Dissolution assemblée : pari dangereux
Le résultat des futures élections législatives dépendra de la recomposition de la gauche, et des choix effectués par les candidats LR, vers la Macronie ou vers le RN, analyse l’historien Jean Garrigues dans une tribune au « Monde ».
« Tu commets une faute, Jacques, une lourde faute. Je devrais te mettre mon poing dans la gueule. » Ainsi parlait Pierre Mazeaud, député gaulliste historique, prenant au collet son ami Jacques Chirac, qui venait de lui annoncer sa décision de dissoudre l’Assemblée nationale, le 21 avril 1997. Juriste chevronné, M. Mazeaud estimait qu’il s’agissait d’une « dissolution de convenance », incompatible avec l’esprit de l’article 12 de la Constitution. A ses yeux, elle était justifiée pour François Mitterrand après son élection en 1981 et sa réélection en 1988 car il était alors confronté à des majorités de droite, donc incapable de gouverner.Mais tel n’était pas le cas en 1997, car le gouvernement d’Alain Juppé pouvait s’appuyer sur une confortable majorité de 484 sièges issue des élections de 1993. En organisant de nouvelles élections, Chirac voulait rendre cette majorité plus cohérente et disciplinée. Ce fut tout le contraire qui se produisit, car la « gauche plurielle », réunie sous la bannière de Lionel Jospin, remporta haut la main les élections de juin 1997, ce qui conduisit à la troisième cohabitation de la Ve République.
Quelles conclusions tirer de ce précédent historique pour analyser la dissolution surprise annoncée par Emmanuel Macron au soir de la défaite cuisante de son camp aux élections européennes ? A priori, on pourrait estimer, à l’instar de Pierre Mazeaud en 1997, qu’il s’agit d’une dissolution « de convenance », puisque le président dispose encore, à l’heure qu’il est, d’une majorité à l’Assemblée nationale, et que la France ne traverse pas une crise grave justifiant l’usage de l’article 12.
Mais ce serait négliger les énormes difficultés de la gouvernance, telles qu’elles se sont posées depuis 2022, dans une situation de majorité relative qui se heurte d’un côté aux ambiguïtés des Républicains et de l’autre à la stratégie de conflictualité paralysante déployée par La France insoumise au Palais-Bourbon. Dans ce contexte d’une France ingouvernable, et par ailleurs pour répondre à une demande sociale de « respiration démocratique » qui ne cesse de monter dans l’opinion, notamment depuis la crise des « gilets jaunes », on peut considérer qu’une dissolution peut largement se justifier. Mieux encore, elle correspond à la notion d’appel au peuple qui est dans le droit-fil de l’interprétation gaullienne….
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