L’évolution structurelle du climat en France

L’évolution structurelle du climat en France

Laurent Strohmenger
Hydrologue, Leibniz Institute of Freshwater Ecology and Inland Fisheries

Corre Lola
Climatologue, Météo France

Fabienne Rousset
Ingénieure en hydro-climatologie, Météo France

Guillaume Thirel
Chercheur en hydrologie, Inrae

Lila Collet
Ingénieur chercheur chez EDF

Vazken Andréassian
Hydrologue, directeur de l’unité de recherche HYCAR, ingénieur général des ponts, eaux & forêts, Inrae

 

Vagues de chaleur, sécheresses ou au contraire inondations et tensions sur l’eau, mise en difficulté de la biodiversité, voire propagation de maladies… Nombreux sont les impacts attendus du changement climatiques.

Ces impacts se manifestent non seulement par une augmentation de la fréquence et de l’ampleur des événements extrêmes, mais aussi par un déplacement progressif des valeurs moyennes des variables climatiques. La répartition des types de climat en France métropolitaine (montagnard sur les reliefs, méditerranéen sur le Sud-Est et tempéré sur le reste du territoire) pourrait être profondément modifiée.

C’est ce que nous avons montré dans une étude récente, où nous avons illustré l’évolution des types de climats régionaux du pays en fonction des trajectoires climatiques – autrement dit, selon l’ampleur de nos efforts pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre (GES). Dans un scénario sans réduction de celles-ci, une grande partie du territoire pourrait passer sous un climat de type méditerranéen. Un changement rapide qui interroge les capacités des écosystèmes à s’y adapter.

 

par Laurent Strohmenger
Hydrologue, Leibniz Institute of Freshwater Ecology and Inland Fisheries

Corre Lola
Climatologue, Météo France

Fabienne Rousset
Ingénieure en hydro-climatologie, Météo France

Guillaume Thirel
Chercheur en hydrologie, Inrae

Lila Collet
Ingénieur chercheur chez EDF

Vazken Andréassian
Hydrologue, directeur de l’unité de recherche HYCAR, ingénieur général des ponts, eaux & forêts, Inrae

dans The Conversation 

 
Pour rendre ces changements plus faciles à appréhender, nous les avons représentés sous forme de cartes. Pour cela, nous avons utilisé la classification de Köppen-Geiger, système de classification climatique très largement utilisé dans le monde, qui reflète les valeurs saisonnières moyennes de pluie et de température des différentes zones géographiques sur une période de 30 ans.

Dans le système de Köppen-Geiger, un type de climat est décrit par trois niveaux d’information :

d’abord la principale caractéristique du climat, notée sous forme d’une lettre majuscule (A pour tropical, B pour aride, C pour tempéré, D pour continental et enfin E pour polaire)

le régime de pluie (été ou hiver sec, ou pas de saison sèche), noté sous forme d’une deuxième lettre,

et enfin le régime de température (été froid, doux, ou chaud), noté sous forme d’une troisième lettre.

Ainsi, si vous habitez en Bretagne, le type de climat dont vous êtes familier sera noté Cfb pour Tempéré (C), sans saison sèche (f), avec des étés doux (b). Appliquée aux données historiques (entre 1976 et 2005) du pays, cette classification permet d’identifier plusieurs types de climats en France.
Répartition des types de climat en France sur la période 1976-2005. L. Strohmenger et al, Fourni par l’auteur
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Le climat de la majeure partie du territoire (93 %), selon ces données historiques, est de type tempéré (premier niveau C), avec plusieurs subdivisions possibles, notamment :

tempéré sans saison sèche et été doux (Cfb) pour 85 % du territoire,

tempéré avec été sec et chaud (Csa) localisé sur le pourtour méditerranéen,

tempéré sans saison sèche et été chaud (Csb) observé dans une partie des Alpes du Sud et en Corse.

La zone froide (D), qui se répartit en deux sous-catégories, couvre 6 % du territoire en moyenne montagne. Enfin, la zone polaire (notée ET et qui représente moins d’1 % de la superficie du territoire) couvre la haute montagne.

Cette classification peut également s’appliquer aux projections décrivant le climat futur. Ces données, produites en cohérence avec les préconisations du GIEC grâce à un large ensemble de modèles climatiques, ont été mises à jour récemment dans le cadre du projet Explore2. Elles sont par ailleurs librement et gratuitement disponibles sur le portail DRIAS-les futurs du climat.

Sans baisse des émissions, une recomposition du climat d’ici 2100
Les types de climat que l’on rencontrera en France à la fin du siècle varient nettement en fonction de la trajectoire climatique. Dans le scénario où l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre se poursuit au rythme actuel (RCP 8.5), c’est une recomposition majeure des types de climat en France qui est à attendre d’ici la fin du siècle, affectant 86 % de la surface du territoire.
Types de climat en France selon les différentes périodes et les différents scénarios d’émission de gaz à effet de serre (RCP). Le type de climat affiché est celui le plus fréquemment calculé par les différents modèles utilisés pour les projections. L. Strohmenger et al, Fourni par l’auteur
Parmi les principaux changements attendus, selon ce scénario :

Sur la façade ouest du pays, on observera une expansion massive du climat de type méditerranéen, caractérisé par des étés plus secs et plus chauds.

Le grand quart nord-est du pays évoluera vers des étés plus chauds, sans modification majeure du régime de pluie en été.

Enfin, dans les régions de moyenne et haute montagne les climats froids vont évoluer vers des climats tempérés, et les types de climat polaires vers des climats froids à haute altitude.

Il reste possible d’empêcher cette évolution. Dans un scénario ambitieux de réduction des émissions de gaz à effet de serre (RCP 2.6), les changements sont plus limités. Ils ne concerneront alors plus qu’environ 20 % du territoire, principalement les zones montagneuses, avec une élévation de l’altitude où l’on rencontre les types de climat froid et polaire. Dans ce scénario, le Sud-Ouest et la vallée du Rhône verront aussi leur climat évoluer vers des étés plus chauds.

Si l’on s’intéresse à la vitesse de ces changements, on constate que la part du territoire que représente chaque type de climat suit une trajectoire assez similaire jusqu’en 2035 dans tous les scénarios. En revanche, les trajectoires divergent très nettement à partir de 2035 jusqu’à la fin du siècle.
Il est important de souligner que ces résultats sont estimés à partir d’un ensemble de projections basées sur plusieurs modèles de climat par scénario d’émission en GES. Ici, nous avons retenu le type de climat qui apparaissait le plus souvent parmi ces ensembles de projections, même si les futures évolutions de précipitation et de température peuvent varier d’une projection à l’autre. Cela illustre bien l’incertitude associée à la simulation du climat.

Par ailleurs, il est important de préciser que la classification de Köppen-Geiger se base uniquement sur les données de température et de précipitation, ignorant d’autres paramètres comme la vitesse et la direction du vent, le rayonnement, l’humidité de l’air… De quoi rendre délicates les comparaisons directes, pour un même type de climat, pour des périodes et des lieux différents. Autrement dit, un type de climat Csa (été sec et chaud) à Marseille en 1980 ne sera pas en tout point identique au même type de climat à Nantes en 2080.

Une dernière précision importante : cette étude s’intéresse au climat, qui reflète un état moyen sur une longue période. Les types de climat présentés ont ainsi été calculés sur des périodes de 30 ans. Ces projections ne prennent donc pas en compte l’évolution future des événements météorologiques extrêmes, ponctuels et localisés.
La rapidité de ces changements, en l’espace d’un siècle, pose de nombreuses questions sur les capacités de nos sociétés et des écosystèmes à s’adapter à ces nouvelles conditions climatiques. En effet, nous avons estimé la vitesse d’expansion du climat sec et chaud du sud vers le nord à 7 km/an. Pour ce qui est de la vitesse d’expansion en altitude, nous l’avons évaluée à 5 m/an. On peut dès lors s’attendre à des répercussions directes sur la santé des forêts et de la végétation naturelle, en raison de rythmes d’adaptation et de migration et des espèces plus longs.

L’évolution du couvert végétal, couplée au changement de régime de température et de précipitations, altérera très certainement le cycle de l’eau, favorisant par exemple des événements de crue et de sécheresses plus intenses, avec des conséquences sur tous les secteurs socio-économiques qui dépendent des ressources en eau.

Seule une réduction significative de nos émissions de GES (scénario RCP 2.6) permettrait de limiter ces impacts et de ralentir les dynamiques du changement climatique à des vitesses plus compatibles avec les capacités d’adaptation des écosystèmes et de nos sociétés.

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