Le déni des deux dettes

Le déni des deux dettes

 

Dette financière et climatique se cumulent, avec la même menace : la perte de contrôle. Le dérapage inédit du déficit à 5,5 % du PIB n’a pas fini de laisser des traces et l’ensemble de la trajectoire budgétaire d’ici à 2027 pourrait dérailler.(papier du « Monde »)

 

Si la situation politique demeure dans le brouillard après le choc de la dissolution de l’Assemblée nationale, une certitude est en train de s’imposer : le prochain gouvernement, quelle que soit la majorité sur laquelle il s’appuiera, devra s’atteler au contrôle des finances publiques. La Cour des comptes dénonce dans son rapport annuel, publié lundi 15 juillet, une situation « inquiétante ». Le message doit s’interpréter comme une mise garde à l’adresse de ceux qui aspirent à exercer le pouvoir dans les prochaines semaines.Le constat n’est pas nouveau, et les alertes se sont multipliées ces dernières années sans être entendues. Mais ce nouveau rapport prend une résonance particulière dans la perspective de l’élaboration à l’automne d’un budget 2025 qui s’annonce des plus périlleux, à la fois au regard de l’instabilité politique, mais aussi de la situation léguée par la majorité sortante.

La mauvaise appréciation par le gouvernement des recettes espérées en 2023, qui a eu pour conséquence un dérapage inédit du déficit à 5,5 % du PIB, n’a pas fini de laisser des traces. Non seulement l’exercice 2024 est jugé « à risques » par la Cour des comptes, mais c’est l’ensemble de la trajectoire budgétaire d’ici à 2027 qui pourrait dérailler et mettre le pays en porte-à-faux avec ses engagements européens.

Dans cette période où la constitution d’une coalition viable n’a rien d’évident, la chose la mieux partagée en France reste le déni face à la nécessité de rééquilibrer les comptes publics. Obnubilé par sa politique de l’offre, le pouvoir sortant a basé toute sa stratégie sur un rythme de croissance trop optimiste, et s’est privé de précieuses recettes fiscales en décrétant des baisses d’impôts à l’effet électoral limité et à l’efficacité macroéconomique contestée. Les pistes d’économies sont restées tardives et peu convaincantes. Pendant que le reste de l’UE fait des efforts pour se désendetter, il serait illusoire de penser que l’Hexagone puisse faire cavalier seul, tout en continuant à profiter de la protection de l’euro.

Les oppositions ne se sont pas privées de fustiger le manque de sérieux budgétaire d’Emmanuel Macron. Mais la débauche de propositions non financées faites pendant la campagne des élections législatives montre qu’elles n’en ont tiré aucune leçon. Le « quoi qu’il en coûte » est prêt à changer de nature, mais pas vraiment d’intensité.

La situation est d’autant plus préoccupante qu’elle n’a pas permis de résoudre l’insatisfaction légitime de millions de Français sur leurs salaires, bien au contraire. La France a dilapidé son crédit européen sans mettre fin au mécontentement sur lequel surfe le RN. Toujours plus d’argent public n’est pas forcément synonyme d’amélioration du fonctionnement de l’Etat et d’amélioration du niveau de vie.

Plutôt que de se contenter de slogans déconnectés de la situation budgétaire, le prochain gouvernement devra élaborer des politiques publiques mieux définies, ciblées sur ceux qui en ont le plus besoin, en s’attachant davantage à des critères d’efficacité et de performance. C’est la seule voie pour retrouver des marges de manœuvre. Le but n’est pas de sombrer dans l’austérité, mais de se concentrer sur les investissements indispensables, à commencer par la transition écologique.

Car deux dettes se cumulent. L’une financière, l’autre climatique, avec la même caractéristique : lorsqu’on les laisse filer, un effet boule de neige finit par se produire, jusqu’à la perte de contrôle. Dans un cas comme dans l’autre, le point de non-retour est proche.

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