Contre la dépendance technologique des GAFAM
La chercheuse en géopolitique Ophélie Coelho, chercheuse en géopolitique propose dans une tribune au « Monde », une lecture critique des annonces triomphales d’investissements d’infrastructures numériques, qui renforcent le contrôle des Gafam sur les territoires et les données.
Sous le couvert de la simplification administrative, un projet de loi, actuellement examiné au Sénat, vise à accélérer l’implantation de mégacentres de données en France en contournant le pouvoir de décision des élus locaux. Le 13 mai, lors du sommet Choose France 2024, les Big Tech Amazon, Microsoft, IBM, la société de placement immobilier américaine Equinix et le japonais Telehouse ont annoncé un plan d’investissement total de près de 7 milliards d’euros pour l’expansion de leurs infrastructures en France. Ces annonces marquent une nouvelle étape dans un processus entamé il y a plusieurs années. Car, en Europe et partout dans le monde, la territorialisation des infrastructures du numérique avance à pas de géant.Ces implantations de centres de données sont loin d’être anodines. Elles font d’abord partie d’une stratégie d’expansion globale de la part des Big Tech, qui va de pair avec la construction des mégacâbles sous-marins les plus puissants au monde. Il suffit de s’intéresser, sur les littoraux européens, à l’atterrage des câbles Dunant (Google), Amitié (Meta), Equiano (Google), 2Africa (Meta, China Mobile, MTN) ou encore Peace (consortium chinois), qui ont tous été construits ces dernières années.Et si ces câbles géants sont les « routes » qui transportent les données et les logiciels, les centres de données sont les « comptoirs » numériques de cette expansion territoriale. Ces infrastructures sont des relais de dépendance technologique majeure aux Big Tech, dont la gestion des données et des logiciels reste hors de contrôle du décideur, du régulateur et de l’utilisateur européens. En fin de compte, cette consolidation des dépendances pèse lourd sur nos capacités de négociation avec l’« ami américain ».
Cette territorialisation infrastructurelle des Big Tech poursuit plusieurs objectifs. Il s’agit d’abord d’une consolidation du marché numérique européen sur le cloud, avec l’idée que la localisation des données sur le territoire est une garantie qu’elles ne seront pas transmises aux Big Tech. Mais l’implantation des centres de données en Europe prépare aussi le terrain à la conquête d’un nouveau marché : la « transformation numérique » du continent africain. Dans cette nouvelle bataille, qui oppose entreprises américaines et chinoises, l’Europe joue le rôle de rampe de lancement et de partenaire conciliant en accueillant sur son territoire les comptoirs numériques des Big Tech…..
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