« Pour un gouvernement 100% société civile ! »
par Matthieu Orphelin, Ancien député écologiste, la solution passe désormais par « un exécutif entièrement pensé sur la compétence, l’action et la cohérence ». dans La Tribune
Le nom du prochain locataire de Matignon sera connu dans les heures ou jours à venir. S’il est issu de la classe politique actuelle, il ne pourra satisfaire une majorité de français. Par ses pairs, il sera jugé trop à gauche ou trop à droite, dans une aventure personnelle, et ne disposera en aucun cas de majorité à l’Assemblée. Donc le bazar continuera quelques mois, jusqu’à, sans doute, une prochaine dissolution, dans l’hypothèse où il n’est pas immédiatement censuré.
Une solution serait d’innover en faisait le choix de nommer exclusivement des ministres aujourd’hui dans la société civile, reconnus chacun-e dans son domaine d’intervention. Y compris le Premier ou la Première d’entre eux. Certains d’entre eux pourraient avoir eu par le passé des expériences politiques, pourvu qu’ils en soient aujourd’hui totalement retirés. Il ne s’agirait pas d’un gouvernement d’ouverture, avec quelques noms en tête de gondole, mais d’un exécutif entièrement pensé sur la compétence, l’action et la cohérence. Avec ce gouvernement 100 % société civile, pas de jeux politiques, pas de plans pour 2027, juste l’intérêt général.
Un tel gouvernement pourrait contribuer à redonner confiance aux citoyennes et aux citoyens. Pour illustrer mon propos, prenons quelques noms en exemples (qui, j’espère, me pardonneront, je ne les ai évidemment pas consultés).
Imaginez un gouvernement où Laurence Tubiana sera à la transition climatique, Jean-Louis Borloo à la cohésion nationale, Valérie Masson-Delmotte à l’enseignement supérieur et la recherche, Tony Estanguet aux sports, Dominique Méda au Travail, Didier Migaud aux Comptes publics, Cécile Duflot aux solidarités, Thomas Jolly à la Culture, Christophe Robert au logement, Selma Mahfouz aux retraites, Emmanuel Faber à l’économie, Delphine Ernotte aux médias et la démocratie participative, Jean-Pisany Ferry au budget et aux investissements, Catherine Guillouard aux entreprises et à l’emploi durable, Dominique de Villepin aux Affaires Etrangères… Qui pourrait vouloir le censurer a priori, à part le RN et les Ciottistes ? Qui pourrait douter de ses compétences ?
Il ne s’agit en rien de gommer les blocs politiques. Les batailles politiques, dont on a besoin dans une démocratie, se feront à l’Assemblée nationale et au Sénat, revivifiant au passage notre parlementarisme. Pour arbitrer les options proposées par le gouvernement, texte par texte, mais aussi par les journées d’initiative parlementaire dont on pourrait demander qu’elles soient plus nombreuses. L’exécutif trouverait ainsi un nouveau rôle d’animation des débats et pourrait préparer en amont les débats parlementaires, en travaillant avec toutes les forces républicaines.
Cela serait tout sauf un gouvernement purement technique. Je le vois chaque jour : la société civile fait elle aussi de la politique, à sa façon et en permanence, en s’organisant dans des coalitions larges et en trouvant les consensus que les partis politiques échouent à atteindre. Elle connait les mesures les plus utiles et les blocages qu’il faudrait lever dans chaque domaine.
Ce gouvernement pourrait commencer par des textes courts, centrés sur les priorités pour les Françaises et les Français. Thème par thème, deux ou trois mesures consensuelles puis une option forte qui sera tranchée par les parlementaires. Prenons quelques exemples. Sur les déserts médicaux, qui pourrissent la vie de millions d’entre nous, un travail transpartisan a depuis longtemps identifié des mesures d’urgences consensuelles ; la régulation de l’installation des nouveaux médecins, mesure clivante, pourrait quant à elle être tranchée au parlement… Dans un texte (ou un PLFR) sur le pouvoir d’achat, des accords de branche on un renforcement de l’intéressement salarial trouveront un large soutien et le relèvement du SMIC, sujet hautement clivant politiquement parlant, être arbitré par les votes des deux chambres.
Sur la fiscalité juste, un impôt sur les superprofits commence à convaincre et pourrait être dessiné par l’exécutif, les parlementaires arbitreront le niveau idoine et sa durée dans le temps. Par ailleurs, les groupes parlementaires auront aussi enfin plus de places pour leurs propositions de loi… Texte par texte, les majorités se feront, et les rôles entre l’exécutif et le législatif seront enfin rééquilibrés. Quant au budget 2025, qui se prépare dans un timing et des conditions dégradées jamais vues, je suis convaincu que des ministres déjà connaisseurs de leurs sujets et des priorités sauront, mieux que d’autres, agir dès début septembre pour le préparer du mieux possible et sortir des lettres de cadrage actuelles (qui sont plus qu’insuffisantes, notamment sur l’écologie).
Voilà donc une proposition pour sortir du chaos. Ayons bien en tête que, malheureusement, contre le RN et ses tristes alliés, le front républicain ne marchera pas à chaque fois. 22 % des Français regrettent déjà d’avoir joué le jeu aux dernières législatives. Et 45 % déclarer penser que c’est d’abord une tactique des forces politiques pour garder le pouvoir.
Alors, partis et responsables politiques, à vous de jouer et de faire confiance à la société civile pour sortir de la crise !
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