Le discours fou de Vance

Le discours fou de Vance

Le 14 février, le vice-président des Etats-Unis s’en est pris au modèle même de la démocratie européenne. « Le Monde » publie ce discours dans son intégralité, avec des éléments d’explication.

[Alors que la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine était au centre de la Conférence sur la sécurité de Munich du 14 au 16 février, le vice-président américain, J. D. Vance, n’en a pratiquement pas touché mot dans le discours qu’il y a prononcé le vendredi 14 février. A la place, il s’est lancé dans une violente attaque contre les démocraties européennes. En les appelant à rompre le « cordon sanitaire » avec l’extrême droite et en attaquant les règles européennes en matière de libertés publiques, M. Vance a posé les Etats-Unis en adversaires de l’Etat de droit qui prévaut en Europe depuis 1945. Le Monde publie ce discours dans son intégralité, assorti d’éléments d’explication.]

Merci à tous les délégués, toutes les personnalités et tous les professionnels des médias qui sont réunis ici. Je remercie tout particulièrement les hôtes de la Conférence de Munich sur la sécurité, qui organisent un événement aussi incroyable. Nous sommes ravis d’être ici.

L’une des choses dont je souhaite vous parler aujourd’hui, bien sûr, ce sont nos valeurs communes. C’est un plaisir de revenir en Allemagne. Comme vous venez de l’entendre, je suis venu ici l’an dernier en tant que sénateur américain. Je viens de rencontrer le secrétaire d’Etat [britannique] aux affaires étrangères, David Lammy, et j’ai plaisanté sur le fait qu’[en 2024] nous occupions tous deux des postes différents.

Aujourd’hui, il est temps pour tous nos pays, pour nous tous qui avons eu la chance de nous voir confier le pouvoir politique par nos peuples respectifs, de l’utiliser avec sagesse dans le but d’améliorer leurs vies.

J’ai eu la chance, durant mon séjour ici, au cours des dernières vingt-quatre heures, de passer un peu de temps à l’extérieur des murs de cette salle de conférence, et j’ai été impressionné par l’hospitalité des gens, alors qu’ils sont, bien sûr, sous le choc du terrible attentat d’hier [le 13 février, une voiture-bélier a foncé sur la foule dans une manifestation syndicale à Munich, faisant 2 morts et 37 blessés].

La première fois que je suis venu à Munich, c’était lors d’un voyage personnel avec mon épouse, qui m’accompagne aujourd’hui également. J’ai toujours aimé la ville de Munich, et j’ai toujours aimé ses habitants. Je tiens à dire que nous sommes très émus, que nos pensées et nos prières vont à Munich, et à tous ceux qui ont été touchés par le mal infligé à cette magnifique communauté. Nous pensons à vous, nous prions pour vous, et nous vous soutiendrons au cours des jours et des semaines à venir.

[Applaudissements] Merci. J’espère que ce ne sont pas les derniers applaudissements de mon discours… [Rires]. Si nous nous réunissons lors de cette conférence, bien sûr, c’est pour discuter de sécurité. Habituellement, nous entendons par là les menaces qui pèsent sur notre sécurité extérieure. Je vois une multitude de grands chefs militaires dans la salle aujourd’hui.

Mais, si l’administration Trump se préoccupe vivement de la sécurité européenne, et si elle est convaincue que nous pouvons parvenir à un accord raisonnable entre la Russie et l’Ukraine, nous pensons également qu’il est important qu’au cours des prochaines années l’Europe mette les bouchées doubles pour parvenir à assurer elle-même sa défense. La menace qui me semble la plus inquiétante pour l’Europe n’est ni la Russie, ni la Chine, ni aucun autre acteur extérieur. La menace qui m’inquiète le plus vient de l’intérieur : l’Europe s’éloigne de certaines de ses valeurs les plus fondamentales – des valeurs que partagent les Etats-Unis d’Amérique.

J’ai été frappé de voir un ancien commissaire européen s’exprimer récemment à la télévision pour se réjouir que le gouvernement roumain ait annulé les élections dans le pays. Il a même averti que, si les choses ne se passaient pas comme il le fallait, la même chose pourrait se produire en Allemagne.

Il cible le Français Thierry Breton
Le vice-président américain fait ici référence à une intervention de Thierry Breton. L’ancien commissaire européen français, le 9 janvier sur RMC, réagissait à l’échange sur X entre Elon Musk et la responsable du parti d’extrême droite allemand Alternative für Deutschland (AfD), Alice Weidel. M. Breton a rappelé que le propriétaire du réseau social a « le droit de dire ce qu’il veut », mais pas sur les réseaux sociaux. Tant que ceux-ci sont disponibles en Europe, la parole y est régie par le règlement européen sur les services numériques, qui oblige les plateformes numériques à réguler leurs contenus, notamment pour éviter la désinformation ou les contenus illicites.
Exhortant l’Union européenne (UE) et ses membres à faire appliquer leurs lois sur les contenus en ligne, Thierry Breton a alors prononcé cette phrase : « Faisons appliquer nos lois, en Europe, lorsqu’elles risquent d’être circonvenues et qu’elles peuvent, si on ne les applique pas, conduire à des interférences. On l’a fait en Roumanie, il faudra évidemment le faire si c’est nécessaire en Allemagne. » A l’époque, la phrase, sortie de son contexte, est largement reprise sur les réseaux sociaux. Certains y voient un aveu que l’Europe a annulé les élections en Roumanie et qu’elle pourrait faire de même en Allemagne. Comme l’a montré Libération, cette thèse est relayée par Elon Musk lui-même, qui dépeint Thierry Breton en « tyran de l’Europe ». Réponse de l’ancien commissaire au milliardaire : l’UE n’a le pouvoir d’annuler aucune élection dans les pays membres.

Ces déclarations cavalières sont choquantes pour des oreilles américaines. Depuis des années, on nous répète que tout ce que nous faisons, quand nous apportons nos financements et notre soutien, nous le faisons au nom de nos valeurs démocratiques communes.

On justifie tout, depuis notre politique vis-à-vis de l’Ukraine jusqu’aux mesures de censure numérique, au nom de la défense de la démocratie. Mais, lorsque des tribunaux européens annulent des élections et que des hauts responsables menacent d’en annuler d’autres, nous ne pouvons que nous demander si nous plaçons la barre suffisamment haut. Et je dis « nous », parce que je pense fondamentalement que nous sommes du même côté. Mais nous devons faire davantage que parler de nos valeurs démocratiques. Nous devons les incarner.

Comme s’en souviennent beaucoup d’entre vous qui êtes présents dans cette salle, la guerre froide a opposé les défenseurs de la démocratie à des forces bien plus tyranniques de ce continent. Repensons à ceux qui censuraient les dissidents, fermaient les églises, annulaient les élections. Etaient-ils du bon côté ? Bien sûr que non et, Dieu merci, ils ont perdu la guerre froide. Ils ont perdu parce qu’ils n’avaient ni estime ni respect pour la liberté et ses extraordinaires possibilités – la liberté de surprendre, de faire des erreurs, d’inventer, de construire.

On ne peut pas forcer les gens à être innovants ou créatifs, tout comme on ne peut pas les forcer à penser, à croire, à éprouver une chose. Et nous sommes convaincus que tout cela est lié. Malheureusement, lorsque je regarde l’Europe aujourd’hui, je ne comprends pas toujours clairement ce qui est arrivé à certains des vainqueurs de la guerre froide.

Je pense à Bruxelles, où les commissaires avertissent les citoyens qu’ils comptent couper l’accès aux réseaux sociaux en période de troubles dès lors qu’ils détectent ce qu’ils jugent être, je cite, « des contenus haineux ».

Il anticipe une « coupure » des réseaux sociaux

 

J. D. Vance fait référence à des prises de parole datant de juillet 2023. Après les émeutes qui ont agité la France à la suite de la mort de Nahel, en partie alimentées sur les réseaux sociaux par une surenchère de vidéos de destructions, Emmanuel Macron émet l’idée controversée de « se mettre en situation de les réguler ou les couper ».

Trois semaines plus tard, après avoir été sollicité par une soixantaine d’organisations non gouvernementales hostiles à cette idée, le commissaire européen d’alors, Thierry Breton, évoque la possibilité d’une fermeture des plateformes « dans les cas extrêmes », dans le cadre de la législation européenne sur les services numériques. Au nom de la défense de la liberté d’expression, il s’oppose néanmoins à ce que leurs services soient « bloqués ou dégradés sur des bases arbitraires ou injustifiées ».

Le règlement européen envisage la possibilité de saisir les autorités judiciaires compétentes en dernier recours, si le propriétaire de la plateforme et les fournisseurs d’accès n’ont pas d’eux-mêmes adopté des mesures. Ce dispositif ne vise pas la catégorie très large du « contenu haineux », mais les messages qui constituent une infraction pénale menaçant de manière « sérieuse » la sécurité ou la vie des personnes.

Dans ce passage, J. D. Vance emploie en anglais le terme commissars pour désigner les commissaires européens, et non pas celui de commissionners qu’il utilise pourtant quelques minutes auparavant. Le choix de ce mot n’est pas neutre. Le terme commissar renvoie aux commissaires politiques de l’URSS, chargés notamment de la propagande communiste et dont l’institution s’est progressivement muée en police des mœurs pour les officiers soviétiques.

Je pense à ce pays, l’Allemagne, où la police s’en prend à des citoyens soupçonnés de poster des commentaires antiféministes en ligne dans le cadre, je cite, de « la lutte contre la misogynie sur Internet ».

Il croit que l’antiféminisme est criminalisé

 

En mars 2024, à la veille de la Journée internationale des droits des femmes, les autorités allemandes ont effectivement interpellé 45 suspects dans 11 Länder différents dans le cadre d’une journée de lutte contre la misogynie sur Internet. Mais les individus appréhendés ne l’ont pas été pour avoir exprimé des opinions « antiféministes ». Ils sont accusés d’avoir posté des « publications misogynes ayant une portée criminelle », selon un communiqué conjoint du bureau du procureur national et de la police criminelle fédérale. Cette qualification recouvre le partage non consenti de photos ou de vidéos de nus, les insultes à caractère sexuel, les encouragements aux violences sexuelles et au viol, ainsi que l’envoi de vidéos de torture et de meurtre.

Je pense à la Suède, où [fin janvier] le gouvernement a condamné un militant chrétien qui a brûlé des exemplaires du Coran, actes qui ont valu à son ami de se faire assassiner. Et, comme l’a noté le juge chargé de l’affaire, dans une remarque à faire froid dans le dos, les lois suédoises censées protéger la liberté d’expression ne donnent pas, je cite, « carte blanche pour dire ou faire n’importe quoi au risque d’offenser le groupe dont les convictions sont ciblées ».

Il critique l’encadrement de la liberté d’expression en Suède

 

J. D. Vance évoque Salwan Momika, un Irakien de confession chrétienne abattu dans son appartement en janvier dans la banlieue de Stockholm. Réfugié en Suède depuis 2018, il a participé à plusieurs autodafés du Coran en 2023, à l’origine de manifestations de colère dans plusieurs pays musulmans.

Le vice-président des Etats-Unis fait également allusion à son complice Salwan Najem, un réfugié irakien qui a également participé à ces autodafés et a été condamné en février pour incitation à la haine contre un groupe ethnique. Dans son jugement, le tribunal a rappelé que la critique de la religion était légale en Suède. Mais le juge chargé de cette affaire, Göran Lundahl, a souligné que cette critique n’était pas permise à n’importe quel prix : « Exprimer son opinion sur une religion ne donne pas le droit de faire ou dire n’importe quoi au risque d’offenser la communauté qui partage cette croyance. »

Le vice-président américain critique ici la liberté d’expression en Suède qu’il estime en recul, comme dans le reste de l’Europe. A l’image de Donald Trump, J. D. Vance voue un culte au free speech, considéré comme l’un des principes fondateurs des Etats-Unis. Selon sa vision de la liberté d’expression, aucun discours ne peut être prohibé par la loi, pas même les messages de haine, comme c’est le cas dans les pays européens.

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Et, avec peut-être plus d’inquiétude encore, je pense à présent à nos très chers amis du Royaume-Uni, où le recul de la liberté de conscience est tel que les libertés fondamentales, en particulier des croyants britanniques, sont menacées.

Il y a un peu plus de deux ans, le gouvernement britannique inculpait Adam Smith-Connor, un kinésithérapeute de 51 ans, vétéran de l’armée, de ce crime odieux : prier en silence, pendant trois minutes, à 50 mètres d’une clinique pratiquant l’avortement – sans gêner personne, sans interagir avec qui que ce soit, il a simplement prié seul, dans son coin, en silence. Quand des policiers britanniques l’ont remarqué et qu’ils lui ont demandé quel était l’objet de ses prières, M. Adam a répondu, simplement, qu’il priait au nom du fils non né dont lui et sa petite amie de l’époque, des années plus tôt, avaient décidé d’avorter.

Mais les policiers sont restés de marbre. Adam [Smith-Connor] a été jugé coupable d’avoir enfreint la nouvelle loi du gouvernement sur les « zones tampons », qui sanctionne les prières silencieuses et toute autre action susceptible d’influencer la décision d’une personne dans un rayon de 200 mètres autour d’une structure pratiquant l’avortement. Il a été condamné à payer plusieurs milliers de livres de frais de justice à l’accusation.

Il dénonce la condamnation d’un opposant à l’avortement au Royaume-Uni

 

Le vice-président américain fait référence à un événement survenu en novembre 2022 à Bournemouth, dans le sud de l’Angleterre. Un physiothérapeuthe et ex-militaire britannique, Adam Smith-Connor, a prié devant une clinique pratiquant l’avortement, alors qu’une « zone de sécurité » était mise en place pour tenir à distance les opposants à l’interruption volontaire de grossesse. Cette zone tampon avait été instaurée par un arrêté pris par les autorités locales en octobre 2022 pour tenir à l’écart les militants et garantir que les femmes ne soient pas harcelées ou intimidées. Tout auteur d’infraction s’exposait alors à une amende, voire à une condamnation judiciaire. Le quotidien britannique The Guardian avait notamment rapporté qu’un membre de la clinique avait aperçu une patiente se blesser en tentant d’escalader un mur pour éviter les intimidations des manifestants.

En priant devant l’établissement, Adam Smith-Connor n’a pas respecté le périmètre de protection. Il a également refusé de quitter les lieux malgré les injonctions d’un officier de police. L’ancien combattant a été déféré au tribunal pour avoir refusé de payer son amende et a été condamné en octobre 2024 à payer plus de 9 000 livres (environ 11 000 euros) de frais de justice. En vertu d’une loi votée en 2023, les zones tampons ont été généralisées autour des cliniques pratiquant l’avortement en Angleterre et au Pays de Galles en octobre 2024.

J. D. Vance est connu pour ses positions hostiles au droit à l’avortement. Il déclarait en 2022 qu’il était favorable à une interdiction totale de l’IVG aux Etats-Unis. Mais, en 2024, le colistier de Donald Trump a nié ces propos et déclaré qu’il revenait à chaque Etat de décider de sa législation.

J’aimerais pouvoir dire qu’il s’agit d’un malheureux hasard – d’un cas isolé et insensé de loi mal rédigée, appliquée à une seule personne. Mais non,en octobre [2024], il y a quelques mois à peine, le gouvernement écossais a commencé à envoyer des lettres aux citoyens qui habitent à l’intérieur de « zones d’accès sécurisées » pour les avertir que, même le fait de prier en privé, à leur domicile, pouvait constituer une infraction à la loi. Et, bien entendu, le gouvernement invite les destinataires de ces courriers à dénoncer tout citoyen soupçonné de crime de pensée.Au Royaume-Uni comme dans toute l’Europe, j’en ai peur, la liberté d’expression est en déclin.

Il ment sur une loi écossaise protégeant les femmes qui ont recours à l’avortement

 

J. D. Vance effectue encore un raccourci mensonger sur l’encadrement du droit à l’avortement au Royaume-Uni. Il cible ici une loi écossaise sur les « zones d’accès sécurisé », entrée en vigueur en septembre 2024. Cette loi vise à protéger les femmes qui avortent des militants anti-IVG qui tentent de les effrayer devant les hôpitaux et dispensaires. Avec cette loi, les opposants à l’avortement ne peuvent ni manifester à moins de 200 mètres de ces établissements ni tenir des veillées silencieuses.

Mais, contrairement à ce que le vice-président américain affirme, cette loi ne vise pas à interdire la prière à domicile. Gillian Mackay, qui a porté ce texte de loi au Parlement écossais, a fermement condamné ses propos sur Facebook : « Il s’agit d’une désinformation choquante et éhontée du vice-président américain J. D. Vance. C’est l’une des personnes les plus puissantes au monde, mais il raconte n’importe quoi sur mon texte de loi. »

De plus, la lettre mentionnée dans le discours ne dit rien sur une quelconque infraction liée à une prière à domicile, elle vise à informer les résidents de ce que signifient ces zones. « Elle encourage les habitants à signaler tout ce qui pourrait enfreindre la loi, a corrigé la députée écossaise. C’est la même chose que fait la police écossaise pour faire respecter les autres lois du pays, il n’y a rien d’unique lié à ce texte. » Gillian Mackay a demandé à l’ambassadeur des Etats-Unis au Royaume-Uni de rectifier ce qu’elle qualifie de « désinformation ».

Par courtoisie, mes amis, mais aussi par souci de la vérité, je dois admettre que parfois les voix les plus fortes qui appellent à la censure ne viennent pas d’Europe, mais de mon pays, où le précédent gouvernement a menacé et intimidé les réseaux sociaux pour qu’ils censurent les prétendues fausses informations – par exemple l’idée selon laquelle le coronavirus était probablement sorti d’un laboratoire chinois. Notre gouvernement a encouragé des entreprises privées à bâillonner les personnes qui osaient dire ce qui s’est ensuite révélé être une vérité incontestable.

Il expose un avis péremptoire sur l’origine du Covid-19

 

Pour J. D. Vance, la thèse d’une fuite de laboratoire pour expliquer l’origine du SARS-CoV2 est une « vérité évidente ». Certes, des soupçons pèsent sur l’Institut de virologie de Wuhan, qui menait des expérimentations sur des coronavirus de chauve-souris proches du Covid-19 dans des laboratoires à la sécurité limitée. A peine son nouveau président, John Ratcliffe, entré en fonctions après sa nomination par Donald Trump, la CIA a déclaré, en janvier, qu’elle privilégiait désormais cette hypothèse, quoiqu’avec un niveau de confiance « faible ».

En effet, aucune preuve n’a jamais été apportée que le SARS-CoV-2 se soit échappé, que des laborantins aient contracté la maladie, ni que l’institution chinoise ait été en possession d’un virus qui puisse en être le progéniteur direct.

La majorité des scientifiques continue de juger que l’hypothèse de la zoonose reste la plus probable. C’est au marché aux fruits de mer de Huanan que la maladie a été détectée pour la première fois, avec une répartition des premiers cas et une diversité génétique des premières souches cohérentes avec une émergence zoonotique, d’après une étude publiée dans la revue Nature. Des traces génétiques du virus y ont également été retrouvées, mêlées à celles d’animaux susceptibles de transmettre le virus à l’homme, comme le chien viverrin, ce que la Chine a mis trois ans à reconnaître. Fin 2024, des analyses en cours de publication ont également montré que les animaux présents aux halles étaient eux-mêmes malades.

Des zones d’ombre importantes demeurent. Le chemin exact qu’aurait suivi le SARS-CoV-2 reste inconnu, Pékin faisant entrave à toutes les enquêtes liant de près ou de loin l’origine du Covid-19 à la Chine. Plusieurs études ont néanmoins établi depuis près de vingt ans que le trafic de viande de brousse depuis les zones rurales jusqu’aux marchés humides était un vecteur de zoonose.

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Je suis donc venu ici aujourd’hui avec un constat, mais aussi avec une proposition. Tout comme l’administration Biden a cherché à tout prix à faire taire les gens qui disaient ce qu’ils pensaient, l’administration Trump fera précisément le contraire. Et j’espère que nous pourrons travailler ensemble en ce sens.

A Washington, il y a un nouveau shérif. Et sous la présidence de Donald Trump, même si nous ne sommes pas d’accord avec votre vision des choses, nous nous battrons pour défendre votre droit de l’exprimer dans l’espace public, que l’on soit d’accord ou non avec. [Quelques applaudissements.]

La situation se détériore au pointqu’en décembre [2024] la Roumanie a annulé les résultats d’une élection présidentielle sur la base des soupçons fragiles d’une agence de renseignement, et sous la pression énorme de ses voisins du continent.

La raison, d’après ce que je comprends, est que de fausses informations russes ont influencé les élections roumaines. Mais je demande à mes amis européens de prendre un peu de recul. Vous pouvez penser que la Russie n’a pas à acheter des publicités sur des réseaux sociaux pour influencer vos élections. C’est en tout cas ce que nous pensons. Vous pouvez même le condamner sur la scène internationale. Mais si votre démocratie peut être détruite avec quelques centaines de milliers de dollars de publicité en ligne venant d’un pays étranger, c’est qu’elle n’est pas très solide. [Quelques applaudissements.]

Il condamne l’annulation de l’élection présidentielle en Roumanie

 

L’annulation du second tour de l’élection présidentielle en Roumanie, décidée par la Cour constitutionnelle le 6 décembre 2024, premier cas du genre en Europe, fait suite au succès d’un candidat prorusse, Calin Georgescu, dans ce pays pourtant foncièrement pro-européen. M. Georgescu, qui n’avait participé à aucun débat ni investi la moindre somme d’argent dans la campagne, était arrivé en tête du premier tour.

Les « vagues soupçons d’une agence de renseignement » évoqués par M. Vance renvoient à l’analyse des services de renseignement roumains. Selon ces derniers, la combinaison de vidéos associées à des mots-clés et relayées, moyennant une rémunération dissimulée, par plus d’une centaine d’influenceurs totalisant plus de 8 millions d’abonnés actifs avait abouti à ce que le nom de M. Georgescu soit hissé, à la veille du vote, parmi les premiers contenus promus en ligne.

Les autorités roumaines ne sont pas parvenues à prouver l’ingérence de Moscou, mais elles sont convaincues de la réalité de l’ingérence russe et l’enquête se poursuit. « Nous disposons d’éléments qui confirment que la Russie tente de manipuler des influenceurs dans [des] pays européens, dont la France », a déclaré de son côté, le 18 décembre 2024, le ministre des affaires étrangères français, Jean-Noël Barrot.

J. D. Vance lui-même n’est pas loin de l’admettre puisqu’il déclare un peu plus loin que les Etats-Unis « pensent », comme les Européens, « qu’il est mal que les Russes achètent des publicités sur les réseaux sociaux pour influencer les élections ». L’objet véritable de sa référence au cas roumain semble moins de nier l’implication russe que de saper le principe de la démocratie en Europe, qui, selon lui, « n’est pas très solide au départ » si elle « peut être détruite avec quelques centaines de milliers de dollars de publicité numérique provenant d’un pays étranger ». Autrement dit, elle ne vaut pas bien cher. Une appréciation stupéfiante dans la bouche du vice-président de Donald Trump, qui a gracié plus de 1 500 personnes condamnées pour l’assaut du Capitole le 6 janvier 2021.

La bonne nouvelle, c’est que je pense que vos démocraties sont nettement moins fragiles que beaucoup ne le craignent. Et je suis convaincu que laisser nos citoyens s’exprimer ne fera que les renforcer. Ce qui, bien sûr, nous ramène à Munich, où les organisateurs de cette conférence ont interdit aux représentants des partis populistes de gauche comme de droite de participer à ces discussions.

Il déplore l’interdiction des partis populistes à la Conférence de Munich

 

Le parti d’extrême droite Alternative für Deutschland (AfD) et le parti de gauche Alliance Sahra Wagenknecht, hostiles aux livraisons d’armes à l’Ukraine et considérés comme favorables aux intérêts russes, n’ont en effet pas été invités à participer à la Conférence de Munich. Les organisateurs ont invoqué le comportement des deux partis lors du discours du président ukrainien, Volodymyr Zelensky, au Bundestag, en juin 2024 – les élus avaient alors quitté l’hémicycle. Mais, tout en paraissant reprocher l’absence des partis populistes « de gauche et de droite », le vice-président américain a fait son choix : c’est Alice Weidel, la dirigeante de l’AfD, avec qui il s’est entretenu.

Encore une fois, nous ne sommes pas obligés d’être d’accord avec tout ce que disent les gens, mais, quand des dirigeants politiques représentent un grand nombre d’électeurs, il est de notre devoir d’au moins accepter de dialoguer avec eux.

Nous sommes beaucoup, de l’autre côté de l’Atlantique, à avoir de plus en plus l’impression que des intérêts anciens et tenaces se cachent derrière ces vilains mots datant de l’ère soviétique, derrière toute cette « désinformation » et cette « propagande ». Parce qu’ils n’aiment tout simplement pas l’idée qu’une personne avec un autre point de vue puisse exprimer une opinion différente ou, Dieu nous garde, voter pour un autre candidat ou, pis encore, remporter une élection.

Nous nous sommes réunis ici aujourd’hui pour une conférence sur la sécurité, et je suis certain qu’en venant vous vous êtes tous préparés à parler des manières d’augmenter les dépenses de défense au cours des prochaines années, en fonction de vos nouveaux objectifs. Et c’est très bien, car, comme le président Trump l’a très clairement dit, il pense que nos amis européens doivent jouer un rôle plus grand dans l’avenir de ce continent. Vous avez déjà entendu ce terme, « partage du fardeau », eh bien nous pensons qu’il est important, dans le cadre de notre alliance, que, d’un côté, les Européens redoublent d’efforts et que, de l’autre, l’Amérique se concentre sur des régions du monde qui se trouvent en grand danger.

Permettez-moi d’ailleurs de vous demander ceci : comment comptez-vous réfléchir à des questions budgétaires si nous ne savons même pas ce que nous défendons ? J’ai déjà entendu beaucoup de choses lors des échanges que j’ai eus ici – et j’ai mené un grand nombre, un très grand nombre de discussions très intéressantes avec de nombreuses personnes présentes dans cette salle –, j’ai entendu beaucoup de choses sur ce contre quoi vous devez vous défendre et, bien sûr, c’est important. Mais ce qui me semble moins clair, et ce qui l’est, je crois, pour de nombreux citoyens européens, c’est ce pour quoi vous vous battez exactement. Quelle est la vision positive qui anime ce pacte de sécurité, auquel nous accordons tous tant d’importance ?

Je suis profondément convaincu qu’il ne peut y avoir de sécurité si on a peur des voix, des opinions et de la conscience de son peuple. L’Europe est confrontée à de nombreux défis, mais la crise que le continent doit d’urgence affronter, la crise, je pense, que nous devons affronter tous ensemble, c’est nous qui l’avons provoquée.

Si vous avez peur de vos électeurs, il n’y a rien que les Etats-Unis puissent faire pour vous. Il n’y a rien, non plus, que vous puissiez faire pour le peuple américain qui a élu le président Trump et moi-même.

Car vous avez besoin de mandats démocratiques si vous voulez accomplir des choses importantes dans les années à venir. N’avons-nous pas appris que les mandats faibles produisent des résultats fragiles ? Vous pourriez accomplir tant de grandes choses avec le genre de mandat démocratique que vous obtiendriez, je le pense, en étant davantage à l’écoute de vos citoyens.

Si vous voulez avoir des économies compétitives, si vous voulez profiter d’une énergie à un prix abordable et sécuriser vos chaînes d’approvisionnement, alors il vous faut des mandats pour gouverner, car, pour avoir tout cela, vous devrez faire des choix difficiles. Nous savons très bien tout cela aux Etats-Unis.

On ne peut pas remporter un mandat démocratique en censurant ses opposants ou en les jetant en prison – qu’il s’agisse du chef de l’opposition, d’une humble chrétienne qui prie chez elle ou d’un journaliste qui tente de faire son travail. On ne peut pas non plus remporter de mandat démocratique en méprisant son électorat et en décidant à sa place de qui a le droit de faire partie de notre société.

Aussi, de tous les défis auxquels sont confrontées les nations qui sont représentées ici, je pense qu’il n’y en a pas de plus urgent que celui de l’immigration de masse. Aujourd’hui, près d’une personne sur cinq vivant dans ce pays est née à l’étranger. Ce qui est, bien sûr, un record historique. Aux Etats-Unis, les chiffres sont similaires – et ils atteignent également un record historique.

Entre 2021 et 2022, le nombre de migrants arrivés dans l’Union européenne en provenance d’un pays non membre a doublé. Et, évidemment, il a beaucoup augmenté depuis. Nous connaissons tous la situation, elle ne sort pas de nulle part. Elle est le résultat d’une série de décisions conscientes prises par des responsables politiques de tout le continent, et du monde entier, depuis une décennie.

Il instrumentalise les chiffres de l’immigration

 

Selon Destatis, l’office allemand des statistiques, presque 14 millions de résidents allemands sont étrangers. Cela correspond à 15 % des 84,5 millions d’habitants. J. D. Vance surestime donc légèrement ce chiffre, mais il est vrai que c’est un record historique. Selon le Bureau de recensement américain, le nombre est similaire aux Etats-Unis, où une personne sur sept est de nationalité étrangère, le plus haut niveau depuis 1910.

Le vice-président reprend correctement les chiffres de l’immigration dans l’Union européenne (UE) entre 2021 et 2022. Mais il omet d’en préciser le contexte : en 2022, les pays de l’UE ont accueilli plus de 1,8 million de ressortissants ukrainiens après l’invasion russe (contre 100 000 l’année précédente), ce qui explique environ deux tiers de la hausse.

Hier, dans cette ville, nous avons vu l’horreur que provoquent ces décisions. Et, bien sûr, je ne peux en parler une nouvelle fois sans penser aux pauvres victimes, pour qui cette magnifique journée d’hiver à Munich s’est achevée en drame. Nous leur adressons nos pensées et nos prières. Mais pourquoi en sommes-nous arrivés là ? C’est une histoire tragique, une histoire que nous avons trop souvent entendue en Europe et, malheureusement, aux Etats-Unis aussi : un demandeur d’asile, souvent un jeune homme dans la vingtaine, déjà connu des services de police, fonce dans une foule avec sa voiture et brise une communauté. Combien de fois devrons-nous vivre ce genre de drame avant de changer de cap, de donner une nouvelle direction à notre civilisation commune ?

 

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