Croissance chinoise à l’arrêt, pourquoi ?

Croissance chinoise à l’arrêt, pourquoi ?

 David Baverez, investisseur spécialiste de la Chine, décrypte pour La Tribune, les enjeux de cette réunion pour le futur de l’économie chinoise et, par ricochet, mondiale.( dans la Tribune)

Comment se porte l’économie chinoise ?

La croissance est à l’arrêt, le gouvernement parle de 4,7% mais ce chiffre est exagéré. Surtout, le pays connaît une grave déflation (la baisse continue des prix qui entraîne des effets néfastes, NDLR) similaire à celle qu’a connue le Japon ces dernières décennies avec un indice des prix à la production (PPI) qui a reculé de 0,8% sur un an en juin. Cette situation vient du fait que les entreprises, en surproduction, voient leurs prix à la vente baisser et sont donc contraintes d’en faire autant sur les salaires.

Derrière ces chiffres, il y a aussi et surtout un problème de chute de la consommation intérieure dû, en partie, à la crise immobilière que connaît la Chine depuis 2020. Beaucoup de Chinois ont, en effet, acheté des appartements qui n’ont, au final, jamais été livrés et ceux ayant pu devenir propriétaires ont vu le prix de leur bien s’effondrer. Cette crise du secteur immobilier a beaucoup appauvri la population. Enfin, la Chine n’a plus accès aux technologies de pointe américaines et européennes donc Pékin ne dispose plus que d’une industrie de basse et moyenne technologie. Car, pour rappel, le 7 octobre 2022, Washington a annoncé des restrictions drastiques à l’exportation des semi-conducteurs de pointe. De fait, les États-Unis interdisent à la Chine l’accès aux innovations du XXIe siècle qui passent par ces puces. Ce manque technologique pousse le gouvernement à faire reposer toute sa croissance sur les exportations massives de certains produits, au rabais, comme les véhicules électriques, les panneaux solaires ou les batteries. Or cette stratégie est dangereuse car elle amène ces entreprises à vendre massivement leurs produits à perte en Europe et ce qui pourrait pousser certaines à la faillite. De plus, sur le plan géopolitique, les pays importateurs commencent à se réveiller et à mettre des barrières à l’entrée sur les produits chinois, ce qui pourrait mettre fin à ce dernier relais de croissance.

 

On parle aussi du fait que le déclin démographique pose problème, qu’en est-il ?

Ce n’est pas vraiment le cas dans cette crise car les Chinois n’ont pas de système de retraite tel que nous le connaissons en Europe. Ils travaillent jusqu’à un âge avancé donc le vieillissement de la population n’engendre pas véritablement de manque de main-d’oeuvre et, in fine, de baisse de la production et de la croissance.

Dans un tel contexte, que pourrait faire le gouvernement pour faire repartir l’économie chinoise?

La Chine pourrait décider de faire supporter une grande partie de la crise immobilière sur l’Etat et les banques, et de baisser les taux directeurs pour inciter les entrepreneurs à emprunter et à investir, tout en poussant la consommation. C’est notamment ce qui a été mis en place aux Etats-Unis, après la crise de 2008. Mais, pour l’instant, les taux ne baissent pas beaucoup, donc les investissements et la production des entreprises du pays et la consommation des ménages ne repartent pas.

Pourquoi la Chine ne baisse-t-elle pas ses taux directeurs ?

Toute baisse engendrerait de facto un transfert de valeur du Parti communiste vers le secteur privé. Les banques et assureurs étatiques – réalisant la vaste majorité de leurs profits sur le simple écart de taux – seraient pénalisés, tandis que les entrepreneurs privés verraient leurs conditions d’emprunt devenir plus favorables. Or ceci n’est pas acceptable pour le gouvernement qui priorise le contrôle de ses entreprises à la croissance.

De grandes réformes sont-elles attendues à l’issue de ce Plénum ?

Non, il n’y aura probablement pas de réponse à la baisse de la consommation intérieure et à la déflation. De fait, le gouvernement chinois fonde toute sa politique économique sur les exportations de produits d’entreprises matures, c’est-à-dire celles dotées de grandes capacités de production. Pourtant, c’est justement cette politique de production à bas coût qui aggrave la déflation et l’appauvrissement de la population. D’ailleurs, c’est le peuple qui souffre des difficultés économiques du pays et qui doit travailler plus pour maintenir celui-ci à flot. Mais le gouvernement a choisi de miser sur cette politique d’exportation au moment où il a mis au pas les grandes entreprises technologiques du pays, mettant fin à leur croissance. Pékin considère en effet à présent que laisser les grandes entreprises se développer pourrait nuire à son autorité. La baisse de la croissance et la déflation sont donc un prix nécessaire à payer, selon le Parti communiste chinois, pour que le capital privé reste sous contrôle étatique. La crise économique que connaît le pays pourrait donc durer longtemps. A noter que, l’opinion publique comprend ce que cherche à faire le gouvernement. Beaucoup de Chinois savent qu’ils vont être appauvris par cette politique. Mais la population l’accepte et se dit qu’il s’agit d’une période difficile mais temporaire.

Comment l’Europe est-elle impactée par le ralentissement économique chinois et la politique d’exportations à bas coût de Pékin?

Premièrement, la baisse de la consommation chinoise nuit au secteur du luxe français qui vend beaucoup dans le pays. Deuxièmement, la Chine concentre ses efforts de production et d’exportation sur des industries dans lesquelles l’Europe est aussi spécialisée, comme les voitures, l’aéronautique, les machines industrielles, la chimie, la pharmacie de base, etc. Donc la politique économique chinoise nuit aux industries européennes. Au passage, les nouveaux droits de douane européens sont, en théorie, une bonne réponse. Mais ils ne sont pas du tout à l’échelle car nous parlons de 2 milliards d’euros de taxes contre 150 à 200 milliards financés par l’Etat chinois pour subventionner ses entreprises… Il ne faut pas non plus faire du protectionnisme aveugle. Une bonne solution serait d’obliger les groupes chinois à investir en Europe et les contraindre à partager avec nous leurs technologies, à l’image de ce que Pékin fait déjà avec les entreprises européennes installées en Chine depuis plus de dix ans.

Si le PCC actait un changement de politique économique, quelles seraient les conséquences pour l’Europe et la France?

Si Pékin acceptait de laisser le libre marché faire loi dans son pays et mettait fin à son contrôle du capital privé et à ses subventions pour l’exportation, tout le monde s’en porterait mieux car nous pourrions commercer librement avec la Chine, sans avoir besoin de mettre des barrières à l’entrée pour ces entreprises. Les entreprises européennes, elles, pourraient davantage profiter du marché chinois.

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