Gouvernement Barnier : l’Équipe B !
La Liste de mes envies : le titre du roman à succès de Grégoire Delacourt prend une résonance ironique au moment où la liste des ministres est divulguée. En effet, la « pleine liberté » qu’a accordée Emmanuel Macron pour la formation de son équipe ne manque pas de faire sourire. Des jours de laborieuses tractations entre l’Élysée et Matignon, des réunions sous tension avec les chefs de parti et de groupe parlementaire de la nouvelle coalition expliquent cet accouchement au forceps d’un gouvernement des plus petits dénominateurs communs. D’ailleurs, les mathématiques se sont invitées pour la constitution de ce pur produit de calculs politiques, pour ne pas dire politiciens, dignes des pires moments de la IVe République.
par Bruno Jeudy, directeur délégué de La Tribune Dimanche.
Certains évoquent emphatiquement le barycentre de l’Assemblée, d’autres les lignes à ne pas franchir… Sans parler des cinquante nuances du centre et de la droite. Pour les Français, les chiffres sont moins agréables : plus de deux mois perdus dans des atermoiements ridicules et des petites manœuvres, un déficit qui va frôler les 6 % du PIB. Et ce n’est pas le nombre pléthorique de ministres qui va les réconcilier avec la politique. Marianne ne saurait supporter les caprices de ses dirigeants et, pour nos compatriotes, on ne badine pas avec l’amour de la République.
À l’arrivée, Michel Barnier a constitué une équipe avec des entrants peu ou pas connus, hormis Bruno Retailleau, jamais ministre mais incontournable président des sénateurs LR et figure de la droite catholique. Pour le reste, le Premier ministre mise sur des parlementaires expérimentés (François-Noël Bu et, Annie Genevard, Didier Migaud), c’est toujours mieux que les « amateurs » vantés naguère par Emmanuel Macron. Il laisse, en revanche, à la porte les fortes têtes, de Gérald Darmanin à Gabriel Attal, de Laurent Wauquiez à François Bayrou. Le choix donc d’une équipe B. Un pari risqué avant de se lancer dans le passage des quarantièmes rugissants à l’Assemblée.
Maintenant que le gouvernement est constitué, reste à espérer que le président laisse travailler le Premier ministre-sélectionneur et que les ministres évoluent de manière sobre et collective en respectant un plan de jeu efficace ! De la cohésion, du sérieux et du fair-play à défaut d’éclairs de génie, voilà ce qui est attendu. Car aux yeux de bon nombre de Français, cette équipe a une légitimité très relative. Espérons que les vaincus des législatives réunis autour de Michel Barnier aient en tête cette phrase de Machiavel : « Il gagne, celui qui sait ce qu’il va faire s’il perd. »
Emmanuel Macron, dans ses vœux à la nation le 31 décembre, avait promis un « réarmement de l’État ». Il ne savait pas encore qu’il allait dynamiter la Ve République et saper les équilibres politiques. Négociateur réputé, Michel Barnier devra démontrer sans attendre qu’il peut sceller des compromis introuvables et réconcilier les irréconciliables.
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