Les banques centrales, levier stratégique du réarmement européen

Les banques centrales, levier stratégique du réarmement européen

Ursula von der Leyen prône le réarmement du continent, mais la question de l’argent, un sujet sensible dans l’UE, reste un obstacle majeur. Pourtant, une solution simple et immédiate pourrait renforcer la défense européenne : utiliser les 330 milliards de dollars gelés de la Banque centrale russe. Par Michel Santi, économiste (*) dans La Tribune

En 2015, lors d’un exercice conjoint de l’OTAN, les soldats allemands étaient confrontés à une pénurie d’armement si sévère qu’ils durent remplacer des mitrailleuses introuvables… par des manches à balai. Ironie du sort, leur cheffe de l’époque, Ursula von der Leyen, aujourd’hui présidente de la Commission européenne, tente désormais d’incarner les ambitions de «réarmement» du continent.

Parler d’argent, c’est inévitablement parler politique, surtout dans une Union européenne obsédée par le contrôle strict des déficits et prompte à sanctionner les nations ne respectant pas des critères aussi arbitraires qu’inutiles. Pourtant, une solution simple, à portée de main et techniquement facile à mettre en œuvre, pourrait enclencher immédiatement le renforcement de la défense européenne : saisir les 330 milliards de dollars de la Banque centrale russe gelés dans le système bancaire européen. La confiscation de ces fonds permettrait de renforcer sans délai les défenses ukrainiennes et de financer le déploiement d’une force européenne capable de garantir la paix, dès lors qu’un accord serait trouvé.

Voilà plus de trois ans que cette guerre dure, et presque rien n’a été fait en Europe pour renforcer les armées, principalement pour des raisons financières. Ce blocage — cette apathie européenne — rappelle étrangement la gestion calamiteuse de la «crise des dettes souveraines» qui a révélé une incompréhension calamiteuse de l’argent et du système monétaire.

Le 15 août 1971, le président américain Richard Nixon décide unilatéralement de mettre fin à la convertibilité du dollar en or, laissant sa monnaie «flotter». Cette rupture historique inaugure un nouveau paradigme qui propulsera la croissance économique de l’Occident. Certes, la monnaie n’est plus adossée à l’or, mais elle repose désormais sur quelque chose de bien plus puissant : nous tous. Depuis 1971, l’argent en circulation est garanti par la confiance collective et la puissance de nos nations.

L’expansion économique, la consommation, l’investissement, jusqu’aux dépenses publiques dans certains cas, reposent en grande partie sur un acteur aussi fondamental qu’incompris : la banque centrale. C’est grâce à sa générosité — par le maintien de taux d’intérêt bas et la gestion des liquidités — que nos économies ont survécu aux crises et aux bulles spéculatives du capitalisme. La Banque centrale européenne (BCE), en particulier, tient entre ses mains le destin financier de 350 millions de citoyens répartis dans 20 pays. Ses décisions sont cruciales pour l’avenir du continent. Les banques centrales sont devenues de véritables acteurs politiques et, avec son pouvoir de création monétaire, la BCE a démontré sa capacité à intervenir efficacement en période de crise.

Aujourd’hui, face aux menaces qui pèsent sur l’Europe, il est plus que jamais nécessaire de sortir de l’ombre et d’agir. La BCE pourrait jouer un rôle crucial dans la mise en place d’une stratégie de financement centralisée et cohérente. Non seulement contrôle-t-elle les leviers monétaires de l’Europe, mais elle dispose également des ressources nécessaires pour aider à structurer un plan de réarmement rapide et efficace  ? Les banques centrales ont prouvé par le passé leur capacité à générer des solutions durables face aux crises financières. Elles doivent désormais agir pour garantir la sécurité et la souveraineté de l’Europe.

La BCE dispose des outils nécessaires pour créer un cercle vertueux dans lequel la création monétaire pourrait être utilisée pour financer non seulement la défense, mais aussi la croissance économique nécessaire pour soutenir une Europe forte et unie face aux défis mondiaux. Face à la menace, elle doit prendre ses responsabilités et agir avec la même détermination que lors des crises financières passées.

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(*) Michel Santi est macro-économiste, spécialiste des marchés financiers et des banques centrales, écrivain. Il publie aux Editions Favre « Une jeunesse levantine », Préface de Gilles Kepel. Son fil Twitter.

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