Assemblée nationale : changer de méthode
Le temps des grands partis machines, des programmes prométhéens et des débats parlementaires joués à l’avance est fini, constate le chercheur Nicolas Roussellier dans une tribune au « Monde ». Pourquoi ne pas jouer désormais la carte parlementaire en instaurant des commissions spéciales, des conventions citoyennes, voire des référendums législatifs ?
Hier encore, y compris en période de cohabitation, le pouvoir exécutif se taillait la part du lion. Il dominait outrageusement le processus de décision publique entre conception des réformes en amont, fabrique de la loi et pilotage de l’action publique. Cette « force de gouverner » était un produit de la Constitution de 1958 mais reposait aussi sur un environnement politique exceptionnel : tous les pouvoirs semblaient marcher dans la même direction. De grands partis politiques fortement organisés dans le pays et l’Hémicycle assuraient un rôle de silo social, depuis les sections militantes jusqu’au congrès national.
Fort de cette unité gagée sur le social, les partis imposaient une unité et une discipline consentie à leur groupe parlementaire. Depuis le sociologue Max Weber (1864-1920), on a souvent comparé les partis à des entreprises : on peut dire que, dans cette période classique de la Ve République, le succès « entrepreneurial » des partis était à son comble. Les partis réussissaient à « vendre » auprès d’un électorat d’adhésion un programme clés en main, comme ce fut le cas pour les 110 propositions de 1981.
Un parti uni, un programme et un résultat clair aux élections, une majorité absolue dans l’Assemblée : tout était aligné pour permettre de gouverner, un peu comme dans un rêve. Les projets de réforme élaborés dans la sphère de l’exécutif passaient l’épreuve de l’arène parlementaire sans trop de dommages. Tant que les réformes rimaient avec l’idée de progrès social, elles avaient toutes les chances d’être accueillies sans heurt par l’opinion.
Les difficultés de l’économie, les mauvaises surprises de crises soudaines, les mouvements sociaux pouvaient, certes, venir perturber la force de l’exécutif mais, à chaque élection, les mêmes instruments du pouvoir étaient de nouveau validés par les électeurs : un nouveau président faisait ratifier « par le peuple » un programme d’alléchantes promesses, il pouvait s’appuyer sur une nouvelle majorité et il faisait voter une partie de ses réformes.
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