Nouveau concept : » l’intéressement budgétaire »
Il faudra trouver, avant la fin de l’année, plusieurs dizaines de milliards d’euros pour limiter l’hémorragie du déficit public. Tel est le prix à payer pour revenir dans une trajectoire budgétaire qui rassure nos partenaires européens, nous évite de faire l’objet d’attaques financières ou d’emprunter à des taux très élevés si plus personne ou presque n’accepte de nous prêter… Par Jean-Didier Berger, Député LR des Hauts-de-Seine dans » La Tribune ».
La gauche de Monsieur Mélenchon et de Madame Castets a une solution toute prête et déjà utilisée à de nombreuses reprises dans notre pays : « tondre » les Français en augmentant encore la pression fiscale dans un pays régulièrement champion du monde des impôts. Il est toujours question de faire payer les « ultras riches » au départ… et à la fin, (quand les plus fortunés sont partis à l’étranger créer des emplois et dépenser leur argent ailleurs…) tous les Français passent à la caisse.
Avec plus de 2800 milliards de dette, la France est désormais le 3e pays européen le plus endetté après la Grèce et l’Italie et il n’y a guère que la Hongrie, l’Italie et la Roumanie qui parviennent à nous dépasser en matière de déficit public annuel : 24e sur 27… Ça n’est pas un résultat qui fait rêver. Notre déficit s’est surtout particulièrement aggravé ces dernières années. Avec 74 milliards en 2019 et 154 milliards en 2023, on voit bien qu’il faut rapidement changer de méthodes.
Pour éviter d’augmenter les impôts et réduire les déficits, il y a bien sûr la solution la plus vertueuse : la création de croissance. Michel Barnier l’a dit : elle ne tombera pas du ciel. Il faudra aller la chercher en soutenant l’activité économique, en aidant les entreprises et les entrepreneurs, en revalorisant le travail pour qu’il paye toujours plus que l’assistanat.
Mais il faut aussi et surtout dépenser mieux et dépenser moins d’argent public. C’est évidemment possible : nous dépensions 100 milliards de moins en 2019. Pourtant, certains nous expliquent aujourd’hui qu’il serait impossible de faire 30, 40 ou 50 milliards d’économies ? Pourquoi ? La France était-elle sous-administrée il y a 5 ans avant la crise sanitaire ? Les services publics se sont-ils améliorés dans notre pays à chaque fois que nous avons dépensé davantage ? Assurément non ! Nous dépensons non seulement plus qu’avant, mais aussi beaucoup plus que nos partenaires européens (58,3% du PIB en 2022 pour la France contre 49,6% pour les pays de l’UE en moyenne – source Eurostar – fipeco)
Avant même d’avoir proposé la moindre économie, l’idée de baisser la dépense publique amène une critique féroce de la gauche qui parle « d’austérité » ou de « casse du service public ». Mais même les Français qui payent une facture lourde pour des services publics pas toujours très performants en ont assez d’avoir l’impression de faire des efforts pour des résultats peu tangibles : pourquoi accepter que des économies soient faites sur les services publics si cela n’emporte aucune amélioration concrète, ni sur leur vie quotidienne, ni sur leurs salaires, ni sur leurs fiches d’impôts ? Les jeunes ménagent Français n’ont pas envie qu’on leur promette du sang et des larmes alors qu’ils ne sont pas responsables des erreurs commises par des générations cigales qui ont trop dépensé…
Alors comment rendre les économies acceptables ? Comment rendre les baisses de dépenses publiques, enfin sexy ?
Je propose de créer une notion d’intéressement des Français aux économies budgétaires. Le principe est simple : à chaque fois qu’on arrivera à économiser 3 euros nets, on en prend 2 pour baisser les déficits publics et on en rend 1 aux Français en baisse d’impôts, de charge ou de cotisation. Baissons la dépense publique de 45 milliards nets en 2025 pour proposer une baisse de prélèvements de 15 milliards d’euros : voilà ce qui pourrait redonner foi en la politique à nos compatriotes et relancer l’économie.
Oui, nous pouvons revoir les conditions d’indemnisation du chômage pour faire des économies en nous calquant sur d’autres pays européens qui indemnisent moins, moins longtemps ou moins vite. Avec en contrepartie une baisse immédiate des cotisations chômages pour tous les travailleurs et donc une augmentation de leur salaire net sans que cela pèse sur les entreprises et leur compétitivité. 3 euros économisés, 1 euro rendu aux Français.
Oui, nous pouvons mettre en place une allocation sociale unique comme au Royaume-Uni avec l’Universel Crédit qui regroupe toutes les aides sociales et réduit la bureaucratie. Non seulement cela évitera que le cumul des aides puisse dépasser le SMIC (revalorisons le travail !) mais cela génèrera une économie pour notre système de protection sociale. En 2022, la France dépensait 32,2% de son PIB en prestations sociales. Contre 27% en moyenne dans l’Union européenne. Il n’y a pas de fatalité à cela. 3 euros économisés, 1 euro de baisse de CGS… par exemple…
Nous pourrions imaginer aussi une augmentation de la durée de cotisation retraite, à l’heure où certains pays annoncent travailler à la retraite à 67 ans, voire à 70 ans… sans aller jusque-là, chaque réforme qui ferait rentrer plus d’argent dans le système permettrait de rendre aux cotisants 1 euro sur 3 gagnés par la réforme en baisse de cotisation. Même chose pour le temps de travail et les cotisations qu’il générerait en augmentant…
Oui, avec de la volonté, nous pouvons décentraliser pour gagner en efficacité, supprimer des agences toujours plus nombreuses, nous pouvons limiter le recours des administrations aux cabinets de conseil, nous pouvons lutter contre les fraudes… Oui revenir à un niveau de dépense publique plus raisonnable c’est possible. Et par conséquent, baisser la fiscalité dans le pays champion du monde des impôts, c’est possible aussi.
D’ailleurs, avant nous, d’autres pays, comme la Suède, sont parvenus à conjuguer baisse de la dépense publique et réduction des impôts. En France, j’entends dire qu’il faudrait cumuler baisse de la dépense publique et augmentation des impôts. Je considère au contraire qu’il faut conjuguer baisse de la dépense publique et baisse des impôts pour favoriser le retour de la croissance et de la consommation et surtout la confiance des Français en les engageant dans un cercle vertueux.
L’intéressement budgétaire, c’est un projet d’intérêt national qui met en avant une idée simple : nous avons tous intérêt à mieux dépenser, à moins dépenser… et chacun d’entre nous en aura la preuve quasi-immédiate en monnaie sonnante et trébuchante.
L’intéressement budgétaire : c’est la feuille de paye qui augmente immédiatement… surtout depuis que le prélèvement à la source est instauré : chacun verrait immédiatement le résultat des sacrifices demandés. Jusqu’ici, on se faisait mal sans jamais constater le moindre résultat. Avec l’intéressement budgétaire, chacun verrait le sens des efforts consentis pour le pays.
L’intéressement budgétaire, c’est un juste retour des choses qui revaloriserait le travail et donnerait de l’espoir à ceux qui sont prêts à faire bouger les lignes. Une sorte de « retour à meilleure fortune » immédiat qui donnerait du poids à ceux qui se battent pour l’intérêt général contre ceux qui bloquent le pays lorsque leurs intérêts catégoriels sont en cause. Un outil concret pour ceux qui veulent faire de la politique par la preuve et montrer qu’il n’est pas vain de réformer le pays.
L’intéressement, un mot très gaulliste qui permettrait à chacun de se faire à nouveau une certaine idée de la France et de sa capacité à se redresser.
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(*) Jean-Didier Berger, Député LR des Hauts-de-Seine, Membre de la Commission des Finances,1er Vice-Président de la Région Ile de France en charge des finances.
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