La transformation du syndicalisme ?

La transformation  du syndicalisme ? 

Une réflexion qui mérite d’être lue même si son contenu n’est pas nouveau; par contre qui interroge sur les perspectives de la reconnaissance d’un syndicat des gilets jaunes comme si le syndicalisme en France n’était déjà pas malade du corporatisme simpliste.  Autrefois ciment des luttes sociales, le syndicalisme a progressivement perdu du terrain avec des adhésions en déclin, pour atteindre un taux de salariés syndiqués de 10,3% en 2019. Par Léa Trentalaud, consultante senior chez Chefcab (*) dans « La Tribune ».

Pourtant, le baromètre du dialogue social publié cette semaine vient apporter une perspective inattendue : l’image des syndicats s’améliore. Alors que seul un tiers des salariés jugeait efficace l’action des syndicats l’an dernier, ils sont désormais 45%, quand 57% des salariés se disent prêts à manifester pour défendre leurs intérêts. On observe aussi un attachement plus important à l’échelle locale, alors que 48% des salariés déclarent faire confiance aux responsables syndicaux au sein de l’entreprise, et que 60% estiment que le niveau de l’entreprise doit être privilégié, par rapport au niveau de la branche.

De plus, dans le cadre des élections professionnelles, les salariés semblent attacher plus d’importance aux candidats qu’ils identifient et qu’ils connaissent, plutôt qu’à leurs syndicats d’appartenance. Cette prime à la proximité pourrait probablement s’expliquer par l’impact tangible des négociations syndicales à l’échelle de l’entreprise, avec des répercussions concrètes sur les conditions de travail des salariés et sur leurs rémunérations.

Au contraire, le dialogue social à l’échelle nationale – bien que fondamental – peut paraître désincarné et éloigné des préoccupations quotidiennes des actifs. De plus, les échecs récents des actions syndicales d’ampleur, à l’instar de la bataille des retraites, finalement remportée par le gouvernement malgré les mobilisations massives, ont pu dégrader la confiance des salariés dans la capacité des syndicats à réellement peser à grande échelle.

Le tribunal judiciaire de Paris a ainsi autorisé, par une décision du 14 octobre dernier, l’union des syndicats Gilets jaunes à se présenter aux élections professionnelles des 25 novembre et 9 décembre prochains dans les TPE. Cette décision fait suite à une bataille judiciaire de plusieurs mois intentée par les cinq confédérations représentatives (CGT, CFDT, FO, CFE-CGC, CFTC) et l’UNSA, invoquant entre autres un non-respect des valeurs républicaines par le nouvel entrant.

Ce nouveau syndicat, dont il est difficile d’évaluer le poids – aucun nombre d’adhérents n’a été dévoilé, ni l’identité de ses représentants – souhaite renverser la table. L’objectif, selon l’un de ses porte-paroles, est de « secouer l’ordre établi » avec des actions coup de poing, dans une approche antisystème.

Le syndicat revendique ainsi de ne pas bénéficier de subventions, pour ne pas dépendre de l’État, accusant les organisations traditionnelles d’une forme de corruption. Il s’agira de voir si le syndicat réussira sa percée lors des élections, mais l’émergence d’un nouvel acteur aux méthodes moins institutionnalisées pourrait en partie rebattre les cartes du syndicalisme. On peut ainsi imaginer que – dans cette même logique antisystème – l’union des syndicats Gilets jaunes ne participera pas aux concertations gouvernementales, privilégiant les actions plus visibles médiatiquement, et auprès des salariés.

Face aux évolutions des attentes des salariés, et à l’émergence de nouvelles structures syndicales, plusieurs défis se posent aux syndicats traditionnels : celui d’abord de la proximité, pour être au plus près des préoccupations des salariés et contribuer au dialogue social au sein même de l’entreprise.

Afin de donner à voir l’action des syndicats, il conviendrait de renforcer la pédagogie sur les actions menées à l’échelle des branches et à l’échelle nationale, souvent perçues par les actifs comme lointaines et désincarnées. Enfin, un enjeu majeur pour l’ensemble des syndicats sera de gagner en visibilité et en présence auprès des TPE et de leurs 5 millions de salariés. En effet, les élections professionnelles de 2021 ont obtenu un taux de participation d’à peine 5,4%.

En l’absence de CSE au sein des TPE, et de représentants syndicaux identifiés au sein de l’entreprise, les salariés des très petites entreprises se désintéressent souvent de ces élections, et plus largement du syndicalisme. Aussi, il est opportun de renforcer le rôle et la présence des Commissions paritaires régionales interprofessionnelles, représentant les salariés et les employeurs de TPE à l’échelle régionale. Peu identifiées par ceux qu’elles sont censées représenter, elles gagneraient à travailler conjointement avec les employeurs, afin de constituer des relais directement mobilisables par les salariés.

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(*) Diplômée de Sciences Po Bordeaux en affaires publiques et représentation des intérêts, et passée par la London Metropolitan University, Léa Trentalaud est consultante senior chez Chefcab, cabinet de conseil en communication d’influence depuis 5 ans. Elle traite notamment des sujets relatifs à l’emploi, à la formation professionnelle, à la transition énergétique et aux transports.

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