Dette entreprise : l’URSSAF pour un étalement
Le directeur général des Urssaf annonce dans l’Opinion un nouveau plan d’étalement des dettes sociales qui pourra durer jusqu’à trois ans pour éviter un maximum de faillites Bruno Le Maire et Éric Dupond-Moretti ont présenté la semaine dernière un plan de contingence pour aider les entreprises surendettées mais viables, à passer le mauvais cap de la sortie de crise. Parmi les solutions avancées, un nouvel étalement des dettes fiscales et sociales. Yann-Gaël Amghar, directeur des Urssaf, en détaille les contours.
Quel rôle a joué l’Urssaf durant la crise ?
Un rôle d’amortisseur économique et social. Quelques jours seulement après l’allocution du président de la République du 12 mars 2020, nous avons mis en place ce que nous n’avions jamais fait auparavant : des reports d’échéance sans procédure ni pénalité pour les employeurs et une suspension des cotisations des indépendants pour six mois. En quelques jours, 4 milliards d’euros de trésorerie ont été offerts aux entreprises. Très vite, nous sommes arrivés à plus de 20 milliards d’euros de reports. Parallèlement, des aides financières ont été versées à plus d’un million d’indépendants. Depuis quinze mois, nous sommes en première ligne pour soutenir les employeurs et les travailleurs indépendants.
Et sur le volet social ?
En quinze jours, nous avons mis en place un système d’activité partielle pour les employés à domicile qui n’existait pas le 15 mars. Nous avons bien sûr contribué à financer le système de santé et de sécurité sociale, confronté à une forte hausse des dépenses. Les Urssaf ont été un amortisseur économique et social dans la crise. Nous serons moteur dans la sortie de crise.
A combien se montent les reports de charge aujourd’hui ?
Aujourd’hui, nous avons reporté 11,5 milliards d’euros pour les employeurs et 7 milliards pour les indépendants. Nous atteindrons bientôt les 20 milliards. Notre objectif est d’éviter au maximum les défaillances d’entreprises. Pour cela, nous allons leur proposer un dispositif nouveau de plan d’apurement de dette.
En quoi va-t-il consister ?
Ce dispositif sera novateur à plusieurs égards. D’abord nous allons être proactifs. Les entreprises n’auront aucune démarche à faire. Toutes les entreprises en dette avec les Urssaf vont recevoir un plan d’étalement exceptionnel, qui en fonction de la taille de la dette sociale pourra durer jusqu’à trois ans, quand ces facilités ne sont accordées en temps normal que pour quelques mois. Ensuite, nous ferons du cas par cas en fonction du niveau d’endettement de l’entreprise. Enfin, le chef d’entreprise ou le travailleur indépendant pourra éventuellement négocier ce plan, qui n’est qu’une proposition de notre part. Nous sommes dans un dialogue avec l’entreprise.
Quand enverrez-vous les premières propositions ?
Nous en avons déjà envoyé à 240 000 entreprises. Nous enchaînerons à partir de juillet avec les travailleurs indépendants. Nous commençons par les dossiers les plus simples, les entreprises les moins fragilisées par la crise. Pour les autres, nous attendons de voir comment se passe la reprise et comment vont se stabiliser leurs dettes avant de proposer quoi que ce soit. Ce volet préventif est essentiel. Il doit nous permettre d’éviter à un maximum d’entreprise de passer par des plans de continuité plus contraignants.
Combien d’entreprises sont concernées ?
Toutes celles qui ont une dette vis-à-vis de l’Urssaf, soit plus de 800 000 employeurs et près de 1,5 million d’indépendants. Je rappelle que nous n’avons rien prélevé sur les indépendants de mars à août 2020. Quand nous avons repris les prélèvements en septembre/octobre, c’était avec des échéances divisées par deux. Puis en novembre/décembre, nous avons à nouveau suspendu les paiements pour tous. Nous avons repris depuis début 2021, à l’exception des secteurs en difficulté et des entreprises qui nous ont signalé être en difficulté.
Les faillites d’entreprises ont baissé de 40 % l’année dernière en partie parce que les Urssaf ont arrêté de lancer des procédures de recouvrement devant les tribunaux de commerce. Allez-vous continuer ?
Nous continuerons de suspendre les procédures de recouvrement forcé tant que l’économie ne se sera pas remise sur pied. Bien sûr, nous surveillerons les effets d’aubaines et les distorsions de concurrence. La lutte contre le travail dissimulé continue, et dans ce cas le recouvrement forcé s’applique.
La crise a-t-elle modifié votre façon de travailler, d’appréhender les entreprises ?
La crise a été pour nous un accélérateur de transformation, tant en interne avec le télétravail qu’avec les entreprises. En quelques jours, nous avons basculé l’essentiel de nos 16000 collaborateurs en télétravail. Et ça a très bien marché. Nous allons tirer les enseignements de cette expérience avec davantage d’autonomie pour les collaborateurs, ce qui donnera aussi plus de souplesse dans la relation avec les usagers.
Qu’avez-vous fait des contrôleurs si les procédures ont été suspendues ?
Nous avons procédé à des changements temporaires de postes, plus orientés vers le conseil et l’accompagnement. Nos collaborateurs, qui sont en temps normal devant les tribunaux ou les contrôles, ont mené pendant le premier confinement d’autres missions. Ainsi, 90 % des appels ont été pris en charge en 2020, un taux supérieur aux années précédentes. Tout le monde à l’Urssaf a été fier d’assurer la survie des entreprises dans la crise.
Les Urssaf sont devenus pro-business ? On a du mal à le croire !
Il y a pourtant eu une véritable prise de conscience collective. Aider les chefs d’entreprise au téléphone, gérer l’action sociale des travailleurs indépendants a changé le regard de collaborateurs. La crise a été un facteur d’accélération de la transformation culturelle en interne. Nous avons aussi ce retour des entreprises : la crise a changé leur regard sur l’Urssaf.
Il faut donc s’attendre à moins de contrôle et plus d’accompagnement à l’avenir ?
Soyons clairs : il n’est pas question de relâcher le contrôle. Notre mission est de protéger le financement de la protection sociale des salariés. Mais dans le cadre de la relation de confiance, nous avons par exemple lancé la « visite conseil » qui s’adresse aux jeunes entreprises, en général un an après leur création. Un agent se déplace dans l’entreprise pour faire un diagnostic des erreurs qui ont pu être commises, sans redressement. Cela permet à l’entreprise de se sécuriser et nous permet, si nous revenons trois ans plus tard et que nous constatons les mêmes manquements, de prouver que l’entreprise était au courant.