Restructurer la dette africaine
Par Gérard Vespierre, Président de Strategic Conseils (*)- dans la « Tribune ».
Dans cette situation de dettes d’État, détenues par des créanciers publics, une organisation basée en France joue un rôle prépondérant. Cet organisme est un groupe informel de créanciers public (un processus identique pour les dettes publiques détenues par des créanciers privés existe dans le cadre du Club de Londres). Le rôle du Club de Paris consiste à trouver des solutions coordonnées, et durables, aux difficultés de paiement de pays endettés. Cela aboutit à construire des allègements de dettes afin que ces pays bénéficient d’un meilleur équilibre financier. Différents dispositifs sont possibles depuis le rééchelonnement, jusqu’aux réductions des obligations de remboursement.
Ce Club a été créé progressivement à partir de la négociation, à Paris, entre l’Argentine et ses créanciers publics en 1956. Actuellement il se compose de 22 pays membres permanents, dont la Chine ne fait pas partie. Néanmoins, des pays non-membres peuvent participer aux 10 réunions annuelles, présidées par la Direction générale du Trésor du ministère de l’Économie et des Finances français.
Depuis 1956, le Club de Paris a conclu 480 accords impliquant plus de 100 pays, et portant sur plus de 616 milliards de dollars.
Le Fonds Monétaire International est naturellement impliqué dans le processus de règlement. Le FMI en contrepartie de ses contributions financières demande la mise en place de réformes, impliquant pour le pays concerné des modifications dans la structure de ses finances publiques et de ses pratiques financières.
Le continent africain est particulièrement impliqué dans ces programmes de restructuration de dettes.
La politique d’augmentation des taux d’intérêt par les Banques Centrales, afin de combattre l’inflation induite par la hausse des prix de l’énergie et de certaines matières premières agro-alimentaires, a fragilisé le continent.
Plus d’une trentaine de pays du Continent présentent une dette supérieure à 50% de leur PIB. Au moins sept d’entre atteignent un endettement supérieur à 100% de leur PIB. L’accélération a été particulièrement sensible ces dernières années. Plus d’une vingtaine de pays africains sont estimés en surendettement. Une telle situation met en péril leur développement, alors que leur croissance démographique se poursuit.
La constitution d’un portefeuille de dettes avec des taux d’intérêts toujours plus élevés, conduit à un affaiblissement de leur devise, et l’incontournable corolaire d’un processus inflationniste. L’impact est alors rapide et dramatique pour la partie la plus pauvre de la population à travers la hausse des prix, en particulier alimentaires, sans que le niveau de revenus suive.
La dette publique en Afrique frôle les 2.000 milliards de dollars, soit pratiquement un triplement depuis 2010 selon l’ONU.
Devant cette situation difficile, certains pays agissent courageusement.
La restructuration récente de la dette de la Zambie et du Ghana, n’a pas seulement impliqué le Club de Parais, mais surtout des créanciers privés, principalement d’origine américaine.
La démarche de restructuration de la dette de la Zambie s’inscrit dans le cadre de l’initiative proposée, aux pays les plus pauvres, par le G20 début 2021. Il y a quelques semaines, le ministère zambien des Finances a annoncé la conclusion d’accords avec deux importantes banques chinoises pour une dette de 1,5 milliard de dollars. Ces négociations furent particulièrement complexes, les banques chinoises ayant décidé d’entreprendre des négociations directes, donc en dehors du processus international.
La restructuration de son endettement a comporté une annulation de dette d’un montant de 4,7 milliards de dollars soit, la plus importante en Afrique à ce jour. Cette disposition exceptionnelle permet ainsi au Ghana de retrouver un niveau d’endettement acceptable, lui offrant la possibilité d’investir ses réductions d’annuité dans son développement économique, ainsi que dans l’amélioration des services à sa population, éducation, et soins.
Ce dispositif a été mis en place en un laps de temps relativement court, tout juste deux ans. La restructuration zambienne a nécessité plus de trois années.
La réalisation de cette délicate opération de restructuration a coïncidé avec la présence à Paris du Président guinéen M. Nana Akufo-Addo, venu participer au Sommet de la Francophonie.
Ce retour du Ghana vers une trajectoire économique favorable illustre l’importance des relations de la France avec ses partenaires africains, au moment où certains d’entre eux essaient fermement de s’éloigner de Paris.
Si l’on évoque ici une dette africaine, elle se place dans le cadre d’une crise de la dette internationale. Toutes les régions du monde sont impliquées. Mais il y a un paradoxe africain : les montants de la dette africaine sont relativement faibles, mais ils agissent sur une très grande population.
Les États africains sont donc confrontés à un double objectif, sortir au mieux de la dette, mais aussi, s’endetter avec discernement et investir dans l’énergie et la santé, domaines hautement prioritaires pour leurs concitoyens.
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(*) Diplômé ISC Paris, Maîtrise, DEA Finances Dauphine PSL, Fondateur du Monde Décrypté, www.le-monde-decrypte.com chroniqueur géopolitique IDFM 98.0
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