Ukraine: le mauvais souvenir des négociations internationales antérieures
De la conférence de Berlin qui partagea l’Afrique entre les puissances coloniales européennes en 1885 à celle de Yalta qui divisa l’Europe en sphères d’influence américaine et soviétique en 1945, en passant par les accords Sykes-Picot sur le Moyen-Orient de 1916 ou encore par l’accord de Munich sur les Sudètes en 1938, tour d’horizon de ces réunions internationales qui ont réglé le sort de peuples entiers sans que leurs représentants soient consultés, à l’image de la rencontre russo-américaine qui vient d’avoir lieu à Riyad à propos de l’Ukraine. Une réunion de haut niveau sur l’avenir de l’Ukraine vient de se tenir en Arabie saoudite entre dignitaires russes et américains, mais en l’absence de représentants de Kiev, qui n’avaient pas été conviés.
par Matt Fitzpatrick
Professor in International History, Flinders University dans The Conversation
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a déclaré que l’Ukraine « n’acceptera jamais » les décisions prises sans sa participation dans le cadre de ces négociations qui visent à mettre fin à la guerre que la Russie mène depuis trois ans dans le pays.
La décision de négocier la souveraineté des Ukrainiens sans eux – ainsi que la tentative d’extorsion du président américain Donald Trump, qui a cherché à obtenir la moitié des terres rares de l’Ukraine en rétribution de l’aide accordée par Washington à Kiev depuis le début de la guerre – en dit long sur la façon dont Trump voit l’Ukraine en particulier, et l’Europe en général.
Mais ce n’est pas la première fois que de grandes puissances s’entendent pour négocier de nouvelles frontières ou sphères d’influence sans l’avis des populations qui y vivent. De telles négociations ont rarement une issue positive pour les peuples concernés, comme le montrent sept exemples historiques.
1. Le partage de l’Afrique (1885)
Au cours de l’hiver 1884-1885, le dirigeant allemand Otto von Bismarck a invité les puissances européennes à Berlin pour une conférence visant à officialiser le partage de l’ensemble du continent africain entre elles. Pas un seul Africain n’était présent.
La conférence a notamment abouti à la création de l’État indépendant du Congo placé sous contrôle belge, qui serait au cours des années suivantes le théâtre d’atrocités coloniales dont le bilan s’élèvera à plusieurs millions de morts.
L’Allemagne a également établi durant cette conférence la colonie du Sud-Ouest africain allemand (l’actuelle Namibie), où le premier génocide du XXᵉ siècle allait être perpétré quelques années plus tard contre les Herreros.
2. La Convention tripartite (1899)
En 1899, l’Allemagne et les États-Unis ont tenu à Washington une conférence à l’issue de laquelle les deux pays se sont partagé les îles Samoa, alors même que les Samoans avaient exprimé leur désir soit de s’autogouverner, soit de former une confédération d’États du Pacifique avec Hawaï. En guise de « compensation » pour son éviction des Samoa, le Royaume-Uni a obtenu la primauté incontestée sur les îles Tonga.
Les Samoa allemandes sont passées sous le contrôle de la Nouvelle-Zélande après la Première Guerre mondiale et n’ont obtenu leur indépendance qu’en 1962. Les Samoa américaines (ainsi que plusieurs autres îles du Pacifique) restent à ce jour un territoire relevant des États-Unis.
3. Les accords Sykes-Picot (1916)
En pleine Première Guerre mondiale, des représentants britanniques et français se réunissent pour décider du partage de l’Empire ottoman une fois que la guerre aura pris fin. En tant que puissance ennemie, les Ottomans ne sont pas invités aux discussions.
Les diplomates britannique Mark Sykes et français François Georges-Picot redessinent les frontières du Moyen-Orient en fonction des intérêts de leurs nations.
Les accords Sykes-Picot allaient à l’encontre des engagements pris dans une série de lettres connues sous le nom de correspondance Hussein-McMahon. Dans ces lettres, Londres promettait de soutenir l’indépendance des pays arabes face à la domination turque.
Ces accords, qui allaient également à l’encontre des promesses faites par le Royaume-Uni
0 Réponses à “Ukraine: le mauvais souvenir des négociations internationales antérieures”