environ 15 autres milliards viendront de réformes dites de modernisation (facturation électronique, e-carte vitale, taux d’IS minimal, lutte contre la fraude et l’optimisation, etc.).

Enfin, un plan d’économies doit rapporter 20 milliards, en limitant la croissance de la dépense publique courante en volume (hors inflation) à 0,8 % par an, en dessous de sa croissance tendancielle. Pour aller au-delà et ramener le déficit à 3 % du PIB, le chef de l’Etat compte sur un retour durable de la croissance. Rien que le passage d’un taux de chômage de 7,5 % à 5 % en 2027 – le nouvel objectif – rapporterait en tout 30 milliards aux finances publiques, selon le chef de l’Etat.Un vrai calcul de comptable qu’il repose sur aucune analyse sérieuse avec des perspectives de réduction de dépenses complètement illusoires.

Déficit Sécu 2021 : » seulement » 24,6 milliards !

Déficit Sécu  2021 : » seulement » 24,6 milliards !

Tout va très bien madame la marquise semble dire le très ambigu ministre des comptes publics, Olivier Dussopt (député élu du PS qui a rejoint Macron le lendemain son élection).

Des prévisions évidemment totalement aléatoire dans la mesure où on ne connaît pas quelle sera une croissance notamment menacée par l’inflation et la guerre en Ukraine.

 

Grâce à un surplus de croissance, la Sécu a vu ses recettes rebondir de 9,7% l’an dernier, encaissant davantage de cotisations (3,9 milliards), d’impôts (1,5 milliard) et de prélèvement sur les indépendants (1 milliard) qu’escompté. Elle a aussi récupéré 1,8 milliard d’euros provisionnés au titre des reports de paiement accordés aux entreprises, dont «la capacité à faire face est plus importante que ce que nous imaginions, ce qui est une bonne nouvelle», a-t-il observé.

Dans le même temps, les dépenses ont encore progressé de 5,6%, avec notamment 239,5 milliards pour l’assurance maladie, soit un «dépassement» de 700 millions d’euros lié à «la cinquième vague épidémique» de Covid-19 et «l’accélération de la campagne de dépistage» en fin d’année. Sous réserve d’une accalmie sur le front sanitaire, l’amélioration «substantielle» des comptes de la Sécu «pourrait avoir un effet positif sur le solde de l’exercice 2022 et des années suivantes», a indiqué Olivier Dussopt, même s’il n’est «pas possible à ce stade» d’en mesurer l’ampleur. Ou alors l’inverse ? ( Faut-il rappeler par exemple que Marisol Touraine avaient prévu l’équilibre des comptes en son temps !)


La maladie française du déficit commercial

La maladie française du déficit commercial

 

  

 

La sortie de crise en France a réservé des bonnes surprises. Le fort rebond de la croissance, des créations d’emplois à un niveau historique, un chômage en baisse sensible et des Français qui n’ont jamais créé autant d’entreprises. En revanche, il n’y a pas eu de miracle pour le commerce extérieur. Bien au contraire, le déficit a continué de se creuser, inexorablement explique un papier du Monde.

Le sujet n’est pas nouveau. Depuis plus de vingt ans, nous importons beaucoup plus que ce que nous exportons. Notre balance commerciale n’est que le reflet de nos choix économiques. La croissance reste dépendante de la consommation, tandis que la production sur notre sol a été négligée. En 2021, le déficit s’est élevé à 84,7 milliards d’euros. En trente ans, la part des produits français dans les exportations mondiales a chuté de 60 %. Ce « mal français » pèse sur le rythme de la croissance, il a mité le tissu industriel et a fragilisé les bassins d’emploi.

Inutile de chercher à se retrancher derrière des causes conjoncturelles. Elles ont joué un rôle. Mais la forte hausse des prix du pétrole et du gaz que nous importons massivement ou encore la crise du secteur aéronautique, l’un de nos principaux postes d’exportation, n’ont fait qu’accentuer une tendance structurelle.

L’une des causes tient à la désindustrialisation de notre économie. La part de la valeur ajoutée du secteur manufacturier est tombée de 15,7 % en 2000 à 11,2 % aujourd’hui. Sur cette période, la production automobile a été divisée par deux. Il y a quelques semaines, le Haut-Commissariat au plan a dressé un constat accablant. Sur 9 000 produits du quotidien (fruits, légumes, vêtements, électroménager, équipements professionnels), les deux tiers contribuent au déficit commercial, pour un montant total de 266 milliards d’euros. Nos Airbus, Rafale, parfums et sacs de luxe sont loin de compenser ce déséquilibre.

Lire aussi  Article réservé à nos abonnés Un rapport parlementaire propose 76 solutions contre la désindustrialisation en France

La mondialisation n’est pas la cause principale de la situation. L’essentiel de notre déficit commercial vient de nos échanges avec le reste de la zone euro. Par ailleurs, la monnaie unique n’empêche ni l’Allemagne, ni l’Espagne, ni l’Italie de dégager des excédents.

Les raisons sont plutôt à chercher dans la structure de notre économie. Celle-ci souffre principalement d’un problème de spécialisation en restant trop focalisée sur une production de milieu de gamme, qui subit de plein fouet la concurrence des pays dont les coûts sont inférieurs. L’enjeu n’est pas tant de réduire les prix de revient pour vendre moins cher que d’améliorer la qualité et le positionnement de ce qui est fabriqué en France.

Trois leviers peuvent être actionnés. La réindustrialisation d’abord. Bonne nouvelle : sa nécessité ne fait plus débat, la crise ayant provoqué une prise de conscience de nos vulnérabilités. En 2021, la France a compté deux fois plus d’ouvertures de sites industriels que de fermetures et, depuis 2015, l’emploi dans ce secteur s’est stabilisé. Ce sont des signes encourageants.

L’innovation, ensuite. Le plan France 2030 est censé donner un nouvel élan dans ce domaine, alors que la montée en puissance de notre écosystème de start-up au cours des dix dernières années commence à porter ses fruits. L’élévation des compétences de la main-d’œuvre, enfin. Notre système éducatif et de formation professionnelle n’est pas assez efficace. Au-delà des moyens, c’est toute son organisation qui doit être repensée.

Pour venir à bout de ce « mal français », il faut poursuivre et accentuer les efforts qui ont commencé à être engagés. Mais le retour à un excédent commercial sera de toute façon un chantier de longue haleine.

Les économistes :un déficit cruel de culture et de vision généraliste ( Robert Boyer, économiste)

Les économistes :un déficit cruel de culture et de vision généraliste ( Robert Boyer, économiste)

L’économiste Robert Boyer pointe dans son dernier ouvrage « Une discipline sans réflexivité peut-elle être une science ? Epistémologie de l’économie » (Ed. La Sorbonne) les nombreuses failles de la science économique dominante à expliquer les grande crises économique et sanitaire récentes. Figure de l’école de la régulation en France avec l’économiste Michel Aglietta, l’économiste Robert Boyer  plaide pour la création d’agora géante qui pourrait « être le terreau d’une bifurcation de la discipline économique, en particulier de sa réinsertion tant dans les sciences de la nature que dans celles de la société ».

Robert Boyer est une figure de l’école de la régulation en France avec l’économiste Michel Aglietta. Anciennement directeur de recherche au CNRS et directeur d’études à l’EHESS, ce polytechnicien collabore à l’institut des Amériques et anime l’association Recherche et régulation. 

LA TRIBUNE- Pourquoi avez-vous décidé de vous attaquer à ce sujet dans votre dernier ouvrage ?

ROBERT BOYER- J’ai commencé à travailler comme économiste en 1967. A cette époque, je pensais qu’une discipline économique était en voie de constitution et j’espérais y participer. Elle était rigoureuse et permettait d’éclairer de façon assez précise les choix de politique économique. Rétrospectivement le keynésianisme était en effet relativement adapté à la prise en compte des compromis sociaux de l’après Seconde guerre mondiale. Ce n’est plus le cas lorsqu’apparait en 1973 le phénomène de la stagflation, soit une forte inflation malgré la chute de l’activité économique. C’était l’indice de l’entrée dans une nouvelle époque du capitalisme, hypothèse fondatrice de la théorie de la régulation, que je n’ai cessé depuis lors de travailler. De son côté la majorité des économistes a interprété cet échec comme la conséquence directe de l’absence de bases microéconomiques de la théorie générale de Keynes.

S’est imposée l’idée qu’il fallait refonder la macroéconomie sur la microéconomie. Ce n’était pas forcément une mauvaise idée, mais très vite plusieurs problèmes ont surgi tel le recours à la notion d’agent représentatif, d’anticipations rationnelles, d’équilibre structurellement stable, autant d’hypothèses intenables. Ce programme qui était au début scientifique a été utilisé, au fil du temps, comme justification des stratégies de déréglementation et de libéralisation. Pendant 30 ans, la macroéconomie s’est enfoncée dans l’exploration de prémices totalement faux. Les Etats-Unis étaient réduits à un ensemble de producteurs et de consommateurs, sans prise en compte aucune du rôle des banques, des marchés financiers, et de toutes les organisations et institutions encadrant l’activité économique.

J’ai vu avec étonnement la discipline évoluer et perdre beaucoup de sa pertinence. Pour cerner les raisons de cette dérive, je l’ai resituée par rapport à l’histoire des grands courants de la pensée. Au fil des décennies, j’ai accumulé suffisamment de matériaux pour montrer que la profession d’économiste a beaucoup changé. A grands traits elle est animée par de virtuoses techniciens qui rendent des services aux acteurs mais de moins en moins par de grands économistes dont la visée serait d’analyser les enjeux du monde contemporain. La crise de la macroéconomie est beaucoup plus profonde que l’on ne pense. Le livre soutient que ce sont les bases de la discipline qui sont en cause et non pas quelques erreurs mineures. La crise de 2008 a fait éclater au grand jour la crise de cette nouvelle macroéconomie classique.

Vous affirmez que l’institutionnalisation de la profession d’économiste a conduit à produire des spécialistes de la modélisation mais peu de chercheurs capables de conceptualiser les bases de la discipline. Que voulez-vous dire par là ?

R.B- Dans les années 30, les Etats-Unis comptaient quelques milliers d’économistes. Aujourd’hui, ce pays en recense des centaines de milliers. A l’époque, de grands économistes, de Joseph Schumpeter à Frederick von Hayek, dialoguaient entre eux dans la recherche d’explications à la crise de 1929. C’est l’éclatement du métier qui prévaut : certains sont économistes de banque, d’autres sont économètres, d’autres encore travaillent dans des think tank visant à influencer la politique des gouvernements. Le métier s’est considérablement diversifié en une myriade d’approches, de techniques appliquées aux différents secteurs de l’économie. On note aussi un éclatement des demandes à l’égard des économistes. Leur spécialisation est tellement poussée qu’elle débouche sur une anomie de la division du travail, telle que conceptualisée par le sociologue Emile Durkheim. Sur une même question – par exemple les marchés financiers sont-ils efficients ? – les diverses branches de la discipline livrent des réponses contradictoires.

La structuration du champ académique (hiérarchie des revues, modalités de recrutement des enseignants) crée un système formant essentiellement des techniciens affirmez-vous. Comment faire pour accorder plus de reconnaissance aux intellectuels en économie ?

R.B- On peut distinguer trois phases dans la structuration du champ académique. La première avait pour projet de fonder la discipline sur la théorie de l’équilibre général. Les chercheurs allaient pouvoir produire une formalisation d’une économie de marché justifiant l’image de la main invisible d’Adam Smith, à savoir la possibilité et l’optimalité d’une économie décentralisée où chacun ne poursuit que son intérêt. En fait les mathématiciens finissent par conclure que ce n’est le cas que sous des hypothèses très restrictives, non satisfaites dans les économies contemporaines du fait de l’existence du crédit, de rendements d’échelle, de pouvoir de monopole. Ainsi loin d’être un fait scientifique, la main invisible devient une croyance.

Une deuxième phase enregistre une succession de modélisations macroéconomiques qui entendent remplacer celles inspirées par Keynes. C’est d’abord la théorie monétariste de Milton Friedman qui s’impose comme explicative de l’inflation. Mais elle périclite lorsque se multiplient les innovations qui assurent la liquidité de nombreux actifs financiers, puis quand l’aisance monétaire ne débouche pas sur une accélération de l’inflation, mesurée par les prix à la consommation. Ce sont ensuite des modèles qui modernisent la théorie classique sous l’hypothèse d’auto-équilibration des marchés, transitoirement perturbés par des « chocs » réels ou monétaires. Les Banques Centrales usent de ces modèles mais ils montrent leurs limites lors de la crise de 2008.

Aussi dans une troisième étape, passe-t-on des grandes théories à l’économétrie et de l’économétrie à la « métrie », c’est-à-dire l’application des avancées des techniques statistiques à toutes les données disponibles, bien au-delà des phénomènes économiques.

D’un côté, avec les masses de données produites en temps réel par la finance, une nouvelle discipline, fondée sur les mathématiques financières, prend son essor, sans trop se préoccuper des conséquences macroéconomiques des nouveaux instruments qu’elle invente. Avec l’économie de l’information, apparaît ensuite le besoin d’analyser ces données grâce à l’intelligence artificielle.

De l’autre côté, les recherches en macroéconomie sont presque complètement désertées. Rares sont les jeunes et talentueux chercheurs qui osent se lancer dans un domaine aussi difficile. Or, les dernières crises ont fait apparaître le besoin d’une analyse des économies et des relations qu’elles entretiennent dans un système international en crise. Lorsque la crise financière de 2008 éclate, la macroéconomie se rappelle au bon souvenir des gouvernements et des économistes. L’irruption de la pandémie appelle des réponses, en matière de politique monétaire et budgétaire, soit des questions que la microéconomie ne peut traiter.

Vous évoquez notamment une crise de la macroéconomie. Quels sont les facteurs qui ont pu contribuer à affaiblir cette discipline ?

R.B- D’abord trop souvent le chercheur ne distingue pas entre vision, théorie, modèle, mécanisme, alors que ce sont des concepts bien différents. Une série de modèles, au demeurant fragiles dès qu’on les utilise pour prévoir, ne fondent pas une science car ce ne sont souvent que des éclairages partiels ou des aides à la décision. Ensuite chacun a tendance à se focaliser sur un mécanisme parmi beaucoup d’autres or le propre de la macroéconomie est de prendre en compte et d’articuler l’ensemble des mécanismes pertinents. Enfin, la clôture du champ de la macroéconomie sur lui-même lui interdit de reconnaître sa dépendance vis-à-vis du pouvoir politique. Plus encore, son accent sur le court terme n’est guère favorable à la reconnaissance des enjeux que sont devenus l’écologie, les pandémies, l’inégalité tant domestique qu’internationale.

Il est sans doute illusoire d’attendre la venue d’un nouveau Keynes. De nos jours, la formation universitaire des économistes ne livre pas une formation suffisamment généraliste permettant de formuler des questions pertinentes et les éclairer. Keynes considérait que « l’économiste doit posséder une rare combinaison de dons…D’une certaine façon, il doit être mathématicien, historien, homme d’État, philosophe… Aucune partie de la nature de l’homme ou de ses institutions ne devrait être entièrement hors de sa considération. » Bref un grand intellectuel !

Pourquoi les grands courants économiques dominants ont échoué à rendre compte des grandes crises du 20ème siècle et du 21ème siècle ?

R-B- Les macro-économistes ont pris beaucoup de retard par rapport aux considérables transformations du capitalisme. La plupart ont exclu de leurs modèles la possibilité même de crises. Par définition, l’économie perturbée par des chocs externes revient automatiquement vers l’équilibre de long terme. Or tel n’est pas le cas car la nature des processus économiques est beaucoup plus complexe et changeante dans le temps.

Dans un tel contexte d’incertitude sur les mécanismes à l’œuvre, chaque école de pensée tend à privilégier son interprétation. Ainsi les enjeux s’en trouvent simplifiés, ce qui polarise les conseils adressés aux gouvernements. On observe alors une inversion des relations entre le prince et le conseiller. En théorie, le conseiller estime qu’il est porteur de science et le prince pense qu’il trouve ainsi une justification « objective » de sa politique. En pratique, ce dernier va chercher dans les théories économiques en concurrence celles qui lui sont favorables. Par exemple, la nouvelle théorie monétaire américaine vient à point nommé réhabiliter la politique budgétaire face aux limites que rencontrent la Banque Centrale. Cette apparente révolution intellectuelle vient appuyer le fait que la dépense publique doit être à nouveau un outil puissant pour les Etats-Unis.

Pourtant, ils sont encore très écoutés par les élites et le pouvoir. Comment expliquez-vous ce paradoxe ?

R.B- Se reproduit aujourd’hui un phénomène déjà observé à propos des instituts de prévision lors de la fin des trente glorieuses. Plus mauvaise était la qualité de leurs prévisions, plus ils se multipliaient car tour à tour ils avaient raison puis se trompaient. Aucun ne parvenait à percer la grande incertitude liée à un changement d’époque. De nos jours, la même configuration prévaut concernant l’expertise économique : le politique demande d’autant plus d’avis aux économistes qu’il doute de leur expertise ! Il en est de même concernant l’explosion des sondages d’opinion censés éclairer les élections. Comment devrait progresser la connaissance économique ? Par la reconnaissance des erreurs et leur correction, phénomène trop rare. Par ailleurs, il faut savoir avouer que l’on ne sait pas.

La pandémie pourrait-elle permettre de renouveler la vision des économistes dans les pays riches ?

R.B- Les pays riches étaient sûrs que la sophistication de leur système de santé et la vigueur de la recherche pharmaceutique et biologique allaient leur permettre d’éviter le retour des épidémies. Lorsque la Covid-19 est apparue à Wuhan, beaucoup de gouvernements des pays riches pensaient que ce virus allait concerner seulement les pays pauvres. En fait, beaucoup d’Etats ont découvert un bien commun passé jusque-là inaperçu : la sécurité sanitaire mondiale.

Les pays africains qui étaient supposés plus vulnérables ont résisté car leur population était beaucoup plus jeune et les responsables avaient appris des épidémies précédentes, telle Ebola. De même certains Etats asiatiques avaient conservé des stratégies de prévention pour affronter collectivement des nouvelles pandémies. Voilà qui devrait renouveler l’intérêt des économistes pour le rôle parfois déterminant du système de santé : au-delà du contrôle de la croissance des coûts s’impose la prise en considération de sa résilience face à l’imprévu. De même, une série de décisions de court terme peut déboucher sur une crise majeure, comme le montre la situation présente des hôpitaux.

 

Quel(s) rôle(s) les Etats ont-ils pu jouer depuis les dernières crises économiques et sanitaires ?

R.B- Après 2008 et la pandémie, l’Etat est redevenu le maître des horloges. Il socialise les anticipations, ce qui permet aux acteurs de se repérer face à une incertitude qui leur échappe. C’est à l’Etat de fixer le cap en matière de stratégie sanitaire. La pandémie a également rappelé que la monnaie est créée en fonction des besoins de la société. La Banque Centrale Européenne a pu refinancer sur le marché secondaire les dettes publiques associées au Covid-19 et non plus seulement des crédits privés.

Le déficit public est redevenu un outil essentiel pour passer les périodes difficiles. Certains voulaient interdire dans la constitution tout déficit public. On a redécouvert que la solidarité nationale s’exprime grâce à l’Etat. Les années Covid-19 resteront comme une grande césure dans l’histoire. Il est peu probable que l’on retourne vers un passé marqué par de nombreux problèmes structurels non résolus.

Quelles sont les leçons de la crise sanitaire en matière d’inégalités ?

R.B- Sur le plan des inégalités, la pandémie a rappelé qu’au sein des sociétés la privation de l’accès aux services publics, aux hôpitaux, aux médecins accentue les disparités entre les riches et les pauvres. Les plus précaires obligés de travailler habitent dans des zones bien moins desservies sur le plan médical. On redécouvre des inégalités dans le pronostic vital et l’espérance de vie. La pandémie a reformulé la question à partir de la capacité des personnes à mener une vie en bonne santé.

Le système de santé, miné par la volonté de réduire les coûts, a tenu grâce aux initiatives et au dévouement du personnel, situation qui n’est pas tenable à long terme. La médecine de ville et les hôpitaux publics et privés n’ont pas été réorganisés. En 2000, la France avait le meilleur système de santé d’après l’OMS. Il a dégringolé depuis et est devenu inégalitaire et inefficient.

Sur le plan international, la pandémie risque de laisser des traces durables dans nombre de pays pauvres. L’illettrisme dans les pays pauvres s’y est développé, ce qui augure mal des possibilités de développement humain et économique. Dans tous les pays, la pandémie a attisé les tensions sociales.

Les institutions internationales ont-elles joué leur rôle ces dernières années ?

R.B- L’organisation mondiale du commerce (OMC) est bloquée et le FMI n’apparaît qu’au moment des crises les plus graves, comme c’est encore le cas en Argentine. Sur le front international, font défaut les institutions nécessaires. Il faudrait créer une agence pour le climat qui soit aussi forte que le FMI ou la Banque mondiale à une certaine époque. Un institut international de la migration ne serait pas inutile car avec le changement climatique, les vagues migratoires pourraient être considérables.

Enfin, l’organisation mondiale de la santé (OMS) devrait avoir le pouvoir d’organiser la sécurité sanitaire mondiale mais aussi de piloter l’innovation médicale pour répondre par des dispositifs de prévention à des pandémies. Ce avec un budget conséquent et des moyens pour vacciner à l’échelle mondiale. Les institutions de Brettons Woods ont vieilli et de nouvelles peinent à émerger. La crise va durer en fonction de l’incapacité à engendrer ces institutions. Nous vivons donc une période charnière et historique mais lourde de risques.

Dans votre ouvrage, Les capitalismes à l’épreuve de la pandémie, vous avez travaillé sur plusieurs scénarios de sortie de crise. Plus de deux années après le début de la pandémie, sur quel type de capitalisme cette crise pourrait-elle déboucher ?

R.B- Nous avons échappé au scénario de la dystopie d’un repliement nationaliste général, qui serait intervenu avec une seconde victoire de Donald Trump. Joe Biden a provisoirement enrayé ce scénario. Cette crise a cependant révélé un très grand retard dans la coopération internationale. On enregistre certes quelques avancées sur la fiscalité des multinationales, ou encore l’initiative COVAX pour les vaccins. L’Europe a pour la première fois émis des titres de dette européens. Un pas a été franchi mais d’autres seront nécessaires. Prise entre les Etats-Unis et la Russie, l’Europe est un partenaire sans grand pouvoir géopolitique. Dans la crise de l’Ukraine, le multilatéralisme est loin de s’affirmer. L’économie mondiale est à nouveau proche de conflits ouverts impliquant les Etats-Unis, la Chine et la Russie.

La crise de 2008 et la pandémie ont révélé beaucoup de structures cachées. La finance était aux yeux de beaucoup un facteur de stabilisation. Ce n’était pas le cas puisqu’elle peut durablement enrayer la croissance de certains pays, ce dont l’Argentine donne un cruel exemple. Le monde a-t-il raison de continuer la financiarisation ?

La mondialisation a été beaucoup critiquée ces dernières décennies. Dans quelle direction la globalisation pourrait-elle évoluer dans les prochaines années ?

R.B- La globalisation a certes permis à la Chine de se développer mais elle a induit beaucoup de problèmes qui ne sont pas résolus. La mondialisation a été heureuse pour quelques-uns et moins bonne pour beaucoup d’autres. La pandémie a redistribué la carte du monde, en accélérant le déplacement de son centre de gravité en direction de l’Asie. Partout les failles de la globalisation ont favorisé le retour du principe de souveraineté nationale qui est aussi une menace pour l’Union Européenne qui se trouve sans doute à la croisée des chemins.

Nous vivons une période charnière. Les Etats-Unis attendaient l’effondrement de la Chine, à l’image de celle de l’URSS. Or la Chine ne va pas rejoindre l’idéal occidental. Elle vient de signer le plus grand traité régional de libre-échange sur la planète. L’Europe ne peut plus affirmer qu’elle est la plus vaste zone de libre-échange. Taïwan, la Corée du Sud et d’autres pays du Sud ont réussi à bien mieux s’en sortir que d’autres pays. Le monde a changé mais l’Europe est à la traîne.

Quel regard portez-vous sur la polarisation à l’intérieur des sociétés ?

R.B- Dans beaucoup de pays, deux fractions de la société aux conceptions opposées s’affrontent sur toutes les questions : l’ouverture à l’international, l’immigration, l’organisation des services collectifs ou encore la fiscalité. Le Brexit est à ce titre emblématique car il a mis en exergue la profondeur de cette division. Les différents sondages et enquêtes ont montré que les ruraux, peu diplômés et âgés ont voté en faveur du Brexit. A l’inverse, les jeunes urbains diplômés ont voté pour l’Europe. Les gouvernements doivent faire face à de redoutables difficultés d’intermédiation car ils ne peuvent trouver une solution médiane tant les attentes sont contradictoires.

Auparavant, les Etats compensaient les perdants par des transferts monétaires. Comme cette solution traditionnelle est inopérante car le conflit porte sur les valeurs, les gouvernements sont tentés par l’autoritarisme. La démocratie représentative est en crise, ce qui appelle une refondation. Dans beaucoup de pays, la polarisation s’avère insurmontable. Ainsi Joe Biden s’est retrouvé coincé entre la gauche des démocrates et les trumpistes du parti républicain qui entendent gagner les élections de mi-mandat. Alors même que son expérience de négociateur est reconnue, les marges de manœuvre se sont vite rétrécies, car il y a peu de compromis possibles. La question de la reconstruction du lien social est posée et les solutions sont à trouver

Economie- Commerce extérieur: un déficit mortel

Economie – Commerce extérieur: un déficit mortel 

 
Le déficit commercial français a atteint 9 milliards d’euros en novembre en moyenne d’après Bercy le déficit commercial de la France devrait approcher les 90 milliards c’est-à-dire encore beaucoup plus que la moyenne habituelle de 60 milliards quand cette même moyenne en Allemagne fait paraître un profit proche de 200 milliards.

La balance commerciale constitue en fait le véritable indicateur de compétitivité du pays. Or la France n’est plus depuis longtemps une puissance industrielle et elle est de moins une puissance agricole. La croissance repose essentiellement sur la consommation des ménages de produits en très grande majorité importée.

Sur le seul mois de novembre, le déficit extérieur s’est creusé à 9,7 milliards d’euros, soit 2 milliards de plus qu’en octobre. A titre de comparaison, il n’était que de 4,5 milliards en janvier 2021.

La France subit de plein fouet le renchérissement de ses importations. Celles-ci ont atteint un niveau « historique » de 52,5 milliards en moyenne mobile sur trois mois et de 53,7 milliards en novembre. Sur onze mois, « les importations n’ont augmenté que de 2,6 % en volume, contre 20,1 % en valeur », précisent les Douanes. Ce phénomène est notamment visible sur la facture énergétique. L’addition a été alourdie par les tensions très fortes sur les cours du pétrole, du gaz et de l’électricité liées à la reprise mondiale.

A cela, s’est aussi ajouté un élément spécifique défavorable à l’Hexagone : du fait de la météo hivernale et de la mise à l’arrêt forcé de plusieurs réacteurs nucléaires, il a été dans l’incapacité de répondre à la demande intérieure. Résultat : traditionnellement exportatrice d’électricité, la France s’est retrouvée en position d’importatrice nette en novembre, à un moment où les cours s’envolaient. De quoi creuser considérablement les déficits sur les produits énergétiques, à 5,3 milliards contre 3,7 milliards deux mois plus tôt.

Mais malgré le retour des exportations à leur niveau d’avril 2019 (44 milliards en novembre), la performance hexagonale n’est guère plus brillante sur les autres produits : le solde commercial sur les biens d’investissement et sur les biens de consommation s’est également détérioré. Là encore, cela s’explique par un gonflement du montant des importations lié aux hausses de prix constatées aussi bien sur les matières premières autres que l’énergie (bois, métaux, céréales etc.) que sur les biens manufacturés.

Le mal français du déficit commercial

Le mal   français du déficit commercial

 

 

 

La sortie de crise en France a réservé des bonnes surprises. Le fort rebond de la croissance, des créations d’emplois à un niveau historique, un chômage en baisse sensible et des Français qui n’ont jamais créé autant d’entreprises. En revanche, il n’y a pas eu de miracle pour le commerce extérieur. Bien au contraire, le déficit a continué de se creuser, inexorablement explique un papier du Monde.

Le sujet n’est pas nouveau. Depuis plus de vingt ans, nous importons beaucoup plus que ce que nous exportons. Notre balance commerciale n’est que le reflet de nos choix économiques. La croissance reste dépendante de la consommation, tandis que la production sur notre sol a été négligée. En 2021, le déficit s’est élevé à 84,7 milliards d’euros. En trente ans, la part des produits français dans les exportations mondiales a chuté de 60 %. Ce « mal français » pèse sur le rythme de la croissance, il a mité le tissu industriel et a fragilisé les bassins d’emploi.

Inutile de chercher à se retrancher derrière des causes conjoncturelles. Elles ont joué un rôle. Mais la forte hausse des prix du pétrole et du gaz que nous importons massivement ou encore la crise du secteur aéronautique, l’un de nos principaux postes d’exportation, n’ont fait qu’accentuer une tendance structurelle.

L’une des causes tient à la désindustrialisation de notre économie. La part de la valeur ajoutée du secteur manufacturier est tombée de 15,7 % en 2000 à 11,2 % aujourd’hui. Sur cette période, la production automobile a été divisée par deux. Il y a quelques semaines, le Haut-Commissariat au plan a dressé un constat accablant. Sur 9 000 produits du quotidien (fruits, légumes, vêtements, électroménager, équipements professionnels), les deux tiers contribuent au déficit commercial, pour un montant total de 266 milliards d’euros. Nos Airbus, Rafale, parfums et sacs de luxe sont loin de compenser ce déséquilibre.

Lire aussi  Article réservé à nos abonnés Un rapport parlementaire propose 76 solutions contre la désindustrialisation en France

La mondialisation n’est pas la cause principale de la situation. L’essentiel de notre déficit commercial vient de nos échanges avec le reste de la zone euro. Par ailleurs, la monnaie unique n’empêche ni l’Allemagne, ni l’Espagne, ni l’Italie de dégager des excédents. 

Les raisons sont plutôt à chercher dans la structure de notre économie. Celle-ci souffre principalement d’un problème de spécialisation en restant trop focalisée sur une production de milieu de gamme, qui subit de plein fouet la concurrence des pays dont les coûts sont inférieurs. L’enjeu n’est pas tant de réduire les prix de revient pour vendre moins cher que d’améliorer la qualité et le positionnement de ce qui est fabriqué en France.

Trois leviers peuvent être actionnés. La réindustrialisation d’abord. Bonne nouvelle : sa nécessité ne fait plus débat, la crise ayant provoqué une prise de conscience de nos vulnérabilités. En 2021, la France a compté deux fois plus d’ouvertures de sites industriels que de fermetures et, depuis 2015, l’emploi dans ce secteur s’est stabilisé. Ce sont des signes encourageants.

L’innovation, ensuite. Le plan France 2030 est censé donner un nouvel élan dans ce domaine, alors que la montée en puissance de notre écosystème de start-up au cours des dix dernières années commence à porter ses fruits. L’élévation des compétences de la main-d’œuvre, enfin. Notre système éducatif et de formation professionnelle n’est pas assez efficace. Au-delà des moyens, c’est toute son organisation qui doit être repensée.

Pour venir à bout de ce « mal français », il faut poursuivre et accentuer les efforts qui ont commencé à être engagés. Mais le retour à un excédent commercial sera de toute façon un chantier de longue haleine.

Commerce extérieur: un déficit mortel

Commerce extérieur: un déficit mortel 
Le déficit commercial français a atteint 9 milliards d’euros en novembre en moyenne d’après Bercy le déficit commercial de la France devrait approcher les 90 milliards c’est-à-dire encore beaucoup plus que la moyenne habituelle de 60 milliards quand cette même moyenne en Allemagne fait paraître un profit proche de 200 milliards.

La balance commerciale constitue en faite le véritable indicateur de compétitivité du pays. Or la France n’est plus depuis longtemps une puissance industrielle et elle est de moins une puissance agricole. La croissance repose essentiellement sur la consommation des ménages de produits en très grande majorité importée.

Sur le seul mois de novembre, le déficit extérieur s’est creusé à 9,7 milliards d’euros, soit 2 milliards de plus qu’en octobre. A titre de comparaison, il n’était que de 4,5 milliards en janvier 2021.

La France subit de plein fouet le renchérissement de ses importations. Celles-ci ont atteint un niveau « historique » de 52,5 milliards en moyenne mobile sur trois mois et de 53,7 milliards en novembre. Sur onze mois, « les importations n’ont augmenté que de 2,6 % en volume, contre 20,1 % en valeur », précisent les Douanes. Ce phénomène est notamment visible sur la facture énergétique. L’addition a été alourdie par les tensions très fortes sur les cours du pétrole, du gaz et de l’électricité liées à la reprise mondiale.

A cela, s’est aussi ajouté un élément spécifique défavorable à l’Hexagone : du fait de la météo hivernale et de la mise à l’arrêt forcé de plusieurs réacteurs nucléaires, il a été dans l’incapacité de répondre à la demande intérieure. Résultat : traditionnellement exportatrice d’électricité, la France s’est retrouvée en position d’importatrice nette en novembre, à un moment où les cours s’envolaient. De quoi creuser considérablement les déficits sur les produits énergétiques, à 5,3 milliards contre 3,7 milliards deux mois plus tôt.

Mais malgré le retour des exportations à leur niveau d’avril 2019 (44 milliards en novembre), la performance hexagonale n’est guère plus brillante sur les autres produits : le solde commercial sur les biens d’investissement et sur les biens de consommation s’est également détérioré. Là encore, cela s’explique par un gonflement du montant des importations lié aux hausses de prix constatées aussi bien sur les matières premières autres que l’énergie (bois, métaux, céréales etc.) que sur les biens manufacturés.

Balance commerciale : un déficit mortel pour l’avenir

Le déficit commercial français a atteint 9 milliards d’euros en novembre en moyenne d’après Bercy le déficit commercial de la France devrait approcher les 90 milliards c’est-à-dire encore beaucoup plus que la moyenne habituelle de 60 milliards quand cette même moyenne en Allemagne fait paraître un profit proche de 200 milliards.

La balance commerciale constitue en faite le véritable indicateur de compétitivité du pays. Or la France n’est plus depuis longtemps une puissance industrielle et elle est de moins une  puissance agricole. La croissance repose essentiellement sur la consommation des ménages de produits en très grande majorité importée.

Sur le seul mois de novembre, le déficit extérieur s’est creusé à 9,7 milliards d’euros, soit 2 milliards de plus qu’en octobre. A titre de comparaison, il n’était que de 4,5 milliards en janvier 2021.

La France subit de plein fouet le renchérissement de ses importations. Celles-ci ont atteint un niveau « historique » de 52,5 milliards en moyenne mobile sur trois mois et de 53,7 milliards en novembre. Sur onze mois, « les importations n’ont augmenté que de 2,6 % en volume, contre 20,1 % en valeur », précisent les Douanes.  Ce phénomène est notamment visible sur la facture énergétique. L’addition a été alourdie par les tensions très fortes sur les cours du pétrole, du gaz et de l’électricité liées à la reprise mondiale.

A cela, s’est aussi ajouté un élément spécifique défavorable à l’Hexagone : du fait de la météo hivernale et de la mise à l’arrêt forcé de plusieurs réacteurs nucléaires, il a été dans l’incapacité de répondre à la demande intérieure. Résultat : traditionnellement exportatrice d’électricité, la France s’est retrouvée en position d’importatrice nette en novembre, à un moment où les cours s’envolaient. De quoi creuser considérablement les déficits sur les produits énergétiques, à 5,3 milliards contre 3,7 milliards deux mois plus tôt.

Mais malgré le retour des exportations à leur niveau d’avril 2019 (44 milliards en novembre), la performance hexagonale n’est guère plus brillante sur les autres produits : le solde commercial sur les biens d’investissement et sur les biens de consommation s’est également détérioré. Là encore, cela s’explique par un gonflement du montant des importations lié aux hausses de prix constatées aussi bien sur les matières premières autres que l’énergie (bois, métaux, céréales etc.) que sur les biens manufacturés.

 

Budget: Le déficit public « réduit » à 3%….en 2027 ( Olivier Dussopt)

Budget: Le déficit public « réduit »  à 3%….en 2027 ( Olivier Dussopt)

 

D’après le gouvernement le déficit public serait ramené à 3 % en 2027. Une échéance suffisamment lointaine pour qu’on ait le temps sans doute de le modifier à plusieurs reprises ! Pour 2021 , ce déficit serait ramené autour de 7 % au lieu des 8,2 % prévus. En cause : une croissance plus soutenue que ce qui était attendu, et le redressement des comptes de la sécurité sociale. Pour 2022, on compte sur un déséquilibre de 5 %. 

La croissance, elle, devrait atteindre 6,7% en 2021 si l’on en croit la dernière prévision de l’Insee. C’est plus que ce qu’avait prévu le gouvernement en septembre dernier, puisqu’il tablait alors sur 6,25%, a rappelé Olivier Dussopt. Quant au déficit de la sécurité sociale, de 40  milliards d’euros en 2020, il « redescendrait en 2021 à environ 25  milliards », a-t-il détaillé.

Enfin, le déficit de l’Etat s’élèverait pour sa part à 171 milliards d’euros, soit « près de 34,5 milliards de moins par rapport à nos dernières prévisions », s’est encore félicité le ministre.

« Tous ces mouvements confortent nos prévisions de déficit à 5% en 2022, puis à 3% en 2027 », a-t-il ajouté. Tout en précisant que la remontée des taux d’intérêt ne remet pas en question l’objectif de 5% de déficit pour cette année.

Le déficit public « réduit » à 3%….en 2027 ( Olivier Dussopt)

Le déficit public « réduit »  à 3%….en 2027 ( Olivier Dussopt)

 

D’après le gouvernement le déficit public serait ramené à 3 % en 2027. Une échéance suffisamment lointaine pour qu’on ait le temps sans doute de le modifier à plusieurs reprises ! Pour 2021 , ce déficit serait ramené autour de 7 % au lieu des 8,2 % prévus. En cause : une croissance plus soutenue que ce qui était attendu, et le redressement des comptes de la sécurité sociale. Pour 2022, on compte sur un déséquilibre de 5 %.

La croissance, elle, devrait atteindre 6,7% en 2021 si l’on en croit la dernière prévision de l’Insee. C’est plus que ce qu’avait prévu le gouvernement en septembre dernier, puisqu’il tablait alors sur 6,25%, a rappelé Olivier Dussopt. Quant au déficit de la sécurité sociale, de 40  milliards d’euros en 2020, il « redescendrait en 2021 à environ 25  milliards », a-t-il détaillé.

Enfin, le déficit de l’Etat s’élèverait pour sa part à 171 milliards d’euros, soit « près de 34,5 milliards de moins par rapport à nos dernières prévisions », s’est encore félicité le ministre.

« Tous ces mouvements confortent nos prévisions de déficit à 5% en 2022, puis à 3% en 2027 », a-t-il ajouté. Tout en précisant que la remontée des taux d’intérêt ne remet pas en question l’objectif de 5% de déficit pour cette année.

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